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Conflit RDC-Rwanda : Dialogue amorcé, mais les combats continuent

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Une semaine après avoir rencontré le président congolais Félix Tshisekedi, les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et de l’Église du Christ au Congo (ECC) ont rencontré, jeudi 13 février à Kigali, le président rwandais, Paul Kagame. Malgré le début de ces contacts, les bruits de bottes continuent dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Et ce, en dépit du cessez-le-feu décidé par les chefs d’État de l’EAC-SADC, le 8 février, à Dar es Salaam, en Tanzanie. Après l’occupation de l’aéroport de Kavumu par des rebelles, ce 14 février, le chef de l’État décide d’écourter son voyage en Allemagne pour rentrer au pays.

L’armée rwandaise, en appui aux rebelles du M23, poursuit son expansion territoriale dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Des combats sont engagés à la fois au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, se rapprochant notamment de la ville de Bukavu. Malgré les condamnations de l’agression rwandaise, Kigali n’a pas renoncé à son intention belliciste. Paul Kagame a récemment fait savoir qu’entre les sanctions occidentales et faire face à une menace existentielle, son pays choisirait le second. Ce qui démontre clairement que Kigali est loin de procéder à une désescalade dans le conflit qui l’oppose à la RDC à travers les rebelles du M23/AFC.

Les parlementaires européens, réunis le 13 février à Strasbourg, ont demandé, à la quasi-unanimité, la suspension « immédiate » d’un accord signé en février 2024 avec le Rwanda. Il s’agit d’un mémorandum d’entente conclu entre l’Union européenne et le pays des « mille collines » sur les chaînes de valeur des matières premières durables, signé le 19 février 2024. Cette résolution a été adoptée avec 443 voix pour, 4 contre et 48 abstentions. L’accord incriminé constituait un point de divergence majeur entre Kinshasa et l’institution européenne. Kinshasa accuse l’Union européenne d’encourager « le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda ». Un eurodéputé du groupe des Verts et président de la commission des droits humains du parlement européen, Mounir Satouri, a avoué que ce partenariat stratégique avec le Rwanda sur les filières durables de matières premières était « indéfendable dès le départ ».

CENCO-ECC chez Kagame

Après avoir rencontré certains opposants à Kinshasa, notamment Martin Fayulu et Delly Sesanga, puis le coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo et Mouvement du 23 mars (AFC-M23), Corneille Nangaa, à Goma, la CENCO et l’ECC tentent d’arrimer Paul Kagame au pacifisme. Selon l’ECC, cette démarche s’inscrit dans le cadre de l’initiative du « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». D’après Mgr Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO, les prélats ont apporté au président du Rwanda le message allant dans le sens de la recherche de la paix durable en RDC et dans la sous-région. Ces évêques n’ont pas encore révélé ce qu’a été la réaction de Paul Kagame à cette proposition d’un pacte social pour la paix dans les Grands Lacs. La CENCO-ECC compte rencontrer tous les acteurs susceptibles de contribuer à la paix dans cette sous-région.

Kabila et Katumbi, prochaines étapes des évêques

Les prélats de la CENCO et les pasteurs de l’ECC vont également se rendre en Belgique pour rencontrer Moïse Katumbi. Il est aussi prévu de rencontrer, dans leur agenda, l’ancien président de la République, Joseph Kabila ou son représentant. Joseph Kabila retrouve la scène politique depuis sa rencontre avec Moïse Katumbi à Addis-Abeba. Soupçonné d’être derrière la rébellion menée par Corneille Nangaa, l’ancien chef de l’État pourrait jouer un rôle clé dans le dénouement de l’actuelle crise sécuritaire.

