Dossier

Lumumba, Mzee Kabila et E. Tshisekedi immortels

Des bouts de phrase comme « l’indépendance n’est pas un cadeau de la Belgique», « Ne jamais trahir le Congo», « le peuple d’abord» résonnent et continueront à résonner dans les oreilles de la mémoire collective. Le premier renvoie à Patrice-Emery Lumumba, père de l’indépendance de la RDC et premier Premier ministre de la RDC assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga. Le deuxième est une citation de Laurent-Desiré Kabila, tombeur du président Mobutu, assassiné le 16 janvier 2001 dans son bureau du palais de Marbre à Binza (un quartier huppé de la commune de Ngaliema à Kinshasa). Enfin, le troisième a été prononcé par Etienne Tshisekedi, figure emblématique de l’opposition à la dictature de Mobutu. Contrairement aux deux précédents, il est mort d’une embolie pulmonaire à Bruxelles le 1er février 2017. Les trois ont été proclamés héros nationaux. Cependant, quels héritages ces hommes politiques ont-ils légués à la postérité ?

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Le nationalisme

Le travail de Patrice Emery Lumumba dans une société coloniale constitue le déclic. C’est là que le futur homme politique découvre que les matières premières de son pays jouent un rôle capital dans l’économie mondiale, mais aussi que les sociétés multinationales ne font rien pour mêler des cadres congolais à la gestion de ces richesses. Ainsi, il milite pour un Congo uni, se distinguant en cela des autres figures indépendantistes dont les partis constitués davantage sur des bases ethniques sont favorables au fédéralisme. Même le parti politique qu’il crée en 1958 reflète la vision nationaliste dans sa dénomination: le Mouvement national congolais (MNC). Ses différentes rencontres avec les panafricanistes Nkwame Nkrumah, Frantz Fanon à la Conférence d’Accra l’ont façonné.

Le 30 juin 1960, Lumumba improvise un discours qui restera mémorable. Ce dernier intrigue le pouvoir colonial par son nationalisme à outrance. Preuve de l’ancrage de sa doctrine, le MNC remporte largement le scrutin aux élections générales. Fort malheureusement, Lumumba n’a pas eu l’occasion de matérialiser sa vision, il n’a exercé les fonctions de Premier ministre que pendant trois mois et sera par la suite assassiné.

Patrice Emery Lumumba
Laurent Désiré Kabila
Etienne Tshisekedi wa Mulumba

 À l’occasion du 61ème anniversaire de la mort de Lumumba, l’ambassade de la Chine en RDC a rappelé qu’après sa mort, 500.000 personnes avaient manifesté à Pékin pour protester contre son assassinat et soutenir le peuple africain pour l’unité nationale et l’indépendance de leurs pays. Ailleurs également, de nombreuses manifestations ont eu lieu pour protester contre cet ignoble assassinat. Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO) parle d’un véritable visionnaire qui était en avance par rapport aux gens de sa génération tout en rappelant que ses discours sont encore d’actualité aujourd’hui. Le Boulevard Lumumba, la statue érigée en sa mémoire à la place Échangeur de Limete, l’Institut Lumumba (tous à Kinshasa), le stade Lumumba à Kisangani, l’Université Lumumba à Moscou en Russie,… immortalisent l’illustre disparu sans compter d’autres lieux baptisés en son hommage.

Le gouverneur du Haut Katanga Jacques Kyabula a rappelé la nécessité d’achever les travaux de construction du mémorial de Lumumba au village Shilatembo (à 50 km de Lubumbashi sur la route de Likasi) où il a été tué. En dépit de sa disparition, la flamme de son idéologie est restée allumée. Christophe Gbenye, Pierre Mulele, Antoine Gizenga avec son Parti lumumbiste unifié (PALU), Laurent-Desiré Kabila et autres ont repris le relais.

Soldat du peuple

L’esprit révolutionnaire de Mzee Laurent-Desiré Kabila est dû entre autres à ses contacts avec d’autres révolutionnaires à savoir Ernesto Che Guevara et Fidèle Castro. Mzee est arrivé au pouvoir en 1997 avec l’aide du Rwanda et de l’Ouganda. Une fois aux affaires, ce patriote a demandé à ses alliés de faire les valises, une situation mal digérée par ses anciens partenaires. Il en a payé le sacrifice suprême pour son nationalisme.

