Politique

Que cachent les positions de Katumbi ?

Dans sa récente sortie médiatique, le dernier gouverneur de l’ex-Katanga se montre de plus en plus dur envers son allié d’aujourd’hui, Félix Tshisekedi. Mais bien tendre avec Joseph Kabila, son ennemi d’hier. Décryptage d’une stratégie qui rassemble les frustrés.

Published

on

2023, Loi Tshiani, Kabila…

Moïse Katumbi est toujours présenté comme l’un des grands challengers du président Félix Tshisekedi, au cas où celui-ci se présenterait à la présidentielle de 2023. Sans qu’il ne l’avoue officiellement, l’homme se montre éveillé sur tout ce qui peut lui barrer [encore] la route vers le Palais de la Nation. Pour cela, Moïse Katumbi n’a pas hésité à menacer de quitter l’Union Sacrée de la Nation. « Il s’agit clairement d’une ligne rouge. Si elle [loi Tshiani] venait à être ne serait-ce que programmée pour être débattue au Parlement, nous quitterions la majorité [Union sacrée] », a-t-il déclaré dans une interview accordée à Jeune Afrique.

Ce projet de loi écarte notamment de la course à la présidence de la République les candidats qui ne sont pas nés de père et de mère congolais. Pour Katumbi, né d’un père juif, Nissim Soriano, originaire de l’île de Rhodes, cette initiative législative porte un nom : le racisme. « Notre pays ne s’honorerait pas à être le seul au monde à adopter un texte raciste, ségrégationniste et inconstitutionnel », a-t-il ajouté. En parlant au nom de tous les jeunes pour qui cette loi peut priver l’accès à des hautes fonctions alors qu’ils sont « méritants et compétents », Katumbi prêche d’abord pour sa propre chapelle, lui dont les ambitions pour la présidentielle de 2023 constituent un secret de polichinelle.

Rassembler les frustrés !

 En s’exprimant pour la première fois sur des sujets politiques depuis son retour d’exil il y a deux ans, Moïse Katumbi laisse transparaitre une stratégie. Celle de rassembler tous les frustrés du régime Tshisekedi afin d’en faire des potentiels alliés pour 2023. Ayant quasiment subi une persécution pendant près de 6 ans après son divorce d’avec Joseph Kabila, le dernier gouverneur de l’ex-Katanga s’est montré amnésique et avoue avoir pardonné à ses bourreaux.

Mais il ne s’arrête pas là. L’homme a quasiment béatifié ceux qui ont été presque auteurs de son exil politique d’hier. « Soyons clairs : il est  important que les méfaits commis soient jugés. Pour autant, s’il faut condamner, il faut aussi savoir pardonner. La place des Congolais est au Congo. On ne peut se réjouir d’en voir prendre la route de l’exil, quoi qu’ils aient fait. Cela vaut pour Kikaya Bin Karubi, John Numbi, Kalev Mutond et les autres », a déclaré celui qui a quitté le pays en civière, le 20 mai 2016, après avoir subi ce que certains de ses proches qualifiaient d’un « harcèlement judiciaire ».

Jouant visiblement au rassembleur des frustrés, Moïse Katumbi enchaine des noms : « Il ne faut pas avoir la mémoire courte. Certains de ceux qui sont aujourd’hui en difficulté ont beaucoup apporté à notre pays. Notamment le pasteur Ngoy Mulunda, un homme de Dieu qui a beaucoup œuvré pour la paix, mais aussi Vital Kamerhe, l’un des principaux acteurs de la vie politique ces dernières années, ou encore Augustin Matata Ponyo, qui fut un valeureux Premier ministre. 

 « Bref, Katumbi a égrainé un chapelet de noms de ceux qui se sont retrouvés inquiétés par la justice sous Félix Tshisekedi. Et cela, au point d’affirmer qu’entre lui et Joseph Kabila, il n’y a jamais eu de problème. Avouant qu’il a perdu contact avec l’ex-président depuis qu’il l’a quitté en 2015, estimant pouvoir chercher son numéro et l’appeler « si un jour le besoin s’en fait sentir. » 

Tout au long de son intervention, Katumbi a donc arrimé tous les noms des personnalités en ligne de mire de la justice sous Félix Tshisekedi. Ce qui peut être perçu comme une stratégie visant à attirer la sympathie de ceux qui sont frustrés par l’actuel pouvoir en place. Cela, afin de se constituer, peut-être, une force politique pour 2023.

 Lamuka, en embuscade

Pendant que le débat sur la « Congolité » inquiète Moïse Katumbi, l’autre aille radicale de la coalition, Lamuka, en fait moins des bruits. Le tandem Fayulu-Muzito reste visiblement en embuscade, attendant voir si Katumbi pourrait être recalé à cause de cette loi sur la  nationalité, si elle venait à être votée par le Parlement. Ce qui fera de Fuyulu ou de Muzito le candidat principal de l’opposition face à celui du pouvoir, s’il n’y a pas de nouveaux outsiders politiques d’ici à 2023.

Lobbying à Washington et Tel Aviv

 Conscient de ses ambitions politiques pour 2023, Moïse Katumbi n’a pas laissé de côté le lobbying auprès de Washington et même de Tel Aviv (Israël), malgré sa présence aux côtés de Félix Tshisekedi dans le cadre de l’Union sacrée de la Nation. Le chairman du Tout-Puissant Mazembe joue, à ce niveau, sa propre partition politique. Réputé proche des Américains, Moïse Katumbi se heurte, en ce moment, à un Félix Tshisekedi tout aussi introduit au sein de l’administration Biden.

Pour mener à bien son lobbying, Moise Katumbi a notamment signé un contrat le 3 juin dernier avec la firme King & Spalding EEP. Selon cette convention, basée sur une rémunération mensuelle de 40 000 euros, la mission confiée au cabinet de lobbying  consiste à « représenter Moïse Katumbi Chapwe auprès du Congrès et de l’exécutif américains sur des questions telles que les violations des droits de l’homme, la législation anti-corruption, [et à] organiser des réunions avec les responsables politiques et les décideurs du gouvernement ». Dans son lobbying, l’ex-gouverneur du Katanga essaie de distendre les liens privilégiés tissés par l’administration de Joe Biden avec celle de Félix Tshisekedi. Mais, jusque-là, la diplomatie américaine, telle que manifestée par l’ambassadeur à Kinshasa, Mike Hammer, reste mobilisée en faveur du chef de l’Etat congolais. Ce qui pousse, parfois, l’ambassadeur américain en poste à Kinshasa à jouer à l’équilibriste face à Katumbi et Tshisekedi. Mais, à ce jour, le lobbying actif de Katumbi n’a que peu d’influence sur la politique américaine envers la RDC. Car, le 20 juillet dernier, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, avait renouvelé le soutien diplomatique et financier de l’administration Biden au président Félix Tshisekedi.

 Dido Nsapu

Trending

Quitter la version mobile