L’Angola quitte la médiation

Au milieu des vagues de violences qui se poursuivent dans l’Est de la RDC, le président angolais, João Lourenço, médiateur désigné par l’Union africaine, quitte le navire de la médiation dans ce conflit. « Il est temps pour moi de passer le témoin à un autre chef d’État concernant la médiation entre Kinshasa et Kigali », a affirmé Lourenço dans une récente interview accordée à Jeune Afrique. Luanda, qui va prendre la présidence tournante de l’Union africaine, ne saurait plus exercer le rôle de médiateur. Addis-Abeba devrait choisir un nouveau médiateur pour ce conflit. Dans la foulée, João Lourenço a plaidé en faveur d’un dialogue, y compris avec le M23. « Les autorités congolaises ont conscience de la nécessité de parler à toutes les parties, y compris au M23. Et nous avons plaidé en ce sens auprès du président Félix Tshisekedi en rappelant notre propre exemple », a-t-il déclaré, soulignant que l’Angola a dû dialoguer même avec la rébellion de l’Unita, le moment venu.

L’UDPS s’oppose à un dialogue avec le M23

La démarche des prélats catholiques et protestants ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique et d’une partie de la société civile. L’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), parti présidentiel, a fait part, le 11 février, de son opposition à une initiative de dialogue qui intégrerait les rebelles de l’AFC-M23. Dans une déclaration politique signée par son secrétaire général, Augustin Kabuya, ce parti a exprimé sa désapprobation à l’initiative d’un dialogue social que prônent les évêques de la CENCO et de l’ECC. Tout en privilégiant la cohésion nationale interne, l’UDPS rejette en bloc « toute démarche visant à organiser des négociations politiques en dehors des processus de Luanda et de Nairobi ». Ce parti dénonce une initiative « narquoise » de certains acteurs religieux dont les diverses prises de position « n’ont jamais caché leur antipathie envers les institutions de la République ».

De son côté, le secrétaire permanent de l’Union sacrée de la Nation, plateforme du pouvoir, a abondé dans le même sens. André Mbata soupçonne les prélats catholiques et protestants d’avoir déjà pris des contacts sans attendre un quelconque mandat du président de la République. « Le fameux ‘‘Pacte social’’ proposé par certains est une initiative individuelle de ceux qui avaient déjà pris d’autres contacts ailleurs et qui n’ont pas voulu attendre la position finale du garant de la Nation. Par conséquent, ce projet n’engage ni l’Union sacrée ni sa haute autorité politique », a fait savoir André Mbata.

L’ODEP refuse un dialogue avec le Rwanda

L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) a rejeté tout dialogue avec les agresseurs, notamment le président rwandais, Paul Kagame. Cette structure de la société civile n’a pas mâché ses mots face aux prélats catholiques et protestants. Dans un communiqué de presse signé par son président du Conseil d’administration, Florimond Muteba, cette plateforme a accusé la CENCO-ECC de jouer le jeu de l’ennemi, qualifiant le cardinal Fridolin Ambongo de « Maréchal Pétain congolais ».

Pour sa part, Germain Kambinga, président du parti politique Le Centre, pense qu’au lieu d’un dialogue, il faut plutôt organiser le système de défense du pays. S’adressant à l’Église catholique et protestante, cet ancien ministre de l’Industrie affirme que le dialogue est pour l’instant inacceptable, craignant un retour de 30 ans en arrière. Ce politicien indique que cela constituerait même une violation de la Constitution. Ces premiers couacs risqueraient d’entamer la crédibilité de la démarche de ces prélats.

Mais la CENCO-ECC essaie de calmer les esprits, indiquant que son initiative a été saluée par le chef de l’État, Félix Tshisekedi. « Quand j’entends un autre son de cloche, je crois que ça n’engage que ceux qui ont parlé, les réactions des forces vives que nous rencontrons nous rassurent », a réagi Donatien Nshole, secrétaire général de la CENCO. Pour lui, le président de la République a qualifié de « louable » cette démarche des évêques.

