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Élections 2023 : Le compte à rebours de la CENCO à Félix Tshisekedi

Les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) insistent sur le respect de l’échéance électorale de 2023. Une sonnette d’alarme curieusement mal perçue à la présidence de la République. De quoi rappeler la croisade pouvoir-église catholique de l’avant-départ de Joseph Kabila.

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« Gagner le pari de l’organisation des élections crédibles, transparentes et apaisées en 2023 et pas plus tard ». Cette recommandation formulée au gouvernement par les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) à l’issue de leur réunion du Comité permanent à Kinshasa fin février 2021, a fait des vagues, particulièrement à la Présidence de la République.

 Quelques heures seulement après, la presse présidentielle a dénoncé un « discours aux senteurs politiques, des accointances avec des officines obscures ; digne d’un activisme insurrectionnel et, cerise sur le gâteau, atteste des attitudes partisanes, contraires » à leur (évêques) statut ».

« La question de l’organisation des élections est du domaine exclusif de la Commission électorale nationale indépendante -CENI-. L’immixtion de la CENCO dans ce qui ne relève pas de sa compétence est simplement ahurissante, voire provocante pour des pères spirituels mués, pour le besoin de la cause, en politiques engagés au détriment de leurs brebis livrées à eux-mêmes », pouvait-on lire dans cette longue mise au point signée la direction de presse de la présidence. 

Cette virile et surprenante intervention a poussé le porte-parole du président de la République à jouer vite au sapeur-pompier sur les ondes de Top Congo. « Il faut considérer cela comme une précipitation puisqu’il y a des procédures pour publier un article de service de communication du chef de l’Etat. Je n’ai pas l’impression que toutes les procédures aient été respectées », a réagi Kasongo Mwema Yamba Yamba évoquant une « initiative personnelle » de la presse présidentielle. 

Une manière pour lui de décharger le chef de l’Etat Félix Tshisekedi qui, d’ailleurs, va la même semaine, fusionner le service de communication à celui de la presse présidentielle qui travaillait jusque-là de manière séparée. A la tête de ce qu’on appellera désormais la cellule de communication, il nomme Erik Nyindu, ancien journaliste à Vox Africa et TV5 Monde. Objectif : améliorer la coordination et le fonctionnement des activités de communication autour du chef de l’Etat.

Les anciens animateurs, précise l’ordonnance, « vont faire l’objet d’une évaluation avant une éventuelle réintégration pour des postes à définir ». Un signal fort lancé par le chef de l’Etat. « Les évêques de la CENCO font leur travail », temporise aussi de son côté le secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Augustin Kabuya. Et d’enchaîner : « L’UDPS est prête à aller aux élections même si elles sont organisées demain. Un étudiant ayant bien préparé sa session ne peut nullement avoir peur des examens ». 

« 19 mois de retard »

Techniquement, l’échéance de 2023 est-elle toujours tenable ? Selon l’expert électoral Jérôme Bonso, le pays accuse déjà un retard de 19 mois. « En 2021, si rien n’est fait pour le recensement, l’identification ou la constitution du fichier fiable, il y aura encore plus de retard », prévient-il. 

Trente-cinq mois ont séparé l’investiture de l’équipe de Corneille Nangaa le 16 novembre 2015 de l’organisation des élections présidentielle et législatives le 30 décembre 2018. Entre ces deux dates, les opérations d’enregistrement des électeurs ont été lancées en juillet 2016. Le fichier électoral définitif a été obtenu en avril 2018 avec un peu plus de 40 millions d’enrôlés. 

Pour ce qui est des réformes, la nouvelle loi électorale qui avait notamment intégré la notion d’un « seuil de représentativité » pour les législatives, a été promulguée le 24 décembre 2017 par le président Joseph Kabila. Par contre, la loi portant modification et fonctionnement de la CENI a été promulguée plus de cinq ans avant les élections, soit en avril 2013. Mais il y a eu un temps d’arrêt entre l’indisponibilité puis le décès de l’abbé Apollinaire Malumalu, alors président de la CENI. L’équipe Nangaa est venue reprendre, presque à zéro, l’ensemble du processus.

« L’UDPS est prête à aller aux élections même si elles sont organisées demain. Un étudiant ayant bien préparé sa session ne peut nullement avoir peur des examens ». 

32 mois jusqu’à l’échéance

Dans l’hypothèse où la nouvelle équipe de la CENI était composée et installée en avril de cette année lors de la session ordinaire de mars à l’Assemblée nationale, il lui restera 32 mois jusqu’à l’échéance de décembre 2023, soit moins de trois mois que l’équipe Nangaa. L’échéance serait alors tenable, à condition que l’enrôlement des électeurs soit l’option levée pour la constitution du fichier électoral. Le recensement administratif de la population, comme le suggère notamment l’UDPS, est un processus laborieux qui prendrait au minimum trois ans.

En 2015, cette question soulevée par le pouvoir de Kabila comme un préalable à l’organisation des élections avait mis le feu dans le pays. L’opposition, à sa tête Vital Kamerhe, avait organisé des marches populaires réprimées dans le sang, contre un projet de loi déposé à l’Assemblée nationale dans ce sens.

« La CENCO restera constante »

Orpheline de l’UDPS qui s’inscrivait dans un processus de dialogue avec le camp Kabila, l’opposition, qui dénonçait une tentative de glissement de Joseph Kabila, avait réussi à faire retirer ce projet de loi. Même si cela n’avait pas empêché Kabila d’obtenir un glissement de deux ans.

 « La CENCO avait rappelé le délai constitutionnel (à Kabila) et tout le monde avait applaudi. La CENCO restera constante et ne va pas chercher à plaire à qui que ce soit, mais à la population », répond à la presse présidentielle Donatien Nshole, porte-parole de la CENCO. Entrer en croisade contre l’église catholique, c’est tout ce qu’avait regretté le FCC. Lors de son évaluation du processus électoral, la famille politique de Joseph Kabila avait reconnu que l’une des causes de l’échec de son candidat à la présidentielle de 2018, Emmanuel Shadary, était le « malentendu » avec l’église catholique bien implantée sur l’ensemble du pays avec le plus grand nombre de fidèles chrétiens.

L’église catholique, à travers ses laïcs du CLC, a joué un rôle crucial pour l’alternance au pays. Au moment où l’opposition était en perte de vitesse avec notamment la mort d’Etienne Tshisekedi en février 2017, seule cette église gardait la capacité de mobilisation. Et l’UDPS qui est l’un des grands bénéficiaires de cette alternance, est peut-être mieux placée pour connaître l’importance de ne pas ouvrir un front contre les hommes en soutane.

Socrate NSIMBA

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