En République démocratique du Congo, plusieurs provinces regorgent de ressources économiques encore largement inexploitées, donnant l’image trompeuse de territoires démunis. C’est notamment le cas du Mai-Ndombe, du Kasaï et du Sankuru. Malgré leurs atouts naturels et humains considérables, ces provinces restent en marge des grands investissements publics et privés, freinant ainsi leur développement socio-économique. Leur potentiel, s’il était valorisé, pourrait contribuer significativement à la croissance nationale.
Le Mai-Ndombe, riche en bois
Située à l’ouest de la RDC, la province de Maï-Ndombe s’étend sur près de 127 000 km² et compte environ 1,5 million d’habitants, en majorité ruraux. Malgré un potentiel considérable en ressources agricoles, halieutiques et forestières, la région reste en marge du développement national, freinée par le manque d’infrastructures et l’absence d’un cadre structurant.
La richesse forestière de Maï-Ndombe est remarquable : 87 % du territoire est recouvert de forêts humides et de zones inondables, dont près de 10 millions d’hectares formant des écosystèmes d’une rare biodiversité, essentiels pour le climat et l’hydrologie régionale. Ce capital naturel place la province au cœur des stratégies de développement durable, comme en témoignent des initiatives telles que les programmes AVENIR, REDD+ ou la modernisation de la pêche.
Jusqu’à 90 % des ménages dépendent de l’agriculture vivrière — manioc, maïs, riz, cacao, piment et jardinage — qui génère environ les deux tiers de leurs revenus annuels, estimés à quelque 450 dollars par foyer. La pêche artisanale reste également cruciale, notamment dans les territoires d’Inongo, Mushie et Kutu, avec une production annuelle évaluée entre 750 et 900 tonnes.
L’élevage connaît aussi une dynamique prometteuse, grâce à des croisements de la race ndama avec l’afrikander. Des exploitations comme la SOGENAC, jadis fournisseur de Kinshasa, redonnent espoir à ce secteur.
Avec des routes praticables, un appui accru aux filières agricoles et la consolidation des initiatives écologiques, Maï-Ndombe pourrait s’imposer comme un pôle de développement inclusif et durable en RDC.
En novembre 2023, quelques travaux de réfection routière ont été engagés dans la province de Maï-Ndombe. À cette occasion, la ministre du Plan d’alors, Judith Tuluka, avait annoncé une hausse substantielle du budget alloué à la deuxième phase du Programme de Développement Local (PDL-145T), porté de 260 millions à 1,25 milliard de dollars américains.
Cette révision à la hausse vise à améliorer l’accessibilité des zones enclavées et à soutenir le développement économique local. Alors que les premières projections prévoyaient la réhabilitation de 20 000 kilomètres de routes, les estimations actualisées, issues de nouvelles études de faisabilité, ont doublé ce chiffre. Cela témoigne de l’ampleur du déficit en infrastructures, aujourd’hui considéré comme l’un des principaux obstacles à l’essor économique du Maï-Ndombe.
Sankuru : un ventre mou à fort potentiel inexploité
Au cœur de la République démocratique du Congo, la province du Sankuru s’étend sur environ 105 000 km² et comptait quelque 2,6 millions d’habitants en 2020. Son territoire, alternant forêts denses, savanes et bush, est irrigué par de grands cours d’eau comme les rivières Sankuru, Lomami, Lubefu et Lukenie.
Classé parmi les provinces les plus pauvres du pays, le Sankuru recèle pourtant un important potentiel agricole, minier et touristique. Des zones diamantifères ont été identifiées, notamment dans les territoires de Katako Kombe, où subsistent également des réserves de minerais non exploités. Ce territoire abrite par ailleurs des sites naturels d’intérêt touristique — chutes d’eau, sites sacrés et faune emblématique, dont le bonobo.
En 2024, un consortium chinois a annoncé un programme d’investissements de 50 millions de dollars, incluant l’exploitation industrielle du bois, du diamant et de l’or, ainsi que la construction d’une scierie moderne, d’un quai fluvial à Benadibele et d’une centrale hydroélectrique de 72 MW.
Malgré des sols très fertiles, l’agriculture reste essentiellement de subsistance, freinée par le manque de semences améliorées, de mécanisation, de conseil technique et de routes. La pêche artisanale et la pisciculture familiale, pratiquées avec des moyens rudimentaires, peinent elles aussi à valoriser la richesse halieutique des rivières locales.
Kasaï : des minerais abondants
Le Kasaï reste l’un des principaux bastions miniers de la République démocratique du Congo, avec d’importantes réserves de diamants qui participent au rang du pays parmi les plus grands producteurs mondiaux. À ces gisements s’ajoutent des ressources stratégiques comme le coltan, prisé dans l’industrie électronique.
Malgré cette richesse, la province figure toujours parmi les plus pauvres du pays. Ce paradoxe s’explique par une exploitation désorganisée, souvent artisanale, et par l’insuffisance des infrastructures et de la gouvernance locale. Ce sous-développement structurel empêche la transformation des ressources naturelles en véritables leviers de croissance pour les communautés.
Agriculture : un pilier majeur encore sous-exploité
L’agriculture constitue un socle essentiel de l’économie du Kasaï. La province produit notamment du manioc, du maïs, du riz, du coton et du cacao. Toutefois, l’insuffisance des infrastructures rurales limite fortement la transformation locale de ces cultures en produits à haute valeur ajoutée.
Ce potentiel agricole, pourtant important, reste largement inexploité faute d’investissements structurants et de politiques de soutien adaptées.
La Mongala, un atout économique oublié
Au nord-ouest de la RDC, la Mongala figure parmi les provinces longtemps délaissées par les politiques de développement. Pourtant, son potentiel économique est considérable et pourrait profondément améliorer les conditions de vie de ses habitants.
Naturellement fertile, ce territoire est un véritable grenier agricole où poussent manioc, maïs, riz, banane plantain, café, cacao ou encore huile de palme, favorisés par un climat équatorial et des sols riches. Mais faute d’infrastructures de transport et de stockage, près de 40 % des récoltes se perdent, selon les données locales. Sur les routes entre Lisala, Bumba et Yakoma, les femmes transportent à la main manioc, arachides ou patates douces. « Nous avons la terre, l’eau et la volonté, mais il nous manque des routes pour vendre nos produits », témoigne une agricultrice de Bolombo, à 30 km de Lisala.
La Mongala est également une province forestière majeure. Les forêts denses bordant les rivières Maringa et Mongala abritent des essences rares comme l’afromosia, souvent exploitées artisanalement, voire illégalement. « Il faut des lois claires et des contrôles rigoureux pour protéger cette ressource », souligne un agent local de l’environnement. Au-delà du bois, les communautés tirent profit de fruits sauvages et de plantes médicinales, ressources encore trop peu valorisées. Des projets de forêts communautaires émergent grâce aux ONG, mais manquent d’appui public.
Ce portrait de la Mongala reflète aussi la situation du Kwilu, province du sud-ouest. Ici, l’agriculture reste rudimentaire, sans mécanisation ni accès au crédit, avec des routes agricoles en mauvais état. Les produits périssent ou sont vendus à bas prix à des intermédiaires. Pourtant, avec ses terres fertiles, sa main-d’œuvre abondante et sa proximité de Kinshasa, le Kwilu pourrait devenir un centre agro-industriel dynamique. Cela requiert des investissements importants dans les infrastructures, l’énergie, la mécanisation et la formation.
Heshima Magazine