Kamerhe renvoie la balle au gouvernement

L’Assemblée nationale, qui a consacré une session extraordinaire sur la crise sécuritaire en RDC, a laissé la question des négociations menées par la CENCO-ECC au gouvernement et au chef de l’État. Face aux députés, le président de l’Assemblée nationale a appelé les élus à se départir de l’émotion face à cette crise. « Vous risquez de parler et de dire des choses que vous ne maîtrisez pas. Si vous voulez la paix, il faut chasser l’émotion », a affirmé Vital Kamerhe lors de la clôture de cette session, le 13 février. La chambre basse du Parlement a promis de mieux s’enquérir de la situation auprès du Gouvernement dans le cadre de la coopération interinstitutionnelle.

Tshisekedi dos au mur ?

Face à cette crise sécuritaire majeure, le chef de l’État congolais est-il dos au mur ? En séjour en Allemagne, Félix Tshisekedi a décidé d’écourter son séjour. Il ne participera plus au sommet de l’Union africaine prévu à Addis-Abeba, en Éthiopie, suite aux derniers développements de la crise sécuritaire au pays. Les rebelles de l’AFC-M23, appuyés par l’armée rwandaise, se sont emparés de l’aéroport stratégique de Kavumu, au Sud-Kivu. Un coup dur pour le gouvernement, car cette infrastructure aéroportuaire était la base militaire des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et un centre de commandement, notamment pour des drones chinois, CH-4A. Ce qui diminue drastiquement la marge de manœuvre de l’armée congolaise dans l’espace Kivu, anéantissant ainsi, pour l’instant, la possibilité de riposte à partir de cet aéroport. Plus les rebelles avancent, moins le chef de l’État a de choix que d’ouvrir des discussions avec les belligérants, en attendant une réorganisation de l’appareil sécuritaire. C’est la voie qui semble la plus plausible dans l’état actuel de la crise.

Heshima

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En RDC, l’accès à l’électricité reste un luxe malgré le potentiel du pays

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Malgré son incroyable potentiel hydrique, la République démocratique du Congo (RDC) fait partie des pays africains qui ont un faible accès à l’électricité. Selon les chiffres de la Banque mondiale, moins de 22% de la population congolaise a accès à cette énergie, avec des disparités importantes entre zones urbaines (35%) et rurales (moins de 1%). Des solutions envisagées pour combler ce déficit traînent encore…

La RDC est à la traîne en matière d’accès à l’électricité sur le continent africain. Le pays représente un des taux d’électrification les plus bas d’Afrique subsaharienne, avec seulement 21,5% en 2022, comparé à une moyenne de 51,5% dans la région. Ce taux de 21,5 % est jugé exagéré par d’autres experts locaux qui nivèlent à 9% la desserte nationale en électricité. Dans ces chiffres, la ville de Kinshasa seule a 50% et moins de 1% pour le milieu rural. Le gouvernement congolais essaie de combler ce déficit mais les solutions proposées peinent à porter leurs fruits. La Banque mondiale travaille avec la RDC pour améliorer cet accès à l’électricité et prévoit d’augmenter le taux d’électrification à 62% d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de 6%.

Le potentiel congolais et ses paradoxes

La RDC reste un grand paradoxe pour ceux qui l’observent au regard du potentiel naturel que possède le pays. Situé au cœur du continent africain, la RDC compte plus de 50% des réserves d’eau douce de l’Afrique. Le pays est traversé par des cours d’eau avec des chutes et des rapides propices à la construction des barrages hydroélectriques. Mais le pays de Lumumba reste l’un des derniers pays dans la région africaine en termes d’électrification. Si des efforts ont été fournis ces dernières années, ils restent bien marginaux par rapport au potentiel et aux possibilités existantes. « J’ai demandé que l’accès à l’électricité soit inscrit comme la première priorité économique de mon quinquennat », avait rappelé Félix Tshisekedi à l’ouverture du premier forum national sur l‘électricité en RDC. Mais lors du deuxième forum, en août 2024, plus de 300 participants, réunis pour réfléchir à l’accès à l’électricité en RDC, dix ans après la promulgation de la loi N°14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité, ont dressé un bilan largement négatif.

