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Paul Kagame : un tyran derrière un masque de héros
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7 mois agoon
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La redaction
Kigali se dresse aujourd’hui comme une vitrine éclatante de progrès en Afrique, une ville propre et moderne qui attire les regards admiratifs. Pourtant, derrière cette façade reluisante, Paul Kagame, président du Rwanda depuis 2000, traîne une ombre lourde. Accusé de crimes parmi les plus odieux de ce siècle après la Seconde Guerre mondiale, il dirige un régime autoritaire qui ne tolère aucune dissidence. Plongée dans l’histoire sombre et controversée de cet homme qui divise le monde.
Célébré pour avoir mis fin au génocide de 1994, Paul Kagame est aussi pointé du doigt pour avoir semé le chaos en République démocratique du Congo (RDC) et orchestré une répression qui s’étend bien au-delà de ses frontières. Certains vont jusqu’à se demander s’il n’a pas manipulé le génocide lui-même pour asseoir son pouvoir.
Une enfance marquée par l’exil et l’ambition
Paul Kagame voit le jour le 23 octobre 1957 à Tambwe, dans ce qui était alors le Ruanda-Urundi, aujourd’hui Nyarutovu, dans la province du Sud du Rwanda. Fils de Deogratias Rutagambwa, un Tutsi proche du roi Mutara III, et d’Asteria Bisinda, descendante de la dernière reine Rosalie Gicanda, il grandit dans un Rwanda colonial où les tensions ethniques entre Hutus et Tutsis couvent déjà. En 1959, la révolution hutue éclate, plongeant les Tutsis dans un climat de peur et de persécution. La famille de Kagame doit fuir, errant deux ans dans le nord-est du pays avant de trouver refuge en 1962 dans le camp de Nshungerezi, en Ouganda. Cet exil forge le jeune Kagame : deux de ses sœurs partent pour l’Italie, un frère meurt dans un accident de voiture, et lui reste seul avec ses parents dans une précarité qui durcit son caractère.
Dans ce camp de réfugiés, Kagame entame sa scolarité, apprenant l’anglais auprès de missionnaires, une langue qui deviendra un atout précieux. À neuf ans, il marche 16 kilomètres pour rejoindre l’école primaire Rwengoro, avant d’intégrer la prestigieuse Ntare School à Mbarara, où il croise Yoweri Museveni, futur président ougandais et allié de poids. La mort de son père au début des années 1970 et le départ de son ami Fred Rwigyema bouleversent son parcours. Suspendu de Ntare pour indiscipline, il termine ses études au Old Kampala Secondary School. En 1977 et 1978, il effectue des voyages clandestins au Rwanda via le Zaïre, officiellement pour des visites familiales, mais en réalité pour sonder le terrain politique. Ces incursions révèlent un jeune homme ambitieux, déjà hanté par l’idée de reconquérir son pays natal.
De l’Ouganda au FPR : les premiers pas dans la guerre

Les années 1970 marquent un tournant décisif dans la carrière militaire de Paul Kagame. En 1979, il rejoint la National Resistance Army (NRA) de Yoweri Museveni, alors en pleine lutte contre le dictateur ougandais Idi Amin Dada. Ce choix inaugure un parcours marqué par l’engagement militaire et les alliances stratégiques qui façonneront son avenir.
Au début des années 1980, Kagame poursuit sa formation militaire à l’étranger. Il suit d’abord un programme à la Moscow Military Academy en Union Soviétique, où il acquiert des compétences fondamentales en guerre et en tactiques militaires. Cette formation, dans le cadre du système soviétique, le prépare à une carrière de commandant, à la fois stratégique et disciplinée.
Quelques années plus tard, dans les années 1980, Kagame est formé à l’United States ArmyCommand and General Staff College à Fort Leavenworth, Kansas, aux États-Unis. Là, il reçoit une formation militaire de haut niveau, axée sur la stratégie, le leadership militaire, et la gestion des opérations. Bien qu’il ne se spécialise pas directement dans le renseignement, ces compétences vont être essentielles pour son rôle futur de leader et de stratège.
