Culture

Les Mbuzas

Localisés au nord de la République Démocratique du Congo, les Mbuzas ont longtemps été englobés à tort sous le qualificatif de Bangalas comme tous les peuples de cette partie du pays. Ils ne s’en distinguent pas moins de ces différents peuples de ladite région.

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Du nord de la RDC d’où ils sont originaires, les Mbuzas (Mbudjas, Mbunzas, Budjas ou Budzas) peuplent la province de la Mongala, l’une des cinq provinces avec l’Equateur, le Nord et Sud-Ubangi ou encore la Tshuapa, issue de l’éclatement en 2015 de l’ancienne province de l’Equateur. Plus précisément, on les retrouve principalement dans le territoire de Bumba où ils totalisent près de 90% de la population et sont également présents de manière accessoire dans le territoire de Lisala. Les Mbuzas coexistent dans ces espaces avec d’autres peuples comme les Bapoto, les Mabinza, les Bobanga, les Bangenza, les Pakabete, fortement minoritaires. Cette coexistence a conduit à un certain degré au mixage de certains aspects culturels comme le langage. C’est ainsi que les Bobanga ont adopté l’ebudja, la langue des Mbuzas, alors que ces derniers, spécialement ceux de la progéniture de Eloa, s’inspirent de l’egenza, langue des Babenga lesquels sont apparentés aux Ngombes.

 Histoire des Mbuzas

Bien que résidant actuellement dans la province de la Mongala, la tradition orale des Mbuzas situe leur provenance du Bas-Uélé, de la descendance de deux frères pour ancêtres, à savoir l’aîné Budja ou Budza, et le second Eloa, qualifié de grand guerrier. La lignée de Budja porte le même nom que leur aïeul, tandis que ceux du second frère sont nommés Budja Eloa. En ce lieu originel, les deux descendances côtoient d’autres peuples de la région de l’Uélé comme les Azandés, les Babenza et les Babenga, les Mobango et les Babati et subissent leur influence. Cependant, devant la pression des conquêtes arabes du 18ème siècle, ces peuples poussent à leur tour les Mbuzas à migrer vers le sud-ouest, dans l’actuelle région de Bumba où chaque descendance s’installe : les Budjas longent les cours d’eau, spécialement de l’Itimbiri, tandis que les Budjas Eloa occupent la partie nord du territoire et embrassent un mode de vie de terriens.

Ce mouvement migratoire est à l’origine de plusieurs faits guerriers posés par les Mbuzas, spécialement ceux nommés « Yalisika ». Ils durent d’abord batailler contre les Azandés au moment de leur départ et bien qu’ils vainquirent ces derniers, le choix de la migration était fait. Au cours de leur déplacement, ils subirent par la suite les attaques des Ngbandis qu’ils mirent en déroute. Il en va de même vers la fin du 19ème siècle, face aux esclavagistes arabo-swahili surnommés « Matambatamba » en raison de leur utilisation d’armes à feu dont ils s’emparèrent. Forts de ces victoires, les Mbuzas s’en prennent aux peuples autochtones comme les Pygmées Batswas, les Ngombes et les Mongos, obligés de se réfugier au sud-ouest sur la rive gauche du fleuve Congo.

Quelques décennies après, c’est au tour des colonisateurs européens de faire les frais de la férocité guerrière des Mbuzas, qui ne purent les plier dans l’exploitation éhontée du caoutchouc ayant conduit à trancher les mains des indigènes qui ne parvenaient pas atteindre le quota fixé. Durant ces nombreuses luttes menées pour s’imposer sur leurs ennemis, les Mbuzas avaient mis en place une technique d’attaque connue sous le nom de « ehumba », laquelle consistait à mener des razzias nocturnes dans les villages et points ciblés.

