Les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), affiliés à l’Alliance Fleuve Congo (AFC), ont mis fin, le 22 avril 2025, à leur participation aux discussions directes avec le gouvernement congolais au Qatar. Il y a eu plusieurs points de désaccord, notamment les éléments à inscrire dans le communiqué conjoint sanctionnant ce premier round des pourparlers. Une impasse qui risque de relancer les hostilités sur le terrain. Cinq jours avant l’arrêt de ces discussions, soit le 17 avril 2025, Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour l’Afrique, a lancé un appel ferme au Rwanda, exhortant Kigali à mettre fin à tout soutien militaire à ce groupe rebelle et à retirer immédiatement ses troupes de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC).
Conduite par son coordonnateur adjoint, Bertrand Bisimwa, la délégation de l’AFC-M23 a claqué la porte à Doha pour retourner à Goma, siège de leur rébellion. Après près de 3 semaines d’échanges, la délégation de Kinshasa et celle de l’AFC-M23 n’ont pas réussi à trouver un compromis. Des préalables fixés de part et d’autre n’ont pas permis de conclure ce premier round par un communiqué conjoint pouvant jeter les bases d’une prochaine rencontre pour entamer les discussions de fond. L’AFC-M23 refuse de voir le nom de Paul Kagame être mentionné dans le communiqué conjoint.
Selon des sources de Radio Okapi, les représentants du gouvernement congolais auraient insisté pour que le communiqué de Doha mentionne explicitement qu’il faisait suite à la rencontre entre les présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Mais l’AFC-M23 aurait rejeté cette requête, estimant que le différend entre Kinshasa et Kigali ne les concernait pas, la rébellion ayant ses propres revendications et motivations. D’après certains observateurs, cette exigence de Kinshasa viserait à cristalliser les liens qui existent déjà entre Kigali et cette rébellion. « Kinshasa veut garder des traces écrites au sujet de ces liens entre Paul Kagame et les rebelles de l’AFC-M23 », estime un analyste qui fait remarquer que cela pourrait aider à des actions futures.
L’AFC-M23 a aussi rejeté l’idée d’encourager les groupes armés à déposer les armes comme l’aurait souhaité la délégation de Kinshasa. De son côté, la délégation de Bertrand Bisimwa voudrait aussi que le gouvernement accède à leur demande de libérer les prisonniers soupçonnés d’appartenir à cette rébellion. Par ailleurs, l’AFC-M23 aurait également exigé le retrait des militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de leurs partenaires, les combattants Wazalendo, de Walikale, un territoire réoccupé par l’armée après le retrait des rebelles sous pression de Washington.
Washington maintient la pression sur Kigali
Le 17 avril 2025, Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour l’Afrique, a lancé un appel ferme au Rwanda, exhortant Kigali à mettre fin à tout soutien militaire au groupe rebelle M23 et à retirer immédiatement ses troupes de l’Est de la RDC. Cette déclaration, prononcée lors d’un point de presse numérique depuis Washington, marque un tournant dans la position des États-Unis face à la crise qui ravage l’Est congolais depuis des décennies.
L’Est de la RDC, région riche en minerais stratégiques comme l’or, l’étain et le coltan, est en proie à des violences incessantes depuis plus de trente ans. Le M23, un groupe armé soutenu par le Rwanda, a intensifié ses opérations depuis novembre 2021, s’emparant notamment des villes de Goma (janvier 2025) et Bukavu (février 2025), chefs-lieux respectives des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Ces offensives ont causé des milliers de morts et forcé des centaines de millions de personnes à fuir leurs foyers, aggravant une crise humanitaire déjà chronique.
Le Rwanda est accusé par la communauté internationale et des experts des Nations unies de déployer environ 4 000 soldats pour appuyer le M23. Kigali justifie ses actions par des préoccupations sécuritaires, notamment la menace posée par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé fondé par d’anciens Hutus impliqués dans le génocide de 1994, bien que son influence ait diminué.
