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JULES Alingete : le Shérif des finances publiques

Jamais dans l’histoire de cette institution, 34 ans durant, l’opinion nationale et internationale n’avaient autant parlé de l’Inspection générale des finances (IGF). En près d’un an et demi, le Shérif des finances publiques, avec le concours de ses différentes brigades, a enchainé des audits et des contrôles des finances et des biens publics, des enquêtes, inspections, vérifications, contre-vérifications et surveillance de toutes les opérations financières, tant en recettes qu’en dépenses, du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes ou entreprises de l’Etat.

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Chez le commun des mortels en République démocratique du Congo, beaucoup penseraient que l’IGF a commencé avec lui.

De son nom complet, Jules Alingete Key, 57 ans, originaire de la province du Maï-Ndombe, l’inspecteur général des finances, chef de service, a presque tout révolutionné.

Après 34 ans d’existence, ce service aujourd’hui rattaché à la Présidence de la République est désormais connu du grand public. Son travail est salué des deux mains par la majorité des Congolais.

Dans le difficile combat contre la corruption et le détournement endémique des deniers publics, le président de la République, Félix Tshisekedi, a trouvé la pièce du puzzle. Jules Alingete est devenu aujourd’hui l’incarnation du contrôle des finances publiques. Depuis un temps, il passe pour l’un des hommes les plus craints du pays. Pour avoir une telle image, un travail s’est fait en amont.

 Nommé le 7 juillet 2020 par Félix Tshisekedi, Jules Alingete Key a su proposer des réformes dans le but de lutter efficacement contre les détournements des deniers publics et la corruption afin d’implémenter une nouvelle gouvernance. Seulement après une année et quelques mois de service, le Shérif des finances publiques, avec le concours de ses différentes brigades, a enchaîné des audits et des contrôles des finances et des biens publics. Plusieurs enquêtes, vérifications et contre-vérifications des dépenses des fonds publics ont été lancées au niveau du pouvoir central, des provinces et des entités territoriales décentralisées ainsi que des organismes ou entreprises de l’Etat.

Heshima Magazine donne un coup de projecteur sur les actions d’un homme qui a révolutionné un service, jusqu’hier, inconnu du grand public. 


Et plus d’une année après un travail d’hercule, Heshima Magazine évalue l’impact des missions d’encadrement et de contrôle de l’Inspection générale des finances sur la trésorerie de l’Etat. Expert-comptable agréé, spécialiste en fiscalité et expert en matière du climat des affaires, l’homme qui supervise et coordonne le programme ponctuel des missions de l’IGF, connaît tous les rouages des finances publiques.

Jules Alingete est diplômé en sciences économiques de l’Université de Kinshasa (UNIKIN), diplôme obtenu en 1988. Le 4 janvier 1989, soit deux ans après la création de l’Inspection générale des finances (IGF) – le 15 septembre 1987 – l’homme rejoint l’IGF comme Inspecteur stagiaire et sera nommé Inspecteur en 2000, avant d’être désigné inspecteur général des Finances en 2010. Pendant tout ce temps, le travail de ce service ne se fait pas sentir dans un pays longtemps miné par la corruption. Il fallait attendre juillet 2020, lorsque le président Félix Tshisekedi a décidé de lui confier les commandes de ce service, pour qu’il bénéficie alors d’un appui politique et de la confiance du Président de la République. Et Jules Alingete s’est fixé un objectif : celui de « faire reculer les antivaleurs » en démantelant les réseaux mafieux. Ceux entretenus par ceux qui étaient, autrefois, des intouchables. Pour ce faire, le conseil des ministres, sous les orientations du chef de l’Etat, a ajusté l’organisation de l’IGF afin de faciliter l’audit, le contrôle et l’encadrement permanent des services soumis à ses interventions dans le but de lutter efficacement contre la fraude et la corruption, et ainsi promouvoir des méthodes de travail conformes à loi dans le secteur public.   