Culture

 La société mbuza s’organise autour de la famille et du clan dans un régime patrilinéaire. Le Mbuza porte sa croyance en un être supérieur nommé Mongali, créateur du monde visible et invisible. Cette divinité n’est pas représentée et les personnes autorisées à communier avec elle sont les chefs de famille, de village ou de clans, revêtus d’un pouvoir initiatique. La croyance concerne également certains interdits, notamment sexuels à l’occasion de grandes épreuves pour se prémunir de toutes défaites ou alimentaires interdisant à un fiancé de manger dans sa belle-famille du poulet, de la tortue ou de la viande d’antilope afin de ne pas attirer le malheur sur leur couple, leur progéniture ou leurs activités.

Outre l’adoption de la langue des peuples apparentés par un embranchement des Mbuzas, celle qui lui est spécifique est l’ebudja qui néanmoins comprend plusieurs variantes comme le mbila des environs de Bumba, le mondzamboli parlé à l’ouest, le bosambi ou nord-est, le yaliambi à l’est ainsi qu’au sudest ou encore le mobanjo. Il n’en reste pas moins que les Mbuzas ont largement contribué à la diffusion du lingala en raison de leur appartenance au corps militaire qui s’en était servie comme vecteur d’expression et finir par gagner l’ensemble du pays.

Le nom ou son préfixe a une importance dans l’identification d’une personne selon son statut qui le situe au sein du clan. Le nom peut également être associé à des événements liés à une naissance ou à une façon de sublimer une venue au monde. En raison de nombreuses similitudes linguistiques et cultures avec les Ngombes, on retrouve chez les deux peuples des noms identiques comme Maboso et Mangongo, successivement pour dénommer le jumeau premier-né, suivi du second lesquels sont particulièrement choyés et Motuta pour l’enfant qui les suit.

Le folklore, la détente et les loisirs occupent une place importante dans la culture des Mbuzas : enfilés de tenues traditionnelles avec la dominance du raphia et autres parures, les cérémonies sont animées par de chants et une danse du bassin appelée engundele assortie de puissants coups de hanche, dont les sonorités et la chorégraphie s’adaptent parfaitement avec le modernisme, comme ont eu à le prouver certaines prestations musicales du moment et le succès récolté auprès du grand public. De plus, la lutte connue sous le nom de libanda est aussi réputée pour rehausser les compétitions sportives entre villages.

 Ces manifestations sont souvent l’occasion de mettre en exergue le talent artistique des Mbuzas qui peut s’observer au niveau corporel (tatouages sur le visage, la poitrine, le ventre…) ou sur divers objets en bois (tam-tam, pirogue…) ou forgés (lances, couteaux…).

Gastronomie

Les Mbuzas sont réputés pour la préparation du malemba, une pâte de manioc obtenue de la tubercule râpée sans rouissage, puis trempée avant d’être malaxée pour se présenter sous forme de blocs en enveloppés dans des feuilles et reliés par des filaments. Cette préparation est appelée libulia tandis que d’autres formes de cuisine, toujours à base du manioc, donnent lieu à des spécialités du terroir sous le nom de sapa, mokita ou gbeku. Le lituma, pâte de banane plantain, est largement apprécié.

La femme mbuza qui se reconnaît être accueillante se fait un plaisir de servir le malemba avec du pondu au mosaka, du pondu en papillotes (liboke), du pondu aux arachides, chacune des préparations étant agrémentée selon le menu de circonstance du gibier, du poisson, d’une tortue ou encore d’escargots (mbembe). Il est à noter que celle-ci qui sait y faire parvient à enlever toute la viscosité du mollusque dans une délicieuse cuisine au liboké ou en grillade. Une bonne rasade d’alcool (sese, koko, ou mbila c’est-à-dire vin de palme) n’en rajoute que de la joie aux amateurs. Quant au gbeku (ou ngabuku), il consiste en une pâte de manioc fermentée, mélangée à du lait qui en fait un succulent dessert.

Et pour préserver tout ce patrimoine culturel et en découvrir d’autres aspects, les Mbuzas accordent une importance à l’éducation, surtout de la femme, détentrice de ce legs. L’espoir de continuer à en jouir est à ce sujet prometteur !

Noël Ntete

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