En République démocratique du Congo, à l’instar d’autres pays de par le monde, chaque tribu aurait sa propre tradition de légendes effrayantes et userait de personnages fantastiques pour rappeler les tout jeunes enfants à l’ordre. Son recours à titre éducatif reste néanmoins controversé en raison de l’impact émotionnel qu’il risque d’avoir sur ces derniers.
Un personnage imaginaire, sans visage ou un fantôme enveloppé d’une grande cape ! C’est le monstre qui se cache dans les coins sombres, sous les lits ou dans les armoires, sur les toits qui est évoqué pour attaquer les enfants qui ne respectent pas l’heure du coucher. Ce personnage fantastique est avant tout là, présent en toute circonstance, pour rappeler les enfants à l’ordre. Les parents ne les invoquent le plus souvent qu’en dernier recours pour rendre leur progéniture obéissante, lorsque cette dernière n’en fait qu’à sa tête.
Dans certaines contrées, l’on évoque une sorcière ayant un lien profond et puissant avec la forêt. Elle vit dans une cabane perchée sur des cuisses de poulet géantes, chevauche un mortier volant et porte un pilon géant. Sa relation envers les humains est ambivalente, puisqu’elle peut aussi bien les dévorer que leur venir en aide.
De manière générale, le croque-mitaine (variante croquemitaine) est un personnage maléfique présenté aux gosses pour leur faire peur et ainsi les rendre plus dociles. Il sert souvent à marquer les interdits vis-à-vis de moments ou de lieux considérés comme dangereux, en particulier par rapport à la nuit. Un croque-mitaine peut se dissimuler aux abords d’un cours d’eau ou d’un étang, afin de noyer les imprudents. Dans certaines régions rigoureuses, un croque-mitaine mange le nez et les doigts de l’enfant (les parties du corps les plus exposées aux gelures). La crainte provoquée par la menace de tels personnages crée une peur qui n’a plus besoin d’être motivée.Le terme est formé de deux mots : « croque », du verbe « croquer » (mordre, manger) ou « crocher » (attraper avec un croc), et « mitaine », qui est plus difficile à interpréter. « Mitaine » pourrait dériver de mite, qui signifie « chat ». Il s’agirait donc d’un « mange-chat » dont le but serait de faire peur aux enfants. « Mitaine » désigne aussi un gant aux doigts coupés, ou, pour reprendre l’interprétation précédente, une patte de chat aux griffes rentrées. Le mot pourrait suggérer l’idée d’un mangeur de doigts, le monstre étant alors invoqué par les parents pour inciter leurs bambins à arrêter de sucer leur pouce. La mitaine, ou le gant, évoque plus simplement la main qui gifle : dans une farce, un personnage dit : Croque, croque, mon amy, croque cette mitaine !
Créature imaginaire
Les croque-mitaines existent dans l’imaginaire de toutes les contrées. Leurs noms sont extrêmement variables et, sauf quelques particularités qui permettent de les identifier, leur aspect est assez mal défini, ce qui, dans une transmission orale, permet à chacun de s’imaginer un être d’autant plus effrayant : homme, femme, animal (le chat, la souris ou encore le hibou jouent parfois le rôle de croque-mitaine), ou même une créature fantasmatique comme la came cruse (ou camo cruso, en graphie classique cama crusa « jambe crue ») en Gascogne, qui est une « jambe nue avec un œil au genou ».
Des personnes réelles et vivantes (âgées, au physique inquiétant, ou vivant en retrait de la communauté), des vieillards…, endossent souvent, volontairement ou non, la personnalité du croque-mitaine pour menacer les enfants.
À cet égard, le croque-mitaine, supposé réel pour être efficace, entre peu dans les contes de la tradition orale, qui sont en principe acceptés comme des fictions par les auditeurs, ni les légendes, considérées comme vraies mais constituées d’un récit plus ou moins précis.
Le croquemitaine se situe à la lisière, les uns (les parents) ne croyant pas à sa réalité, les autres (les enfants) étant persuadés de son existence. Le croque-mitaine est devenu de nos jours un sujet pour la littérature, la télévision, le cinéma.
Une méthode sujette à caution
Bien qu’utilisé à des fins d’éducation par la peur pour obtenir un bon comportement en société ou en famille, le croquemitaine fait souvent l’objet de critiques. S’il est vrai qu’il parvient à atteindre le résultat escompté en terrorisant la personne visée, les conséquences peuvent souvent être négatives. Le fait d’évoquer un monstre terrifiant pour inciter un enfant à bien se tenir ou le simple effet de héler les « ténèbres » ou le « chat aux dents pointues » loin d’apaiser l’enfant peut bien au contraire le traumatiser. L’obligation à le pousser à dormir le conduirait plutôt à avoir des cauchemars.
Dans ces conditions, l’issue de ce type d’éducation serait de rendre les enfants craintifs et anxieux. Brandir cet épouvantail est de ce fait souvent déconseillé en raison de ses effets déplorables sur l’incidence émotionnelle des petits. A l’ère où la psychologie a su démontrer toute son importance dans la construction des personnalités, le remplacement du croquemitaine par la communication est vivement recommandé. Il n’en reste pas moins qu’avec les années qui passent, le temps finira certainement pas faire comprendre à ceux qui en subissaient la frayeur, du caractère fantaisiste de cette créature.
Raymond OKESELEKE