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Lumumba : des hommages à la figure tutélaire de l’indépendance du Congo

Né le 2 juillet 1925 à Onawa, dans la province du Sankuru, Patrice Emery Lumumba était un homme politique de premier plan qui incarnait l’espoir d’émancipation du Congo fraichement indépendant. Depuis son assassinat, le 17 janvier 1961, la République lui rend des hommages.

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Patrice Emery Lumumba fut le tout premier chef du gouvernement du Congo (actuelle République démocratique du Congo) durant trois mois après l’indépendance, acquise le 30 juin 1960. Avec Joseph Kasa-Vubu, premier président du Congo indépendant, Patrice s’illustra par son discours historique au Palais de la Nation lors de la rupture historique avec la Belgique le 30 juin 1960. A cette occasion, Léopoldville (devenue Kinshasa en 1966) est en liesse.
Le 17 janvier 1961, date de l’assassinat tragique de Patrice Emery Lumumba, est décrété jour de célébration nationale pour le pays. Il est fait Héros national depuis 1966 et dont la date de décès, le 17 janvier 1961, est décrétée jour férié. Ce lundi 17 janvier 2022, des hommages dus à son rang sont organisés à l’occasion des 61 ans d’anniversaire de sa disparition. Une messe d’action de grâce est prévue ce jour à la Cathédrale Notre Dame du Congo.

Comme chaque année, des dizaines de personnalités politiques, toutes les forces vives de la nation de différents horizons, ne dérogent nullement à la tradition. L’occasion est accordée à une forte affluence. Une foule compacte prend d’assaut, munie de gerbes des fleurs, la stèle de Lumumba érigée sur la Place dite de l’Echangeur, à Limete, à Kinshasa.
En septembre 1961, Lumumba est arrêté et démis de ses fonctions par le chef d’Etat-major de l’armée, Mobutu Sese Seko (à l’époque Joseph Désiré Mobutu). Il est assassiné dans l’ancienne province du Katanga (sud-est de la RDC) avec deux de ses collaborateurs, le 17 janvier 1961, à l’âge de 35 ans, par des colons belges avec une complicité locale.


Mémoire réhabilitée


Moins de 5 ans plus tard, Mobutu accède au pouvoir par un coup d’Etat et gouvernera le pays jusqu’en 1997. Devant soixante mille personnes, le général Mobutu a rendu un vibrant hommage à Patrice Lumumba qu’il a qualifié officiellement de héros national en 1966. « C’est parce qu’il avait parlé de l’indépendance économique qu’il a été tué. Nous voulons réhabiliter sa mémoire ». Le boulevard Léopold III sera débaptisé et portera désormais son nom. Un monument à sa mémoire sera érigé à l’entrée de la ville sur la route menant vers l’aéroport de N’djili. Puis le général Mobutu a demandé à l’énorme foule d’observer une minute de recueillement à la mémoire de Lumumba.
Provoquant un engouement international, cette mort a contribué à faire du leader congolais un Héros national en RD Congo, une icône du panafricanisme et de l’histoire des indépendances africaines. A l’heure de la commémoration de l’anniversaire de son décès il y a 61 ans, trois questions ont concouru de comprendre l’homme et sa lutte pour l’indépendance de son pays.
Prenant la parole après le roi Baudouin et Joseph Kasa-Vubu, Patrice Lumumba dénonce le fédéralisme comme une manœuvre néocolonialiste soutenue par la Belgique pour fragiliser le Congo fraichement indépendant.


« Sous le camouflage du mot fédéralisme, on veut opposer les populations du Congo […]. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que ceux qui préconisent le fédéralisme, préconisent en réalité le séparatisme », dit-il. « Ce qui se passe au Katanga, ce sont quelques colons qui disent : ce pays devient indépendant et toutes ses richesses vont servir à cette grande nation, la nation des Nègres. Non, il faut le Katanga État indépendant, de telle manière que demain c’est le grand capitalisme qui va dominer les Africains », martèle Lumumba.

Cette prise de position allait sans doute sceller son sort. Il est mort assassiné le 17 janvier 1961 près d’Élisabethville au Katanga à l’âge de 35 ans. Il est considéré en République démocratique du Congo comme le premier « héros national » du pays et comme le père de l’indépendance congolaise.


Les circonstances de son assassinat


Au cours de sa brève carrière politique, Patrice Lumumba s’est mis à dos la Belgique ainsi que de nombreuses puissances occidentales en pleine guerre froide. Lumumba était déjà vu comme un agitateur depuis la création en octobre 1958 du Mouvement national congolais (MNC), un parti unitaire et radical revendiquant l’indépendance par la liquidation du régime colonial.


En décembre 1958, il avait assisté à la Conférence des peuples africains à Accra, qui constitua un tournant essentiel dans le cheminement de sa pensée politique. Il y rencontra, entre autres, le Ghanéen Kwame Nkrumah, le Guinéen Sékou Touré, le Camerounais Félix Roland Moumié et l’Antillo-Algérien Frantz Fanon, qui ont notamment en commun la lutte pour l’émancipation.


Son discours d’indépendance totale en 1960 dénonçant les abus de la politique coloniale belge fut considéré comme un affront. Sa prise de parole virulente a poussé la Belgique à soutenir l’indépendance du Katanga. S’en est suivi une série de tensions militaro-politique impliquant une panoplie d’acteurs y compris la participation présumée de l’OTAN, du M16 britannique et de la CIA.


Cette dernière organisation ira jusqu’à soutenir le coup de force militaire de Joseph Mobutu durant lequel Lumumba sera fait prisonnier. Transporté dans plusieurs lieux de détention, Patrice Lumumba et deux de ses partisans, Maurice Mpolo et Joseph Okito, seront assassinés en janvier 1961. Le mode opératoire ne sera officiellement connu qu’en 2003. Dans le documentaire télévisé CIA guerre sécrète, on explique enfin que Mobutu a fait dissoudre le corps de Lumumba dans de l’acide après l’avoir fait tuer.


A-t-il réellement été tué par un peloton d’exécution avec deux de ses ministres ? Officiellement, on ignore comment il a été tué mais il existe de nombreuses thèses et suppositions. Son corps n’a jamais été retrouvé et les circonstances exactes et le lieu d’exécution de sa mort n’ont jamais été entièrement élucidées et font toujours débat. Le rapport de la commission d’enquête du parlement belge de 2001 avait conclu à la « responsabilité morale » de la Belgique dans l’assassinat. Le gouvernement belge a présenté des excuses officielles en 2002.


En juillet 2020, un tribunal belge a décidé qu’une dent prélevée sur le cadavre de M. Lumumba devait être donnée à sa fille Juliana qui avait écrit une lettre au roi de Belgique pour demander sa restitution.

Raymond Befonda

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