Spécialiste du renseignement, Kagame excelle dans l’art de tisser des réseaux discrets, cultivant une discipline de fer. Lorsqu’en 1986, Museveni prend le pouvoir en Ouganda, Kagame devient le chef du renseignement militaire ougandais. Il met en place une cellule secrète composée de Tutsis rwandais exilés, jetant les bases d’une rébellion qui marquera l’histoire du Rwanda. Toutefois, en 1989, sous la pression du président rwandais Juvénal Habyarimana et de certains dirigeants ougandais, Museveni rétrograde Kagame, un revers qui, loin de l’affaiblir, attise sa détermination à poursuivre son objectif : renverser le régime de Habyarimana.
En 1990, Kagame rejoint le Front patriotique rwandais (FPR), fondé par Fred Rwigyema. Lorsque ce dernier est tué dans des circonstances troubles dès le deuxième jour de l’invasion du Rwanda, Kagame, principal bénéficiaire de cette disparition mystérieuse, prend les rênes, commandant plus de 4000 rebelles. Repoussés dans un premier temps, réduits à moins de 2000 hommes, ils frappent fort en janvier 1991, s’emparant de Ruhengeri et provoquant l’exode de 300 000 Hutus. En 1993, le FPR contrôle le nord-est du pays et contraint Habyarimana à signer les accords d’Arusha pour un partage du pouvoir, une promesse qui restera lettre morte. Le 6 avril 1994, l’attentat contre l’avion d’Habyarimana déclenche le génocide. Kagame mène le FPR à la victoire, stoppant officiellement les massacres le 18 juillet après un carnage qui fait environ 800 000 morts. De 1994 à 2000, il occupe les postes de vice-président et ministre de la Défense sous Pasteur Bizimungu, mais c’est lui qui tient les rênes du pouvoir. En mars 2000, Bizimungu est poussé à la démission ; le 22 avril, Kagame est élu président avec 81 voix contre 3, supprimant le poste de vice-président pour régner sans partage.
Une présidence autoritaire
Depuis 2000, Paul Kagame exerce une domination absolue sur le Rwanda. Réélu en 2003, 2010, 2017 et 2024 avec des scores oscillant entre 93 % et 99,15 %, il transforme les élections en plébiscites, dénoncés pour leur opacité par des organisations internationales. En 2003, sous son impulsion, le parlement interdit le Mouvement Démocratique Républicain (MDR), principal parti d’opposition, sous prétexte de divisionnisme, une purge critiquée par Amnesty International. En 2015, un référendum adopté à 98 % modifie la Constitution, permettant à Kagame de rester au pouvoir jusqu’en 2034, une manœuvre qualifiée de « farce électorale » par les défenseurs des droits humains. La répression systématique de l’opposition, orchestrée par des arrestations, des procès politiques et des intimidations, étouffe toute velléité de contestation dans son pays.
Les dissidents qui osent défier Kagame paient un lourd tribut
Depuis la prise de pouvoir de Paul Kagame en 1994, de nombreux dissidents, qu’ils soient politiciens, journalistes, ou défenseurs des droits humains, ont payé un lourd tribut pour avoir osé s’opposer à son régime. Parmi eux, des figures emblématiques ont été victimes de meurtres ciblés, souvent dans des conditions qui soulèvent des interrogations sur l’implication directe du gouvernement rwandais. Retour sur les assassinats les plus marquants.
En 1997, Seth Sendashonga, ancien ministre de l’Intérieur sous le régime de Habyarimana et membre du Front patriotique rwandais (FPR), qui avait choisi l’exil après avoir sévèrement critiqué les abus de pouvoir de Kagame, échappa à une première tentative d’assassinat. Toutefois, le 16 mai 1998, il fut abattu à Nairobi, au Kenya. Cette mort, survenue après de vives dénonciations, est considérée comme un signal fort envoyé à tous ceux qui oseraient s’opposer au régime de Kigali.

Le 23 mars 1998, c’est au tour de Monseigneur André Sibomana, prêtre catholique et défenseur des droits humains, d’être tué au Rwanda. Un homme d’église influent, connu pour sa prise de position contre les abus du pouvoir post-génocide, Sibomana avait également été un porte-parole des victimes du génocide. Son assassinat fut un acte de répression politique visant à museler toute voix critique au sein de l’Église et de la société civile.
Le 24 juin 2010, Jean-Léonard Rugambage, journaliste au sein du journal Umuvugizi, est abattu devant son domicile à Kigali. Rugambage enquêtait sur une tentative d’assassinat contre Faustin Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major rwandais en exil, qui avait survécu à une attaque à Johannesburg cinq jours plus tôt. L’enquête de Rugambage, qui mettait en cause des agents du régime rwandais, aurait sans doute précipité sa fin tragique.
