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RDC : Vers une trilogie Doha-Washington-Kinshasa incluant Joseph Kabila

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Le processus de paix en République démocratique du Congo (RDC) fait du chemin. Après les avancées enregistrées à Doha, au Qatar, puis à Washington (Etats-Unis), le président Félix Tshisekedi reçoit une pression politique aussi bien interne qu’externe pour ouvrir un dialogue national avec une possible implication de son prédécesseur, Joseph Kabila. Ce qui pourrait ouvrir la voie à la cohésion nationale et à une paix globale dans le pays.

Le 5 mai 2025, les États-Unis ont confirmé avoir reçu un projet d’accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Le Conseiller principal pour l’Afrique au Département d’État américain, Massad Boulos, a salué ce projet qui, selon lui, est une « étape importante vers le respect des engagements pris dans la Déclaration de principes » signée le 25 avril à Washington entre Kinshasa et Kigali, en présence du secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio. Pendant ce temps à Doha, où se déroulent les discussions directes entre l’Alliance Fleuve Congo (AFC), vitrine politique de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) et le gouvernement congolais, les négociations  ont repris cette semaine. Les deux délégations séjournent dans la capitale qatarie pour faire avancer les négociations.      

Des appels au dialogue entre Tshisekedi et Kabila

La crise sécuritaire qui dure depuis 30 ans dans l’Est de la RDC ne saurait être résolue à moitié. Si Félix Tshisekedi a fait des concessions en acceptant de dialoguer avec les rebelles de l’AFC/M23 à Doha puis avec le Rwanda à Washington, un troisième dialogue devrait être ouvert localement au pays. Cette trilogie est nécessaire pour obtenir une paix globale et une cohésion nationale. Plusieurs voix se sont exprimées pour demander cette troisième option de discussions internes. « Je demande humblement et patriotiquement au président de la République Félix Tshisekedi de tendre la main de la paix, de la réconciliation nationale et de la solidarité à son prédécesseur, l’ancien Président de la République Joseph Kabila. », a lancé Didier Mumengi, ancien ministre de l’information et de la communication sous Laurent-Désiré Kabila et coordonnateur du Pacte social pour la paix et le vivre-ensemble initié par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Eglise du Christ au Congo (ECC). Pour Didier Mumengi, Joseph Kabila n’a plus le droit d’être partisan ou de choisir un camp. « Il est, après avoir dirigé dix-huit ans ce pays, un patrimoine national. Il doit se mettre au service de la paix et du bien vivre ensemble », a ajouté Didier Mumengi.              

Félix Tshisekedi a été mis également sous pression par le vice-Premier ministre, ministre belge des Affaires étrangères, Maxime Prévot. « J’ai plaidé pour qu’on puisse avoir l’assiette la plus large possible des participants politiques à cette volonté d’un dialogue national pour pouvoir en maximaliser les chances de résultats positifs », a révélé il y a une semaine le chef de la diplomatie belge après son entretien avec Félix Tshisekedi. Et ce dernier a manifesté clairement sa volonté d’être dans une « démarche la plus inclusive possible » dans la quête de la solution à la crise.

Une trilogie de dialogue se dessine…

D’après des sources dans le sérail du pouvoir, des « discussions secrètes » pourraient bientôt démarrer pour essayer d’arrondir les angles entre les deux alliés d’hier, le camp de Félix Tshisekedi et celui de Joseph Kabila. « D’ailleurs, la pression exercée sur le PPRD était d’abord pour essayer d’obtenir une désolidarisation des caciques de ce parti avec le soupçon d’une démarche insurrectionnelle de leur leader », note une autre source.

Malgré la démarche initiée par la justice militaire pour engager des poursuites contre l’ancien président de la République et sénateur à vie, Joseph Kabila, « Une issue politique pourrait primer sur les poursuites judiciaires au nom de la paix nationale », estime un analyste politique. Selon lui, il sera difficile que Doha et Washington donnent des résultats probants alors qu’en interne, la cohésion nationale continue à faire défaut, soulignant l’importance d’un dialogue national.

