Avant de quitter la Maison Blanche, le président américain Joe Biden a tenu à faire avancer un projet vital pour les Américains : le corridor de Lobito. Cette ligne ferroviaire, longue de 1 300 km, permettra d’exporter les minerais du grand Katanga et des autres régions de la République démocratique du Congo (RDC) via la côte ouest de l’Afrique, au lieu de se diriger exclusivement vers les ports de l’océan Indien. Félix Tshisekedi souhaite utiliser ce projet comme monnaie d’échange pour obtenir la paix dans l’Est du pays, troublé par le Rwanda et l’Ouganda depuis près de 30 ans.
Les Américains ne veulent plus laisser les Chinois seuls dans la course aux minerais stratégiques en RDC. Washington ne cache plus son appétit. « Les minerais essentiels dont notre monde a besoin pour les véhicules électriques et les semi-conducteurs peuvent être trouvés ici », a déclaré Joe Biden en justifiant sa visite, le 4 décembre 2024, en Angola. Pris de vitesse par Pékin, Washington veut frapper un grand coup pour tenter de rattraper son retard dans l’exploitation de ces minerais, essentiels notamment pour les batteries des voitures électriques.
Le corridor de Lobito existait dans le passé.
Les États-Unis et l’Union européenne souhaitent redonner vie à cette ancienne route coloniale qui permettait aux colons d’évacuer les minerais de la RDC. La Chine, qui exploite massivement le cobalt du Lualaba ainsi que d’autres minerais, bénéficie d’un contrat de plusieurs décennies avec le gouvernement congolais signé sous le règne de Joseph Kabila. Les États-Unis veulent également s’impliquer. Les matières premières embarquées à Lobito se dirigeront vers l’autre rive de l’Atlantique, où les entreprises américaines comptent bien défier la concurrence chinoise.
La paix dans l’Est, avant tout
Pour ouvrir ses portes à ce nouveau corridor, Félix Tshisekedi tente de poser un préalable : la paix dans l’Est de son pays. « Pour libérer pleinement le potentiel du corridor de Lobito, la paix et la sécurité dans toute la région restent primordiales », a-t-il déclaré, tout en saluant les efforts de l’Angola dans le processus de paix de Luanda. Le chef de l’État congolais espère que l’arrivée officielle des Américains dans les mines congolaises permettra, en échange, l’imposition de la paix au Nord et au Sud-Kivu.
Ces deux provinces sont occupées par les rebelles du M23, appuyés par les troupes rwandaises, alors que Washington continue son aide militaire et financière au Rwanda. Il en est de même pour l’Union européenne, qui débourse chaque année 20 millions d’euros pour l’armée rwandaise. Bruxelles a poussé le cynisme plus loin en signant, en février 2024, avec Kigali, un protocole d’accord sur les chaînes de valeur durables pour les matières premières stratégiques que le Rwanda ne possède pas dans son sous-sol.
Kinshasa accuse régulièrement le Rwanda de provoquer des conflits armés pour « siphonner » les gisements miniers de l’Est du pays, notamment la mine de Rubaya, dans le Nord-Kivu, l’un des plus importants gisements de coltan au monde. « C’est comme si l’Union européenne nous faisait la guerre par procuration », avait fustigé le président Tshisekedi après la signature de cet accord.
L’Occident derrière le processus de Luanda
L’obstination du président angolais, João Lourenço, à poursuivre sa médiation dans le conflit opposant Kinshasa à Kigali n’est pas uniquement inspirée par la solidarité africaine, encore moins par une quelconque politique de bon voisinage. En réalité, Luanda bénéficie du soutien des États-Unis et de l’Union européenne, qui souhaitent développer au plus tôt ce grand projet de coopération économique régionale qu’est le « corridor de Lobito ».
L’échec de la tripartite manquée du 15 décembre 2024, à Luanda, a été un coup dur pour la RDC et pour le médiateur angolais, qui espérait conclure un accord de paix pour mieux entamer le projet du corridor sur la portion congolaise.
Initialement prévu jusqu’à Kolwezi, les États-Unis souhaitent étendre le corridor jusqu’à l’Est du pays, dans le Kivu. Mais le Rwanda aurait vu ce projet d’un mauvais œil. Selon Molly Phee, secrétaire d’État adjointe américaine chargée des Affaires africaines, les États-Unis avaient proposé des « incitations positives » pour convaincre le Rwanda et la RDC de parvenir à un accord de paix permettant l’extension du corridor.
L’idée était de développer une branche ferroviaire reliant l’Est de la RDC à ce réseau, offrant ainsi une alternative logistique pour le transport des minerais et des marchandises. « Un cadre bien négocié par les parties existait, et il avançait dans la bonne direction », a affirmé la diplomate. Cependant, le Rwanda s’est désolidarisé de cette initiative, marquant un recul significatif. Le refus de Paul Kagame de participer au sommet de Luanda, en décembre 2024, a mis à mal cette initiative.
Depuis, le Rwanda et le groupe rebelle M23 ont renforcé leur emprise sur le terrain, compliquant davantage les perspectives de paix et de coopération régionale. Les rebelles du M23, appuyés par les troupes rwandaises, ont avancé jusqu’au Sud-Kivu, prenant le contrôle de la cité de Minova.
Heshima