Le 14 juillet 2010, André Kagwa Rwisereka, vice-président du Parti vert démocratique, est retrouvé décapité près de Butare, au sud du Rwanda. Son parti avait été empêché de participer aux élections, et cet assassinat brutale témoigne d’une volonté de supprimer toute forme d’opposition politique. L’assassinat de Rwisereka est souvent cité comme un exemple criant des méthodes employées pour étouffer toute contestation.
Le 1er décembre 2011, Charles Ingabire, journaliste rwandais exilé en Ouganda et fondateur du site d’information Inyenyeri News, est tué. Cet assassinat survient après qu’Ingabire ait publié des articles critiquant de manière acerbe le régime de Kagame. Sa mort rappelle le prix élevé payé par ceux qui choisissent de lever la voix contre un pouvoir jugé autoritaire.
Le 12 octobre 2012, Theogene Turatsinze, ancien dirigeant de la Banque de développement du Rwanda, est tué au Mozambique. Accusé d’avoir exposé des malversations financières et de corruption au sein du régime rwandais, Turatsinze représente un autre exemple des conséquences fatales qui attendent ceux qui osent dénoncer les dérives du gouvernement.
Le 31 décembre 2013, Patrick Karegeya, ancien chef des services de renseignement extérieur du Rwanda et opposant en exil, est retrouvé étranglé dans une chambre d’hôtel à Johannesburg. L’assassinat de Karegeya est rapidement perçu comme un message envoyé à tous les opposants politiques, un avertissement même à ceux qui se trouvent à des milliers de kilomètres de Kigali. Bien que les autorités rwandaises aient démenti toute implication, des enquêtes menées par la BBC ont pointé des agents du régime comme responsables de cet assassinat.
Le 8 mars 2019, Anselme Mutuyimana, assistant de l’opposante rwandaise Victoire Ingabire, est tué au Rwanda. Son assassinat est directement lié à son engagement politique contre le régime en place, et en particulier à son rôle dans le soutien à Ingabire, une figure de l’opposition qui a elle-même été victime de persécutions.
Le 31 mai 2019, c’est au tour de Camir Nkurunziza, ancien garde du corps de Kagame, de perdre la vie en Afrique du Sud. Nkurunziza, après avoir été témoin des abus du pouvoir et avoir exprimé son opposition au régime, est assassiné, soulignant la portée internationale de la répression orchestrée par Kigali contre ses propres détracteurs.
Le 17 février 2020, Kizito Mihigo, chanteur et critique du gouvernement, est retrouvé mort dans sa cellule à Kigali. Officiellement, sa mort est qualifiée de suicide, une version largement contestée par les défenseurs des droits humains et les partisans de l’artiste, qui dénoncent une mise à mort orchestrée pour faire taire sa voix contestataire.
Le 21 février 2021, Abdallah Seif Bamporiki, président du RNC en Afrique du Sud, est assassiné pour son opposition politique au régime de Kigali et pour ses activités liées à l’organisation de commémorations d’activistes exilés. Ce meurtre illustre la traque incessante des opposants politiques rwandais, qu’ils soient sur le sol africain ou ailleurs.
Le 13 septembre 2021, Revocant Karemangingo, homme d’affaires et critique en exil, est abattu au Mozambique. Son assassinat survient après qu’il ait publiquement dénoncé les exactions du régime rwandais, et représente un autre exemple de l’intolérance du gouvernement rwandais envers les voix dissidentes.
John Williams Ntwali, journaliste d’investigation, perd la vie le 18 janvier 2023, dans un prétendu accident de moto à Kigali. Cette mort suspecte est rapidement associée à ses enquêtes sur le régime de Kagame et à son rôle dans la mise à jour de faits qui embarrassaient le pouvoir en place. Les circonstances de son décès font écho à une longue liste de journalistes et de militants politiques tués sous des conditions similaires.
Ces assassinats ne sont pas que des tragédies humaines individuelles ; ils symbolisent la violence systématique déployée contre toute forme d’opposition au Rwanda. Ils témoignent de la répression impitoyable exercée par le régime de Paul Kagame contre ceux qui osent défier son autorité, même au prix de leur vie.