Malgré la libéralisation du secteur ainsi que le cadre légal et institutionnel mis en place, les avancées semblent maigres. Ces participants ont même estimé que le pays « naviguait à vue, sans planification rigoureuse ». La loi n’a pas permis l’essor du secteur de l’électricité en RDC. « Depuis sa promulgation en 2014, le taux de desserte a régressé, passant de 9 % à 7,14 %, au lieu de progresser », d’après les participants venus de toutes les provinces du pays. Quand une turbine tombe longtemps en panne ou un poste électrique est hors service, les statistiques aussi bougent.

Dans le diagnostic, des experts relèvent aussi plusieurs facteurs qui contribuent à cette situation de déficit énergétique. Il y a notamment des infrastructures vieillissantes, le manque d’investissements, et des défis liés à la distribution et à la gestion du réseau. Produire de l’énergie est un fait, mais l’acheminer dans des postes puis assurer sa distribution constitue aussi un autre problème. Par exemple, le barrage de Zongo, au Kongo Central, produit de l’électricité qui n’avait jamais été distribuée faute d’un réseau de transport.

Le gouvernement veut connecter 14 villes

En mars 2025, le ministre des Ressources hydrauliques et de l’électricité Teddy Lwamba avait lancé le projet d’Accès, de Gouvernance et de Réforme des Secteurs de l’Électricité et de l’Eau (AGREE). Financé à 600 millions de dollars par la Banque mondiale, ce projet vise à accroître l’accès à l’électricité et à l’eau potable à base d’énergie renouvelable dans 14 villes ciblées dans les zones d’intervention de la Banque mondiale. Il s’agit des villes de Kinshasa, Kikwit, Bandundu, Tshikapa, Kananga, Mbuji-Mayi, Mwene-Ditu, Kabinda, Bukavu, Goma, Butembo, Beni, Bunia et Boma. Ce projet pourrait renforcer la fourniture de l’électricité dans les milieux urbains.

Réduire le déficit entre milieu urbain et rural

Dans le cadre de la réduction de la fracture entre le milieu urbain et rural, Félix Tshisekedi avait créé l’Agence nationale pour la promotion et le suivi de l’électrification rurale (ANSER). Cette structure est impliquée dans l’électrification de quelques entités décentralisées telles que la ville de Lodja, dans la province du Sankuru. Dans cette entité, l’ANSER travaille à la construction d’une centrale solaire photovoltaïque de 400 kWc, dans le cadre de son programme de développement local et de projets d’électrification rurale.

Dans ce projet, les agents de l’ANSER ont procédé à l’électrification de Lumumbaville, autrefois appelé Wembonyama, le village natal de Patrice Emery Lumumba, le premier Premier ministre du Congo indépendant. « Nous avons connecté la maison familiale de Patrice Lumumba. C’était la première maison à être connectée à ce réseau électrique. C’est tout un symbole », a déclaré un ingénieur de ce service déployé dans cette partie du pays. En dehors de Lumumbaville, plusieurs entités de cet espace continuent à souffrir d’un manque d’électricité, notamment à Kabinda, chef-lieu de la province de Lomami et dans plusieurs territoires de l’espace Kasaï tels que Mueka, Lwiza, Lubefu et Lwebo où l’électricité demeure encore un luxe.

Pour essayer de changer la donne, l’ANSER mène des projets pilotes d’électrification dans ces milieux de l’espace Kasaï. Ces projets, tel que celui mené à Lodja, pourraient servir de modèle pour d’autres régions du pays. Mais parallèlement à ces projets de mini-barrages solaires, la construction de la centrale hydroélectrique de Katende, dans le Kasaï Central, pourrait booster l’approvisionnement en électricité de la région. Les travaux sont en cours et la centrale devrait fournir 32 mégawatts dans sa deuxième phase et 16 mégawatts dans la troisième.

