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Conflits armés en RDC : retour sur un drame qui dure depuis 30 ans

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La ville de Goma, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), est quasiment tombée aux mains des rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, le 28 janvier 2025. Un épisode du conflit qui en rappelle d’autres. Heshima Magazine revient sur les principales séquences, le rôle des acteurs ainsi que des pistes de solution à ces dissensions qui persistent depuis des décennies.

Comme en 2012, les rebelles du M23 se sont emparés de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Depuis près de 30 ans, ces conflits armés dans cette partie de la RDC ne s’arrêtent pas. Ils impliquent aussi bien des acteurs locaux, régionaux qu’internationaux.

Genèse du problème sécuritaire

L’origine des violences dans l’Est de la RDC remonte à 1992, lors de l’opération d’identification des nationaux menée par le régime de Mobutu. Cette initiative visait à établir une distinction entre les populations considérées comme autochtones et celles d’origine étrangère, notamment les hutus et les tutsis, ce qui a exacerbé des tensions ethniques et favorisé la formation des milices locales à revendications tribales.

Aggravation des conflits

Le 6 avril 1994, dans la soirée, l’avion transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira, tous deux membres de l’ethnie hutu, ainsi que plusieurs hauts responsables des deux pays, est abattu en plein vol. L’appareil, qui venait de quitter la Tanzanie où ses occupants avaient participé à un sommet consacré aux crises politiques de leurs pays respectifs, était en phase d’atterrissage à l’aéroport de Kigali lorsque qu’un missile l’a frappé, provoquant sa destruction.

Cet événement tragique marque le début d’une catastrophe humaine de proportions inimaginables. À l’époque, le Rwanda traversait une crise politique aiguë, exacerbée par des tensions ethniques et des rivalités politiques. Le Front Patriotique Rwandais (FPR), un groupe rebelle composé des réfugiés tutsis rwandais exilés en Ouganda, cherchait à renverser le gouvernement hutu en place et à mettre fin à des années de persécution de la communauté tutsi. Les attaques du FPR, qui avaient commencé dans les années précédentes, avaient intensifié les tensions, et l’assassinat des deux présidents ne fera qu’envenimer la situation.

L’assassinat du président hutu Juvénal Habyarimana, perçu comme le protecteur des hutus, l’ethnie majoritaire du Rwanda, va provoquer un choc immense. Habyarimana incarnait un régime qui, bien qu’ayant été responsable de politiques discriminatoires contre les tutsis, était perçu par une partie de la population comme le garant de leur domination. Ce meurtre survient dans un contexte complexe, marqué par l’héritage de la colonisation belge, qui, en favorisant historiquement les tutsis au détriment des hutus, a exacerbé les tensions ethniques au Rwanda.

Son assassinat déclenche donc une spirale infernale de violence. Les extrémistes hutus, accusant la population tutsi d’être responsable de la mort de leur chef et de collaborer avec le FPR, lancent une vaste campagne de massacres. Des centaines de milliers de tutsis sont tués au cours du génocide de 1994, un crime d’une ampleur inimaginable qui bouleversera la région pour des décennies.

Après la victoire du FPR en 1994, un grand nombre de hutus, comprenant des militaires, des membres des milices Interahamwe, ainsi que de simples civils, fuient vers la République Démocratique du Congo (RDC), principalement dans les provinces du Nord et du Sud Kivu. Ce déplacement massif de populations entraîne la formation de camps de réfugiés et le regroupement d’éléments militaires hutus qui commencent à s’organiser.

De son côté, le nouveau gouvernement tutsi du Rwanda, soucieux de sa sécurité, accuse le régime de Mobutu, alors en place en RDC, de fermer les yeux sur l’organisation des ex-miliciens hutus réfugiés en RDC, et d’ignorer leur volonté de reprendre le pouvoir et de poursuivre le génocide. Cette situation alimentera des tensions croissantes entre les deux pays, dont les conséquences géopolitiques se feront ressentir pendant des années.

Intervention de l’AFDL

En 1996, à l’initiative du Rwanda et de l’Ouganda, l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) est créée, et placée sous la direction de Laurent-Désiré Kabila, un ancien maquisard lumumbiste et farouche opposant au régime du président congolais Mobutu. L’objectif de cette coalition, composée principalement des tutsis et soutenue par les forces rwandaises et ougandaises, est double : d’une part, neutraliser les militaires hutus et les milices Interahamwe réfugiés en RDC, accusés de représenter une menace pour la sécurité du Rwanda ; d’autre part, renverser le régime de Mobutu, jugé trop conciliant avec ces mêmes réfugiés et qualifié par les dirigeants rwandais de complice des génocidaires.

