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Pétition contre Kamerhe : un début de crise au sein de l’Union sacrée ?

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La récente pétition déposée par le député Willy Mishiki contre Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, pourrait plonger la République Démocratique du Congo (RDC) dans une nouvelle crise politique majeure. L’affaire, qui dépasse le simple cadre institutionnel, met en lumière des tensions profondes au sein de l’Union sacrée et suscite des interrogations sur l’avenir de la coalition au pouvoir. Heshima Magazine revient sur les faits, explore les raisons probables de cette pétition et analyse les conséquences potentielles sur la configuration politique du pays.

Retour sur les circonstances de l’élection de Kamerhe à la présidence de l’Assemblée nationale

Vital Kamerhe, l’une des figures politiques emblématiques de la RDC, a accédé à la présidence de l’Assemblée nationale dans un contexte atypique. Contrairement à la tradition politique en RDC, où le chef de l’État impose souvent ses choix à la tête des institutions, Kamerhe a été contraint de passer par des primaires internes au sein de l’Union sacrée. Ce processus l’a opposé à deux poids de la majorité présidentielle notamment Bahati Lukwebo, ancien président du Sénat, et Christophe Mboso, président sortant de l’Assemblée nationale.

Cette primaire, perçue comme une tentative de l’affaiblir, aurait été motivée par une méfiance latente au sein de l’UDPS, le parti du président Félix Tshisekedi. Des analystes avancent que cette manœuvre visait à empêcher Kamerhe d’être élu à la tête de cette institution clé afin de limiter son ascension politique. Kamerhe, considéré comme un allié stratégique, serait, une fois élu, difficilement malléable.

L’accord de Nairobi : un pacte trahi

L’histoire politique de Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe est marquée par l’accord de Nairobi signé en 2018, qui scellait leur alliance pour conquérir le pouvoir. Cet accord prévoyait un partage équilibré des responsabilités. Cependant, les termes de cet engagement n’ont jamais été pleinement respectés, Kamerhe étant progressivement écarté des grandes décisions politiques après l’élection de Tshisekedi.

Ce déséquilibre alimente aujourd’hui une rivalité sous-jacente, exacerbée par la question de la réforme constitutionnelle proposée par l’UDPS. Cette réforme, qui remettrait à zéro les mandats présidentiels, pourrait permettre à Félix Tshisekedi de briguer un troisième mandat en 2028. Kamerhe, qui ne s’est pas encore prononcé sur cette réforme, est perçu comme un obstacle potentiel, notamment en raison de ses ambitions présidentielles pour 2028.

La pétition de Mishiki : un acte isolé ou une stratégie orchestrée ?

Le dépôt de la pétition par Willy Mishiki soulève des interrogations sur ses motivations réelles. Mishiki, connu pour ses positions alignées sur l’UDPS, a par le passé contesté l’élection de Kamerhe à la présidence de l’Assemblée nationale. Cette démarche est-elle une initiative individuelle ou s’inscrit-elle dans une stratégie politique plus large orchestrée par des forces hostiles à Kamerhe ?

Un élément crucial est que si cette pétition est inscrite à l’ordre du jour, Kamerhe sera contraint de se dessaisir de la présidence de la plénière au profit de son premier vice-président, Jean-Claude Tshilumbayi, membre de l’UDPS. Ce transfert de pouvoir, même temporaire, pourrait être utilisé pour affaiblir Kamerhe et réduire son influence au sein de l’hémicycle.

Les tensions internes à l’Union sacrée

L’Union sacrée, coalition hétéroclite réunissant plusieurs plateformes politiques, est depuis longtemps minée par des rivalités internes. Les récents échanges tendus entre Kamerhe et des députés de l’UDPS, notamment l’honorable Daniel Aselo, témoignent d’une méfiance croissante.

La motion de défiance contre Alexis Gisaro, ministre des Infrastructures et membre de l’UDPS, a exacerbé ces tensions. Bien que Kamerhe nie être derrière cette motion, sa position en tant que président de l’Assemblée nationale le place au centre de la controverse. Certains soupçonnent que cette pétition vise à l’écarter pour empêcher l’adoption de la motion contre Gisaro.

Scénarios possibles en cas de destitution de Kamerhe

Une destitution de Vital Kamerhe entraînerait des répercussions politiques significatives. Le Pacte pour un Congo Retrouvé (PCR), dirigé par Kamerhe et composé d’environ 231 élus, incluant des députés nationaux et provinciaux, est une force parlementaire majeure. Un retrait de ce regroupement de la coalition priverait l’Union sacrée de sa majorité à l’Assemblée nationale, fragilisant ainsi le gouvernement de Félix Tshisekedi. Cela compliquerait sérieusement des projets majeurs tels que l’adoption de la réforme constitutionnelle envisagée.

Cela explique pourquoi toute tentative de déstabilisation à l’encontre de Vital Kamerhe, comme la récente pétition déposée contre lui, pourrait entraîner une reconfiguration majeure des forces au sein de l’Union sacrée. La présence du PCR dans le processus décisionnel en fait un pivot stratégique pour Tshisekedi, mais également un point de fragilité en cas de divergence.

Si la pétition aboutissait à l’éviction de Kamerhe de la présidence de l’Assemblée nationale, cela pourrait provoquer une série de répercussions, notamment le retrait potentiel du PCR de l’Union sacrée. Cela ouvrirait la voie à une reconfiguration politique qui pourrait inclure des alliances stratégiques entre Kamerhe et d’autres figures influentes du présidium de l’Union sacrée, comme Modeste Bahati Lukwebo, leader de l’AFDC-A, composé de 35 députés nationaux, qui partage également une position ambiguë vis-à-vis du projet de réforme constitutionnelle. Ces deux leaders, originaires du Sud-Kivu, constituent une force électorale et parlementaire majeure dans l’Est de la RDC.

Du côté de l’opposition, le FCC et Lamuka pourraient tirer parti de ces divisions au sein de la majorité présidentielle pour consolider leurs positions face à un Tshisekedi affaibli. Une destitution de Kamerhe pourrait aussi signaler une réorientation de sa trajectoire politique, renforçant son image en tant qu’opposant crédible et potentiel candidat à la présidentielle de 2028, fort de son expérience et de son ancrage électoral.

Une crise aux multiples ramifications

La pétition contre Vital Kamerhe ne se limite pas à un simple conflit parlementaire. Elle reflète des tensions structurelles au sein de l’Union sacrée et pourrait marquer un tournant décisif pour la coalition au pouvoir. Si Kamerhe venait à être destitué, les répercussions politiques seraient profondes, allant d’une fragilisation de la majorité parlementaire à une reconfiguration des alliances en vue des élections générales de 2028.

Dans ce contexte, la gestion de cette crise par Félix Tshisekedi sera déterminante pour l’avenir de son mandat et celui de l’Union sacrée. Les choix stratégiques des acteurs clés, notamment Bahati Lukwebo et les leaders du PCR, seront également cruciaux pour définir l’avenir politique de la RDC.

Heshima

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