Dans les Kivu, le défi reste le même

Comme d’autres régions du pays, les Nord et le Sud-Kivu n’échappent pas aux difficultés d’accès à l’électricité. Le taux d’électrification reste très faible, mais des projets de centrales solaires, hydroélectriques et à gaz méthane sont en développement pour augmenter l’accès à l’électricité. Certaines villes du Kivu telles que Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, est alimentée en grande partie par des sociétés privées, Virunga Energie alimente une bonne partie de la ville. Les centrales hydroélectriques existantes, comme Ruzizi 1 et 2, souffrent parfois de la baisse du niveau d’eau du lac Kivu. La Société Nationale d’Électricité (SNEL) est le principal opérateur, mais elle fait face à des difficultés de production et de distribution.

D’autres projets sont explorés pour augmenter la production avec une ligne à moyenne tension reliant Kamanyola à Luvungi, puis vers Uvira et Fizi dans la province du Sud-Kivu. L’exploitation du gaz méthane du lac Kivu pour produire de l’électricité reste également une solution potentielle à la faible production hydroélectrique pour cette province.

Projet Inga 3, un espoir pour le pays

Conçu pour la première fois dans les années 1920, le projet Grand Inga compte la construction de huit barrages sur le fleuve Congo. Lancé à la fin des années 50, ce projet pharaonique a connu seulement l’inauguration de deux barrages, l’un en 1972 et l’autre en 1982. Inga est à l’étude depuis les années 1990. Longtemps mis en suspens, ce projet du barrage a été relancé. La Banque mondiale a annoncé début juin 2025 un premier financement de 250 millions de dollars pour permettre de réaliser les études préalables de faisabilité ainsi que les différentes projections. Objectif : passer de 21% de taux d’électrification de la RDC à plus de 60% d’ici à 2030. Cette enveloppe pourra atteindre jusqu’à plus de 1 milliard de dollars. La production énergétique projetée pourrait atteindre entre 2 et 11 gigawatts, suffisant pour alimenter le Kongo-Central, Kinshasa, et même exporter vers des pays comme l’Afrique du Sud, selon Radio Okapi.

D’après le média Africanews, la capacité de production d’Inga 3 devrait être l‘équivalent de la production de trois réacteurs nucléaires de troisième génération. Il y a plus d’une année, la RDC avait demandé à des consortiums rivaux, l’un dirigé par la société chinoise Three Gorges Corporation et l’autre regroupée sous la bannière de la société de construction espagnole ACS, de s’associer et de présenter une offre commune pour financer ce barrage prometteur. Mais ce projet semblait encore piétiner jusqu’à l’annonce du financement de la Banque mondiale.

Face à son potentiel extraordinaire, la RDC reste un géant énergétique endormi. La réalité est marquée par une injustice énergétique profonde. Tant que les réformes structurelles ne seront pas accélérées, et que l’accès ne sera pas démocratisé au-delà des grandes villes, le faible taux d’électrification continuera d’entraver le progrès social et économique du pays.

Heshima

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RDC : les revendications profondes du M23 et leurs possibles conséquences…

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Le retour en force du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), après une décennie de relatif silence, pose avec acuité la question de la nature réelle de ses revendications et de leurs conséquences potentielles pour l’État congolais. Derrière le discours officiel de protection des minorités et de justice pour les populations marginalisées, le M23 mène une stratégie qui oscille entre la recherche de légitimité politique et la consolidation d’un pouvoir de fait sur des territoires clefs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Cette dynamique, loin d’être un simple épiphénomène local, engage l’avenir de la souveraineté congolaise et la stabilité de toute la région des Grands Lacs.

Le M23 s’appuie d’abord sur l’accord du 23 mars 2009, signé à l’issue de la précédente rébellion du CNDP, pour justifier sa lutte armée. À ses yeux, l’État congolais n’a jamais respecté ses engagements, en particulier l’intégration des ex-combattants dans l’armée nationale, la réinsertion socio-économique des populations affectées et la reconnaissance des droits des communautés tutsies et kinyarwandophones. Le mouvement affirme défendre ces groupes contre les violences de milices hutu et la marginalisation institutionnelle, tout en exigeant un statut administratif particulier pour les zones qu’il contrôle.

