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Migration des Congolais vers l’étranger : Comment freiner la fuite des cerveaux ?

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La question de l’immigration est revenue au centre des débats depuis quelques mois, notamment aux Etats-Unis. Les Congolais de la République démocratique du Congo (RDC) font désormais partie des pays dont les ressortissants sont menacés d’interdiction d’entrée sur le territoire américain. En dehors des voyages motivés par les études, les affaires ou le tourisme, le reste de l’émigration des Congolais est motivée par des raisons sécuritaires ou économiques. Ce qui devrait questionner la gouvernance des dirigeants congolais. L’amélioration des conditions de vie sur le plan local pourrait réduire cet exode qui s’accompagne d’une fuite des cerveaux.    

« J’ai terminé mes études depuis 2014 à l’Université pédagogique nationale (UPN) mais il n’y a pas des débouchés au pays qui puissent aider à construire une vie sur place. J’ai tenté de voyager pour essayer de trouver mieux en France. Après quelques mois de défense de mon dossier, j’ai reçu des documents pouvant me permettre de travailler », explique Trésor, un Congolais qui vit désormais dans une région française. Son cas ressemble bien à celui des milliers d’autres Congolais ou d’Africains en général qui remuent ciel et terre pour rejoindre le vieux continent et tenter de mener une meilleure vie.

A côté de cet exemple figure celui des migrants qui fuient des situations désastreuses dans leurs pays d’origine comme par exemple les conflits armés dans l’Est de la RDC, des situations de violences ou l’injustice sociale dans d’autres pays. Certains empruntent les voies légales pour voyager alors que d’autres arrivent en Europe sans passer par un service consulaire pour demander un visa. Ils arpentent des chemins sinueux et dangereux du Sahel au Maghreb pour atteindre la Méditerranée. « Moi je ne connais pas comment on monte dans un avion ni comment on demande un visa. Je suis arrivé en Europe en traversant des frontières africaines jusqu’en Allemagne, avant de venir m’installer en France », témoigne un autre Congolais qui vante son courage après avoir vécu des dures épreuves dans le Sahara.

Une émigration qui s’accompagne d’une fuite des cerveaux

L’émigration vers l’Europe ou l’Amérique du nord est de plus en plus constatée. Ce phénomène s’accompagne d’une fuite des cerveaux. Cette émigration a des causes multiples, notamment le manque d’opportunités d’emploi, l’instabilité politique et des salaires plus attractifs à l’étranger. Les conséquences incluent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée sur le plan local, un affaiblissement des institutions et un frein au développement. Pour fuir la misère et le manque d’opportunité d’emploi, des migrants congolais s’installent même à Chypre afin de tenter de rejoindre l’Union européenne. Les demandes d’asiles dans les pays francophones d’Europe de l’Ouest ont exposé ces dernières années. Floribert Mvumbi, médecin gynécologue, qui travaillait dans un hôpital public à Kinshasa, a rejoint un pays d’Europe. « Le salaire que percevait en tant que spécialiste ne me permettait pas de nouer les deux bouts. Je vivais une vie de précarité alors que j’ai fait plus de 8 ans d’étude de médecine », a-t-il relaté. Ce spécialiste a finalement décidé de quitter la RDC pour exercer son métier outre-méditerranée. 

En Belgique, les demandes d’asile des Congolais explosent

En juillet 2024, la Belgique a rapporté que 650 Congolais ont demandé l’asile sur son sol uniquement pour le premier semestre de 2024. Selon Freddy Roossmont, directeur de l’Office des étrangers belge, la Belgique reçoit en moyenne 100 demandes d’asile de Congolais par mois. Une demande qui est sans cesse en hausse depuis un temps.Entre 2021 et 2022, les demandes d’asiles étaient passées de274 à 603 pour toute l’année alors qu’en 2024, le pays a atteint 650 demandes uniquement pour un semestre. Ces chiffres font figurer la RDC dans le top 10 des pays d’où viennent les demandes d’asile. Pour décourager certaines demandes farfelues, le taux de reconnaissance des demandes introduites est descendu de 30 à 13% en 2022. « Nous devons absolument éviter que les gens pensent qu’une procédure d’asile leur permettra sans plus de rester en Belgique. Bien sûr, ceux qui ont besoin de protection l’obtiendront dans notre pays. Toutes les places d’accueil qu’il y a en Belgique, nous en avons besoin pour accueillir les personnes qui fuient effectivement une guerre ou un conflit. Il n’y a pas de places en surplus. J’essaie d’éviter que les gens viennent en Belgique avec de fausses attentes », avait expliqué en janvier 2023 Nicole De Moor, secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration.

Selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA) en Belgique, entre janvier et juin 2022, neuf ressortissants congolais avaient été rapatriés vers Kinshasa. Puis, le 9 novembre 2022, la Belgique avait organisé un « vol spécial » pour rapatrier 14 Congolais dont les demandes d’asile avaient été déboutées et qui refusaient de rentrer volontairement au pays. Ce vol a été organisé par l’Office des étrangers de la Belgique, avec le soutien de l’Agence de surveillance des frontières européennes (Frontex).

