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Accord sur les minerais entre RDC-USA : l’ultime carte pour mettre fin à 30 ans de guerre ?

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En février, l’Africa-USA Business Council, un groupe de pression, a écrit au secrétaire d’État américain Marco Rubio au nom d’un sénateur congolais. Ce think tank évoque un possible accord qui inclurait un « partenariat économique et militaire » entre Washington et Kinshasa. Depuis, des discussions semblent faire du chemin. Si un tel accord est signé, la République Démocratique du Congo (RDC) pourrait-elle enfin respirer un nouvel air de sécurité dans l’Est du pays ? C’est visiblement ce qu’espère le gouvernement congolais. Dans le cadre de cet éventuel deal, Donald Trump a dépêché un émissaire ce week-end auprès de Félix Tshisekedi.


Le chef de l’État congolais a échangé, dimanche 16 mars 2025 à Kinshasa, avec M. Ronny Jackson, envoyé spécial du président des États-Unis Donald Trump et membre du Congrès américain. La rencontre a eu lieu à la Cité de l’Union africaine, dans la commune de Ngaliema. Au menu de leurs échanges : la crise sécuritaire et humanitaire qui prévaut dans l’Est de la RDC, marquée par la présence des troupes rwandaises qui appuient les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Selon la Présidence congolaise, l’émissaire américain a insisté sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la RDC. « Nous allons travailler pour que tous les obstacles qui s’érigent sur le chemin de la paix soient ôtés afin que la paix revienne en RDC », a déclaré M. Ronny Jackson.

Kinshasa, qui compte conclure un accord sur les minerais stratégiques avec Washington, attend des États-Unis un investissement dans le secteur de la sécurité afin de rompre le cycle de 30 ans d’instabilité et d’agression répétée par le Rwanda et l’Ouganda dans l’Est du pays. « Nous voulons travailler pour que les entreprises américaines puissent venir investir et travailler en RDC. Et pour cela, nous devons nous rassurer qu’il y a un environnement de paix », a ajouté M. Ronny Jackson.

Kinshasa veut rompre un cycle de 30 ans de violence

La RDC semble se tourner vers les États-Unis dans ses derniers efforts pour trouver un allié dans sa lutte contre l’avancée des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) appuyés par l’armée rwandaise. Mais Kinshasa ne voit pas seulement la crise sécuritaire actuelle. Le gouvernement congolais veut trouver un accord sur l’accès des Américains à certains minerais critiques qui lui permettra d’obtenir en échange un partenariat sécuritaire capable d’aider à stabiliser l’est du pays. S’inspirant de l’intérêt manifesté par Washington pour les minerais de l’Ukraine, la RDC, riche en ressources, espère conclure son propre accord avec le pays de l’Oncle Sam.

Déjà sous l’administration Biden, les Américains ont démontré qu’ils ne veulent plus laisser les Chinois seuls dans la course aux minerais stratégiques en RDC. Et Washington ne cache plus son appétit. « Les minerais essentiels dont notre monde a besoin pour les véhicules électriques et les semi-conducteurs peuvent être trouvés ici », avait déclaré Joe Biden en justifiant sa visite, le 4 décembre 2024, en Angola. Pris de vitesse par Pékin, Washington veut frapper un grand coup pour tenter de rattraper son retard dans l’exploitation de ces minerais, essentiels notamment pour les batteries des voitures électriques.

Quelle pourra être la nature du deal ?

D’après certaines fuites obtenues par la presse, il s’agit d’un accès des États-Unis aux minerais stratégiques de la RDC qui portera essentiellement sur l’octroi aux entreprises américaines de droits d’extraction et d’exportation afin de sécuriser une chaîne d’approvisionnement stable et directe pour les secteurs de la défense et de la technologie. Kinshasa propose également d’accorder aux entreprises américaines le contrôle opérationnel du port en eaux profondes de Banana, garantissant une supervision américaine de cet important hub d’exportation des minéraux africains.
Le gouvernement congolais se dit également prêt à collaborer avec les États-Unis pour développer un stock stratégique de minéraux congolais, renforçant ainsi la résilience économique et sécuritaire des États-Unis. En contrepartie, la RDC compte obtenir un renforcement de la coopération militaire avec les États-Unis, notamment la formation et l’équipement des FARDC « pour protéger les routes d’approvisionnement en minéraux contre les groupes armés soutenus par des puissances étrangères ».
Toujours dans le cadre de ce deal, le gouvernement congolais envisage de remplacer « les opérations inefficaces de maintien de la paix de l’ONU » par une coopération sécuritaire directe avec les États-Unis.