 Le ministre de l’Industrie Julien Paluku salue la mémoire de Mzee, tombeur du dictateur Mobutu. Le gouverneur honoraire du Nord-Kivu tire la leçon de la révolution de l’AFDL en ces termes :  » tout acteur politique, tout puissant qu’il puisse paraître n’en est un que si cette puissance est transférée au peuple dans son vécu quotidien ». Alain Shekomba Okende, candidat à l’élection présidentielle de 2018 retient du feu président qu’il avait réellement aimé notre pays au point de perdre sa vie pour la sauvegarde de la dignité de son peuple. Le PPRD sur son compte Twitter évoque des guerres qui se succèdent, mais l’âme du soldat du peuple reste éternelle. Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l’UE en RDC partage son souvenir personnel quand il exerçait les fonctions de conseiller aux affaires africaines de 1998 à 2001. Ce diplomate se souvient de plusieurs venues et discours du président Kabila, du foudroyant et basculement diplomatique et militaire de 1998 et du démarrage de la seconde guerre du Congo.

Etienne Tshisekedi et l’État de droit

Etienne Tshisekedi, c’est plus de trois décennies de lutte dans l’opposition pour l’avènement d’un État de droit. Et cela jusqu’à la mort.

 Le président Félix Tshisekedi est l’incarnation de l’héritage du Sphinx de Limete. Le slogan « Le peuple d’abord » hérité de son père est actuellement au centre de la politique de l’actuel Chef de l’État congolais.

Déjà en 1960, Étienne Tshisekedi est membre du Collège des commissaires généraux, gouvernement provisoire mis en place par Joseph Désiré Mobutu, après un coup d’État, en tant qu’adjoint du commissaire à la Justice, Marcel Lihau. En 1965, il est ministre de l’Intérieur et des Affaires coutumières de Mobutu. Le Sphinx a participé à la rédaction de la Constitution de 1967. La même année, au Conclave de N’sele, il rédige avec Justin Bomboko et Singa Udjuu, le Manifeste de la N’Sele, créant le MPR, qui deviendra plus tard le parti unique.

En décembre 1980, 13 parlementaires dont Tshisekedi adressent une lettre au président Mobutu, dans laquelle ils dénoncent sa dictature. En 1982, il participe à la fondation de l’UDPS. À la suite de cela, il est plusieurs fois emprisonné et subi des persécutions, de même que les autres fondateurs de l’UDPS, dont certains y trouveront même la mort. Il est nommé Premier ministre du 29 septembre au 1er novembre 1991. L’année suivante, en 1992 au mois d’août, il est élu Premier Ministre par la Conférence nationale souveraine jusqu’en février 1993 puis à nouveau nommé au même poste qu’il occupera du 2 au 9 avril 1997.

 Etienne Tshisekedi n’abdique pas. Il continue sa lutte pour l’avènement d’un État de droit sous le régime de Laurent Désiré Kabila. En mars 1998, la commission congolaise chargée de préparer la nouvelle Constitution avait fait savoir que Tshisekedi est déchu de ses droits politiques pour son rôle dans la mort de Patrice Lumumba. À l’issue du Dialogue intercongolais de Sun City en Afrique du Sud, Tshisekedi refuse d’occuper le poste de vice-président réservé à l’opposition non armée. Le leader Maximo appelle au boycott du référendum et des élections de 2006 pourtant considérées aux yeux de certains comme le premier scrutin démocratique de l’histoire de la RDC. Contre toute attente, il décide de participer aux élections du 23 décembre 2011. Joseph Kabila est proclamé vainqueur de l’élection présidentielle. La plupart des organismes locaux et internationaux dénoncent de graves  » irrégularités ». L’opposant revendique la victoire et s’autoproclame président.

Témoignages

Pour le Prof André Mbata, Etienne Tshisekedi aura été un martyr de la démocratie et de l’État de droit, ce que Nelson Mandela représente pour les Sud-Africains. Le plus grand héritage du leader Maximo est l’intégrité selon le ministre des Hydrocarbures Rubens Mikindo Muhima. Etienne Tshisekedi, c’est  » notre icône, notre modèle, l’homme de la constance, dans l’unité et la sérénité » d’après JP Lisanga Bonganga.

 Christopher Ngoyi, activiste des droits humains estime que l’intransigeance de l’homme devrait inspirer les politiciens dans la prise en charge du destin des Congolais. Reprenons la qualification du Prof Mbata:  » Étienne Tshisekedi, immortel à l’instar de Lumumba et Laurent-Desiré Kabila n (Lire aussi pages 40 à 41).

JM MAWETE

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