Europe et Etats-Unis : le flux sans cesse croissant de migrants africains          

D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 100 000 Africains ont traversé la Méditerranée en 2021 en direction de l’Europe. Ce phénomène d’immigration irrégulière des Africains vers l’Europe est devenu croissant ces dernières années. Fin mai 2025, aux Etats-Unis, l’administration Trump a interdit aux ressortissants de 12 pays d’accéder sur le territoire américain dont 7 Etats africains parmi lesquels figurent la République du Congo et le Tchad. Mi-juin, les Etats-Unis ont encore annoncé une nouvelle liste de 36 pays qui risquent de se retrouver sur ce « travel ban ». Parmi ces Etats, on compte la RDC et le Nigeria.

Pour la première mesure concernant les douze pays, Donald Trump a justifié sa décision par une attaque terroriste perpétrée par un Egyptien, âgé de 45 ans, à Boulder, dans le Colorado, dans l’Ouest du pays. Cette attaque, d’après le président américain, aurait mis en évidence les « dangers extrêmes que représente pour les États-Unis l’entrée de ressortissants étrangers qui n’ont pas été correctement contrôlés ». Selon la Maison Blanche, cette mesure vise à « protéger » le pays de « terroristes étrangers ». Mais aucun ressortissant des pays ciblés n’a été arrêté pour terrorisme. Certains analystes pensent que ces décisions sont à mettre dans la rhétorique anti-migrant développée par Donald Trump.  

Lors d’une rencontre avec la Première ministre italienne, Georgia Meloni, Donald Trump avait tenu des propos polémiques en évoquant la situation à la frontière sud des États-Unis. Il avait affirmé que plusieurs pays étrangers auraient volontairement libéré des prisonniers pour qu’ils migrent vers les États-Unis. « Et pas seulement en Amérique du Sud, mais aussi en Afrique, le Congo. Beaucoup de gens viennent du Congo. Je ne sais pas pourquoi, mais ils sont venus, » avait déclaré Donald Trump, sans évoquer la moindre preuve. Mais parmi d’autres raisons évoquées par son administration, certains pays sanctionnés ne seraient pas en mesure de fournir des « documents d’identité fiables » ou auraient « trop de fraude dans l’administration ». Pour d’autres, un nombre important de leurs ressortissants aux États-Unis auraient « dépassé la date limite de leur visa ».   

Comment stopper cet exode ?

S’il est difficile d’arrêter totalement l’immigration économique ou sociale, il est cependant possible de réduire sensiblement ce flux migratoire qui comporte également une fuite importante de cerveaux pour les pays concernés, la RDC en particulier. Cet exode concerne les citoyens de deux ordres : ceux qui fuient des conditions socio-économiques du pays et ceux dont la vie est menacée par des conflits armés ou d’autres types de menace. « Le gouvernement est en mesure de trouver des solutions sur la stabilité politique et sécuritaire mais aussi économique », estime un agent congolais ayant requis l’anonymat, travaillant à l’Organisation internationale pour la migration (OIM). Selon lui, dans les statistiques générales, les pays les plus stables sur le plan politique, économique et sécuritaire comptent moins de migrants à l’international, sauf ceux qui partent pour des raisons classiques comme le tourisme, les études ou les affaires. C’est notamment le cas de l’Afrique du Sud, Ile Maurice, de la Namibie et du Botswana. « En RDC, dans le secteur de la santé, beaucoup de médecins qui sont partis se spécialiser à l’étranger restent dans ces pays européens, estimant que les conditions au pays ne sont pas meilleures. Il y a aussi certains qui entreprennent à l’étranger. Le pays perd des revenus fiscaux potentiels des personnes qualifiées qui s’installent à l’étranger », relate un médecin boursier de l’Etat congolais qui poursuit ses études de socialisation en médicine au Maroc. Pourtant, il y a pénurie de médecins au pays. Sur ce point, le ministre de la Santé, Samuel-Roger Kamba a promis une politique d’incitation au retour des médecins en RDC mais aussi un programme de bourse pour ceux qui doivent être formés dans d’autres pays.        

Créer des conditions qui découragent l’exode définitif

Le gouvernement congolais devrait créer des programmes incitatifs pour que les Congolais de l’étranger reviennent enseigner, investir ou partager leurs compétences avec ceux restés au pays. Penser à simplifier les procédures administratives pour ce retour. Par exemple, l’autorisation de la double nationalité,la réduction des taxes locales, faciliter la politique de logement dans les villes et les villages pour mieux inciter au retour de ces fils et filles du pays. Il y a aussi la création des conditions nécessaires pour l’éclosion des compétences sur le plan local. La modernisation des universités et l’amélioration des conditions d’études peuvent réduire les départs liés à des raisons d’étude. Le gouvernement devrait également penser à la promotion d’une formation adaptée au marché local, c’est-à-dire, l’orientation des cursus vers les besoins réels du pays.  

Heshima

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