Intérêt américain

L’échange de minerais contre la sécurité entre la RDC et les États-Unis soulève des questions géopolitiques et économiques non moins complexes. La RDC est l’un des plus grands producteurs mondiaux de ressources minières, notamment de minerais essentiels comme le cobalt, le cuivre, le coltan et le lithium, qui sont cruciaux pour les technologies modernes, y compris les batteries pour les véhicules électriques, les téléphones mobiles et autres appareils électroniques.

D’un côté, les États-Unis ont un intérêt stratégique dans la sécurisation de l’approvisionnement en minerais rares, étant donné leur rôle majeur dans l’industrie technologique mondiale. Les États-Unis cherchent à diversifier leurs sources d’approvisionnement en minerais rares pour réduire leur dépendance vis-à-vis de la Chine, qui domine la chaîne d’approvisionnement mondiale pour ces minerais. La nature du deal consisterait donc à fournir un accès privilégié à certains minerais critiques et, en échange, Washington pourrait éventuellement proposer un apport sécuritaire en termes de formation militaire et d’équipements militaires adaptés dans le contexte de la RDC.

Accès aux marchés et à la technologie

Les États-Unis sont l’une des plus grandes économies du monde et possèdent des entreprises technologiques avancées. En établissant des partenariats, la RDC pourrait avoir un meilleur accès aux marchés mondiaux pour ses minerais, en particulier les métaux rares comme le cobalt et le cuivre, qui sont essentiels pour des industries telles que les batteries électriques, les technologies de communication et l’énergie renouvelable. Ce partenariat pourrait permettre à la RDC de bénéficier d’un transfert technologique, avec la possibilité d’améliorer la chaîne de valeur des minerais sur place. Un tel accord pourrait inclure des investissements dans les infrastructures de la RDC, comme les routes, les chemins de fer et les ports, afin de faciliter l’extraction, le transport et l’exportation des minerais. C’est d’ailleurs sur ce volet des infrastructures que l’ancien président américain Joe Biden a visité l’Angola dans le cadre du corridor de Lobito qui partira du port de Lobito en Angola jusqu’en RDC. Cela pourrait améliorer la compétitivité du secteur minier congolais tout en stimulant la croissance économique.

L’opposition boude…

Ce deal, qui pourrait stopper une insécurité qui dure depuis 30 ans, dérange l’opposition. Celle-ci voit dans ce possible accord une volonté de Félix Tshisekedi de brader les minerais du pays pour sauver son pouvoir. Pour Olivier Kamitatu, cadre de Ensemble pour la République et porte-parole de l’opposant Moïse Katumbi, cette proposition n’est rien d’autre qu’une escroquerie. « Les tentatives de s’attirer les faveurs de Donald Trump en échangeant des terres rares et des minéraux stratégiques contre la protection d’une kleptocratie clanique ne trompent personne. Les observateurs informés savent bien que les mines du Katanga sont en grande partie aux mains des Chinois ou d’étrangers », a-t-il écrit sur son compte X.

Ultime recours contre une instabilité chronique

Les minerais, notamment le coltan, le tungstène et l’étain, sont une source importante de financement pour les groupes armés qui opèrent dans l’est de la RDC. Ces groupes contrôlent souvent les zones minières et extorquent des revenus pour financer leurs activités militaires. Un accord visant à améliorer la traçabilité et la gestion des ressources minières pourrait réduire cette source de financement, affaiblissant ainsi les groupes armés et contribuant à la paix. Un tel accord pourrait encourager les États-Unis et d’autres partenaires internationaux à soutenir des initiatives de gouvernance plus transparente dans les zones minières, en améliorant la gestion des ressources et en réduisant la corruption. Une meilleure gestion des revenus issus des minerais pourrait permettre des investissements dans les infrastructures locales, créant ainsi un environnement plus stable et propice à la paix.

Si les États-Unis s’engagent à soutenir un commerce équitable et durable des minerais congolais, cela pourrait renforcer les liens économiques entre les deux pays. Cette collaboration pourrait offrir une alternative plus sûre et plus transparente aux chaînes d’approvisionnement informelles souvent exploitées par des groupes armés. Les populations locales pourraient bénéficier d’emplois réguliers et d’une plus grande sécurité économique, ce qui limiterait le soutien aux groupes armés.

Heshima

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