Répression transnationale
L’enlèvement de Paul Rusesabagina en août 2020, digne d’un scénario hollywoodien, illustre l’audace du régime rwandais. Célèbre pour avoir sauvé des centaines de vies pendant le génocide, Rusesabagina, devenu opposant en exil, est piégé par un faux voyage humanitaire. En Belgique, il rencontre Constantin Niyomwungere, présenté comme un pasteur burundais. Ce dernier, devenu son ami, l’invite à parler de justice et de réconciliation dans ses églises au Burundi. Méfiant, Rusesabagina redoute un enlèvement lors d’une escale s’il prend un vol commercial. Constantin lui propose alors un jet privé, censé décoller de Dubaï pour Bujumbura. Le 26 août 2020, Rusesabagina embarque depuis Dubaï, mais l’avion atterrit à Kigali. « J’ai réalisé qu’on atterrissait à Kigali lorsque j’ai vu la tour de contrôle de l’aéroport. Je me suis quasiment évanoui. Des agents du renseignement se sont emparés de moi », a-t-il raconté. Condamné à 25 ans de prison, il est libéré en 2023 sous pression internationale, notamment des États-Unis, du Qatar, de l’Union européenne et de la Belgique. Les autorités rwandaises ont reconnu avoir organisé le vol, tout en affirmant que « la légalité a été respectée ».
La répression s’étend bien au-delà des frontières. La Canadienne Judi Rever, auteure de « L’Éloge du sang », a été surveillée et menacée par l’ambassade rwandaise en Belgique en 2014, au point qu’on lui a assigné une garde 24h/24 ainsi qu’un véhicule blindé pour la protéger, compte tenu de la gravité de la menace. Des campagnes d’intimidation ont eu lieu tant en France qu’au Canada, où elle a été ciblée par des tentatives de discréditer son travail. En France, des millions de dollars ont été investis pour empêcher la publication de son livre, tandis qu’au Canada, des pressions ont été exercées pour la faire taire. Ces menaces ont pris des formes multiples, allant des attaques personnelles aux tentatives de manipulation des institutions. La britannique Michela Wrong, une autre auteure, très menacée avant la sortie de son livre « Assassins sans frontières » en 2023, a dû renforcer sa sécurité. Serge Ndayizeye, journaliste rwandais en exil, a été averti par la police belge en 2018 de menaces sérieuses lors d’une visite de Kagame dans ce pays. Charles Onana, journaliste franco-camerounais, a dénoncé des intimidations répétées et a déposé plainte en octobre 2024 contre Kagame pour « menaces publiquement prononcées ». Human Rights Watch, dans son rapport « Rejoins-nous ou tu mourras », documente un réseau mondial d’assassinats, d’enlèvements et de harcèlement visant à museler la diaspora rwandaise et à étouffer toute critique.
Progrès économiques : une vitrine au prix fort
Sous Kagame, le Rwanda se présente comme un modèle économique. Le PIB par habitant est passé de 631 dollars en 2000 à 2214 dollars en 2020, avec une croissance moyenne de 7 % selon la Banque mondiale pour cette période. En 2024, le PIB réel bondit de 9,7 % au premier semestre, après 8,2 % en 2022-2023. Le plan Vision 2050 ambitionne un Rwanda à revenu moyen supérieur d’ici 2035, puis élevé d’ici 2050, inspiré de Singapour. Des réformes libéralisent l’économie, réduisent les obstacles et misent sur l’éducation, hissant le pays au 29e rang mondial pour la facilité des affaires en 2019, selon le Time. Kigali, avec ses rues propres et son urbanisme soigné, incarne cette réussite.
Mais ce tableau cache une réalité plus sombre. « La croissance enrichit une élite militaro-politique », accuse un analyste d’Al Jazeera. Le chômage stagne à 16,7 % en 2017, atteignant 21 % chez les jeunes. Dans les campagnes, les paysans murmurent leur misère, terrifiés par un régime qui brandit ses chiffres comme un bouclier. Les profits tirés du pillage des ressources congolaises, comme le coltan et l’or, estimés à des milliards de dollars par des dissidents comme Théogène Rudasingwa, enrichissent cette élite, loin des estimations officielles de l’ONU (250 millions sur 18 mois en 2001). Cette prospérité, bâtie sur l’exploitation et les massacres, profite à une minorité tandis que la majorité reste dans l’ombre.