Une position américaine plus affirmée
Lors de son intervention, Massad Boulos a réitéré la position des États-Unis : « Le M23 doit déposer les armes, et le Rwanda doit cesser tout soutien militaire à ce groupe tout en retirant ses troupes du territoire congolais. » Cette prise de position, appuyée par Corina Sanders, sous-secrétaire adjointe aux affaires africaines, contraste avec la retenue dont Washington avait fait preuve par le passé. En effet, le 8 avril à Kigali, Boulos avait évité de commenter directement le rôle du Rwanda, déclarant que les États-Unis « n’étaient pas impliqués dans ces détails ».
Ce changement de ton intervient après une série de rencontres diplomatiques avec les présidents congolais Félix Tshisekedi et rwandais Paul Kagame. Boulos a indiqué avoir abordé la question des FDLR avec Kagame, reconnaissant qu’il s’agit d’un « élément clé » pour Kigali. Toutefois, il a insisté sur la nécessité de mettre fin à un conflit qui « dure depuis trop longtemps » et d’utiliser « tous les moyens économiques et diplomatiques » pour promouvoir la paix.
Réactions et implications
La déclaration de Boulos a été largement relayée et saluée en RDC. Sur X (anciennement Twitter), plusieurs utilisateurs, dont le compte du site Média Congo @mediacongo et @cpgrdc, ont souligné la fermeté de la position américaine, y voyant un signal fort adressé à Kigali. Certains, comme @BadibangaTreso6, ont même évoqué des risques de sanctions contre le Rwanda si ce dernier ne se conforme pas aux exigences de Washington.
Cependant, les appels de la communauté internationale, y compris ceux des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Union africaine, n’ont jusqu’à présent pas réussi à infléchir la position du Rwanda. Des tentatives de médiation, comme celle menée par l’Angola et le Kenya, ont échoué, le M23 poursuivant ses offensives. L’initiative surprise du Qatar en mars 2025 quant à elle a permis une rencontre en tête-à-tête entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Doha a même démarré des discussions directes entre les délégations du M23 et de Kinshasa, avant que celles-ci ne tournent court le 22 avril.
Sanctions et pressions internationales
Washington a déjà pris des mesures contre les acteurs impliqués dans le conflit. En février 2025, les États-Unis ont imposé des sanctions financières contre James Kabarebe, ministre rwandais de l’intégration régionale, accusé d’« orchestrer le soutien » de l’armée rwandaise au M23. L’Union européenne a également sanctionné des chefs militaires rwandais et des dirigeants du M23 en mars, des mesures limitées qui, bien que saluées, n’ont pas encore freiné l’avancée du M23, qui continue de consolider son emprise sur les territoires conquis, mettant en place une administration parallèle. L’ONU, par la voix de son envoyé spécial Huang Xia, a récemment averti que le risque d’un « embrasement régional » était plus réel que jamais, une crainte partagée par de nombreux observateurs.
Vers une solution diplomatique ?
Malgré les échecs répétés des initiatives de paix, Massad Boulos a réaffirmé l’engagement des États-Unis à soutenir une solution diplomatique. Washington travaille en étroite collaboration avec la RDC pour renforcer les efforts de paix, comme en témoigne l’accord de partenariat stratégique évoqué lors des discussions entre Tshisekedi et l’administration américaine. Cet accord, qui inclut des volets économiques et sécuritaires, vise à stabiliser l’Est congolais tout en contrant l’influence rwandaise.
Le président togolais Faure Gnassingbé, nommé médiateur de l’Union africaine en avril 2025, pourrait également jouer un rôle clé, bien que l’UA soit critiquée pour son refus de désigner explicitement le Rwanda comme soutien du M23.
Entre pression internationale et immobilisme régional
L’appel de Massad Boulos reflète une volonté accrue des États-Unis de s’impliquer pleinement dans la résolution du conflit en RDC, mais son impact reste incertain face à l’intransigeance du Rwanda et à la complexité des dynamiques régionales. Alors que la crise humanitaire s’aggrave, avec des millions de déplacés et des violations massives des droits humains, la pression internationale sur Kigali devra s’accompagner de mesures concrètes pour espérer ramener la paix dans l’est de la RDC.
Heshima Magazine