Arrivées à Doha en début de semaine, les délégations du gouvernement congolais et du Mouvement du 23 mars (AFC/M23) ont repris leurs travaux le 10 juillet 2025. Présentés comme un round « décisif », ces pourparlers se tiennent en présence des ministres de l’Intérieur de la République démocratique du Congo (RDC) et du Rwanda. Un possible accord est envisagé avant la fin du mois.
Sous la pression de l’administration Trump, le Rwanda et la RDC ont envoyé des délégations ministérielles au Qatar, une première depuis le début des discussions entre Kinshasa et la rébellion. Ces pourparlers, engagés depuis le 9 avril, s’enlisaient. Mais deux semaines après la signature d’un accord de paix à Washington entre Kinshasa et Kigali, Doha espère faire aboutir les négociations. La fin de ces discussions est l’une des conditions fixées par Washington avant la rencontre prévue ce mois-ci entre le président Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, à Washington DC.
Côté congolais, le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani a fait le déplacement. Pour le Rwanda, c’est son homologue Vincent Biruta qui représente son pays. Les deux ministres ont répondu à l’invitation du médiateur qatarien. Pour ce round qualifié de décisif, le médiateur a convié toutes les parties et garants de l’accord de Washington : les États-Unis, la Commission de l’Union africaine et le Togo, pays qui assure la médiation continentale. Ces entités participent en tant qu’observateurs. Leur présence laisse entrevoir une issue proche à ces négociations houleuses, marquées par des exigences souvent radicales du M23.
Le M23 exige le contrôle des Kivu pendant 8 ans
Selon certaines sources proches des négociations, les rebelles exigeraient la gouvernance des provinces du Nord et du Sud-Kivu pendant huit ans. « La principale revendication du M23/AFC à Doha est d’obtenir la gestion exclusive, sur tous les plans, des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu pendant huit ans », a rapporté l’Agence congolaise de presse, citant une source proche de la délégation congolaise. Cette revendication a été catégoriquement rejetée par Kinshasa, selon 7sur7.cd. Pour un analyste, Kigali est directement à l’origine de cette requête, qui viserait à balkaniser la RDC.
Le Rwanda veut-il s’accaparer les Kivu ?
Les ambitions expansionnistes du régime de Paul Kagame dans l’Est de la RDC ne sont plus voilées. Conscient du rejet de l’influence rwandaise par les populations des deux Kivu, Kigali semble opter pour une modification démographique. En juin, Kinshasa a dénoncé une politique de transplantation de populations, notamment dans les territoires de Rutshuru et de Masisi. « Le Rwanda met en œuvre une politique de transplantation de populations étrangères dans les territoires du Nord-Kivu, où ils installent des personnes dans les villages et champs jadis occupés par des Congolais contraints à la fuite », avait déclaré Jacquemain Shabani. Ces accusations confortent l’hypothèse d’une volonté de Kigali de maintenir son emprise sur la région.
Le dernier rapport du Groupe d’experts des Nations unies, publié en juin, affirme que le Rwanda et les rebelles du M23 construisent un « État parallèle » dans l’Est de la RDC pour en contrôler les ressources naturelles, en dépit de l’accord de paix de Washington qui prévoyait le retrait des troupes rwandaises sous trois mois. Ce rapport, dirigé par la Belge Mélanie De Groof, souligne que « des sources internes à l’armée et au gouvernement rwandais indiquent que l’objectif de Kigali est le contrôle des territoires et des ressources ». Un avocat rwandais proche du pouvoir a toutefois remis en cause l’impartialité de ce rapport, critiquant le fait qu’il ait été dirigé par une ressortissante belge.
Washington accentue la pression sur Kigali
Depuis fin juin, les États-Unis renforcent leur pression diplomatique sur les deux pays, et en particulier sur le Rwanda, accusé de freiner le processus de paix. Pour ce round crucial à Doha, Washington avait insisté pour que les ministres soient présents, selon RFI. Car dans l’accord signé le 27 juin à Washington, les parties s’étaient engagées à soutenir les négociations entre la RDC et l’AFC/M23 sous médiation qatarienne, ainsi qu’à favoriser le désarmement et la démobilisation des groupes armés.
Les discussions de Doha, entamées le 9 avril 2025, avaient démarré par une rencontre entre les délégations techniques des deux camps. Le M23 avait présenté un cahier de charges exigeant des garanties politiques : déclaration publique du président Tshisekedi confirmant son engagement dans les négociations, annulation des poursuites judiciaires contre ses cadres, et reconnaissance de leurs revendications territoriales. Aujourd’hui, ces préalables semblent levés, et les parties visent un accord. Mais sans traitement de fond des causes du conflit, ce compromis pourrait n’être qu’une trêve avant un nouvel embrasement.
Heshima