Le génocide de 1994 : un chaos orchestré pour le pouvoir

Le génocide rwandais de 1994, qui a coûté la vie à environ 800 000 Tutsis et Hutus modérés, est souvent présenté comme un chaos que Kagame a héroïquement stoppé. Pourtant, des enquêtes et témoignages, notamment dans « L’éloge du sang » de Judi Rever, révèlent une réalité bien plus odieuse : le FPR, sous la direction de Kagame, a contribué à déclencher cette tragédie pour s’emparer totalement du pouvoir. Les préparatifs auraient débuté bien avant le 6 avril 1994, date de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana. Rever soutient que le FPR a infiltré les partis politiques hutus, les milices comme les Interahamwe, et les mouvements sociaux pour semer la division et inciter à la violence, créant un climat propice à un massacre qu’il pourrait exploiter.
Théogène Rudasingwa, ancien secrétaire général du FPR et ancien directeur de cabinet de Kagame, affirme que ce dernier lui a confessé en juillet 1994 avoir ordonné l’attaque contre l’avion d’Habyarimana, un acte planifié avec des officiers comme Kayumba Nyamwasa et James Kabarebe, actuel Ministre d’État chargé de l’intégration régionale. Jean-Marie Micombero, ex-membre du FPR, raconte avoir vu les préparatifs de l’attentat contre l’avion du président rwandais au Parlement : « un informateur de l’aéroport a transmis des données à Charles Karamba, chef du renseignement, avant que deux tireurs ne partent abattre l’avion avec des missiles sol-air depuis Masaka. Le second missile, lancé par le sergent Frank Nziza, a touché sa cible, tuant Habyarimana, le président burundais Cyprien Ntaryamira et plusieurs membres d’équipage, déclenchant ainsi le génocide ». Luc Marchal, officier belge de la Minuar (Mission des Nations Unies pour l’assistance au Rwanda), note la rapidité suspecte de l’offensive FPR post-attentat, avec 25 000 à 30 000 hommes prêts à l’action, suggérant une préparation minutieuse.
Le FPR ne s’est pas contenté de provoquer le chaos. Rever révèle que des « techniciens » tutsis, formés dans des camps secrets, ont infiltré les milices hutues pour encourager les massacres, utilisant des méthodes brutales comme l’empoisonnement de l’eau ou la torture par « akandoyi », une technique médiévale qui comprime la cage thoracique jusqu’à la suffocation. En février 1994, les commandos du FPR intensifient leurs opérations : attaques dans la zone démilitarisée, pose de mines terrestres dans des lieux publics, et exécutions ciblées. Félicien Gatabazi, ancien ministre de l’intérieur hutu, est abattu par deux commandos sous les ordres de l’officier du FPR Emmanuel Karenzi Karake. Peu après, l’extrémiste hutu Martin Bucyana est assassiné par des membres du PSD, un parti infiltré par le FPR. Ces meurtres planifiés provoquent des affrontements entre milices Hutues et Tutsis à Kigali, faisant 37 morts, et marquent le début des hostilités à Butare. Les infiltrations du FPR fragmentent les Hutus, alimentent la terreur et précipitent le pays dans le chaos.
Voyant que ces stratégies n’avaient pas eu l’ampleur escomptée, Kagame a décidé d’éliminer Habyarimana afin de précipiter le génocide, un calcul froid et glaçant destiné à justifier sa prise de pouvoir absolue. Le 12 avril 1994, six jours après l’attentat de l’avion, Luc Marchal recense quatre bataillons FPR à Kigali. Avec une telle force, le FPR aurait pu protéger les Tutsis ou stopper les massacres. Au lieu de cela, il a ralenti son avancée dans le pays, laissant les massacres s’amplifier. « Le FPR n’a jamais manifesté la moindre volonté de protéger les Tutsis, mais alimentait le chaos. Son objectif était la conquête du pouvoir, utilisant les massacres comme fonds de commerce pour justifier ses opérations », déclare Marchal à Judi Rever. Cette inaction délibérée, combinée à des attaques ciblées contre des civils tutsis et hutus par ses propres agents, dresse le portrait d’un Kagame prêt à sacrifier son peuple pour régner. « Cet homme a un cœur aussi sombre que le diable en personne. Comment peut-on orchestrer le massacre de milliers d’innocents, y compris ceux qu’il prétendait défendre, simplement pour s’emparer du pouvoir ? » s’interroge un chercheur congolais.
