Société

PSYCHOLOGIE: L’étonnant bienfait du commérage !

Il arrive, par exemple, dans une cour commune, deux voisines colportent sur la fille de l’autre voisine qui a été rendue grosse par un homme inconnu. Une nature de dialogue que d’aucuns placent souvent dans la poubelle des antivaleurs, pourtant… bénéfique !

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Aux yeux des personnes très réglos, cela pourrait paraitre comme une futilité de bas étage. Mais avouons-le, nous nous apprêtons à colporter dans le dos d’un voisin, d’un ami ou d’un membre de la famille. Curieux que cela paraisse, ce genre de ragots apporte un bienfait à la santé. Profitons-en car, selon des spécialistes, cet art du commérage a bien des avantages.

Plusieurs témoignages, en particulier des femmes, aussi en République démocratique du Congo qu’ailleurs rapportent ressentir un plaisir en commérant une amie ou une voisine. Cela n’est donc pas l’exclusivité des femmes. Il y a des hommes qui, au boulot, cristallisent l’attention de leurs collègues en rapportant comment la femme du patron a su que ce dernier avait une maitresse au sein même de l’entreprise.

« Ma voisine de palier est une commère invétérée. Elle a toujours un potin croustillant à raconter sur l’un des habitants de l’immeuble.  Quand je la croise, je devrais me contenter de la saluer et passer mon chemin. Mais je dois bien reconnaître, même si je n’en suis pas très fan, que j’ai au contraire tendance à la pousser aux ragots. Sa manière de se rengorger et de prendre des airs de conspiratrice pour me confier ses scoops me fait beaucoup rire. Comme elle n’est jamais vraiment méchante – seulement très indiscrète – je passe un bon moment en sa compagnie. Faire quelques commérages, c’est nettement plus réjouissant que d’échanger des banalités sur la météo », avoue Patricia, 55 ans.

Ce fait de se réjouir dans les commérages n’est forcément pas lié au sort méchant ou bon des personnes visées par ce colportage. Encore moins lié à la jalousie. Il y a une explication scientifique à cela. En commérant, les auteurs libèrent de l’ocytocine, hormone du lien social, qui coule à flots. Ce qui leur permet de cimenter, sans le savoir, des relations humaines. Le psychanalyste Samuel Lepastier perçoit ce potin comme un véritable « plaisir oratoire ».

 « À condition qu’il ne soit pas malveillant et ne vise pas à dénigrer une tierce personne », tache de préciser Samuel Lepastier. “Certains commérages, racontés par des experts du domaine, sont d’ailleurs dignes du théâtre de boulevard ! Ils captivent leur auditoire et lui procurent joie et amusement”, ajoute Geneviève Djénati, psychologue.

Partager quelques ragots peut donc se révéler source de bien-être. Les scientifiques s’étant penchés sur ce sujet d’étude l’affirment d’ailleurs. Selon eux, ces échanges dériveraient du toilettage réciproque observé chez les singes, ayant pour fonction de resserrer les liens au sein d’une communauté, de se faire du bien les uns aux autres.

« Commérer permet de créer de la connivence et de la proximité. Pour délivrer notre potin, nous nous penchons physiquement vers notre interlocuteur, nous baissons le ton: nous veillons à installer un espace de communication privilégié. Nous pouvons aussi faire preuve d’empathie, nous creusant la cervelle pour savoir quel type d’indiscrétion pourrait piquer l’autre, éveiller son intérêt et nous permettre ainsi d’entrer en relation avec lui”, décrypte Geneviève Djénati. Dans une société où la solitude fait rage, nous n’allons tout de même pas nous priver d’un moyen de la briser, qui plus est fort plaisant!

Lorsque les commérages concernent des célébrités, ils peuvent même revêtir une vertu thérapeutique. “En dévoilant les travers des grands de ce monde, le potin ramène ces personnalités en vue à la condition humaine ordinaire. En cela, il est très rassurant et renarcissisant. Je ne suis pas le seul à être parfois défaillant, les autres aussi le sont et même ceux qui ont si bien réussi”, insiste Samuel Lepastier. Et puis quand notre quotidien est un peu morne, se repaître des frasques des autres peut aussi l’égayer: nous vivons par procuration et projections, nous existons à travers autrui, a-t-il dit. Et depuis des millénaires, le commérage aurait été le ciment des sociétés humaines. Un sport national que l’on ne doit pas se priver aujourd’hui, à cause de ses délices.

 HESHIMA

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