Le 1er septembre dernier, la prison centrale de Makala à Kinshasa a été secouée par un événement tragique. Une tentative d’évasion de grande envergure ayant entraîné une répression sanglante, faisant au moins 129 morts selon les autorités. Un bilan remis en question par les organisations non gouvernementales comme la Fondation Bill Clinton pour la paix, qui conteste ce chiffre, estimant qu’il pourrait être bien plus élevé.
La genèse des événements
Dans la nuit du 1er septembre, des coups de feu ont retenti dans l’enceinte de la prison. D’après certaines sources, des détenus affiliés aux « Kuluna », une bande criminelle redoutée à Kinshasa, auraient planifié cette évasion. Une coupure d’électricité soudaine aurait précipité les événements, plongeant la prison dans le chaos.
La réaction des gardiens, appuyés par des militaires, a été rapide et particulièrement brutale. Des rafales de tirs ont été dirigées contre les détenus, provoquant de nombreuses pertes humaines.
Les images effroyables capturées cette nuit-là ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux, montrant des corps éparpillés sur le sol, des cris de panique et des scènes de désespoir. La diffusion de ces vidéos a provoqué une onde de choc, tant au niveau national qu’international, suscitant des appels à une enquête approfondie pour faire la lumière sur ce massacre.
Un bilan controversé
Le gouvernement congolais a avancé un bilan de 129 morts, dont 24 par balles, et environ 50 blessés. Cependant, plusieurs ONG, dont la Fondation Bill Clinton pour la paix, affirment que le nombre de victimes serait bien plus élevé. Selon des témoignages recueillis sur place, des centaines de corps auraient été évacués de la prison ce soir-là, bien au-delà des chiffres annoncés. Il est également rapporté que certains de ces corps auraient été enterrés sans que les familles n’en aient été informées, renforçant l’opacité qui entoure cette tragédie.
Un autre aspect tragique de cette nuit concerne les violences sexuelles. Selon la Fondation Bill Clinton, plus de 200 femmes du pavillon 9, auraient été violées lors de cet événement, un chiffre qui n’a pas été confirmé par les autorités.
Où sont les prisonniers manquants ?
Une des principales zones d’ombre concerne le nombre exact de détenus présents à la prison avant et après l’évasion. La prison de Makala, construite pour accueillir 1 500 prisonniers, en abritait plus de 15 000 au moment du drame. D’après un rapport publié le 5 septembre par la Fondation Bill Clinton, il restait seulement 13 009 détenus après l’événement. Si l’on soustrait les 129 morts officiels et les 100 prisonniers transférés à la prison militaire de Ndolo, il manque tout de même près de 1 767 détenus. Là encore, les autorités n’ont pas apporté d’explications claires. Des interrogations demeurent sur ces disparitions : s’agit-il de personnes qui se sont échappées discrètement ou bien de victimes non recensées ? L’absence d’informations précises alimente les spéculations et accentue la méfiance de la population.
Une prison au bord de l’effondrement
La situation de la prison de Makala est le reflet des dysfonctionnements du système carcéral en RDC. Cette prison, construite en 1957, souffre d’une surpopulation chronique et de conditions de vie déplorables. Le manque de soins, la malnutrition et l’insalubrité y sont monnaie courante. En 2022, près de 500 détenus y seraient décédés à cause de ces conditions précaires.Cette prison est devenue tristement célèbre pour ses évasions collectives. En 2017, une évasion massive avait déjà eu lieu à Makala, orchestrée par des membres de la secte Bundu Dia Kongo, permettant à des milliers de détenus de s’enfuir, y compris leur leader spirituel Ne Mwanda Nsemi.
Aujourd’hui, la prison héberge plus de dix fois sa capacité maximale. Ce problème de surpopulation, associé à une gestion déficiente, rend la situation encore plus explosive. Plusieurs ONG ont déjà alerté les autorités sur ces conditions, mais peu de choses ont été faites pour y remédier.
Des attentes face aux enquêtes
L’incident de Makala a suscité une vague d’indignation au sein de la population, qui attend des réponses. Le président Félix Tshisekedi avait promis une enquête rapide pour faire la lumière sur ce drame, mais jusqu’à présent, peu de résultats concrets ont été présentés. Les familles des victimes réclament justice, et les organisations internationales, comme Human Rights Watch et Amnesty International, ont exhorté le gouvernement congolais d’agir en toute transparence.
De son côté, le directeur de la prison, Joseph Yusufu Maliki, a été suspendu de ses fonctions et fait l’objet d’une enquête. Selon certaines sources, il aurait quitté la RDC pour se rendre en Belgique pour des raisons médicales.
Une réforme pénitentiaire urgente
Le drame de Makala met en lumière l’urgence d’une réforme profonde du système carcéral en RDC. La construction de nouvelles infrastructures pénitentiaires et la mise en place de programmes de réinsertion sont des étapes cruciales pour désengorger les prisons et améliorer les conditions de vie des détenus.
Si la tragédie de Makala a révélé des failles systémiques, elle appelle également à une réflexion plus large sur la gestion de la justice en RDC. Les autorités devraient prendre des mesures immédiates et concrètes pour rétablir la confiance du peuple et garantir que de telles tragédies ne se reproduisent plus.
Dominique Malala