Des innovations

Considérant que le propriétaire des fonds publics pour lesquels le contrôle est mis en exécution s’avère être la population, Jules Alingete a procédé, en premier lieu, au changement de la méthode de communication des résultats du travail. Pour atteindre l’objectif principal de ses missions, il lui fallait des lieutenants, des inspecteurs des finances intègres. Or, pour compter sur des personnalités intègres, il importe de les motiver et tenir à leur bienêtre afin de ne pas les soumettre à la tentation de corruption. Le travail abattu dans ce cadre a porté sur la révision à la hausse, soit le double, de la rémunération de son équipe. Ce qu’il y avait comme frais de fonctionnement alloués au service, Jules Alingete les a orientés vers la motivation des agents et inspecteurs des finances. Dans le même ordre d’idées, il a également œuvré pour améliorer les conditions de travail au niveau des bureaux et dans tout ce qu’il y a comme infrastructures, notamment en y pourvoyant en outils informatiques et autres commodités de travail.

À son arrivée, Jules Alingete a trouvé, dans les bureaux des inspecteurs, des chaises en plastique. Les conditions étaient piteuses. A son actif, il a dû pratiquement réhabiliter tout le bâtiment de l’Inspection générale des finances : les bureaux des inspecteurs, les salles de réunions, les restaurants, le parking,… pour que les inspecteurs travaillent dans de bonnes conditions.

Ne se limitant pas là, Jules Alingete veut bâtir une nouvelle voie. « Lors de ma prise de fonction, j’ai trouvé quatre grandes structures de l’IGF qui dataient d’au moins 33 ans depuis sa création ». Tenant compte de l’évolution des finances publiques, il s’est adapté aux nouvelles méthodes pour une meilleure performance. Il décide alors d’éclater les 4 structures en dix (10) :

• Brigade de coordination ; 

• Brigade des recettes et services fiscaux ; 

• Brigade des recettes et services de douane et d’accises ;

 • Brigade des recettes des organismes et services non fiscaux ; 

• Brigade des marchés publics ;

• Brigade des dépenses publiques ; 

• Brigade des entreprises et établissements publics ;

 • Brigade des provinces et entités territoriales décentralisées ;

 • Brigade de contre-vérification douanière, fiscale, para – fiscale et comptable ; 

• Brigade d’audit.

Ayant élargi les structures à dix, Jules Alingete a ensuite fait face au vieillissement du personnel. Sur – tout que la demande en missions de contrôle était devenue importante. Le dernier inspecteur jeune étant âgé de 55 ans, il lui a fallu un recrutement. Et les nouveaux inspecteurs ont permis le rajeunissement du personnel. Au total, 85 nouveaux inspecteurs des finances ont été recrutés et sont déjà opérationnels. Un mois plus tard, un autre groupe de 65 a été recruté pour porter le nombre des nouvelles recrues à environ 150. Le dernier recrutement s’est fait en octobre 2021. Contrai – rement à une certaine période, le service est constitué actuellement, outre des juristes et économistes, des ingénieurs en informatique et ingénieurs. « A ce jour, nous avons la capacité de contrôler une banque avec 1000 ou 2000 opérations par jour. [Nous] comptons à ce jour des agents spécialisés dans l’informatique », se félicite le chef de service. Le but de toutes ces spécialisations est de tenir une équipe forte et compétente de l’IGF.

Dans sa vision managériale, Jules Alingete veut rendre ses lieutenants plus performants à travers des formations. Il faut donc une salle capable d’accueillir plus d’une centaine d’inspecteurs des finances. C’est ainsi qu’il a construit un amphithéâtre moderne répondant aux standards internationaux baptisé « amphithéâtre Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo » en signe de remerciement en vers le Président de la République qui, par sa vision, a rendu les missions de l’Inspection générale des finances plus performantes dans la lutte contre la corruption et le détournement des fonds publics.

C’est pour la première fois, depuis sa création en 1987, qu’un président de la République visite le bâtiment de l’Inspection des finances. Ceci témoigne de la place prépondérante que Félix Tshisekedi accorde à la lutte contre les antivaleurs et à l’impunité dans la gestion des finances publiques mais est également perçu comme un message fort de soutien du Président de la République à ce service qui constitue son bras séculier contre les mauvais gestionnaires publics afin qu’ils s’imprègnent de la bonne gouvernance prônée par le chef de l’Etat.

En présence des cadres et agents de l’IGF, le chef de l’Etat, Félix Tshisekedi  qui a inauguré cet amphithéâtre s’est félicité, sans ambages, de la détermination de l’Inspection générale des finances en matière de lutte contre la corruption.

