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PSYCHOLOGIE: La stérilité dans le couple

Débutée à deux, la relation d’un couple se conçoit difficilement en dehors de la présence du fruit de l’amour qui les a unis. Autrement, cela dénote certainement dans cet univers.

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A moins de se placer dans un contexte occidental moderne, où l’on peut imaginer un couple décidé en âme et conscience de vivre dans une relation de couple sans enfant, voir les choses de cette manière paraît même être une aberration, surtout en Afrique. 

D’ailleurs, la position expresse de refuser d’avoir d’enfant est extrêmement rare. Les statistiques situent cette catégorie à une moyenne de 3 à 5% de personnes selon les pays d’Europe ou d’Amérique du Nord qui se trouvent dans ces cas. La distinction s’établit aussi entre les couples mariés ou ceux en union libre et dans les deux cas, cette ferme décision relève de différentes approches psychologiques qui peuvent s’attacher à l’angoisse sur la durée du couple ou d’une disparation physique impromptue avec pour conséquence une séparation ultérieure avec ce que cela peut avoir pour répercussions sur l’enfant ; l’angoisse peut être ainsi le fait de vouloir s’entourer de toutes les garanties de bien assurer l’éducation de cet enfant ; la cause peut remonter au souvenir de la maltraitance subie dans sa propre enfance ou remarquée dans certaines familles avec le refus de le faire porter à un être innocent ; cela peut aussi tenir aux craintes sur des lendemains incertains de la vie sur terre… 

Il faut avouer que toutes ces motivations psychologiques ont à faire face à celles de l’entourage qui réagit souvent fermement, parfois avec des insinuations insistantes sur les raisons de la stérilité du couple. Car pour la plupart des gens, avoir des enfants s’inscrit tout simplement dans la logique même de la nature et des convenances sociales : à moins de vivre en ermites, les couples se retrouvent en famille auprès de leurs parents chez qui on perçoit l’attente de savourer du plaisir de porter les rejetons de leurs rejetons ou entourés de leurs amis qui viennent avec leurs enfants au point de subir une pression psychologique. A la limite, faire preuve de stérilité dans ces conditions, c’est un peu témoigner d’absence d’humanisme, sinon faire preuve d’égoïsme. La réaction de la belle et sculpturale Sophie a ainsi toujours sidéré ses amies : « je me refuse d’avoir un enfant de peur que mon corps se détériore. Je vais commencer par prendre du poids, puis ça sera mes seins qui vont s’affaisser sans compter les vergetures qui vont orner mon corps. Jamais, pas de ça ! »

Une germination sous haute surveillance

On comprend donc qu’à part ces cas infimes, la logique de tout couple est de vouloir le plus rapidement une progéniture. Si hier, certaines unions avaient pour raisons le raffermissement d’une alliance politique ou économique, la constitution d’une grande famille pourvoyeuse en main-d’œuvre, la situation actuelle est nettement différente dès lors que l’amour rentre plus en jeu. Dans tous les cas, la naissance d’un enfant est la bienvenue.

Dans cet ordre d’idées, la stérilité devient un véritable désastre, car elle ne permet pas de répondre à la raison d’être du couple. Là où la pression pouvait se faire de manière insidieuse, ici elle est de manière très manifeste. Après 18 mois de mariage, c’est avec appréhension que Flore accueille sa belle-mère dont les visites se font de plus en plus régulières, comme si elle avait décidé de rapprocher ses consultations prénatales de mère. Sa façon d’épier ses moindres gestes, ses interrogations sur les sensations éventuelles de sa belle-fille, ses prévenances à lui ramener quelques cadeaux pour la prochaine venue devenaient de plus en plus exaspérantes. Au point de faire l’objet de disputes dans le couple, chacun se jetant la faute à la figure.

« je me refuse d’avoir un enfant de peur que mon corps se détériore. Je vais commencer par prendre du poids, puis ça sera mes seins qui vont s’affaisser sans compter les vergetures qui vont orner mon corps. Jamais, pas de ça ! »

Et puisque pour faire un enfant, il faut être à deux, la tendance est souvent de faire porter le chapeau à la femme, coupable de stérilité. Après 10 ans de vie commune, Patcho et Atinda ne parviennent toujours pas à avoir d’enfant. Patcho, soucieux de préserver son image de virilité pensant qu’elle est liée à sa capacité de fertilité aime rappeler qu’il avait pu concevoir un enfant avant d’avoir rencontré Atinda. Pour lui et sa famille, sans l’ombre d’un doute la fautive est bien connue. Et de là à imaginer des complots en sourdine pour l’évincer, sinon à lui coller une adjointe, les raisons sont suffisantes pour Atinda de se faire ausculter chez le gynécologue pour … brandir avec hardiesse les résultats des examens : elle peut bel et bien concevoir des enfants. Depuis, elle ne parvient pas à comprendre le refus de Patcho à se faire examiner à son tour pour déterminer la cause exacte de leur état au point d’attiser davantage les conflits du foyer, surtout lorsqu’elle, qui sait se montrer provocatrice après avoir été blessée dans son amourpropre, se permet de douter de la paternité dont il ne cesse de se vanter de ses amours passés, en poussant des huées avec profusion de gestes dont seules les Congolaises ont le secret.

