Nation

Conflit RDC-Rwanda : Faure Gnassingbé et sa délicate mission de médiation

Published

on

Sauf changement, le président togolais, Faure Gnassingbé, doit arriver en République démocratique du Congo (RDC) cette semaine. Cette visite s’inscrit dans le cadre de ses premiers contacts dans sa casquette de nouveau médiateur dans la crise sécuritaire qui secoue l’Est congolais. Mais le successeur du président angolais João Lourenço n’a peu de marge de manœuvre dans cette délicate mission où le Qatar semble voler la vedette aux initiatives africaines. Ce médiateur aura-t-il la pleine confiance des parties au conflit ? Analyse.

Depuis le week-end dernier, Faure Gnassingbé a pris officiellement la tête de la médiation entre la RDC et le Rwanda. Une décision annoncée le 5 avril 2025 par João Lourenço, président angolais et président en exercice de l’Union africaine (UA), lors d’une réunion virtuelle du bureau de l’organisation. L’Angolais João Lourenço, qui occupait cette fonction depuis deux ans, s’est retiré après avoir pris les commandes de l’Union africaine. La grande question qui se pose reste celle de savoir si le Togolais aura les coudées franches pour départager Kinshasa et Kigali dans ce conflit trentenaire.

Dans l’angle des diplomates, Faure Gnassingbé est perçu comme une personnalité consensuelle, non directement impliquée dans la crise et dont le pays n’est membre d’aucune organisation régionale touchée par ce conflit.

Certains observateurs présentent le président togolais comme un habitué du palais présidentiel de Kigali. D’autres, par contre, vantent ses liens avec Félix Tshisekedi. À Kinshasa, sa désignation a été accueillie sans un grand enthousiasme. « Ce qui compte aujourd’hui, c’est de pouvoir parler avec le Rwanda, un État qui a agressé notre pays. Il faut absolument un facilitateur. Est-ce que Faure Gnassingbé est le bon ? Est-il pertinent ? Notre chef de l’État en jugera et nous tiendra informés. », a estimé Lambert Mende, membre de l’Union sacrée, la plateforme au pouvoir en RDC.

Au sein de l’opposition congolaise, les avis sont partagés. Certains perçoivent cette initiative de l’Union africaine comme étant concurrente à d’autres initiatives régionales ou internationales. « Je salue toutes les initiatives de paix. Mais aujourd’hui, elles sont dispersées, parallèles, parfois concurrentes et simultanées. Leur juxtaposition crée de la confusion et nous éloigne chaque jour de la solution que notre peuple attend. Il faut vite ramener de la clarté et une meilleure coordination. », a réagi André Claudel Lubaya, opposant en exil.

La désignation du Togolais a créé une controverse notamment chez un mouvement de la diaspora togolaise basé en France, « Freedom Togo ». Pour cette organisation, la nomination du président togolais est une insulte aux idéaux panafricains. Il est accusé de dérives autoritaires depuis son arrivée au pouvoir en 2005. Cette organisation estime qu’on ne peut pas confier une mission de paix à un dirigeant qui réprime l’opposition dans son propre pays, muselle les médias et se positionne comme proche de Paul Kagame, l’une des parties au conflit.

Doha prend de l’avance

Pendant que les organisations régionales comme la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) traînent encore les pieds, le Qatar a réussi à réunir les deux dirigeants en conflit : Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Doha a pris de l’avance en démarrant un dialogue direct entre Kinshasa et les rebelles du Mouvement du 23 mars (AFC/M23). Pendant ce temps, des initiatives parallèles sont prises à Dar Es Salam ou à Addis-Abeba. Lors d’un sommet virtuel, les dirigeants de deux organisations sous-régionales ont décidé d’élargir le cadre de la médiation en désignant de nouvelles personnalités pour épauler la médiation des anciens présidents Olusegun Obasanjo (Nigeria) et Uhuru Kenyatta (Kenya). Ce qui crée un panel de cinq facilitateurs. Parmi eux, l’ancienne présidente de transition centrafricaine, Catherine Samba Panza, ne s’est jamais déplacée depuis sa désignation.

À côté de cette initiative régionale, se juxtapose celle de l’Afrique avec le Togolais Faure Gnassingbé. Ce qui démontre la délicatesse de sa mission pendant que personne ne sait quelle initiative réussira à réunir les protagonistes autour de la table. Pour l’instant, seul le Qatar a marqué les pas, contrastant avec la politique africaine qui veut que les problèmes africains trouvent des solutions africaines.

Heshima

Trending

Quitter la version mobile