Des footballeurs d’origine congolaise se mobilisent contre l’agression rwandaise en République démocratique du Congo (RDC). Cet élan de solidarité n’est pas le premier dans le monde sportif. En Côte d’Ivoire ou au Libéria, un tel engagement des joueurs a, par le passé, amené des politiciens à se réconcilier.
Cedric Bakambu, Yousouf Mulumbu ou encore d’autres joueurs d’origine congolaise tels que Presnel Kimpembe et Randal Kolo Muani sont tous vent debout. Ils s’opposent à l’agression rwandaise, qui a causé plusieurs milliers de morts depuis novembre 2021, dont plus de 3000 décès rien que dans la ville de Goma, dans l’Est de la RDC. Parmi ces joueurs, ceux qui sont issus du centre de formation de Paris Saint-Germain (PSG) essaient de convaincre ce club de renoncer à son partenariat avec le Rwanda. Il s’agit des deux internationaux français Randal Kolo Muani et Presnel Kimpembe, et de l’ancien international congolais, Youssouf Mulumbu.
Tout est parti d’une pétition lancée par des fans du PSG qui demandent à leur club de mettre fin au partenariat « Visit Rwanda », un contrat qui engage l’équipe parisienne à promouvoir le tourisme dans ce pays d’Afrique de l’Est. Mais depuis plus d’une année, ce pays est accusé de soutenir une rébellion et d’envoyer des troupes qui violent l’intégrité territoriale de la RDC. « Aujourd’hui, le Rwanda fait preuve d’ingérence et de soutien à des rebelles qui ôtent la vie des Congolais et sèment la terreur. Donc, ça ne colle vraiment pas avec le sport. Ça ne colle pas avec l’image du PSG. Que ce soit le PSG ou Arsenal, je ne pense pas que ça colle avec leur image. », a déclaré l’ancien capitaine des Léopards, Youssouf Mulumbu.
Mulumbu, formé au PSG et qui a fait 22 apparitions en équipe première avant de partir en Angleterre en 2009, où il s’est engagé avec West Brom, compte rencontrer le patron de son club formateur, le Qatari Nasser Al-Khelaïfi. « Ils m’ont enseigné la valeur du sport, l’unité et l’éthique », a fait savoir ce médaillé de bronze avec les Léopards en 2015, comme pour confronter le club avec sa notion d’éthique par rapport à ce partenariat avec un pays agresseur. Ces joueurs, qui se mobilisent, peuvent bouger les lignes auprès des partenaires sportifs du Rwanda.
Le club allemand Bayern Munich, avec son entraineur Belge d’origine congolaise Vincent Kompany, a indiqué suivre la situation de près. L’entraineur du Bayern Munich, également en partenariat avec le Rwanda, affirme avoir dépêché une délégation à Kigali pour essayer de clarifier les choses. Dans ce genre de situation de crise politico-militaire, l’aura des sportifs n’est pas à négliger. Plusieurs sportifs ont influencé positivement l’issue des crises politiques en Afrique.
La crise ivoirienne et l’influence du sport
De 2002 à 2011, la Côte d’Ivoire a connu une grave crise politico-militaire. En septembre 2002, un coup d’État manqué s’est transformé en rébellion armée. La Côte d’Ivoire est alors coupée en deux. Le pays est occupé au nord par les Forces nouvelles (FN), une rébellion dirigée par Guillaume Soro, et au sud, la zone était dirigée par le gouvernement de Laurent Gbagbo. Les forces onusiennes de l’ONUCI s’interposaient au centre du pays pour empêcher tout affrontement entre les deux blocs. Cela a conduit à une division de fait du pays. Mais dans cette Côte d’Ivoire très divisée, le sport a réussi là où la politique a échoué. Didier Drogba, alors capitaine des Eléphants, a joué un rôle prépondérant pour rapprocher les belligérants et faire baisser les tensions. Le 30 juin 2007, ce célèbre footballeur s’est rendu à Bouaké, fief de l’ex rébellion, pour présenter son trophée de meilleur joueur africain qu’il venait de décrocher à Accra. L’homme va plaider auprès de Laurent Gbagbo, le chef d’État d’alors, pour faire jouer la rencontre Côte d’Ivoire vs Madagascar du 3 juin 2007 dans la zone occupée par les rebelles pour recréer l’unité du pays. Plusieurs fois, dans des messages, les Eléphants ont appelé à l’unité du pays et à la cessation des hostilités entre les deux camps. Cette influence du sport avait fini par donner des résultats. Guillaume Soro et Laurent Gbagbo s’étaient réconciliés.
George Weah, un acteur de paix pour le Liberia
Déchiré par la guerre civile sous le régime de Samuel Doe et même plus tard, le Libéria respire depuis quelques années un air de paix. Les artisans de cette stabilité ne se comptent pas uniquement parmi les politiques, des sportifs aussi. George Weah en est le plus grand de ces sportifs libériens. Au sommet de sa carrière de footballeur, l’unique Ballon d’or africain était très écouté dans son pays. « J’ai toujours fait de la politique à travers les missions qui m’étaient confiées quand j’étais footballeur, notamment comme ambassadeur de la paix de l’Unicef », avait-il rappelé en 2017. Celui qui deviendra plus tard président du Liberia ne cessait de conscientiser son peuple sur la nécessité de préserver la paix chèrement acquise.
L’équipe sud-africaine de rugby, symbole de réconciliation
Un autre exemple des sportifs engagés, ce sont les Springboks, le nom de l’équipe sud-africaine de rugby. Symbole de discrimination, car composée uniquement des joueurs blancs avant la fin de l’apartheid, les Springboks étaient devenus le symbole de la réconciliation entre les peuples d’Afrique du Sud. Au lendemain des premières élections démocratiques sud-africaines remportées en 1994 par Nelson Mandela, la victoire des Springboks lors de la Coupe du monde de rugby de juin 1995, en Afrique du Sud, a fait figure de symbole de réconciliation. Dans un pays longtemps meurtri par les lois discriminatoires de l’apartheid, la Nation arc-en-ciel a vu son équipe désormais composée de sportifs de diverses origines. Les Blancs se sont davantage rapprochés des Noirs grâce à la force du sport.
Heshima