 Il n’a pas hésité de dire qu’«aujourd’hui, de plus en plus, on sent qu’il y a la peur de l’État, un responsable avant de mettre l’argent dans sa poche, il réfléchit et dit, ah si l’IGF passe par ici, je suis pris ». Il s’agit, pour le président de la République, de réitérer son engagement pour lutter, via l’IGF, contre la corruption et autres crimes économiques. Autrement dit, des mandataires et autres manipulateurs des deniers publics qui sont encore loin de comprendre les signes du temps, continuant de s’adonner au détournement des fonds, au coulage des recettes, à la corruption ainsi qu’aux autres pratiques illégales, privant ainsi l’État des moyens de sa politique, se retrouveront coincés. 


Résultats des missions de contrôle et encadrement

Le contrôle concomitant que font les inspecteurs aux côtés des gestionnaires des établissements et des entreprises publics illustrent mieux l’importance du suivi dans ce secteur. Des hémorragies financières se sont estompées et des malversations financières arrêtées, bien que la lutte doit continuer.

Désormais, on parle de la transparence et de l’orthodoxie dans la gestion des fonds publics. A la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), au Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) où les mandataires ont été suspendus à titre conservatoire, les gestionnaires intérimaires, en collaboration avec les inspecteurs de l’IGF, font tourner ces établissements tout en craignant de se retrouver dans l’œil du cyclone IGF.

Grâce aux enquêtes et audits, aux patrouilles financières et à ses misions permanentes d’encadrement des régies financières, l’Inspection générale des finances a, en l’espace de 15 mois, abattu un travail de titan dans le domaine des finances publiques congolaises. Le tableau est plus que reluisant.

Le Directeur général intérimaire de la CNSS, Jean-Simon Mfuti Kiaku, qui est aux commandes depuis le 20 juillet 2021, a rendu performant son établissement : recettes en hausse, amélioration des conditions de travail, la CNSS a réalisé des recettes évaluées à plus de 7 milliards de francs congolais, soit près de 4 millions de dollars se basant sur les orientations et recommandations de l’Inspection générale des finances. Au moment du passage des inspecteurs de l’IGF, la CNSS qui avait comme trésorerie 204 millions de dollars, a atteint 314 millions de dollars, six mois après.

Au FONER, les recettes ont atteint 21,9 millions de dollars contre les prévisions de 9,4 millions au mois d’octobre, soit un taux d’accroissement de 116 %. En ce qui le concerne, Jean-Claude Kalenga, le directeur général ai du Fonds de Promotion de l’Industrie (FPI) a déclaré avoir atteint les prévisions annuelles 2021 de ses recettes au mois d’octobre soit 114 millions encaissés.

Quant aux recettes arrêtées au 31 octobre 2021, elles se chiffrent à 943,7 milliards CDF, équivalant à 132 % par rapport aux prévisions budgétaires mensuelles. Ainsi, ces recettes se répartissent de la manière suivante :

• DGDA: 255,5 Milliards CDF sur 235,1 Milliards CDF, soit 109%

 • DGI : 531,6 Milliards CDF sur 339,1 Milliards CDF, soit 157% 

• DGRAD : 156,5 Milliards CDF sur 142,3 Milliards CDF soit 110%. 

• Des fonds récupérés

En plus d’empêcher le détournement des deniers publics et de stopper la mégestion, il faut relever le fait que, grâce au travail de l’IGF, plusieurs millions de dollars ont été repris. Grâce à sa patrouille financière, l’IGF a pu récupérer la somme de 1,5 millions de dollars de fonds détournés au ministère de l’Agriculture, 712.988 dollars de la prime des agents de la riposte, plus de 1 million de dollars à la Fédération congolaise de football association (FECOFA). Jules Alingete a également réussi à retourner la TVA aux comptes de l’Etat détournée par une entreprise espagnole venue travailler dans le cadre du Projet Bukanga-Lonzo, mis en cause les gestionnaires du projet Bukanga Lonzo, indexé la BGFI Bank pour le détournement de 43 millions de dollars ; enquêté sur la redevance de développement des infrastructures aéroportuaires, IDEF (Go-pass) ; et aussi sur l’affaire de la mafia dans les droits de retransmission des matches.

