Lors du Conseil des ministres tenu le 22 novembre 2024, le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) a annoncé une nouvelle stratégie visant à désengorger les routes de Kinshasa, la capitale de plus de 15 millions d’habitants. Cette mesure porte sur le contrôle de l’état technique des véhicules, la vérification des assurances automobiles, ainsi que des plaques d’immatriculation. Cependant, son efficacité à long terme reste incertaine face à la saturation croissante du trafic.
Malgré l’instauration, depuis plus d’un mois, de la circulation alternée pendant les heures de pointe, les embouteillages demeurent un défi majeur pour Kinshasa. Les longues files de véhicules et motos qui paralysent quotidiennement les principales artères de la ville reflètent une incapacité structurelle à répondre aux besoins d’une population urbaine en pleine croissance.
« Le Gouverneur de Kinshasa a été instruit d’envisager la mise en œuvre de ces contrôles dans les prochains jours, ce qui devrait permettre de réduire le nombre de véhicules en circulation et, par conséquent, atténuer les embouteillages », indique le rapport du Conseil des ministres.
Le gouvernement évite les vraies solutions
Cependant, des critiques émergent quant à la portée réelle de cette mesure. Interrogé par Heshima Magazine, un membre de la Mutuelle pour la Solidarité des Chauffeurs au Congo (MSCC/ASDT) est pessimiste. Il est convaincu que la réduction du nombre de véhicules en circulation reste peu probable : « Celui qui a été en mesure de débourser de l’argent pour s’acheter un véhicule ne peut pas manquer indéfiniment de quoi se payer un contrôle technique ou une assurance de 60 dollars pour certains véhicules. Donc, en définitive, le nombre de véhicules ne va pas baisser », a-t-il réagi.
Pour lui, le gouvernement évite des solutions structurelles en se réfugiant derrière des mesures conjoncturelles qui n’apporteront pas grand-chose. Il faudrait, selon lui, créer de nouvelles routes secondaires et réhabiliter celles qui sont délabrées. Le gouvernement devrait également faire du retour du train urbain une priorité majeure pour mettre fin aux embouteillages. Il devrait aussi concrétiser l’extension de la ville vers la commune rurale de Maluku afin de décongestionner le centre-ville actuel, à Gombe.
Faire respecter le code de la route
Selon Chardin Ngoy, président de la MSCC, le respect strict du code de la route est essentiel pour limiter les embouteillages. « L’incivisme des conducteurs, combiné à la mauvaise gestion des arrêts de bus, aggrave le problème », souligne-t-il.
L’urgence des transports durables
La République Démocratique du Congo n’entre pas toujours dans la dynamique des autres pays africains qui privilégient des modes de transport durables. L’Afrique abrite près de 1,4 milliard de personnes, soit environ un cinquième de la population mondiale, et la RDC, à elle seule, compte environ 100 millions d’habitants. Bien que la majorité des Africains (57 %) vivent en zones rurales, le taux d’urbanisation de l’Afrique est sans précédent, et des villes comme Le Caire, Kinshasa et Lagos sont déjà des mégapoles. Cela devrait conduire ces villes à adopter des solutions de transport durables pour les déplacements urbains. C’est ce que l’Égypte a fait dans sa capitale, Le Caire, avec le train, tout comme le Nigeria, avec Lagos.
Connue pour ses embouteillages, la ville de Lagos a inauguré, après des années de retard, un nouveau train qui traverse la mégapole nigériane. D’autres villes comme Dar Es Salam, Dakar ou encore Nairobi ont emboîté le pas. Mais Kinshasa reste à la traîne. Pire, aucun début de réalisation d’un projet de cette envergure n’est visible dans le pays. Le gouvernement congolais préfère appliquer encore des demi-mesures.
Cette inaction est régulièrement critiquée, notamment par des figures influentes comme le cardinal Fridolin Ambongo, qui s’est exprimé le 24 novembre :
« Comment justifier que le gouvernement concentre ses efforts sur des débats constitutionnels au lieu de répondre aux urgences sociales, comme le chômage des jeunes ou les embouteillages monstres qui paralysent Kinshasa ? », a-t-il interrogé.
Appel à une vision à long terme
Pour sortir de cette impasse, la RDC devra adopter une stratégie globale intégrant le développement des infrastructures, la mise en place de transports publics modernes et une gestion stricte du respect des normes de circulation. Une telle approche est essentielle pour transformer Kinshasa en une capitale fonctionnelle et attractive, tant pour ses habitants que pour les investisseurs.
Heshima