Les Forces armées rwandaises (FAR) et les milices Interahamwe, accompagnées de milliers de civils hutus rwandais réfugiés au Congo, seront traquées sans relâche tout au long de la progression de l’AFDL vers Kinshasa. Cependant, la nouvelle armée rwandaise qui soutient l’AFDL ne se contentera pas de s’attaquer aux seuls combattants hutus : elle commettra également des massacres de civils congolais et de hutus rwandais, parfois indistinctement, dans le cadre de cette « croisade». Cette violence aveugle suscitera des tensions au sein même de l’AFDL, certains acteurs congolais, comme Kisase Ngandu, désapprouvant cette répression. Ce dernier sera plus tard tué dans des circonstances restées floues et non élucidées.

Ces événements tragiques marqueront profondément les populations locales et contribueront à l’émergence d’un groupe armé hutu, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), qui se constituera comme une force opposée au régime du Rwanda dirigé par Kigali.

Rupture entre alliés

Après la prise de pouvoir de Laurent-Désiré Kabila en mai 1997, ce dernier cherche rapidement à se débarrasser de ses alliés rwandais et ougandais, qu’il accuse de se comporter en conquérants, pillant les ressources du pays. Considérant cette attitude comme une trahison, les armées rwandaise et ougandaise retournent leurs armes contre leur ancien partenaire.

Ce revirement déclenche un nouveau conflit majeur. En réponse, le Rwanda soutient la création du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui prend rapidement le contrôle des provinces du Kivu, tandis que l’Ouganda soutient le Mouvement de Libération du Congo (MLC), qui s’implante dans la vaste région du Grand Équateur. Ces deux groupes rebelles cherchent à contester l’autorité de Kabila et à renverser son régime.

Le 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné, et son fils, Joseph Kabila, lui succède à la tête du pays.

L’intervention de la communauté internationale, notamment à travers les négociations menées par l’Union Africaine, débouche en 2002 sur l’Accord de Sun City, un premier pas vers la paix. Cependant, malgré cet accord, les combats continuent, en particulier dans les deux Kivus, où l’instabilité persiste en raison de la présence de nombreux groupes armés non intégrés au processus de paix.

M23, un succédané du RCD et CNDP

Malgré la mort de Laurent-Désiré Kabila en 2001 et le dialogue inter-congolais initié à Sun City sous l’égide de Nelson Mandela, la RDC ne connaîtra pas une paix durable. Le Rwanda et l’Ouganda, bien qu’ayant initialement soutenu la transition, continuent d’intervenir en RDC. C’est ainsi qu’émerge un nouveau groupe armé d’obédience tutsi et proche du Rwanda : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce groupe est l’héritier direct du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD), qui, après avoir été mué en parti politique à la suite des accords de Sun City, perd son influence militaire mais voit naître de nouvelles factions.

Le CNDP, principalement actif dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, déstabilise encore davantage la région entre 2006 et 2009. Bien que des accords de paix soient signés le 23 mars 2009 entre le CNDP et le gouvernement de Joseph Kabila, la situation reste fragile. Dès 2011-2012, des défections au sein de l’armée congolaise (FARDC), alimentées par l’intégration de rebelles du CNDP, conduisent à la formation du M23 (Mouvement du 23 mars). Ce groupe, principalement composé de tutsis, se considère comme le successeur du CNDP et réclame la pleine application des accords de paix signés le 23 mars 2009.

Le M23 parvient à prendre la ville stratégique de Goma le 20 novembre 2012, avant de se retirer quelques jours plus tard, sous la pression de la communauté internationale. Cette offensive attire des sanctions internationales, notamment contre le Rwanda, accusé de soutenir cette rébellion. En novembre 2013, après avoir perdu le soutien de Kigali, l’armée congolaise inflige une défaite décisive au M23. Le groupe armé est démantelé, ses combattants désarmés, puis transférés dans des camps de réfugiés en Ouganda et au Rwanda.