Cependant, l’analyse des faits sur le terrain et des rapports d’organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International met en lumière une instrumentalisation de la question ethnique. Le M23, tout en se présentant comme un rempart contre l’insécurité, a été impliqué dans de nombreuses exactions contre des civils, y compris des membres des communautés qu’il prétend protéger. Son contrôle des axes miniers stratégiques et des routes commerciales, notamment vers l’Ouganda et le Rwanda, révèle également une dimension économique majeure à ses revendications, qui dépasse largement la simple défense des droits des minorités.

Enjeux symboliques et politiques

Sur le plan symbolique, les revendications du M23 remettent en cause le principe d’égalité territoriale et d’unité nationale inscrit dans la Constitution congolaise. En exigeant un statut particulier pour certaines zones congolaises sur une base ethnique, le mouvement fragilise la cohésion nationale et ouvre la porte à d’autres revendications similaires dans un pays déjà fragilisé par des décennies de conflits. La reconnaissance d’une telle exceptionnalité, même temporaire, serait perçue comme un aveu de faiblesse de l’État central, risquant d’éroder la confiance des citoyens dans la capacité de Kinshasa à garantir l’équité et la justice pour tous.

Politiquement, le M23 cherche à se hisser au rang d’interlocuteur incontournable, imposant à l’État congolais un dialogue direct et une reconnaissance de facto de son pouvoir sur le terrain. Cette stratégie, qui a trouvé un écho lors de la médiation qatarie d’avril 2025, met en difficulté les institutions nationales et affaiblit la légitimité des autorités élues. Elle pose la question de la place des groupes armés dans le jeu politique congolais et du risque de voir la violence s’ériger en mode d’accès privilégié à la négociation et à la représentation institutionnelle.

Les conséquences potentielles de l’acceptation des revendications du M23

Si le gouvernement congolais venait à céder aux principales exigences du M23, les conséquences seraient lourdes à la fois pour la gouvernance interne et pour la position du pays sur la scène internationale. Sur le plan national, l’octroi d’un statut spécial à une entité contrôlée par un groupe armé créerait un précédent dangereux, susceptible d’encourager d’autres mouvements à suivre la même voie. La fragmentation administrative qui en découlerait risquerait d’alimenter les tensions intercommunautaires et d’affaiblir davantage l’autorité de l’État dans des régions déjà marquées par la défiance envers Kinshasa.

La sécurité nationale serait également menacée, car l’intégration de combattants du M23 dans les forces armées, sans garanties de loyauté et de discipline, pourrait reproduire les erreurs de 2009 et miner davantage la cohésion des FARDC. Sur le plan social, la polarisation ethnique serait exacerbée, avec un risque d’embrasement généralisé dans d’autres provinces où des griefs similaires existent.

À l’échelle internationale, une telle évolution serait perçue comme une victoire du fait accompli et de l’ingérence étrangère, notamment rwandaise, dans les affaires congolaises. Cela affaiblirait la crédibilité de la RDC dans ses relations diplomatiques et mettrait à mal le principe d’intangibilité des frontières, fondement du droit international africain. Les partenaires régionaux et internationaux, déjà divisés sur la question, pourraient voir leurs efforts de médiation et de stabilisation durablement compromis.

Vers une sortie de crise ou un enlisement durable ?

L’analyse des revendications du M23, replacées dans le contexte plus large de l’histoire congolaise et des dynamiques régionales, invite à la prudence. Si certaines de ses demandes trouvent un certain écho dans les frustrations d’une ethnie, la stratégie du mouvement, marquée par la violence et l’instrumentalisation de l’ethnicité, porte en elle les germes d’une déstabilisation durable. La légitimité de ses revendications ne saurait justifier les exactions commises ni l’affaiblissement de l’État congolais. Prendre les armes contre l’État pour des revendications ethniques est un schéma dangereux à même de provoquer la balkanisation de la RDC

La solution à cette crise ne pourra être que politique et inclusive, fondée sur le respect de la souveraineté nationale, la justice pour toutes les victimes et la reconstruction d’un pacte social qui transcende les clivages ethniques. Toute concession faite sous la contrainte militaire ouvrirait la voie à de nouvelles crises, un cycle infini, tant pour la RDC que pour l’ensemble de la région des Grands Lacs. C’est à ce prix seulement que la paix et la stabilité pourront être durablement restaurées dans l’Est du Congo.

