Diaspora

L’occident, le cimetière des artistes congolais

La République Démocratique du Congo est connue pour être un des pays les culturels du continent africain, certains n’hésitent même pas d’en faire le précurseur de la culture africaine et le premier agent marketing de cette culture à la fois riche et diversifiée en occident.

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© Vlad

Les musiciens congolais sont notamment les premiers à affronter les salles occidentales, des plus grandes aux plus mythiques. Pascal Tabu Ley Rochereau, premier africain à monter plus de dix fois sur la scène de l’Olympia de Paris de Bruno Coquatrix vers les années 70, Abeti Masikini, cette diva  de la musique congolaise et africaine est le premier musicien africain à se produire au Zénith de Paris. Ces deux précurseurs seront plus tard suivis par d’autres congolais comme Papa Wemba et le Zaïko Langa Langa qui seront les premiers africains à jouer au Japon ou encore par Koffi Olomidé, premier africain à jouer en 2000 au Palais omnisport de Paris Bercy et il s’apprête à être le premier à fouler ses pieds à Paris la Défense Arena en France, une première pour un africain.

Dans le monde de la télévision, le Congo est aussi le premier pays à se lancer dans la sitcom et le théâtre, à en croire le nombre de ses groupes à avoir effectué le déplacement vers l’Europe.

Un mythe Trans générationnel !

 De l’indépendance de la RDC en 1960 à ce jour, l’Europe a toujours été considérée comme le paradis sur terre, les difficultés d’ordre économique et social influent sérieusement sur cette appréhension de la vie et de la stabilité. Le secteur de la culture n’est pas épargné par cette vague migratoire des congolais vers l’Europe. D’une génération à une autre depuis les années 1970, période au cours de laquelle les premiers contrats pour l’occident ont commencé à tomber sur les tables des artistes congolais, il ne se passe pas une tournée sur le vieux continent sans qu’il n’y ait des défections ; la dernière en date étant celle de cinq musiciens de Fally Ipupa (Custo Mopiwi, Billy synthé, Golvi solo, Boussole et Kabuya) décidés de rester en France. Des années avant eux, des dizaines d’autres provenant de différents groupes avaient frayé le chemin.

En 1985, une bonne trentaine des musiciens de Papa Wemba restent en France dans le cadre d’un long séjour qui court jusqu’à ce jour, certains d’entre eux n’étant plus jamais retournés à Kinshasa même pas pour des vacances.

Dans la même décennie, le Grand Zaïko autrement appelé Zaïko wawa que dirige Pépé Félly Manuaku s’envole pour l’Europe, c’est toute l’équipe composée de Chimita el diego ou encore Joe Poster qui preste d’une ville à une autre avant, qu’à la surprise générale, le leader de l’orchestre leur annonce ouvertement sa décision de ne plus retourner à Kinshasa. Dans un premier temps, la chose est vue comme une blague, cependant, un matin les musiciens se réveillent et ne trouvent leur meneur, c’est la débandade en Europe.

Les années 90 marquent l’ascension de ce mouvement de fugue des musiciens au point que cela devienne une évidence pour les patrons d’orchestres et les producteurs de spectacles. Le quartier latin de Koffi Olomidé ou encore les Wengé en  font avec des défections à chaque tournée européenne.

Les comédiens !

La décennie 80 a aussi vu des artistes comédiens tels que Mangobo, Monzali, Kimbanseke, Sans souci, Lokuli et Ngalufar faire l’Europe. A cette époque, ces produits du groupe Nzoyi sont des stars de la télévision nationale du Congo (Zaïre).  Alors que Sans souci, Kimbanseke, Lokuli ou encore Ngalufar regagneront le Congo natal où ils ont conservé leur succès grâce à des pièces à succès jusqu’au début 2000, Mangobo et Monzali vont décider de rester en Europe, Hollande pour le premier et Belgique pour le second, abandonnant ainsi l’art pour lequel ils ont effectué le déplacement.

Il y a trois ans, lors d’une émission culturelle émettant depuis Kinshasa, Mangobo revenu en vacances à Kinshasa tente de justifier son silence en déclarant qu’il continue de se produire en salle avec  un groupe métissé. Même s’il a conservé son sens de l’humour, l’homme n’est plus le même, parti de Kinshasa alors âgé de la trentaine révolu, c’est à plus de 60 ans qu’il refait son apparition.

Quant à Monzali, il est décédé au mois de juillet dernier, il est parti pour ne jamais revenir. Depuis, Sans Souci est mort en 2008, Lokuli en 2014, Kimbanseke est retourné en Europe et Ngalufar continue à œuvrer dans les campagnes de sensibilisation et la publicité à la télévision.