Résurgence du M23 et création de l’AFC

En novembre 2021, après près de huit ans de silence, le Mouvement du 23 mars (M23) refait surface. Ce groupe rebelle, défait en 2013, reprend les armes et, en mars 2022, lance une offensive d’envergure dans la province du Nord-Kivu en passant par la frontière entre l’Ouganda et la cité de Bunagana. Face à lui, les FARDC, appuyées par des groupes armés locaux réunis sous la bannière des Wazalendo, l’armée burundaise et, plus tard, les forces sud-africaines, tentent de contenir sa progression.

Le 15 décembre 2023, un tournant politique majeur vient compliquer davantage la situation. Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), annonce à Nairobi la création de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), un mouvement qui s’allie officiellement au M23 le 22 février 2024.

Avec le soutien massif de l’armée rwandaise, le M23-AFC enchaîne les victoires, s’emparant progressivement de plusieurs territoires stratégiques du Nord-Kivu. Un accord de cessez-le-feu est négocié le 30 juillet 2024 dans le cadre du processus de Luanda. Mais décembre marque la reprise des affrontements, conséquence directe de l’annulation du sommet de Luanda en raison de profondes divergences entre Kinshasa et Kigali.

Les combats s’intensifient. En quelques semaines, le M23-AFC s’empare de nouveaux territoires. L’offensive rebelle atteint un point critique dans la nuit du 27 au 28 janvier 2025 avec la chute de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu. Un événement qui survient quatre jours seulement après l’assassinat du gouverneur militaire de la province, le général Peter Cirimwami, abattu par un sniper du M23-AFC.

Le conflit dépasse rapidement les frontières de la RDC. Dans une escalade sans précédent, les FARDC et leurs alliés wazalendos mènent, le 27 janvier, une incursion dans la ville rwandaise de Gisenyi, entraînant des pertes humaines de part et d’autre de la frontière et exacerbant les tensions.

La prise de Goma par les rebelles du M23-AFC et les forces rwandaises provoque une catastrophe humanitaire. Des milliers de civils fuient la ville, plongeant la région dans une profonde crise.

Face à la gravité de la situation, la communauté internationale réagit. L’Union africaine appelle à « la stricte observation du cessez-le-feu convenu entre les parties ». L’Union européenne somme le M23-AFC de « cesser son avancée » et exige un retrait immédiat des forces rwandaises. De son côté, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lance un avertissement sans précédent, exhortant Kigali à « cesser tout soutien au M23-AFC et à retirer ses troupes du territoire congolais ».

La situation demeure explosive. Entre crises humanitaires, tensions diplomatiques et impuissance des médiations internationales, l’Est de la RDC continue d’être le théâtre d’une guerre qui redessine, jour après jour, l’avenir politique et sécuritaire de la région.

Manifestations à travers le pays : une explosion de colère populaire

La chute de Goma aux mains du M23-AFC a déclenché une vague de manifestations à travers plusieurs provinces de la RDC. À Kinshasa, la colère populaire a explosé le mardi 28 janvier 2025, lorsque des milliers de Congolais sont descendus dans la rue pour exprimer leur indignation face à l’avancée des rebelles et à l’implication du Rwanda.

Les tensions ont rapidement escaladé, transformant ces manifestations en émeutes violentes. Plusieurs ambassades étrangères, notamment celles du Rwanda, de la France, de l’Ouganda, de la Belgique et des États-Unis, ont été prises pour cible par des manifestants les accusant de complicité avec le M23-AFC. Des scènes de pillage et de destruction ont éclaté, plongeant la capitale dans un climat de chaos et de tension extrême. De nombreuses routes ont été bloquées, paralysant la circulation. Des écoles et commerces ont fermé leurs portes, tandis que les services publics fonctionnaient au ralenti.

Face à cette situation explosive, les autorités congolaises ont rapidement déployé les forces de sécurité pour disperser les manifestants. Gaz lacrymogènes et usage de la force ont été mobilisés pour tenter de restaurer l’ordre. Les appels au calme et au dialogue se multiplient, mais la frustration de la population congolaise, exacerbée par des années de conflits et d’ingérences extérieures, semble loin de s’apaiser.

Ressources naturelles : le nerf des conflits en RDC

Le sous-sol de la RDC figure parmi les plus riches au monde, une abondance qui attise depuis des décennies les convoitises. Depuis la croisade de l’AFDL, le Rwanda et l’Ouganda ont découvert les opportunités offertes par cette manne. Depuis lors, Kigali et Kampala sont régulièrement accusés d’orchestrer le pillage des ressources de l’Est congolais par l’intermédiaire de groupes armés.

