La République démocratique du Congo (RDC), riche de ses ressources minières et de son potentiel agricole, peine encore à instaurer une véritable culture fiscale. Les chiffres officiels indiquent que moins de 10 % de la population contribue régulièrement au paiement des impôts et taxes, alors que l’économie informelle représente plus de 80 % des activités du pays. Malgré cela, la Direction générale des impôts (DGI) déploie des efforts soutenus pour encourager les Congolais à s’acquitter de leurs obligations fiscales.
Dans un contexte où les recettes fiscales représentent moins de 12 % du PIB congolais, selon la Banque mondiale, le Directeur général des Impôts, Barnabé Muakadi Muamba, ne cesse de marteler l’importance de la culture fiscale en RDC. En mai 2025, devant des étudiants chercheurs en économie, il a rappelé que l’impôt constitue la colonne vertébrale de la souveraineté nationale. Cette sensibilisation, destinée aux étudiants de l’UPN, s’inscrivait dans une campagne plus large visant à ancrer durablement la culture fiscale dans la mentalité des Congolais. Le Directeur général des Impôts estime que cette culture devrait être enseignée dès le plus jeune âge. « J’ai toujours recommandé qu’on enseigne les notions de fiscalité dès le niveau primaire, voire en maternelle. Il faut que l’enfant comprenne que sa contribution future impulse le développement du pays », a-t-il déclaré.
Renforcer la culture fiscale
En 2022, Barnabé Muakadi avait souligné l’urgence d’élargir l’assiette fiscale à travers des campagnes de sensibilisation. À l’époque, il révélait qu’en RDC, sur une population de près de 90 millions d’habitants, seuls 200 000 contribuables étaient enregistrés. « En ce qui concerne l’élargissement de l’assiette fiscale, jusqu’à aujourd’hui nous ne disposons pas d’un répertoire adapté pour la RDC. Un pays de plus ou moins 90 millions d’habitants avec seulement 200 000 contribuables, c’est vraiment honteux. Cela ne représente absolument rien. Nous devons penser à élargir l’assiette fiscale par le recensement et la culture fiscale », avait-il déclaré.
Selon certains économistes, le gouvernement devrait renforcer la confiance des contribuables en utilisant les fonds collectés de manière transparente. « Le problème n’est pas seulement la pauvreté des contribuables, mais aussi le manque de confiance dans la gestion des recettes », explique un économiste de l’Université de Kinshasa. « Quand les citoyens ne voient pas leurs contributions se traduire par des services publics, l’incitation à payer disparaît », ajoute-t-il, évoquant l’entretien des routes, la salubrité et la fourniture d’autres services essentiels.
En avril 2024, la Direction générale des Impôts avait collecté 3 182,4 milliards de francs sur des assignations initiales de 2 709,6 milliards, soit un dépassement de plus de 472 milliards de francs. Ces résultats témoignent des efforts soutenus de l’équipe de Barnabé Muakadi dans la mobilisation des recettes fiscales.
Les ONG et associations de la société civile s’efforcent également de changer les mentalités. Des ateliers de formation sur la fiscalité citoyenne sont parfois organisés dans plusieurs villes du pays. L’objectif est clair : montrer que l’impôt n’est pas une sanction, mais un outil de solidarité nationale. « On explique aux jeunes que dans les pays où les écoles, les hôpitaux et les routes fonctionnent, c’est grâce à l’impôt », souligne l’animatrice d’un programme éducatif à Kisangani. « Si chacun contribue, même modestement, l’État pourra mieux répondre aux besoins de la population », ajoute-t-elle.
Des réformes majeures opérées
Ces dernières années, le gouvernement congolais a renforcé la collecte fiscale. La digitalisation progressive de certains paiements à la Direction générale des impôts (DGI) vise à réduire les tracasseries et à lutter contre la corruption. Depuis 2020, le logiciel ISYS‑REGIES a informatisé l’ensemble de la chaîne de la recette en RDC.
Cette année-là, le niveau de mobilisation des recettes a atteint 3 655 milliards de francs congolais (1,9 milliard de dollars), soit 117,07 % de l’objectif initial. Selon Barnabé Muakadi, cette performance repose sur des actions stratégiques, notamment une gestion managériale efficace du suivi des contribuables. Cette rigueur a permis un paiement notable de l’impôt spécial sur les plus-values de cession d’actions ou de parts sociales, s’élevant à 262 milliards de FC (141 millions de dollars). Ce versement a largement contribué au succès de la DGI en 2020, le taux ayant été porté à 5 % contre 2 % en 2019.
Ces résultats prometteurs pourraient encore progresser si une culture fiscale durable s’installe véritablement en RDC.
Heshima