 Dans le même cadre, l’IGF a dénoncé le détournement à Congo Airways (23 millions de dollars et plusieurs cas d’irrégularités financières), la dilapidation de 62 milliards de francs au SECOPE, service de la paie des enseignants… (existence de faux arrêtés ministériels de recrutement…), et autres malversations. Dans le dossier Bukanga Lonzo, par exemple, les enquêteurs ont découvert que sur les 287 millions de dollars décaissés, juste 80 millions ont pu être utilisés.

Il faut dire que les inspecteurs de Jules Alingete ont, outre le contrôle concomitant, effectué des contrôles a priori et a posteriori. Plus de 60 misions ont été menées dans plusieurs domaines en 2021, une trentaine en 2020.

Dans la continuité de la lutte contre le coulage des recettes, le chef de service, Jules Alingete, avait déclaré illégales les indemnités allouées aux mandataires publics, le numéro un de l’IGF ne trouve pas correct d’accorder la rémunération de base, les primes et les avantages sociaux aux mandataires non actifs. Il a aussi relevé le caractère illégal des primes de bilan, des crédits, avances et autres avantages que s’octroient les mandataires actifs. Ce qui a conduit les présidents des Conseils d’administration de plusieurs entreprises et établissements publics de l’État congolais, notamment, SNEL, CEEC, OCC, RVA, SONAS, FONER, SCTP, INPP, FPI, OGFREM et REGIDESO à solliciter l’avis des juges de la haute juridiction administrative sur la teneur de la lettre du 13 mai dernier de l’Inspecteur général des Finances, Jules Alingete, adressée aux inspecteurs généraux des Finances en mission de contrôle dans les entreprises du Portefeuille de l’Etat et les établissements publics.

Après avoir analysé cette requête, à la lumière des textes de loi qui régissent ces matières, les juges du Conseil d’Etat ont donné raison à l’IGF : seuls les mandataires publics actifs ont droit à la rémunération de base, aux primes et aux avantages sociaux.

La chambre consultative de la haute juridiction administrative a estimé fondées les remarques de l’IGF dans la mesure où ce sont les mandataires actifs qui participent à la gestion courante de leurs établissements et que leurs fonctions sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat politique ou toute activité similaire ou concurrente. Les juges du Conseil d’État ont motivé leur avis en se référant notamment à l’article 10 du décret numéro 13/055 du 13 décembre 2013 portant statut des mandataires publics dans les entreprises du portefeuille de l’Etat. Une fois de plus, le Shérif des finances publiques a corrigé des mauvais actes posés par des gestionnaires.

La reconnaissance et les encouragements

Partout où on parle finances publiques, l’IGF est à ce jour incontournable. Ses actions sont louées partout. Après l’accord trouvé entre la RDC et le Fonds monétaire international (FMI), concernant le plan de financement de 1,5 milliards de dollars sur trois ans, le Représentant du FMI en RDC a été voir Jules Alingete pour dévoiler à l’intention des inspecteurs de finances le contenu de leur appui. « Le Représentant résident du FMI en RDC est venu présenter à l’ensemble du corps des inspecteurs des finances le contenu de l’appui du FMI au programme économique du gouvernement et définir le rôle que doit jouer l’IGF dans l’accomplissement des objectifs fixés dans ce programme ». Nous avons compris que l’appui du FMI vise à obtenir de la RDC la  bonne gouvernance ainsi que l’amélioration de la qualité de vie des Congolais. Pour cela, l’IGF est appelée à renforcer ses contrôles dans tous les volets prévus dans cet appui.

Tobin Jules, délégué du secrétaire d’Etat adjoint en témoigne : « Il m’a été très utile de comprendre comment vos travaux contribuent à la lutte contre le détournement de fonds et la corruption dans le secteur public ». Quant au Bureau des affaires internationales dans le domaine des stupéfiants et de l’application de la loi du Département d’Etat, il est reconnaissant envers l’IGF pour ses contributions importantes. Grâce au travail de l’IGF, le département d’Etat américain reprend la RDC parmi les 15 premiers pays au classement 2021 du niveau de transparence budgétaire des pays africains, avec mention « progrès significatif ». L’IGF y a beaucoup contribué notamment par ses missions auprès des régies financières.

 En un an et demi, l’inspecteur Général des Finances, Chef de service, Jules Alingete Key, s’est investi en tant qu’instrument de contrôle des finances publiques pour implémenter la bonne gouvernance à tous les niveaux des institutions de l’État.

 Olyncia MUHONG KASHEMA

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