Le président de la République démocratique du Congo (RDC) est à 3 ans et demi de la fin officielle de son mandat. Si le secteur de la sécurité continue d’être son plus grand goulot d’étranglement pour l’instant, Félix Tshisekedi a cependant des réalisations qui pourraient marquer à vie son passage à la tête du pays. Heshima Magazine fait un focus sur les projets qui auront un impact non négligeable après son passage à la tête du pays.
Le 24 janvier 2019, Félix Tshisekedi Tshilombo prête serment comme président de la RDC. Il a remplacé à ce poste Joseph Kabila qui était au pouvoir depuis 2001. En janvier 2024, le fils de l’opposant historique, Étienne Tshisekedi, rempile pour un second mandat. Mais ce nouveau bail au Palais de la Nation rencontre de graves problèmes sécuritaires. Le Mouvement du 23 mars (M23), soutenu par l’armée rwandaise, a pris le contrôle de deux villes clés des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu. Cette situation sécuritaire perturbe les efforts économiques et politiques déployés durant ses 6 années au pouvoir. Mais à côté de ce problème de sécurité, Félix Tshisekedi est en passe d’accomplir certains projets majeurs qui pourraient rester mémorables dans l’histoire du pays.
Gratuité de l’enseignement de base
Sous le mandat de Félix Tshisekedi, la RDC a instauré la gratuité de l’enseignement primaire, permettant à entre 3,5 et 4 millions d’enfants d’accéder à l’école. Cette initiative a été soutenue par un financement de la Banque mondiale. Bien que consignée dans la Constitution du pays, la gratuité de l’enseignement n’était pas appliquée sous le règne du président Joseph Kabila. Sa matérialisation rapide par Félix Tshisekedi avait suscité une certaine hostilité dans le camp politique de son prédécesseur. « Quand vous écoutez qu’on parle de la gratuité de l’enseignement, sachez que c’est notre programme, le programme de Joseph Kabila. La gratuité de l’enseignement est reconnue dans la Constitution. Et la Constitution a été promulguée par Joseph Kabila », avait déclaré en octobre 2019, Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire permanent de l’ex-parti présidentiel.
Cette gratuité de l’enseignement de base demeure une mesure phare du gouvernement. Même si son application rencontre des défis persistants, cette mesure pourrait réduire sensiblement l’analphabétisme dans le pays. Dans la prochaine décennie, il y aura très peu de jeunes sans éducation de base. Ce qui pourrait rehausser le niveau d’alphabétisme. Près de 4 millions d’enfants ont rejoint l’école en cinq ans grâce à la gratuité, portant le nombre total d’enfants scolarisés à plus de 6 millions, selon les chiffres partagés notamment par la Banque mondiale. Cette réforme capitale a suscité d’autres besoins, notamment celui du nombre d’écoles et de salles de classe pour accueillir les nouveaux élèves de plus en plus nombreux dans des salles surchargées.
Le gouvernement a alors entrepris une extension du réseau scolaire. Le nombre d’écoles publiques prises en charge par l’État a augmenté de 55 %, passant de 41 739 à 64 889. Il s’est ensuite posé le défi de l’amélioration des salaires des enseignants. Après plusieurs travaux avec les syndicats des enseignants, le salaire moyen d’un enseignant est passé de près de 160 000 à près de 409 000 francs, soit une augmentation mensuelle de 238 %. Mais le travail reste encore à faire quant à la rémunération de ces professionnels de la craie qui estiment toujours que leurs salaires sont insuffisants et que les conditions de travail sont encore difficiles. Mais dans l’ensemble, cette réforme majeure marquera le passage de Félix Tshisekedi à la tête de ce pays, pourvu que cette gratuité de l’école soit pérennisée après son mandat.
Gratuité de la maternité, un projet à pérenniser
La gratuité de la maternité a été instaurée en septembre 2023 dans le cadre de la Couverture Santé Universelle (CSU), avec pour objectif de réduire la mortalité maternelle et infantile. Près de deux ans après son lancement, le bilan présente des avancées notables, mais aussi plusieurs défis à surmonter, notamment celui de l’accessibilité de ce service sur l’ensemble du territoire de la RDC. Cette gratuité des accouchements est désormais effective dans 13 provinces, avec une extension prévue à l’ensemble du pays d’ici fin 2025. D’après le bilan à mi-parcours de ce projet présenté par Félix Tshisekedi dans son discours sur l’état de la Nation en décembre 2024, plus de 1,3 million de femmes ont accouché gratuitement dans 4 300 établissements de santé, dont 1 155 ont été équipés pour améliorer la qualité des soins. Dans des hôpitaux qui appliquent le programme de gratuité de la maternité à Mbuji-Mayi, dans la province du Kasaï-Oriental, le nombre d’accouchements est passé de 12 en janvier à 80 en mars 2024, illustrant une demande accrue liée à la gratuité.