Dans les provinces du Kivu, trois minerais dominent cette économie frauduleuse et militarisée : le coltan, la cassitérite (minerai d’oxyde d’étain) et l’or. Malgré cette richesse, les retombées économiques bénéficient peu à la population congolaise, qui reste en proie à une pauvreté endémique. Plus de 70 % des Congolais vivent aujourd’hui avec moins de deux dollars par jour, tandis que le Rwanda prospère en exportant des minerais issus des conflits en RDC.

Cette exploitation illicite alimente un cycle perpétuel de violence, exacerbé par les intérêts de multinationales avides de minerais stratégiques. La richesse de la RDC est ainsi devenue le moteur des guerres récurrentes, piégeant la population dans une insécurité et une misère sans fin. Tant que ces ressources continueront d’alimenter les circuits parallèles et les ingérences étrangères, la stabilisation de l’Est congolais restera un défi majeur.

Rôle de la MONUSCO : une mission sous pression

Présente en RDC depuis 1999, l’ex-Mission des Nations a été rebaptisée MONUSCO en juillet 2010. Malgré son statut de l’une des plus robustes missions de l’ONU, avec près de 21 000 hommes, elle n’a pas réussi à ramener la paix dans le pays. Son mandat initial visait principalement à protéger les populations civiles. Toutefois, en 2012, le Conseil de sécurité de l’ONU a autorisé une mission offensive en créant une Brigade d’intervention rapide (FIB), composée de Casques bleus sud-africains, malawites et tanzaniens. Cette force a joué un rôle déterminant dans la défaite du M23 en 2013 aux côtés de l’armée congolaise.

Aujourd’hui, alors que le gouvernement congolais envisageait le départ de la MONUSCO, la recrudescence des violences du M23-AFC remet en question cette décision. La mission est toujours autorisée à employer tous les moyens nécessaires pour protéger les civils, le personnel humanitaire et les défenseurs des droits de l’homme menacés par les violences. Son rôle est également de soutenir les efforts du gouvernement pour stabiliser et pacifier le pays.

Position des puissances occidentales : entre indifférence et complicité

Malgré des décennies de conflits en RDC, les grandes puissances comme l’Union européenne, les États-Unis, la Chine et la Grande-Bretagne n’ont pas mis en place de solutions durables. Au contraire, de nombreuses voix accusent ces pays de soutenir indirectement le Rwanda, qui profite du pillage des ressources congolaises pour alimenter ses exportations. Le géant américain Apple a d’ailleurs été poursuivi en justice par le gouvernement congolais pour l’achat de minerais issus des conflits via Kigali.

La Chine, partenaire économique majeur de la RDC, préfère quant à elle garder une position neutre. Lors de la session publique d’urgence demandée par la RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 26 janvier 2025, la Chine s’est abstenue de prendre position, appelant simplement à la désescalade et à la reprise des négociations. Une attitude qui traduit la difficulté pour la RDC d’obtenir un soutien international face aux ingérences étrangères qui nourrissent les conflits sur son territoire.

Pistes de solutions : vers une sortie de crise durable ?

Face aux enjeux stratégiques de chaque acteur impliqué, il serait illusoire de croire que des sanctions internationales suffiraient à dissuader Paul Kagame de soutenir le M23-AFC. L’histoire récente a montré que les condamnations diplomatiques ont rarement eu un impact décisif sur les dynamiques des conflits en RDC.

Pour mettre un terme à ce cycle de violences, le gouvernement congolais doit poursuivre ses efforts de renforcement des capacités militaires tout en ouvrant un dialogue interne autour des revendications politiques de certains dissidents. L’instabilité de la région ne pourra être endiguée sans une armée aguerrie et une politique de défense proactive, capable de répondre efficacement aux agressions extérieures.

Dans les relations internationales, les décisions ne sont pas dictées par la gravité des crimes commis, mais par le poids géopolitique de ceux qui les perpètrent ou les subissent. C’est pourquoi la RDC doit impérativement nouer des alliances stratégiques avec des puissances influentes, capables de faire contrepoids aux appuis extérieurs du M23-AFC. Le développement de liens diplomatiques solides et d’une armée professionnelle et modernisée représente la meilleure voie pour sortir de ce bourbier qui étouffe le pays depuis trois décennies.