D’où, Doha et Washington devraient être couronnés par un dialogue à Kinshasa. Une trilogie qui pourrait ramener une paix durable. Malgré sa position en faveur du M23 dans sa tribune publiée au journal sud-africain, Sunday Times, et qui a été très critiquée par l’opinion congolaise, Joseph Kabila a toujours voulu d’un dialogue entre les Congolais. Sa récente rencontre avec l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, qui est l’un des facilitateurs nommé par la double médiation de l’EAC et de la SADC pour la crise dans l’est de la RDC, en dit long sur son souhait de voir un dialogue en interne. Obasanjo a associé, à ses côtés, l’Américain Massad Boulos pour dessiner les contours d’un projet des pourparlers entre Congolais.

Kabila, Katumbi, Fayulu et Sesanga pour un dialogue interne

Quatre grandes figures de l’opposition congolaise, longtemps divisées, se sont récemment exprimées d’une seule voix. Dans une déclaration commune publiée le 1er mai, Joseph Kabila, Martin Fayulu, Moïse Katumbi et Delly Sesanga ont appelé à un dialogue national pour sortir la RDC de l’impasse, critiquant au passage l’autoritarisme de Félix Tshisekedi tout en saluant la « Déclaration de principes » signée à Washington entre la RDC et le Rwanda. Ce rapprochement entre l’ancien président et des opposants, dont Martin Fayulu, a surpris l’opinion. Fayulu justifie cette déclaration commune par l’impératif du retour de la paix en RDC, se disant prêt à s’asseoir avec le leader de l’AFC/M23, Corneille Nangaa, au nom de cette paix au Congo. « Ce sont des leaders politiques qui ont pour point d’intersection uniquement le fait de pouvoir parler à l’interne et surtout, de soutenir l’initiative portée par l’ECC et la CENCO », explique Alex Dende, un politicien proche de Martin Fayulu.

Le gouvernement d’union nationale gelé

Avec ces possibles négociations en triangle, le gouvernement d’union nationale promis par Félix Tshisekedi devra encore attendre. Le 24 mars dernier, le conseiller spécial du chef de l’État en matière de sécurité, Désiré-Casimir Kolongele Eberande, avait lancé les premières rencontres pour échanger avec les différents bords politiques. L’objectif affiché par le président Tshisekedi était de parvenir à un consensus permettant la formation d’un gouvernement inclusif, capable de répondre aux défis politiques, économiques et surtout sécuritaires du pays. En lançant cette proposition de gouvernement d’union nationale, le chef de l’Etat congolais souhaitait surtout resserrer les rangs au sein de sa propre majorité au-delà de piocher dans l’opposition. Mais les résultats de ces consultations politiques sont gelés depuis la clôture de cet exercice, le 9 avril dernier. Des figures majeures de l’opposition ont brillé par leur absence. Au niveau de l’opposition, aucune personnalité de grande carrure ne s’est présentée au bureau de M. Eberande Kolongele. « J’ai été sollicité pour le gouvernement d’union nationale, mais j’ai dit non », a révélé Martin Fayulu dans une interview accordée à France 24. Il souhaite plutôt la mise en place du Pacte social pour la paix et le vivre-ensemble initié par le tandem CENCO-ECC afin de résoudre cette crise en RDC.

Si l’option d’un dialogue national parait comme une solution à la crise actuelle, il y a cependant des agendas politiques qui risquent de plomber de tels pourparlers. Joseph Kabila garde encore le sentiment d’avoir été trahi par Félix Tshisekedi. Il semble être dans une dynamique de chercher comment retrouver les sérails du pouvoir. Ce qui pourrait compliquer davantage l’équation de la cohésion recherchée. Il est possible de retrouver encore dans les agendas de certains politiques le schéma sur comment faire partir Félix Tshisekedi du pouvoir.  Ce « Jonas » qu’il faudrait à tout prix sortir du navire, selon Corneille Nangaa.   

Heshima

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