Heshima Magazine

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RDC : l’artisanat minier toujours au cœur des vives tensions

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Qualifiée de scandale géologique, la République démocratique du Congo (RDC) ne capte pas encore son plein potentiel dans le secteur des mines. Si au niveau de la production industrielle les choses s’améliorent, l’artisanat reste cependant un terrain où l’anarchie règne en maître malgré la réglementation en vigueur. Dans les Kivu, les minerais sont exploités en plein conflit armé, dans certaines régions comme le grand Katanga, la concurrence avec les industriels crée souvent des tensions. Ce qui influe sur la rentabilité du secteur.

En 2024, le secteur minier a généré 4,36 milliards de dollars, selon l’agence de notation financière standard & Poor’s (S&P). Cela représente environ 41,3% des recettes courantes de la RDC, estimées à 10 milliards de dollars en 2024. « Notre pays détient 80 % des réserves mondiales de cobalt. Il représente actuellement autour de 65 % de la production mondiale, soit 95 000 tonnes par an, dont 18 000 tonnes, soit 800 millions de dollars de revenus au cours actuel, proviennent de sites miniers artisanaux », a déclaré Albert Yuma, alors président de la Gécamines, lors d’un forum en Afrique du Sud.

Dans ces recettes, boostées par la production de cobalt et de cuivre, l’artisanat représente une part non négligeable, mais le secteur reste désorganisé et marqué par des tensions quasi permanentes. Pourtant, le Code minier de 2002, révisé en 2018, consacre une section entière à l’exploitation artisanale. Cette loi impose aux mineurs artisanaux de se regrouper en coopératives agréées afin de solliciter une licence d’exploitation artisanale. L’État a aussi l’obligation de créer des Zones d’exploitation artisanale (ZEA) supervisées par des coopératives minières agréées.

Depuis un temps, dans le Lualaba et le Haut-Katanga, des milliers de coopératives se sont créées, mais beaucoup ne sont que des façades pour accéder à des licences. Peu de coopératives assurent un encadrement réel, technique ou social des creuseurs. « Certaines coopératives sont contrôlées par des élites politiques ou militaires. Elles créent des coopératives juste pour faire main basse sur les mines artisanales sans se soucier des creuseurs artisanaux », affirme Moise Kapia, un creuseur vivant à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba.

Les creuseurs accusent également les industriels de ne pas respecter les limites de leurs sites et d’empiéter régulièrement sur les carrés miniers artisanaux. D’après un rapport de l’ONG Crisis Group publié en 2020, les industriels reprochent à leur tour aux creuseurs artisanaux d’occuper leurs mines. Par exemple, lorsque les activités industrielles ont repris à Tenke Fungurume Mining (TFM), à la fin des années 1990, le nouvel opérateur a trouvé environ 20 000 mineurs artisanaux, selon certaines estimations, sur le site pour lequel il détenait un permis.  Ceci a mené à plus de vingt ans de tensions et à des violences intermittentes entre les mineurs artisanaux, l’armée et la police des mines. Cette dernière a régulièrement procédé à l’expulsion des mineurs artisanaux de certaines parties de TFM, mais n’a pas pu les empêcher de revenir sur le site de manière durable.

En 2019, note la même source, l’armée est intervenue pour expulser plus de 10 000 mineurs artisanaux qui empiétaient sur deux des plus grands sites industriels miniers dans le Haut-Katanga et au Lualaba.

