En République démocratique du Congo (RDC), le gouvernement est en passe de faire un bilan de ses actifs miniers dans le pays. En prélude à un accord avec Washington, Kinshasa semble vouloir évaluer ce qu’elle a en main avant la signature de ce deal. Le 30 mai 2025, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a ordonné un « audit systématique » de ces ressources alors que le ministre des Finances a récemment accusé l’ancien président de la République, Joseph Kabila, d’avoir cédé « à vil prix » des actifs miniers pour des « intérêts privés ».
Les ministres des Mines, des Finances et du Portefeuille vont mettre en place une commission ad hoc chargée de préparer le lancement d’un audit « systématique » des actifs miniers relevant de la participation de l’Etat, d’après le compte-rendu du 45ème Conseil des ministres. Cette commission devra auditer et ensuite proposer des mesures correctives de la gestion du gouvernement dans ce secteur. Félix Tshisekedi avait demandé cet audit depuis 3 ans mais les résultats n’étaient toujours pas disponibles. Concrètement, le chef de l’Etat congolais veut savoir la représentation des pouvoirs publics dans le secteur minier, soit les actifs de l’Etat dans les différentes mines afin d’évaluer la « gouvernance » des sociétés concernées, de proposer des mécanismes de redressement et des meilleures structurations de la présence de l’Etat dans le secteur minier. Pour Tshisekedi, l’absence des résultats d’un tel audit n’est pas de nature à aider la République dans la maximisation des recettes publiques et crée également « un déficit de clarté » en matière de reddition des comptes dans ce secteur. « La situation dans les joint-ventures minières où l’Etat est censé jouer un rôle stratégique demeure marquée par un manque de transparence préoccupant. Cette opacité nuit à la bonne gouvernance du secteur extractif et freine les mobilisations optimales des recettes publiques », insiste Félix Tshisekedi, jugeant « inacceptable » ce « déficit de clarté » en matière de reddition des comptes dans ce secteur. Le président de la République estime que cette situation compromet les objectifs que le gouvernement s’est fixé en matière de justice économique et de développement durable et de consolidation de souveraineté sur les ressources naturelles.
Un effort de transparence relancé dans l’espoir d’un deal américain
Le secteur minier demeure un pilier stratégique de l’économie en RDC, représentant plus de 30 % des recettes publiques en 2025. Cependant, il est toujours confronté à des défis structurels majeurs qui freinent son potentiel de développement. En 2008, le pays avait signé une convention qualifiée de « contrat du siècle » avec un consortium d’entreprises chinoises, principalement à travers la société Sicomines. Ce partenariat a été présenté comme un moyen d’accélérer le développement centré sur un échange des ressources minières contre des infrastructures. Mais après près de deux décennies, les résultats ont été largement perçus comme décevants, avec des déséquilibres structurels persistants. Ce qui a conduit le gouvernement de Tshisekedi à renégocier ce deal pour tenter d’équilibrer les profits.
Depuis début 2025, la RDC et les États-Unis sont dans plusieurs initiatives visant à renforcer leur coopération dans le secteur minier, notamment en ce qui concerne les minerais stratégiques tels que le cobalt, le cuivre et le lithium. Un deal est en cours de négociation entre Kinshasa et Washington. Le gouvernement congolais fournit des efforts pour assainir ce secteur en prélude de ce deal américain qui risque de changer la situation sécuritaire dans l’Est du pays. Il est notamment possible qu’un contrat de sécurité soit signé avec Blackwater, une société privée de sécurité dirigée par un ancien SEAL américain, Erik Prince. Selon le média Africanews, qui cite une source proche de cet ancien militaire américain, l’accord de sécurité a été conclu avec le ministère des Finances, et les conseillers de Prince se concentreront sur l’amélioration de la collecte des impôts et la réduction de la contrebande transfrontalière de minerais.
Dans ce possible deal américain, la RDC pourrait bénéficier de 500 milliards de dollars d’investissements venant des États-Unis. Le ministre du Commerce extérieur, Julien Paluku, a fourni des explications sur l’utilisation de ces fonds. « Ce que nous allons signer comme accord, si les retombées nous donnent 500 milliards de dollars, il faut élaborer de plans opérationnels qui vont absorber ces moyens-là. Moi je considère que les premiers moyens que nous aurons doivent être affectés dans les fondamentaux de la construction d’un Etat car l’Etat, ce n’est pas seulement la gouvernance telle que l’on voit mais c’est aussi la construction des infrastructures qui permettent la mobilité et l’interconnexion de toutes les provinces. », a-t-il déclaré. Ces fonds devraient être gérés avec une plus grande transparence en cas de signature de l’accord. Les Etats-Unis, qui sont très regardants en matière de corruption, voudraient également une transparence dans ce secteur extractif.
Les actifs miniers de Kabila scrutés
Depuis plus d’une semaine, un ancien ministre des Mines de Joseph Kabila est en détention. Martin Kabwelulu serait soupçonné d’être parmi les financiers de l’ancien Président de la République, Joseph Kabila, accusé de soutenir la rébellion de l’AFC/M23. Mais Kabwelulu c’est aussi celui qui a fait longtemps à la tête du ministère des Mines du pays. Selon des analystes, les contrats miniers passés sous le précédent régime pourraient également être examinés par les services de sécurité qui ont arrêté Martin Kabwelulu. L’actuel ministre des Finances, Doudou Fwamba, n’avait pas hésité à accuser Joseph Kabila d’avoir bradé les actifs miniers du pays pendant ses 18 ans au pouvoir. « Des actifs miniers cédés à vil prix pour des intérêts privés durant 18 ans, des milliards de dollars américains de royalties issues des joint-ventures concédées à des amis étrangers, des centaines de millions de dollars retirés directement de la Banque Centrale du Congo pour une destination inconnue, comme le cas des 350 millions USD de pas de porte de la TFM [Tenke Fungurume Mining], des millions USD de fonds publics octroyés en cadeau pour la création d’entreprises privées familiales… », avait dénoncé Doudou Fwamba après le récent discours de Joseph Kabila critiquant notamment l’économie du pays.
Heshima