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Gel des exportations du cobalt en RDC : le dessous des cartes d’une décision qui peine à remonter les prix

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La République démocratique du Congo (RDC) est le principal producteur mondial de cobalt. Négocié en 2022 à prix d’or (82 000 dollars la tonne), le prix de ce minerai a dégringolé depuis début 2024, oscillant entre 23 000 et 28 000 dollars la tonne au premier semestre 2024. Cette chute vertigineuse est due principalement à une offre excédentaire, portée par la hausse de la production chinoise et une demande ralentie des batteries lithium-ion dans le monde. Pour remonter les prix, le gouvernement applique depuis plus de cinq mois une stratégie du gel des exportations afin de raréfier ce produit sur le marché mondial. Mais la technique peine à porter ses fruits. Heshima Magazine décrypte les dessous de ce yo-yo sur le marché.

Le cobalt est un élément chimique métallique, principalement connu pour son rôle dans les batteries lithium-ion, mais aussi pour son utilisation dans les aimants, les outils de coupe, et comme pigment dans l’industrie de la poterie et du verre. C’est aussi un composant clé des cathodes des batteries lithium-ion, utilisées dans les smartphones, les ordinateurs portables, les véhicules électriques, et d’autres appareils électroniques. La RDC est le premier pays exportateur de ce minerai. Elle en possède jusqu’à 70% des réserves mondiales. Cependant, depuis plus d’une année, le marché mondial fait face à une saturation de ce produit. Ce qui a conduit à la chute des cours.

Pour remédier à cette situation, le gouvernement congolais, à travers l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (ARECOMS), a procédé au gel des exportations de cobalt pendant quatre mois, à dater de février 2025. A l’expiration du moratoire, les prix n’avaient toujours pas suffisamment augmenté comme le gouvernement l’avait espéré. En juin 2025, la RDC a décidé de prolonger cette décision de trois mois, jusqu’en septembre prochain. L’objectif déclaré : stabiliser le marché et pousser les prix vers des niveaux jugés « sains », tout en préparant un possible système de quotas d’exportation.

Les raisons d’une baisse ou stagnation des prix

Contrairement à février, l’extension en juin de cette mesure du gouvernement n’a entraîné qu’un modeste rebond des prix. La raison est que la plupart des pays demandeurs de ce produit ont un stock suffisant qui leur permet de tenir pendant au moins 10 mois. Une autre raison est le déplacement progressif vers des chimies sans cobalt (LFP) limitant l’impact considérable du cobalt dans la chaîne de la technologie moderne surtout pour des batteries électriques.

La Chine, qui exploite le cobalt congolais à travers le groupe CMOC, continue à faire une surproduction malgré le gel des exportations. La production totale de cobalt de cette société chinoise a augmenté de 13 % depuis le début de l’année, atteignant 61 073 tonnes au premier semestre 2025, soit une hausse de 13 % en glissement annuel, selon le rapport préliminaire publié le 14 juillet. Cette performance s’inscrit dans la continuité de la hausse de 20 % enregistrée au premier trimestre, où la société avait déclaré une production cumulée de 30 414 tonnes pour ses mines de Tenke-Fungurume et Kisanfu dans la province du Lualaba.

Malgré le gel des exportations, la surproduction se poursuit

Si le gouvernement a freiné le convoi des camions vers l’exportation, les engins des producteurs comme CMOC et Glencore continuent de tourner en plein régime. Ces entreprises ont continué à extraire du cobalt, accumulant des stocks locaux par incapacité d’exporter. Ce qui laisse penser qu’à la fin du moratoire en septembre, le marché mondial risque encore d’être inondé par le produit et provoquer de nouvelles chutes de prix. « La stratégie de la RDC reflète une volonté de maintenir les prix du cobalt en jouant sur son positionnement de leader mondial, mais se heurte à des stocks abondants et à une demande faible. Le marché reste tendu mais sous contrôle, tandis que plane une incertitude sur l’après-septembre 2025 », explique Serge Ngumbi, un économiste.

D’un autre point de vue, S&P Global, une entreprise américaine basée à New York spécialisée dans l’information et l’analyse financière, estime que la prolongation du moratoire pourrait réduire l’offre mondiale d’environ 50 000 tonnes de cobalt. « Nous prévoyons que cette prolongation entraînera la suppression de 51 000 tonnes supplémentaires de cobalt minier sur le marché à court terme, ce qui pourrait soutenir les prix », note S&P Global.

Risque d’une baisse des prix prolongée

L’analyste Andries Gerbens estime que jusqu’à 140 000 tonnes de cobalt pourraient rester en stock sans être exportées d’ici septembre, impactant significativement le marché et provoquant une incertitude prolongée. Mais pour le média économique Bankable.cd, si le prix du cobalt est depuis plusieurs mois assez bas, comparativement à son niveau de 2017-2018, les perspectives à long terme restent solides, citant plusieurs analystes tels que le Cobalt Institute, une association professionnelle mondiale qui représente l’ensemble de la chaîne de valeur du cobalt. Cet institut prévoit un excédent sur le marché jusqu’en 2025. D’après l’association, la demande mondiale de la matière première devrait doubler, passant de 187 000 tonnes en 2022 à près de 388 000 tonnes d’ici 2030, une prévision qui devrait impacter les prix.

Mais à un tel horizon, rien n’est garanti à 100 %, selon d’autres spécialistes qui pensent que le cobalt pourrait être supplanté par une autre matière, faisant chuter pour longtemps la demande mondiale. En remplacement du cobalt, plusieurs options sont envisageables, notamment le nickel, le manganèse et le fer dans les batteries. Ces métaux, souvent combinés entre eux ou avec d’autres éléments, peuvent offrir des performances similaires, notamment en termes de stabilité thermique et de résistance à la corrosion, tout en réduisant la dépendance au cobalt. Toutefois, Mme Carina Claassen, experte en réactifs et responsable des ventes d’Axis House citée par Mines.cd, souligne que le cobalt est toujours nécessaire pour de nombreux autres procédés tels que les superalliages, les aimants et les catalyseurs pour les industries pétrolières et chimiques. Face à de telles incertitudes, la RDC devrait déjà imaginer une transition vers un système de quotas mais aussi songer à une industrialisation locale pouvant changer la donne.

Heshima

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