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Mort de l’Ambassadeur italien en RDC : quelles conséquences diplomatiques ?

Les résultats de l’enquête demandée de vive voix par le gouvernement italien sur les circonstances exactes du meurtre de Luca Attanasio vont établir les responsabilités de ce grave incident diplomatique. En attendant, Kinshasa retient son souffle.

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L undi 22 février dans les avant-midis, l’irréparable arrive. L’ambassadeur italien, Luca Attanasio, 43 ans, est tué dans une embuscade dans les périphéries de la ville de Goma, dans la province du Nord-Kivu alors qu’il était dans un convoi du Programme alimentaire mondiale (PAM). Son garde du corps italien, le carabinier Vittorio Lacovacci, 30 ans, et le chauffeur congolais du PAM, Mustafa Baguma Milambo, 56 ans, y laisseront également leur peau dans cette attaque.

 Quelles peuvent être les conséquences diplomatiques de ce grave incident ? A la confirmation de cette nouvelle, le gouvernement congolais, à travers le ministère de l’Intérieur, a rejeté la responsabilité sur les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) qui agissent dans cette région. Une accusation que ces derniers vont rejeter dans un communiqué.

 L’Etat congolais va encore se dédouaner de sa responsabilité à travers le Protocole d’Etat et le gouvernorat du Nord-Kivu, soutenant qu’il n’avaient des informations sur le déplacement du diplomate italien dans cette région minée par des groupes armés. Donc, il ne pouvait pas, dans ce cas, prendre des mesures sécuritaires pour sa protection.

 Selon la Convention de Vienne, l’État accréditaire a la responsabilité de prendre toutes mesures appropriées pour empêcher toute atteinte à la personne, à la liberté et à la dignité d’un diplomate. Par ailleurs, les us et coutumes voudraient que tout déplacement des diplomates en dehors de la capitale soit portée à la connaissance de l’Etat accréditaire dans une note adressée au ministère des Affaires étrangères. L’ambassade italienne a confirmé avoir bel et bien adressé une note au ministère des Affaires étrangères pour ce voyage. Sauf que, le Protocole d’Etat avouera qu’Attanasio était revenu à la charge pour annoncer l’annulation du voyage. 

Jusque-là, le gouvernement italien n’indexe pas directement l’Etat congolais, mais plutôt les Nations-Unies à travers le PAM. 

Selon Luigi Di Maio, ministre italien des Affaires étrangères, si l’ambassadeur pouvait décider seul des modalités de ses déplacements dans le pays, l’organisation de ce voyage dans l’Est de la RDC était de l’entière responsabilité du PAM. 

« La mission s’est déroulée à l’invitation des Nations Unies. Donc le parcours en voiture s’est également déroulé dans le cadre de l’organisation prévue par le PAM. Nous attendons de l’agence un rapport approfondi sur tout élément utile au programme de la visite et aux mesures de sécurité adoptées pour protéger la délégation», a insisté M. Di Maio qui exige une enquête du PAM et de l’ONU.

Mais, attention ! Les conclusions attendues de cette enquête pourraient aussi établir la responsabilité de l’Etat congolais. Selon la version gouvernementale, l’Ambassadeur et son garde du corps ont été tués au moment où les gardes du parc et les éléments des FARDC essayaient de les libérer des mains des assaillants à 500 mètres du lieu de l’embuscade. Selon la presse italienne, les balles qui ont fauché les deux victimes (le chauffeur était tué au lieu de l’embuscade) pourraient aussi être celles venant de la partie loyaliste.

 «Fait intentionnellement illicite»?

Au cas où cette dernière hypothèse se confirmait, il peut y avoir des conséquences diplomatiques entre Kinshasa et Rome. Au regard de la Convention de Vienne, l’Etat congolais aura alors failli à son obligation internationale d’assurer la protection physique d’un diplomate. Cela peut être considéré comme un «fait internationalement illicite». Kinshasa serait, dans ce cas de figure, tenu à réparer ce dommage.

Dans la mesure où ce type de dommage ne saurait être réparé par la procédure diplomatique de « restitution » ou d’« indemnisation », la « satisfaction » serait demandée. Celle-ci consiste en une reconnaissance de la violation, une expression de regrets, des excuses formelles ou toute autre modalité appropriée, selon la Convention de Vienne.

 Le 28 janvier 1993, quand l’ambassadeur français, Philippe Bernard, a été tué dans les locaux de l’ambassade à Kinshasa (Zaïre) en plein pillage dans la capitale, le pays avait échappé aux sanctions diplomatiques. Au contraire, les relations entre Kinshasa et Paris vont se consolider avec la déclaration de Mobutu à Paris, l’année suivant le génocide rwandais, comme « élément stabilisateur de la région ».

Paris qui n’ouvrira aucune enquête sur la mort de son ambassadeur va nommer un nouvel ambassadeur Jacques Depaigne la même année 1993. L’actuel régime espère peut-être s’en sortir de la même manière avec la mort d’Attanasio. En attendant, il retient son souffle.

 HESHIMA

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