Economie

DGDA : fraude douanière, cause de mobilisation des recettes à cloche-pied

Combattue depuis des années, la fraude douanière continue à anémier gravement les recettes de la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Certes les responsables de ce service public luttent contre le fléau, mais, les voleurs du trésor public sont nombreux et partout. Le manque à gagner s’évalue à plusieurs millions de dollars, malheureusement.

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Après la mission du Vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières, Gilbert Kankonde, en août à Kasumbalesa, la décision gouvernementale était tombée : tous les points de passage frauduleux appelés « Bilanga », crées par des jeunes désœuvrés qui prennent la place des agents de l’Etat, devaient être fermés. On a comme l’impression, curieusement, d’être en face d’une fraude résistant à toute épreuve : après le démantèlement de ces réseaux, les unités mobiles de la DGDA ont arrêté plusieurs véhicules cherchant à traverser, la nuit du 5 au 6 septembre 2020, avec des marchandises de contrebande au niveau de la sous-station de Kamalasha et du poste Bantuku. 

L’ampleur avec laquelle la fraude douanière est commise en République démocratique du Congo laisse croire que tous les postes douaniers sont une passoire trop poreuse. Celleci est commise à une grande échelle dans presque toutes les p r o v i n c e s (Nord-Kivu, Ituri, Katanga, Kongo-central…), particulièrement à Kasumbalesa, premier poste frontalier terrestre et deuxième en termes de trafic, après Kinshasa. Alors ministre des Finances, Henri Yav Mulang avait indiqué que Kasumbalesa est un grand centre frontalier connaissant un trafic important en importation et exportation, mais il y a beaucoup de fraudes, beaucoup de contrebandes.

La porosité des frontières encourage la fraude !

Les fraudeurs passent par des postes frontaliers incontrôlés, parfois avec la complicité des militaires et agents de sécurité. Parfois, les responsables de la DGDA pensent à officialiser certaines pistes créées à la manière de la petite barrière de Goma, pour que la barrière officielle soit réservée aux grandes marchandises et les petites aux petites cargaisons. Toutefois, pour échapper au contrôle douanier, la population, par exemple, à Lubiriha, au Nord-Kivu, transporte sur la tête moult produits parmi lesquels du cacao, du café ou de la boisson alcoolisée prohibée et traverse avec la rivière à pied. En Ituri, particulièrement à Aru et Mahagi, des marchandises entrent par des moyens de transport dérisoires : vélos, motos… En 2014, la société civile et le bureau de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) du Kongo central avaient dénoncé la fraude douanière dans plusieurs postes frontaliers et installations portuaires de la province : de véhicules vieux de 10 ans provenant de Pointe-Noire arrivaient à Luozi, l’importation des produits impropres à la consommation était faite à Lufu et Songololo ; mais aussi l’entrée frauduleuse des produits pétroliers par les postes frontaliers du Bas-Fleuve. L’une des conséquences est que les marchandises entrent sans payer la douane et concurrencent les denrées produites localement.

Le phénomène « Bilanga » et les autres services !

Avec le phénomène « Bilanga », la population fait passer la marchandise par la brousse, du côté de la Zambie, pour la faire entrer au pays en petites quantités, sans payer la douane. En 2015, pour mettre fin audit phénomène, Moïse Katumbi, en ce moment-là gouverneur de province, avait préconisé la construction d’un mur à la frontière. Accusé de faire la fraude douanière, Isaac Tshiswaka, responsable UDPS Kasumbalesa base Bilanga se défend. Il affirme que ce sont les quatre services commis à la frontière que sont la DGDA, l’OCC, la DGM et le service de l’Hygiène qui facilitent la fraude douanière. Il ajoute qu’il y a de nombreux autres services de l’Etat qui font la contrebande, à savoir la police des frontières, la police de la nouvelle technologie, la police judiciaire, la police antifraude, la police antidrogue… D’après lui, Bilanga est un quartier et non un groupe d’inciviques. Pour Ernest Mpararo, secrétaire exécutif de la lutte contre la corruption (LICOCO) et point focal de Transparency International en RDC, la faute revient au Ministère de l’Intérieur, Sécurité et Affaires coutumières qui a dans ses attributions la gestion de la frontière de Kasumbalesa. En 2019, le Chef de l’Etat avait envoyé le Général Numbi remettre de l’ordre à ce poste frontalier.