Chez les plus jeunes, la tendance n’a pas changé, si Saï Saï, Esobe ou encore Caleb Tukebana qui ont bâti de grands empires du cinéma ou de la télévision à Kinshasa, se permettent de faire des allers-retours entre Kinshasa et les capitales européennes, de nombreux autres sont partis pour ne jamais revenir. Zigoura, qui était précurseur du cinéma traditionnel, Méta, Deux minutes, Samy Mokili, Doutshé Kapanga, Mike la Duchesse, Sonya, Maxi Bondowe, Molayi, Djanny Fayi, Appo Firenze Likoyi, José de Londres, Lipati, Esengo sont ces noms sur qui reposait pourtant la relève du cinéma et de la comédie congolais. En Europe où ils résident désormais, ces artistes comédiens tentent vainement de faire parler d’eux via des émissions YouTube, cependant, ce n’est pas la même audience encore moins les mêmes chefs-d’œuvre pour lesquels pourtant le grand public les avait découverts.

Perdus de vue !

Sak Sakoul, Loko Masengo et Mario Matadidi, le fameux trio madjesi du groupe sosoliso n’est pas mort, les trois chanteurs sont tous vivants et résident la fin des années 70 en Europe, et pourtant, c’est le silence le plus total pour ces artistes qui, pendant presque 4 ans ont donné du fil à retordre à Tabu Ley, Franco et les autres. Ils ont révolutionné la rumba en y ajoutant des sonorités funk et se sont mis l’Afrique à leurs pieds causant de nombreux dégâts lors de leurs prestations. Exilés depuis en Europe, ils n’ont plus produit des disques, dégoûtés par les nombreux coups politiques qu’ils ont subis.

Des célèbres chanteurs tels que Papy Tex, Canta nyboma, Nzaya Nzayadio, Cartouche, Stino Mubi, Luciana Demingongo, Mascotte de Catalas, Malaj, Lokombe, Utamay, De souza pour les plus vieux ; sont devenus intermittents de spectacles, chantant comme requins dans certains albums ou œuvrant dans des chœurs lors de certains concerts, question pour eux de nouer les deux bouts du mois.

La quatrième génération de la musique congolaise, a été le plus grand pourvoyeur de ce cimetière des artistes.

Les transfuges de Quartier Latin de Koffi Olomidé, Bouro Mpela, Sam Tshintu, Modogo abarambwa, Savanet depitsho, Soleil wanga, Mamale 2pac, Gibson Butukondolo, Suzuki, Willy Bula Ziggy, Lola Muana, Junior Kingombe, BB Kero, Mboshi lipasa, Somono Dolce, etc. qui ont bercé les plus belles mélodies de cet orchestre et des mélomanes congolais, sont, comme leurs prédécesseurs, lancés dans des travaux à mi-temps pour subvenir à leurs besoins. La musique n’est plus qu’un passe-temps du week-end. Les professionnels, stars d’hier, passent presque incognito dans des rues parisiennes ou bruxelloises des fois sous les regards ébahis de leurs anciens fanatiques.

C’est aussi le cas des Tutu Caludji, le créateur de la célèbre danse « ndombolo » devenue la marque déposée de la musique congolaise, Serge Mabiala, Aimélia lias, Alain Mpela, Didier Lacoste, Céleo scram, anciens membres du clan Wenge qui ont totalement disparu de la sphère disco et scénographiques.

Les musiciens quant à eux, se comptent par dizaines, les virtuoses de la guitare ou de la batterie comme Pépé Felly Manuaku, Alain Makaba, Didier Masela, Roxy Tshimpaka, Seck Bidens, Rigo star, Maika Munan, Paty Moleso, Patou Solo, Dally Kimoko, Bongo Wende, Japonais Malanji, Burkina Faso, Popolipo Beniko, Lebu Kabuya, Paty Bass, Nguma lokito, Cain Madoka, Patient Kusangila, Christian Mabanga, Thierry mogratana, Ono Kapanga, Pitshou concorde, Désiré synthé, Titina alcapone, Stallone Esthétique, Binda bass, Delo bass, Flamme Kapaya, converti au christianisme et tant d’autres perdus de vue qui ont fait, autrefois, la pluie et les beaux temps de la musique congolaise et africaine.

Une retraite qui ne dit pas son nom !

Comme les derniers transfuges de Fally Ipupa, restés en France après le concert triomphe au Accor Arena, l’ont déclaré : « rester en Europe est une forme d’indemnité de sortie pour les artistes congolais ».

Le manque de sociétés sérieuses de droits d’auteurs, une absence de politique culturelle et le faible pouvoir d’achat du congolais font des artistes musiciens congolais, une classe vulnérable dans la société. Etre propriétaire d’un orchestre est quelque peu gage de réussite et de richesse, au détriment des membres qui le composent. Ils ne reçoivent que des minimes revenus des concerts et des disques, la part du lion revenant au leader qui les contraint à mendier leur pain auprès des personnes de bonne volonté. Une vie de misère qui pousse ces artistes à ne rêver que d’une chose : l’Europe, la vie est plus simple, du vestimentaire à l’alimentaire en passant par le transport et la communication, la sécurité sociale y est assurée. Voir l’Europe et y mourir s’il le faut devient l’ultime issue pour ces artistes. Et cela est vérifiable, une fois exilé, ces as de l’art, descendants de Mozart, de Grand Kallé et de Franco, s’inhument dans ce grand cimetière qui engloutit toute leur inspiration d’antan.                                                                          

   ATEM

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