Depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le 23 septembre 2025, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a lancé un « appel solennel » en faveur de la reconnaissance internationale du « génocide des Congolais » dans l’Est du pays. Dans ce discours empreint de gravité, le chef de l’État a également dénoncé la mauvaise foi persistante du Rwanda dans l’application de l’accord de paix conclu à Washington entre Kinshasa et Kigali, soulignant l’urgence d’une mobilisation diplomatique pour mettre fin à des violences qu’il juge insoutenables.
En marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Félix Tshisekedi a porté un plaidoyer inédit : la reconnaissance par la communauté internationale d’un « génocide congolais ». Le président de la République démocratique du Congo a réclamé la mise en place d’une commission d’enquête internationale, dotée de moyens conséquents, pour rétablir la vérité et rendre justice aux victimes. Devant les chefs d’État et diplomates réunis, le chef de l’État congolais a dénoncé une guerre qui dure depuis plus de trois décennies dans l’Est du pays, qu’il a qualifiée de « génocide silencieux ». Selon lui, ce conflit ne relève plus seulement de considérations militaires ou géopolitiques, mais s’inscrit dans une logique de pillage systématique des ressources congolaises, d’effacement de la mémoire collective et de destruction des communautés.
Le cinquième président congolais a exhorté la communauté internationale à créer une commission d’enquête indépendante, chargée « d’établir la vérité, de rendre justice aux victimes et de rompre le cycle de l’impunité qui alimente ce drame depuis des décennies ». Il a également appelé à l’adoption de sanctions onusiennes contre les responsables de « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide » commis dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Génocide ? Où en est l’évaluation juridique ?
Le terme « génocide » possède une définition juridique stricte : l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Jusqu’à présent, les rapports d’ONG et de l’ONU évoquent principalement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Certains abus recensés pourraient toutefois, à l’issue d’enquêtes plus poussées, relever de cette qualification. L’ONU a déjà engagé des procédures visant à établir non seulement les faits et les responsabilités, mais aussi l’intention derrière ces violences – condition essentielle pour statuer sur l’existence d’un génocide.
Conscient de la complexité de ce combat juridique et diplomatique, Félix Tshisekedi ne renonce pas. Le chef de l’État entend maintenir son plaidoyer, persuadé qu’il peut, à terme, infléchir l’opinion internationale. Pour appuyer sa démarche, il mise notamment sur le Fonds national de réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits (FONAREV). Cette institution publique, qui œuvre également pour les victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, milite depuis plus de deux ans pour la reconnaissance du « Génocost », un concept désignant un génocide motivé par la quête effrénée de ressources économiques.
A Rutshuru, des massacres aux allures d’un génocide
Si Félix Tshisekedi a choisi d’élever sa voix sur la scène internationale, c’est aussi parce qu’il dispose de faits concrets susceptibles d’étayer son plaidoyer. En novembre 2022, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont perpétré des massacres d’une ampleur inédite, faisant au moins 130 victimes civiles dans les villages de Kishishe et Bambo, au Nord-Kivu. Selon les premiers éléments, ces exécutions ciblées auraient visé des Hutus en raison de leur appartenance ethnique, une caractéristique qui pourrait, juridiquement, ouvrir la voie à la qualification de crime de génocide.
Un rapport conjoint du Bureau des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) et de la MONUSCO avait dressé un bilan glaçant : 102 hommes, 17 femmes et 12 enfants exécutés, huit blessés par balles et soixante personnes enlevées. Les enquêteurs décrivaient une véritable « campagne de meurtres, de viols, d’enlèvements et de pillages », menée en représailles à des affrontements entre le M23 et des miliciens des FDLR, ainsi que d’autres groupes armés comme les Maï-Maï Mazembe, Nyatura et la Coalition des mouvements pour le changement.
À Kishishe, Amnesty International a recueilli les témoignages de familles racontant comment les attaques ciblant les hommes adultes ont laissé derrière elles des femmes et des enfants profondément traumatisés, prisonniers d’un climat d’incertitude et de peur.
C’est dans ce contexte que Félix Tshisekedi a lancé, depuis la tribune de l’ONU, un avertissement solennel : « Refuser de reconnaître le génocide congolais correspond à une forme de complicité. »
Le Rwanda, un Etat impliqué dans le drame congolais
Depuis près de trois décennies, Kigali est accusé d’entretenir le cycle de violences à l’Est de la République démocratique du Congo. Depuis l’invasion du pays aux côtés de l’AFDL, qui avait porté Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en 1997, le Rwanda n’a cessé d’être soupçonné de soutenir divers groupes armés opérant dans la région. Aujourd’hui encore, à travers l’AFC/M23, Kigali continue d’agir en sous-main, malgré la signature à Washington, le 27 juin dernier, d’un accord de paix censé tourner la page des hostilités.
S’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations unies, Félix Tshisekedi a fustigé « la mauvaise volonté » du Rwanda. Selon lui, Kigali « fait semblant d’avoir retiré ses troupes, mais en réalité elles restent présentes sur le sol congolais et appuient les supplétifs du M23 ». Le chef de l’État congolais estime que cette stratégie vise à « gagner du temps pour laisser la crise s’aggraver ».
Dans la foulée, il a exhorté la communauté internationale à garantir l’application « stricte » de l’accord de Washington et de la résolution 2773 du Conseil de sécurité adoptée le 21 février 2025. Une enquête récente des Nations unies a par ailleurs documenté de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis « par toutes les parties », un constat qui vient encore assombrir la perspective d’une paix durable dans la région.
Heshima