Heshima Magazine

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Kinshasa-M23 : la guerre des préalables plombe les négociations au Qatar

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Les négociations directes prévues le 9 avril 2025 entre le gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) et les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) n’ont finalement pas eu lieu à Doha, capitale du Qatar. Les négociations ont été reportées à une date ultérieure en raison des préalables posés par les deux camps avant tout dialogue direct.
Selon plusieurs sources, dont Reuters, les discussions directes ont été reportées à une date ultérieure. Les deux délégations (gouvernement et rébellion) évoquent des raisons d’ordre organisationnel, notamment liées aux invitations des délégations. Cependant, les véritables raisons du report seraient liées aux préalables posés par chaque camp avant d’entamer ces discussions.

Le M23 exige l’abrogation de la résolution de l’Assemblée nationale du 8 novembre 2022, qui interdit au gouvernement « d’amorcer toute négociation avec des forces négatives en vue de leur intégration, brassage ou mixage ». Cette résolution que le M23 veut faire annuler pourrait lui permettre d’aborder dans le fond des discussions un nouveau brassage de ses forces au sein de l’armée congolaise. Ce que Kinshasa refuse en raison des conséquences néfastes observées par le passé avec la rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda, ancêtre du M23. La rébellion veut également que toutes les personnes arrêtées en lien avec le M23 soient libérées sans condition et que les poursuites judiciaires contre ses dirigeants soient annulées. Ces exigences, qualifiées par le M23 de « mesures de confiance », incluent une déclaration publique du président Félix Tshisekedi en faveur d’un dialogue direct, ainsi que la criminalisation des discours de haine ciblant certaines communautés.

Le gouvernement fixe un préalable difficile

Face à la litanie des préalables posés par le M23, le gouvernement a avancé une seule condition : un cessez-le-feu immédiat et le retrait des rebelles de Goma et Bukavu. Un préalable qui risque d’être difficile à accepter pour des rebelles ayant mis en place une administration parallèle dans les villes et territoires occupés. Ce qui augure des pourparlers complexes entre Kinshasa et les rebelles. Cette guerre des préalables bloque déjà cette première étape. Et au regard de l’armada déployée par Kinshasa à Doha pour négocier cette paix, la RDC semble avoir décidé de ne plus retomber dans les travers du passé. À Doha, la délégation de Kinshasa se compose de sept membres, principalement des figures sécuritaires de haut niveau, dont le général-major Augustin Mubiayi Mamba, Commandant du Collège des Hautes Études de Stratégie et de Défense (CHESD). La délégation comprend également le directeur général adjoint de la Direction générale de la migration (DGM), Papy Mbuyi.

Coutumier des médiations politiques grâce à son influence économique dans le monde, le Qatar joue le rôle de médiateur dans cette crise congolaise. L’Émir du Qatar a réussi un coup de maître en organisant, en mars dernier, une rencontre entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame. Ce qu’avait échoué à faire le président angolais, João Lourenço, qui était médiateur pour le compte de l’Union africaine, avant de jeter l’éponge.
En dehors de Doha, les initiatives régionales avancent à pas de tortue, notamment celles liées aux discussions sous l’égide de l’EAC et de la SADC pour tenter de résoudre la crise dans l’est de la RDC. Un panel de médiateurs a même été désigné, mais sans réelle avancée. Même si le plus dur reste à faire dans ces négociations, Doha a le mérite d’avoir réussi, jusqu’ici, à réunir les trois délégations, à savoir celle de la RDC, du Rwanda et de la rébellion que Kigali soutient.

Heshima

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Yoweri Museveni et son jeu trouble face à Tshisekedi

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Depuis la résurgence de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23), le président ougandais joue le rôle de funambule entre ses relations avec le président congolais Félix Tshisekedi et son soutien tacite aux rebelles. Heshima Magazine explore ce jeu trouble qui embarrasse parfois Kinshasa.

En mai 2021, Félix Tshisekedi et Yoweri Museveni posent un geste. Les deux gouvernements signent deux accords bilatéraux, notamment pour la construction d’une route d’interconnexion avec un coût estimé à près de 335 millions de dollars américains. C’est le plus grand accord signé publiquement depuis les agressions contre la RDC opérées par le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi en août 1998. Kinshasa justifie ces accords par la volonté de deux États de tirer profit de leur proximité géographique pour leurs économies respectives. Il fallait donc l’existence d’un réseau routier transfrontalier convenable.