Tensions communautaires entre Kasaïens et Katangais

Dans cette partie du pays, l’exploitation minière a aussi d’autres facteurs rendent ce secteur explosif. Les mines artisanales attirent également des travailleurs originaires d’autres provinces de la RDC, notamment des Kasaïens. Cela renforce le mythe selon lequel des Congolais, notamment du Kasaï, « voleraient » la richesse minérale de la région du Katanga. Cette perception exacerbe des tensions communautaires entre ces communautés présentes dans les zones minières. Le gouvernement, censé jouer un rôle d’arbitre, reste souvent éloigné de ces réalités. Ces tensions dégénèrent parfois en affrontements physiques ou verbaux. « Certains Congolais originaires du Katanga perçoivent la présence des autres Congolais venus du Kasaï comme une intrusion dans leur pré-carré », explique Eric Mukendi, creuseur originaire de l’espace Kasaï.

Les Kivu : une autre dimension de tensions

Si dans le Katanga les tensions se résument souvent par des rivalités entre industriels et artisanaux ainsi que les communautés entre elles, dans les Kivu, c’est une toute autre tension qui y règne. Les mines artisanales du Kivu, en particulier dans le Sud-Kivu, sont marquées par une exploitation majoritairement informelle. Des minerais tels que l’or, la cassitérite et le wolframite sont extraits par des creuseurs dans l’informel.

Dans le Nord-Kivu, l’exploitation minière artisanale est souvent associée à des conflits armés. Certains conflits sont alimentés par la concurrence pour l’accès aux ressources, les mauvaises conditions de travail des mineurs artisanaux et l’implication de groupes armés dans l’exploitation illicite de ces minerais sont autant des causes de ces tensions. Le site de Rubaya, qui produit 20 % du coltan mondial, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, est depuis plus d’un an entre les mains du Mouvement du 23 mars (M23), une rébellion soutenue par le Rwanda. Malgré cette instabilité, l’exploitation artisanale des mines continue dans cette zone riche en coltan (tantale), étain (cassitérite) et manganèse.

Des milliers de creuseurs artisanaux extraient chaque jour le coltan, essentiel à la fabrication des téléphones portables et d’autres outils de technologie de pointe. Rubaya est aujourd’hui un point névralgique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de ce métal. L’extraction minière dans cette zone est donc sujette à des tensions liées à ce conflit toujours en cours, en dépit d’un cessez-le-feu fragile entre les Forces armées de la République démocratique du Congo et les rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise.

Tshisekedi veut mettre fin aux tensions dans l’artisanat

En marge de la 12ᵉ Conférence des gouverneurs organisée du 10 au 13 juin 2025 à Kolwezi, le président Félix Tshisekedi a exprimé sa préoccupation face à la précarité des creuseurs artisanaux et appelé à des mesures urgentes pour encadrer leur activité et prévenir les conflits avec les opérateurs industriels. Le chef de l’Etat congolais a épinglé les difficultés rencontrées par les creuseurs artisanaux dans l’exercice de leurs activités. Ces difficultés, Félix Tshisekedi, sont principalement liées à l’absence de zones d’exploitation artisanale clairement définies et viabilisées, obligeant ainsi les creuseurs à empiéter régulièrement sur les concessions attribuées aux entreprises industrielles. Une situation à l’origine de fréquents affrontements, d’abus, et de conflits d’intérêts. Pour mettre fin à cette situation, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’élaborer « sans délai » des mesures correctives, respectueuses des lois nationales et des standards environnementaux et sociaux, afin de garantir une meilleure cohabitation entre exploitants artisanaux et opérateurs industriels.

Pour combler le besoin sans cesse croissant en minerais afin d’assurer la transition énergétique, le gouvernement congolais – détenteur d’une plus grande réserve de cobalt au monde – devrait prendre en compte tous les acteurs miniers, y compris les plus petits qui évoluent dans le secteur informel. Cela n’est possible qu’en organisant l’artisanat tout en travaillant à l’élimination des groupes armés mais aussi de l’influence militaire qui pèse sur ce secteur vital.

Heshima

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