Non classé

Processus de paix en RDC : Les raisons du blocage à Doha et à Washington…

Published

on

Après plusieurs jours d’impasse, les négociations entre le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23), menées sous la médiation du Qatar, devraient reprendre le 7 octobre 2025. Depuis la signature de la Déclaration de principes entre les deux parties à Doha, le processus peine à franchir une nouvelle étape vers un accord de paix durable. Les divergences demeurent profondes sur plusieurs points clés, ralentissant considérablement les discussions. Heshima Magazine revient sur les raisons majeures du statu quo qui maintient le dialogue de Doha et son prolongement diplomatique à Washington dans une zone d’incertitude politique et stratégique.

Les délégations de Kinshasa et de l’AFC/M23 étaient censées converger à Doha le 7 octobre 2025 pour relancer les pourparlers, interrompus depuis plus de deux mois. Mais les divergences persistantes entre les parties ont retardé cette rencontre. Parmi les principaux points de blocage, la question de l’échange de prisonniers occupe une place centrale : la rébellion en fait un prérequis à toute progression dans les discussions.

À cet égard, Kinshasa a clarifié sa position : les prisonniers impliqués dans des « crimes graves » ne seront pas libérés. « Nous veillerons à appliquer strictement des critères d’exclusion pour toute personne soupçonnée de violations graves, au regard du droit international », a affirmé le ministre d’État à la Justice, Guillaume Ngefa, lors d’un briefing de presse le 17 septembre.

À ce jour, la rencontre prévue à Doha n’a pas eu lieu le 7 octobre, et son démarrage pourrait être reprogrammé plus tard dans la semaine. Des sources de RFI évoquent la date du 12 octobre comme alternative possible. L’enjeu demeure le même : aboutir à un texte de mécanisme pour un cessez-le-feu permanent et jeter les bases d’un accord de paix crédible.

La question des réfugiés au cœur de la discorde

Parmi les points inscrits dans la Déclaration de principes publiée le 19 juillet dernier figure la délicate question des réfugiés des deux côtés de la frontière. Cet aspect constitue l’un des volets essentiels censés ouvrir la voie à un accord de paix entre le gouvernement congolais et l’AFC/M23. Les deux parties ont convenu de faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Cependant, les modalités de ce retour divisent profondément les deux camps.

Kinshasa souhaite d’abord rétablir son autorité sur les zones occupées par les rebelles de l’AFC/M23 avant tout rapatriement. Les réfugiés congolais présents au Rwanda devraient, selon cette position, être identifiés par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avant de regagner le pays. Ce dossier reste l’un des sujets les plus sensibles dans les relations tendues entre la RDC et le Rwanda.

Le retour des réfugiés congolais figure d’ailleurs parmi les revendications historiques du M23, déjà évoquées dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), prédécesseur du mouvement actuel.

Mais Kinshasa se montre prudent, notamment sur l’identité et le nombre réel de ces réfugiés. Selon les estimations les plus récentes, le Rwanda abriterait près de 137 000 réfugiés, majoritairement originaires de la RDC et du Burundi. Le HCR estime qu’environ 80 000 d’entre eux sont Congolais. Pour les autorités congolaises, l’incertitude demeure : elles disent ignorer la composition exacte de cette population réfugiée.

« Kinshasa craint de voir revenir sur son sol des individus susceptibles de compliquer davantage la paix et la cohésion dans l’Est du pays », commente un analyste de la région des Grands Lacs.

Le gouvernement congolais rappelle enfin que le comité d’accueil chargé de préparer les retours n’a pas encore été mis en place et qu’il serait irresponsable de rapatrier des réfugiés dans une zone encore instable. Ce dossier pourrait ainsi rester l’un des principaux points de blocage dans les négociations de Doha. Kinshasa maintient que le retour des réfugiés ne pourra avoir lieu qu’après un cessez-le-feu effectif, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification rigoureuse de la nationalité des candidats au retour.

A Washington, Tshisekedi freine la signature d’un accord économique

À Washington, la mise en œuvre de l’accord de paix signé entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda peine à avancer. Malgré la signature du texte en juin dernier, les progrès restent limités, notamment sur le plan économique. Kinshasa et Kigali n’ont pas paraphé l’accord-cadre économique qui devait être signé la semaine dernière, créant un nouvel obstacle aux efforts de l’administration Trump pour concrétiser cet engagement et relancer les investissements occidentaux dans la région des Grands Lacs.

Selon Reuters, un responsable rwandais a confirmé que, bien que le texte du Cadre d’intégration économique régionale (CIR) ait été finalisé, les discussions se sont achevées sans signature, Kinshasa ayant refusé de le parapher. Une source proche du dossier citée par le même média indique que la RDC conditionne sa signature à un retrait d’au moins 90 % des troupes rwandaises encore présentes dans l’Est du pays.

Ce retrait est l’un des points clés de l’accord de paix négocié sous la médiation américaine, signé le 27 juin dernier. Kigali, de son côté, affirme que Kinshasa n’avait posé aucune condition préalable lors des discussions préparatoires de l’accord économique.

Le Ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a déclaré que le président Félix Tshisekedi se montrerait désormais réticent à signer en raison des pressions de l’opinion publique congolaise, alors même que sa délégation avait participé à l’ensemble des échanges préparatoires.

Sultani Makenga menace de renverser Tshisekedi

L’armée congolaise et les rebelles du M23 renforcent leurs positions militaires et s’accusent mutuellement de revenir sur divers accords. « Notre armée se bat pour le changement dans ce pays. Notre pays a été détruit pendant longtemps par le gouvernement de Kinshasa dirigé par Félix Tshisekedi […]. Il fait des congolais des réfugiés, transformant notre pays en propriété privée. », a déclaré nouvelles aux recrues, Sultani Makenga, coordonnateur militaire de l’AFC/M23. Selon lui, dans peu de temps, ils mettront fin à « cette mauvaise gouvernance ».

Cette rébellion a rappelé sans détours l’objectif du mouvement et de ce recrutement de plus de 700 nouveaux combattants est de « renverser le pouvoir de Kinshasa. » Parallèlement, à Kinshasa, Félix Tshisekedi a pris la parole dimanche dernier et s’est adressé aux jeunes vivant dans les zones tenues par la rébellion : « Le prix de la résistance que vous payez est la sève d’un Congo nouveau. […] J’ai pris l’engagement personnel d’œuvrer sans relâche pour abréger vos souffrances et rétablir la paix. » Des propos qui, selon le média Actualite.cd, traduisent « l’inquiétude du pouvoir face à la dynamique militaire du M23, alors que les combats se poursuivaient » le 6 octobre dernier notamment à Luki, dans le Nord-Kivu.

Entre l’exigence du retrait des troupes rwandaises du sol congolais, l’abandon des zones conquises par l’AFC/M23 et le retour des réfugiés, la marche vers la paix est encore longue dans ce processus de Doha et de Washington. Quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Car pour Kinshasa, la plupart des personnes que Kigali qualifie de réfugiés congolais, ce sont des citoyens tutsis qui n’ont pas vécu en RDC. Il y a un risque de conflit foncier avec les autochtones lors de leur arrivée en RDC.          

Heshima

Trending

Quitter la version mobile