Une préoccupation pour le Parlement !

Lors de l’examen du projet de loi des finances 2020 à l’Assemblée nationale, la commission économico-financière et contrôle budgétaire (ECOFIN) avait recommandé à la DGDA d’intensifier la lutte contre la fraude douanière. Entre autres, les députés nationaux avaient recommandé le renforcement du mécanisme interne de contrôle et audit en vue de lutter contre la fraude ; l’imposition d’un code d’éthique et d’intégrité contraignant aux fins d’assainir les mœurs dans les chefs de tous les agents de douane ; et la finalisation du processus d’informatisation.

Le combat des autorités de la DGDA !

 La DGDA a initié plusieurs réformes, renforçant la surveillance et introduisant le système de guichet unique. Malgré tout, la fraude douanière est devenue comme une callosité. Pourtant, que ce soit à l’époque de Déo Rugwiza ou actuellement celle de Jean-Baptiste Nkongolo Kabila, Directeur Général a.i., les autorités de la DGDA combattent toujours la fraude douanière. En 2016, Déo Rugwiza avait dénoncé l’entreprise Ingenieria et Innovazione, implantée en Ituri, de faire entrer de force des camions citernes de carburant importé de l’étranger sans payer la douane. La DGDA dénonçait une fraude douanière à grande échelle à Mahagi, à 175 km au nord de Bunia. Pendant sept mois, cela s’est fait régulièrement au point d’occasionner un manque à gagner de 21 millions de dollars.

En vue de renforcer le service, la DGDA a signé un protocole de collaboration avec la Police Nationale Congolaise (PNC), après l’avoir fait avec la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) et la Direction générale de migration (DGM). La police devait donner aux douaniers une formation paramilitaire en vue de leur permettre de faire face à toute éventualité d’attaque de l’ennemi. Les douaniers concernés devaient porter des armes autorisées au terme de la formation. Toujours dans le cadre de la lutte contre la fraude douanière, la RDC a conclu des accords avec d’autres pays notamment avec la Tanzanie, l’Angola. Mais aussi avec la République centrafricaine avec laquelle elle a signé un accord d’assistance mutuelle administrative (AAMA).

Lorsqu’agents et cadres de la DGDA occasionnent la fraude !

Des ONG ont eu à accuser les agents de la DGDA d’entretenir la fraude, notamment la sous-évaluation des marchandises. À Mahagi, en Ituri, l’Auditorat militaire avait même émis des mandats de comparution contre certains de ces agents. Toutefois, le gouvernement s’est toujours attaqué à la fraude douanière. Le 12 janvier 2015, après avoir visité le poste douanier de Kasumbalesa, le Premier ministre Augustin Matata avait déploré une fraude généralisée de marchandises, un laisser-aller, de la complaisance et un grand désordre. Il eut des retombées : le ministre des Finances, Henry Yav Mulang instruisit Déo Rugwiza de remplacer « sans délai » tous les responsables de la DGDA Katanga, à tous les niveaux et à tous les postes douaniers. Le Premier ministre Bruno Tshibala avait aussi manifesté sa volonté de combattre la fraude douanière, à la clôture de la conférence sur le climat des affaires qu’il avait organisée au moment où il était en fonction.

Possible de lutter contre la fraude et maximiser les recettes !

Si toutes les batteries sont mises en marche, la DGDA peut mobiliser beaucoup d’argent. En septembre 2020, par exemple, elle a mobilisé 205,8 milliards de francs, un taux de réalisation de 53,46%, par rapport aux assignations budgétaires mensuelles fixées à 384,9 milliards de francs. Une performance saluée par le gouvernement lors de la 51ème réunion du Conseil de Ministres. D’autre part, le rapport d’exécution de la loi des finances de l’exercice 2020 partant du 1er janvier au 30 juin indique que les recettes des douanes et accises mobilisées se sont chiffrées à 870,6 milliards de francs. Au regard des prévisions linéaires estimées à 2 282,9 milliards de francs, le taux de réalisation est de 38,1%. Selon les projections du gouvernement, la DGDA pourrait atteindre 1821,5 milliards de francs fin décembre 2020. Ce résultat est obtenu grâce notamment à la suppression des exonérations et à la lutte que mène le gouvernement. 

Hubert MWIPATAYI

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