Après la « déclaration de principes » signée le 25 avril 2025, à Washington, entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, les réactions ne sont pas toujours positives au pays de Lumumba. Une partie de l’opposition craint une cogestion des richesses congolaises avec le Rwanda sous l’égide des Américains. Certains n’hésitent pas à rappeler la position de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, sur le partage des richesses de la RDC avec le Rwanda.
La « déclaration de principes » signée par les deux ministres des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner de la RDC et Olivier Nduhungirehe du Rwanda, contient un certain nombre de points qui donnent un aperçu sur ce que pourrait être le futur accord de paix dont l’ébauche est attendue avant le 2 mai. Dans la déclaration, il est précisé que les participants (RDC et Rwanda) reconnaissent mutuellement leur souveraineté et leur intégrité territoriale respectives et s’engagent à trouver une solution pacifique à leurs différends, fondée sur la diplomatie et la négociation, plutôt que sur la force hostile. Cette déclaration pose également les bases en reconnaissant les frontières territoriales établies et s’engagent à s’abstenir de tout acte ou discours menaçant ou remettant en question leur validité. Mais la plus grande inquiétude des Congolais se situe au niveau des engagements économiques.
Crainte d’une cogestion des richesses
Les deux pays conviennent de promouvoir l’intégration économique régionale notamment dans la gestion des parcs, des ressources minérales et dans le secteur de l’hydroélectricité. C’est ce volet économique qui fait craindre une cogestion des richesses congolaises avec le Rwanda. Ce qui fait bondir Prince Epenge, porte-parole de la coalition LAMUKA de l’opposant Martin Fayulu. « L’histoire retiendra que, pour survivre politiquement, Félix Tshisekedi a accepté d’hypothéquer les minerais, les parcs, les lacs, les gaz, l’or et les terres du Congo, tout cela en 6 ans d’un pouvoir mal acquis. », a-t-il dénoncé. Cet opposant s’est dit favorable au dialogue pour la paix avec le Rwanda mais s’oppose à « la cogestion du Congo ». Pour lui, Kagame a obtenu dans la « déclaration de principes » de Washington ce qu’il n’a pas pu obtenir par les armes au front. « Toutes les sociétés américaines qui viendront, s’installeront au Rwanda, où elles vont créer des emplois, et la RDC deviendra un gros trou d’où l’on extraira les matières premières ! Le peuple doit se lever, car le Congo, terre d’avenir, est menacé », a-t-il lancé.
Pessimisme sur une stabilité pérenne
D’autres Congolais perçoivent dans cet accord de paix en gestation les germes d’une instabilité future. « La signature de cet accord de principes semble plutôt susciter des inquiétudes qu’elle ne rassure quant à l’éventualité d’une paix durable. », a analysé le Professeur Martin Ziakwau, chercheur sur les dynamiques sécuritaires dans l’Est de la RDC. Pour ce professeur à l’Institut facultaire des sciences de l’information et de la communication (IFASIC), les bases sur lesquelles repose cet accord ne seraient pas établies de manière à garantir une stabilité pérenne, comme l’aspire le gouvernement congolais. Il en veut pour preuve l’insertion du Rwanda dans l’accord économique entre la RDC et Washington. « Il apparaît, en effet, que les USA retourneraient contre la RDC la proposition de compromis sur les minerais que le gouvernement congolais leur a soumise. Ce, en ouvrant une fenêtre propice à des avantages pour le Rwanda, pays agresseur, qui, du reste, n’a pas été sanctionné, ayant une longueur d’avance en matière notamment de sécurité juridique des investissements étrangers et de lutte contre la corruption pour capter plus d’investissements américains dans le cadre de cet accord. », explique ce professeur.
Un débat au Parlement souhaité
Pour préserver la souveraineté économique du pays, Martin Ziakwau recommande un débat au parlement en vue d’examiner attentivement les subtilités de cet accord pour réduire le risque d’une paix illusoire. « Il est prudent que le gouvernement congolais intègre, dans l’accord en gestation, une clause stipulant la nécessité de ratification, afin de favoriser un débat au sein du Parlement. Une telle démarche garantirait non seulement la transparence, mais aussi l’implication des représentants du peuple dans un processus décisionnel crucial pour l’avenir du pays », a-t-il suggéré.
De son côté, le prix Nobel de la paix 2018, Denis Mukwege, a exprimé des inquiétudes quant à un accord qui pourrait privilégier des intérêts économiques étrangers plutôt que la paix. Il exige la transparence dans les processus de Doha et la facilitation américaine en cours pour éviter les manœuvres « dictées par des intérêts économiques et financiers étrangers » en RDC.
Washington veut des résultats gagnant-gagnant
Le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, qui a parrainé la signature de la déclaration de principes entre la RDC et le Rwanda, évoque des « engagements sérieux » pris par les deux pays. Washington affirme vouloir accompagner ce processus et renforcer ses partenariats avec les deux pays. « Ce sont des engagements sérieux de part et d’autre », a déclaré Marco Rubio, soulignant que les États-Unis souhaitent « favoriser des résultats gagnant-gagnant pour tous ». Le président américain Donald Trump a revendiqué, le 25 avril, sur les réseaux sociaux, son implication dans les récentes avancées diplomatiques entre la RDC et le Rwanda. Trump a salué une étape majeure dans la quête de la paix dans la région, affirmant y avoir contribué activement. « De grandes nouvelles nous parviennent d’Afrique, où je suis également impliqué dans la résolution de guerres et de conflits violents », a-t-il écrit dans un message publié sur sa plateforme Truth Social. Malgré ces assurances, une partie de l’opposition congolaise craint la perte partielle de la souveraineté économique du pays sur ses minerais, parcs nationaux, gaz et lacs. Une inquiétude que le gouvernement devrait prendre en compte dans la finalisation de l’accord de paix en cours d’élaboration avant le 2 mai.
Heshima