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ELECTIONS EN AFRIQUE : Spectacle ou parodie, les messes sont dites d’avance

Difficile à dire qu’à croire, la tenue des élections en Afrique ne cesse d’étonner plus d’une personne aussi bien par sa forme que son contenu. Certains vont jusqu’à affirmer que ces dernières ne sont plus que formalités pour faire joli, être respecté à l’échelle internationale ou encore justifier les fonds importants alloués pour la cause.

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Cependant, au vu des dégâts que cette forme démocratique de désignation des dirigeants enregistre en amont et en aval, il sied de se demander si dépenser de centaines des millions de billets de banque, vaut la peine pour aboutir à des mutineries, des casses et un retour à la case départ. Les élections en Afrique seraient progressivement en train de se vider de tout sens, elles ne sont plus cette voie par laquelle vient le salut d’un peuple. 

Des dirigeants voulant se cramponner au pouvoir vont jusqu’à organiser des parodies d’élections, une autre catégorie est prête à se dédire ou à cracher soit sur les dispositions de la Constitution soit sur les personnes mortes pour la démocratisation de leurs Etats.

Une aubaine pour Alassane Ouattara !

A quelque chose malheur est bon dit-on. Le président ivoirien sortant Alassane Dramane Ouattara (ADO) profite de la mort de son dauphin (le candidat du parti au pouvoir), son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly pour se présenter comme candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre. 

Une occasion en or pour ADO de se rétracter. Et pourtant, le Chef de l’Etat ivoirien avait affirmé qu’il ne se présentera pas pour un troisième mandat. L’annonce de sa candidature a ainsi balisé le chemin à une série de contestations. Deux candidats de l’opposition notamment Henri Konan Bedié et Pascal Affi N’Guessan, deux figures de proue du microcosme politique ivoirien prennent le devant de la scène. 

Âgé de 86 ans, Henri Konan Bedié a déjà présidé aux destinées du pays de Félix Houphouët Boigny. Principal challenger d’ADO, il arbore les couleurs du Parti Démocratique de Côte d’ivoire (PDCI). 67 ans, Pascal Affi N’Guessan qui représente le Front Populaire ivoirien (FPI) a été premier ministre de 2000 à 2003. Hormis le candidat Kouadio Konan Bertin (candidat contre l’avis de son parti le PDCI), les deux principaux challengers boycottent le scrutin. 

Aux urnes malgré tout !

Le 31 octobre, le peuple ivoirien était appelé à se prononcer en marge du premier tour de l’élection présidentielle. Un scrutin qui a suscité une certaine inquiétude dans le pays comme à l’étranger, tant les tensions sociopolitiques s’accroissaient à l’approche de l’échéance. 

Tenez, en trois mois, les troubles liés à l’élection présidentielle ont fait une cinquantaine de morts sans compter les 8.000 personnes qui ont fui vers les pays voisins principalement le Libéria. Comme il fallait s’y attendre, ADO a inévitablement remporté le scrutin haut la main dès le premier tour avec une majorité écrasante de 94,7% des voix proclamés par la Commission électorale indépendante (CEI). 

Le taux de participation est de 53,90% affaibli par les partisans de l’opposition qui a empêché le vote dans près de 5.000 bureaux. Alors que la Mission d’observation de l’Union africaine (UA) estime que le scrutin s’est déroulé de manière globalement satisfaisante, le Centre Carter est beaucoup plus critique. Le contexte politique et sécuritaire n’a pas permis d’organiser une élection compétitive et crédible. 

Que pensez-vous que le Conseil constitutionnel fasse ? Evidemment, cette institution a validé les résultats publiés par la CEI arguant n’avoir relevé aucune irrégularité grave sur les bureaux de vote pris en compte. En outre, à en croire, Mamadou Koné, président du Conseil constitutionnel, aucune réclamation n’a été déposée. L’opposition a annoncé la création d’un conseil national de transition. Au stade actuel, deux scénarios se profilent : le dialogue ou la poursuite du bras de fer. Dans l’entretemps, Bedié est placé en résidence surveillée.

Election en Guinée, sensation de déjà vu !

Après dix années passées au pouvoir, l’équivalent de deux mandats, le Chef de l’Etat guinéen décide de briguer un troisième mandat. Et pourtant, la Constitution guinéenne stipule de manière inamovible que le président ne peut effectuer plus de deux mandats. Mais à la faveur d’une modification constitutionnelle portant sur d’autres sujets, les partisans du président Alpha Condé estiment que son compteur a été remis à zéro.

 Naturellement, l’opposition ne pouvait cautionner cette duperie. Le principal opposant Cellou Dalein Diallo a appelé à la mobilisation. 

Des mois d’une contestation qui aura coûté la vie à une dizaine de civils. A l’issue du scrutin du 18 octobre, l’ancienne figure de l’opposition rempile pour un troisième mandat à 82 ans. Cellou Dalein Diallo appelle ses partisans à défendre sa « victoire » après que son domicile ait été bloqué par les forces de sécurité. La Cour constitutionnelle confirme les résultats : 59,50% pour Alpha Condé et 33,5% pour Cellou Dalein Diallo.

L’exemple éloquent du Ghana!

Si le Ghana est actuellement considéré comme un des meilleurs élèves en démocratie, c’est grâce à un homme en l’occurrence Jerry Rawlings d’heureuse mémoire. Arrivé au pouvoir à la suite d’un putsch, ce militaire se bat pour instaurer les valeurs démocratiques.

Il fait adopter une Constitution qui stipule explicitement qu’aucun président ne peut se présenter une troisième fois. Il commence lui-même par la respecter. En 2000, Jerry Rawlings cède le bâton à John Kufuor à l’issue des élections organisées le 28 décembre 2000. 

D’ailleurs, son dauphin, John Atta-Mills échoue malheureusement face à John Kufuor, le candidat du parti de l’opposition, le NPP.

Ainsi, on assiste à une alternance pacifique du pouvoir, une scène inédite au Ghana. Et depuis lors, tous les scrutins se sont déroulés sans contestation. John Atta-Mills succède à John Kufuor au terme du deuxième tour du scrutin du 28 décembre 2008. Malheureusement, John Atta-Mills meurt brusquement au pouvoir le 24 juillet 2012.

De gauche à droite, Alassane Ouattara, Laurent Gbagbo, HK Bedié et Guillaume Soro à l’arrière

Son vice-président John Dramani Mahama assure l’intérim. Ce dernier remporte face à Nana Akufo Addo l’élection de 2012. En 2016, Nana Akufo Addo succède à John Dramani à l’issue du scrutin présidentiel. Il apparait clairement que tous les cycles électoraux sont respectés.

 Des opposants mués en tyrans !

Etonnant. Les opposants qui ont milité pendant plusieurs années pour l’Etat de droit se sont transformés en dictateurs. C’est le cas de l’actuel président de la Guinée Alpha Condé (figure de proue de l’opposition) qui s’est obstiné à un troisième mandat et a remporté l’élection présidentielle en foulant au pied la Constitution. Alassane Dramane Ouatara dont la candidature a été rejetée plusieurs fois pour la fameuse notion de l’ « ivoireté » a finalement accédé au pouvoir.

Curieusement, cette figure emblématique de l’opposition ivoirienne a décidé de se représenter profitant de la mort de son dauphin pour se rétracter. 

 JM Mawete 

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