Société

Que reste-t-il de la gratuité de l’enseignement ?

Bien qu’inscrite dans la Constitution, la gratuité de l’enseignement n’a jamais connu son effectivité jusqu’à l’arrivée du président Tshisekedi qui a mis un point d’honneur à sa matérialisation en dépit des difficultés rencontrées. Qu’en est-il aujourd’hui de son évolution ?

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Comme promis lors de son investiture le 24 janvier 2019, le président Félix-Antoine Tshisekedi a décrété la gratuité de l’enseignement de base à partir de l’année scolaire 2019- 2020. Une décision courageuse inscrite dans la Constitution, mais jamais concrétisée par son prédécesseur, Joseph Kabila, faute de moyens. 

 Effectivement, selon les projections des acteurs du secteur réunis dans une Table ronde fin août 2019, quelques jours avant la rentrée scolaire, il faut un budget annuel autour de 2 milliards de dollars pour réussir la réforme de la gratuité de l’enseignement de base qui implique plusieurs facteurs induits. Parmi lesquels, le paiement de salaires des enseignants N.U (nouvelles unités) et N.P (non-payés), des frais de fonctionnement des écoles ou encore la construction de nouvelles infrastructures scolaires pour contenir un flux supplémentaire de plus de 2 millions d’élèves chaque année.

Sauf que, entre-temps, le budget national qui devait soutenir cette charge ne s’est pas amélioré. Alors que le gouvernement projetait 11 milliards de dollars en 2020, le pays n’a même pas été en mesure de mobiliser, la moitié de ce montant. Le Trésor public n’a réussi à mobiliser en ressources propres qu’entre 3 et 4 milliards de dollars, tous engloutis ou presque dans les dépenses courantes (salaires et fonctionnement des institutions).

La justice a frappé

La crise économique consécutive à la Covid-19 n’a pas non plus arrangé les choses. Les soutiens internationaux à la gratuité tardent à se concrétiser. La Banque mondiale qui a promis jusqu’à 1 milliard de dollars, a suspendu, début 2021, le processus suite aux enquêtes ouvertes sur les écoles fictives et détournements systématiques des fonds.

Le 25 mars 2021, le directeur du service de paie des enseignants (SECOPE) et l’inspecteur général du ministère ont été condamnés à 20 ans de prison pour détournement de fonds de la gratuité.

Le ministre d’État chargé de l’EPST, Willy Bakonga, serait aussi sur le coup des poursuites, dès la sortie du nouveau gouvernement. Le 21 avril, alors qu’il voulait prendre un avion pour Paris à partir de Brazzaville, il sera appréhendé par les services migratoires avec une importante somme d’argent, selon l’Association congolaise d’accès à la justice (ACAJ). Son procès devrait aussi s’ouvrir incessamment et servir de pédagogie, question aussi de convaincre la Banque mondiale de renouer avec le financement de la gratuité. Déjà, des milliers d’écoles fictives et celles fonctionnant sur base de faux arrêtés ont été désactivées du système, avant que le secrétariat général à l’EPST parle d’un traitement des dossiers de ces  écoles « au cas par cas ».

Infrastructures jamais construites

Face à tous ces problèmes, la mise en œuvre de la gratuité bat de l’aile au pays. Des infrastructures supplémentaires n’ont jamais été construites malgré le nombre croissant d’élèves chaque année. Aussi, les enseignants N.U et N.P attendent désespérément d’entrer sur le listing de paie, les frais scolaires de parents qui le permettaient de toucher des primes n’existant plus.

 En plus, les frais de fonctionnement des écoles arrivent à compte-gouttes. Le 12 avril, c’est in extremis que la délégation syndicale a suspendu la grève dans les écoles primaires qui réclamaient deux mois des frais de fonctionnement impayés suite à un début d’apurement par le gouvernement.

Des enseignants démotivés, c’est les enfants qui en pâtissent. Certaines écoles ont fini par trouver des arrangements avec les parents en payant officieusement une partie des frais. A ce rythme, cette réforme pourtant salutaire n’a plus un avenir certain.

Socrate NSIMBA 

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