Le PDL-145T, un immense projet pour la postérité
Depuis l’indépendance du pays en 1960, aucun projet de développement n’a eu l’envergure du Programme de Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T) lancé par le cinquième président de l’histoire de ce pays. Ce projet, en cours de réalisation avec un budget de 1,6 milliard de dollars, vise à améliorer le cadre de vie des populations rurales en rapprochant l’administration des administrés avec en toile de fond : construction des bureaux des administrateurs des territoires, construction des écoles publiques dans chaque territoire et construction des centres de santé. Avec ce budget d’environ 1,6 milliard de dollars, ce programme projette de sortir 25 millions de Congolais de la pauvreté et de la précarité en créant notamment des routes de desserte agricole pour permettre d’évacuer les produits vivriers partant des zones rurales vers les grands centres de consommation.
Au 25 mars 2025, lors d’une réunion d’évaluation présidée par le ministre des Finances, Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, il a été rapporté que plus de 40 % des infrastructures prévues avaient été achevées. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) a livré 334 écoles, 54 bâtiments administratifs et 245 centres de santé, soit un total de 631 infrastructures sur les 764 prévues. Le Bureau Central de Coordination (BCeCo) a également réalisé 190 écoles, 112 centres de santé et 16 bâtiments administratifs, atteignant un taux d’exécution de 82 %. La Cellule d’Exécution des Financements en Faveur des États Fragiles (CFEF) a également atteint un taux d’exécution de 82 %. Le gouvernement devrait se battre pour atteindre les 60 % de réalisation qui restent. Pour l’instant, des défis sécuritaires freinent également l’exécution totale de ce programme. Dans des provinces telles que l’Ituri, les travaux ont été suspendus pendant plus de trois mois en raison des conflits armés. Dans le territoire de Djugu, plusieurs infrastructures ont été détruites, retardant ainsi les projets. Dans la province de Tanganyika, bien que 77 infrastructures soient en cours de construction, des retards ont été observés, nécessitant une supervision accrue pour assurer le respect des délais. Le coût initial du programme, estimé à 1,66 milliard USD, a augmenté à 2,138 milliards USD, soit une hausse de 28,79 %, en raison de l’extension des travaux et de certaines contraintes liées à leur mise en œuvre. « Il y a beaucoup d’ouvrages qui ont été réceptionnés. Je peux dire que nous sommes à plus de 40 % des ouvrages dans leur ensemble », a résumé Doudou Fwamba, ministre des Finances, soulignant que plusieurs contraintes sur le terrain sont en voie d’être surmontées.
En 2025, le gouvernement congolais a identifié la réhabilitation de 38 000 km de routes agricoles comme une priorité dans le cadre de la deuxième phase du programme. Cette initiative vise à améliorer l’accès aux marchés pour les produits agricoles, stimulant ainsi la croissance économique locale. Ce projet, une fois qu’il crée des centres d’intérêt locaux, pourrait freiner l’exode rural aggravé par la précarité et les mauvaises conditions socio-économiques dans les milieux ruraux.
Port en eau profonde de Banana, un projet historique concrétisé
En posant la première pierre pour la construction de ce port, le 31 janvier 2022, Félix Tshisekedi a ainsi lancé la matérialisation d’un projet historique. Depuis 1863, l’idée de l’érection d’un port en eau profonde à Banana avait germé. Sous la colonisation, les Belges nourrissaient la même idée. Mais ce projet n’avait pas bénéficié de grandes avancées en termes d’études de faisabilité. En 1972, le gouvernement, sous le régime du maréchal Mobutu, mettra en place l’Organisation pour l’Équipement de Banana-Kinshasa (OEBK), un organisme pour, entre autres, assurer le développement d’un port en eau profonde à Banana, étudier la possibilité de construire un chemin de fer et un pont sur le fleuve Congo au niveau de Matadi. Mais ce port n’avait toujours pas vu le jour. Sous Joseph Kabila, l’idée de cette infrastructure avait été évoquée sans toutefois la concrétiser.
À son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a cherché des partenaires aux Émirats arabes unis pour financer ce projet. C’est DP World, une société des Émirats arabes unis, qui est à l’œuvre. Cela, pour un coût d’un peu plus d’un milliard de dollars de manière globale. Malgré la lenteur observée, les travaux de construction évoluent. Une fois réalisé, ce port sera donc une nouvelle porte d’entrée au continent africain. La première phase du projet prévoit la construction d’un quai de 600 mètres de long et d’une plateforme de stockage de 25 hectares. Celle-ci aura une capacité annuelle de plus de 300 000 conteneurs, soit plus de 1,3 million de tonnes de marchandises. DP World se chargera non seulement de la construction du port, mais aussi des zones industrielles associées.
Heshima