Mais cette même année, en octobre, le M23 resurgit depuis les collines de Sarambwe, une localité congolaise frontalière de l’Ouganda. La surprise est que la majorité des combattants de la rébellion sont ceux qui s’étaient réfugiés en Ouganda, Sulutani Makenga en tête. Kinshasa en est conscient, mais dissimule son malaise et continue sa collaboration avec Kampala. Par contre, le gouvernement congolais déverse toute sa rage sur Kigali. Et c’est non sans raison. Plus tard, il sera démontré que le Rwanda fournit l’essentiel de l’arsenal militaire aux rebelles, y compris un appui en effectifs.

Museveni, le gardien du clan Hima-Tutsi

Fils d’un riche propriétaire terrien, Yoweri Kaguta Museveni – 78 ans – appartient au groupe des Banyankole, une des ethnies des Himas et Tutsis de la région des Grands Lacs. Les Banyankole Bahima sont établis dans le sud-ouest de l’Ouganda. Museveni, un marxiste au départ de sa rébellion contre le président Tito Lutwa Okello, est devenu au fil des années un leader qui défend les intérêts du clan Hima-Tutsi dans la région des Grands Lacs. C’est ainsi qu’il va soutenir la prise de pouvoir au Rwanda par la rébellion de Paul Kagame composée en majorité des Tutsis. Kampala, Kigali et Bujumbura tenteront d’étendre cette influence Hima-Tutsi en République démocratique du Congo avec l’AFDL de Laurent Désiré Kabila. Très vite, l’influence du Rwanda, de l’Ouganda et du Burundi va s’arrêter avec le départ des militaires rwandais de la RDC décidé par le président Laurent Désiré Kabila. Depuis, ils tenteront d’imposer cette influence à travers des rebellions d’obédience tutsie : le RCD, le CNDP, le M23 I et le M23 II. Souvent, les rebelles du M23 le considèrent comme un Mzee, leader du clan. Il est très écouté par ces différentes factions rebelles qui perturbent la paix dans l’Est de la RDC. « Il y a chez Museveni une vraie ambiguïté vis-à-vis du M23 », un groupe pour lequel il nourrit « une sympathie ethnique, celle du grand groupe Bahima (lié aux Tutsi et auquel il appartient), et pour les opprimés », note un diplomate spécialiste des Grands Lacs.

Pour ce même sentiment ethnique, l’Ouganda se voit obligé d’intervenir en Ituri où la milice CODECO s’en prend aux Hema de la RDC, considérés par l’Ouganda comme faisant partie du clan Hima. L’armée ougandaise (UPDF), qui collabore depuis quatre ans avec les Forces armées de la République du Congo (FARDC) dans le cadre des opérations conjointes contre les terroristes ADF, a élargi son champ d’action contre les rebelles CODECO.

Museveni, le funambule

Malgré son influence sur ces rébellions d’obédience ethnique, Yoweri Museveni joue le funambule entre le M23 et Kinshasa. Dès lors, Félix Tshisekedi peut-il réellement considérer son homologue ougandais comme un allié ? « Kinshasa le sait mais n’a pas l’intention d’ouvrir un autre front contre l’Ouganda », estime un homme politique mieux introduit dans la crise sécuritaire actuelle. Lorsqu’une délégation des officiels congolais s’était rendue en Ouganda pour plaider la situation contre le M23, Yoweri Museveni n’avait qu’une seule réponse à adresser à la RDC : il faudrait discuter avec les rebelles. En 2012, lorsque la même rébellion s’était emparée de la ville de Goma, ils s’étaient retirés de cette ville notamment grâce à un coup de fil de Museveni, d’après le témoignage de Jean-Charles Okoto, ambassadeur de la RDC à Kampala au moment de cette crise. Ce qui démontre l’influence de l’Ouganda sur cette rébellion. Malgré sa collaboration avec Félix Tshisekedi, Museveni continuera de jouer le jeu trouble, offrant une base arrière au M23. Ces rebelles étaient passés par l’Ouganda pour faire tomber la cité de Bunagana le 13 juin 2022. Ce qui démontre l’implication du gouvernement ougandais que Kinshasa refuse toujours de dénoncer publiquement. Les tweets de Muhoozi Kainerugaba, fils de Museveni et chef de l’armée ougandaise, démontrent largement ce soutien ougandais. Il avait annoncé la prise prochaine de la ville de Kisangani par l’armée ougandaise si le M23 ne le faisait pas assez tôt. Une déclaration qu’il avait publiée sur son compte X. « Notre peuple de Kisangani, nous venons vous sauver. L’armée de Dieu arrive », avait-il écrit.