Pour sa part, Sandrine, lasse de nombreuses visites gynécologiques, de la prise de médicaments et des conseils des aînées, l’ultime ressort psychologique auquel elle a eu recours a été la prière. A l’église, elle qui pouvait s’estimer combler par une certaine aisance matérielle, son attention se focalisait surtout les témoignages des femmes qui vivaient le miracle de la maternité après plusieurs années d’attente. Et combien d’amen, n’a-t-elle pas ponctué les prédications du pasteur lorsqu’il se réfère au verset biblique qui affirme que dans mon royaume il n’y aura ni femmes stériles, ni femmes qui avortera ?

On peut imaginer que l’absence d’un enfant, ce don du ciel, dans une société congolaise ouverte, pour ne pas dire une société où les gens se mêlent souvent de la vie des autres sans ce que cela ne se justifie vraiment, la vie n’est pas tendre pour les couples stériles et surtout les femmes accusées d’en être la cause.

 En réaction à cette psychologie sociale, des changements comportementaux peuvent s’observer auprès de la personne qui voit l’estime de soi en pâtir, au point de ressentir des émotions négatives, de la tristesse, de la frustration qui peuvent se muer en colère, en désespoir et parfois en l’hystérie et pourquoi pas en l’infidélité pour recourir à un partenaire géniteur afin de se débarrasser d’une appellation collée à sa personne comme celle de « kisita » (littéralement stérile avec une pointe péjorative) ou d’autres surnoms carrément méchants.

Entre adoption et adaptation

.Et lorsqu’après toutes les tentatives et malgré toutes les bonnes volontés, la nature se montre obstinément ingrate, le couple stérile se trouve en définitive confronté à plusieurs options. La plus extrême d’entre elles est la séparation, souvent avec la bénédiction de la famille de l’homme qui d’emblée incrimine la femme et fais pression sur leur fils de se départir de ses sentiments pour trouver une remplaçante à sa femme, ou alors une adjointe.

Bogy aime souvent évoquer le temps mis par ses parents avant qu’il ne vienne au monde : « Je suis né quinze ans après le mariage de mes parents. Et quels n’étaient pas les commentaires du côté de la famille de mon père ! Il a tenu bon par amour pour ma mère et voilà j’ai fini par venir au monde, puis après moi d’autres enfants ».

Dès lors, le couple en situation de stérilité se trouve devant deux autres options décidées dans l’intimité de leur relation. La première serait de pratiquer l’adoption pour inviter de la gaîté dans le foyer. Si cette pratique peut se comprendre en Occident, où il y a eu une vague d’adoption d’Asiatiques dès les années septante, puis Africains plus tard, elle est généralement impensable en Afrique où la famille est élargie sans frontière : à défaut d’avoir mis au monde, il suffit pour la famille de l’homme de lui confier l’enfant d’un frère ou d’un cousin, qui sont d’ailleurs entre eux des frères de sang, malgré des paternités différentes, plutôt que de faire entrer dans le clan un enfant étranger. Dans ce cas, il est même parfois impossible de distinguer l’origine de cet enfant. Il faut néanmoins ne pas négliger les agissements que peut avoir à son égard la femme qui, selon son tempérament, peut faire ressentir qu’elle n’a pas eu à le porter dans son ventre.

Une autre possibilité toujours à la portée du couple stérile est celle de l’adaptation. Dans ce cas, il lui reste tout simplement à accepter son sort. Avec le modernisme, la formule d’adoption au sein de la famille élargie est souvent exclue. Seul l’amour peut alors resserrer les liens du couple, lequel, conscient de son statut, peut reporter toute son affection sur d’autres enfants du dehors du couple, que ce soit dans leurs familles respectives ou dans des orphelinats. Le mot est lancé : l’amour est en mesure, s’il est cultivé de donner naissance à la vertu de la patience  expression même de ce noble sentiment dont la puissance résiste à toute épreuve pour en cueillir les fruits.

HESHIMA 

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