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Au Qatar, le M23 dévoile ses préalables avant les négociations avec Kinshasa

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Les pourparlers entre le gouvernement congolais et le Mouvement du 23 mars (M23) débutent, ce mercredi 9 avril à Doha, capitale du Qatar. Mais avant les discussions proprement dites, l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) pose des conditions notamment celle de voir le président de la République démocratique du Congo (RDC), Felix Tshisekedi, exprimer sa volonté politique de mener ces négociations directes. A la veille de ces échanges, Joseph Kabila annonce son retour en RDC par la partie du pays contrôlée par les rebelles.

Ce 9 avril, à Doha, démarre une phase cruciale des discussions en Kinshasa et la rébellion de l’AFC-M23 sous la médiation des autorités qataries. La délégation du gouvernement se trouve déjà sur place, celle de la rébellion aussi. Mais avant les discussions proprement dites, la rébellion a posé des conditions. Parmi ces préalables, il y a l’abrogation de la résolution de l’Assemblée nationale du 8 novembre 2022 interdisant au gouvernement « d’amorcer toute négociation avec des forces négatives en vue de procéder à leur intégration, brassage ou mixage ». Le M23 exige aussi la libération sans conditions de toutes les personnes militaires ou civiles arrêtées pour avoir soutenu cette rébellion.

Ces rebelles veulent également l’annulation des condamnations à mort et de « prime » offerte pour l’arrestation des dirigeants de l’AFC-M23 ainsi que toutes les autres mesures restrictives prises par le régime de Kinshasa à l’encontre de cette rébellion. La rébellion exige aussi de mettre fin et de criminaliser tous les discours de haine, souvent suivis d’actes d’oppression et de cannibalisme, ainsi que toutes les chasses à l’homme lancées contre des Congolais en raison de leur apparence ou de la langue notamment le kinyarwanda sous prétexte de collaboration avec l’AFC/M23 ou d’être des infiltrés rwandais. Ils veulent aussi que le gouvernement mette fin à tous les actes de discrimination et de déni de nationalité à l’encontre des communautés parlant cette langue. Ces mesures, selon les rebelles, permettraient la tenue et l’aboutissement des négociations.

Difficile entente entre les deux camps

Cette première phase de discussions va être délicate au regard des exigences de l’AFC-M23. La médiation qatarie devra faire preuve de persuasion pour essayer de convaincre les uns et les autres afin de dépasser les formalités pour aborder le fond des négociations. Kinshasa, de son côté, ne saurait vider tous ces préalables uniquement dans cette phase préliminaire des discussions. Sinon, le gouvernement manquera des cartouches lorsqu’il s’agira d’aborder le fond. Et parmi les questions de fond figure notamment le principe d’un cessez-le-feu bilatéral, l’analyse des revendications de l’AFC/M23 et les conditions posées par le gouvernement congolais.

Kabila à Goma, quelle intention ?

A un jour de ces discussions avec l’AFC-M23, l’ancien président de la République, Joseph Kabila a annoncé son retour au pays par la partie Est. Dans une déclaration envoyée à Jeune Afrique, Joseph Kabila justifie sa décision par la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire à travers tout le pays, ainsi que de la déliquescence qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale, j’ai pris la résolution de rentrer, sans délai, au pays », a écrit l’ancien chef de l’État.

Joseph Kabila va rentrer en RDC par une zone pourtant contrôlée par des rebelles du M23. Si être dans cette zone est normale pour les Congolais lambada, cela ne devrait pas l’être pour Joseph Kabila – ancien président de la République et sénateur à vie – dont les accusations de connivence avec la rébellion sont de plus en plus évoquées par le camp au pouvoir. Sa présence dans la zone risque de renforcer de telles suspicions.

Ignoré jusqu’ici dans la résolution de cette crise, Joseph Kabila décide visiblement d’opérer à visage découvert pour qu’il compte parmi les acteurs dans la recherche des solutions à ce conflit. Lors d’un séjour en Afrique du Sud, la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner avait indiqué que Joseph Kabila n’avait pas un rôle à jouer dans le processus actuel de résolution de la crise. Elle a déclaré qu’« aucun rôle n’est prévu à ce stade » pour Joseph Kabila dans les efforts en cours de résolution de la crise sécuritaire. Cette marginalisation l’aurait poussé à sortir de l’ombre pour s’affirmer comme un acteur clé de la crise.

Heshima

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