La traque des Hutus : une vengeance méthodique

Pendant et après le génocide, le FPR, dirigé par Kagame, a systématiquement massacré des centaines de milliers de civils hutus, au Rwanda et en RDC. En avril 1994, au plus fort du génocide, des milliers de paysans hutus, chassés de leur camp de réfugiés de Nyacyonga par les bombardements du FPR, sont attirés dans un piège dans la ville de Byumba. Via Radio Muhabura, le FPR leur annonce que la guerre est terminée et les invite à se rassembler devant l’hôtel de ville, promettant nourriture et sécurité. Dirigés vers le stade de football, les réfugiés femmes, enfants et vieillards épuisés ignorent qu’ils marchent vers un massacre organisé. Théo Murwanashyaka, soldat du FPR à l’époque, témoigne de l’horreur : « vers 20 heures, la police militaire sépare les hommes les plus robustes et les exécute à coups de grenades, d’armes à feu et d’agafuni (houes tranchantes). Puis c’est au tour des femmes, enfants et vieillards. Les cris d’agonie résonnent toute la nuit ».
Au petit matin, les cadavres sont évacués vers des fosses communes à Rukomo. Mais Kagame, craignant que la France ne repère les charniers par satellite, ordonne leur exhumation et leur crémation. Patrick, un jeune soldat contraint de participer, décrit l’horreur des corps en décomposition et le traumatisme durable des bourreaux eux-mêmes. Un ancien garde du corps de Kagame, réfugié aux États-Unis, raconte à Judi Rever que Kagame s’est personnellement rendu au stade le jour suivant les tueries et à son arrivée, il était furieux de voir une dizaine de Hutus encore vivants mais incapables de bouger, aurait ordonné : « Achevez-les, et nettoyez tout ça ! » Ce récit met en lumière la mécanique implacable des massacres perpétrés par le FPR sous les ordres de Kagame, où la terreur est méthodique et les preuves systématiquement effacées.
Au Zaïre, les réfugiés hutus fuyant les massacres s’enfoncent dans les forêts zaïroises (actuelle RDC), montant des campements de fortune et contractant des maladies comme le choléra ou la malaria. Les soldats de Kagame les traquent sans relâche, les exécutant à l’aide de fusils d’assaut ou de grenades. Jean-Baptiste, un ex-soldat FPR, confesse : « Nous nous sommes arrêtés à Kasindi et nous avons mené des opérations de nettoyage dans toute la zone. Nous devions nous débarrasser de tous ceux qui étaient considérés comme des ennemis, c’est-à-dire tous les Hutus. Nous avons débusqué les réfugiés dans la forêt. Ils mouraient de faim et étaient malades. Ils n’avaient ni eau ni nourriture. Mais la consigne était de les éliminer. Et c’est ce que nous avons fait. Nous avons même tué ceux qui étaient sur le point de mourir, ceux à qui il ne restait que quelques minutes de vie. Les plus faibles d’entre eux, nous les achevions à l’aide d’armes traditionnelles, comme l’agafuni (houe), plutôt qu’avec des armes à feu. La plupart du temps, les massacres se déroulaient en pleine jungle, mais si les réfugiés tentaient de s’abriter dans les villes, nous les repérions et les poursuivions. À ce stade, aucun ex-FAR (soldat hutu) ne se trouvait dans ces zones-là. Il n’y avait que des civils. »
Il poursuit : « Je faisais partie d’une équipe chargée de déterrer les corps des fosses communes. Nous avons travaillé jour et nuit pendant une longue période afin de transférer les cadavres vers d’autres endroits, où ils étaient ensuite incinérés. Les gens commençaient à réclamer une enquête pour déterminer si un massacre de réfugiés hutus avait réellement eu lieu dans cette zone. Évidemment, le Rwanda niait toute implication et nous avions ordre de faire disparaître les indices. Il fallait dissimuler les preuves. Les corps étaient en pleine décomposition. Nous faisions tout cela à mains nues, sans gants ni protections. Nos supérieurs étaient postés derrière nous. Ils nous frappaient régulièrement. C’est difficile à imaginer, mais nous devions transporter les corps à même nos épaules pour ensuite les jeter dans des camions. Quand nous perdions tout courage, ils nous donnaient des coups pour nous forcer à continuer. Je suis tombé malade après ça. La dernière chose qu’ils voulaient, c’était laisser les populations déplacées du Rwanda (les réfugiés hutus au Congo) faire la même chose qu’eux : s’organiser et revenir prendre le pouvoir. Ils voulaient se débarrasser de ces gens. », conclut Jean-Baptiste en se confessant à Judi Rever.
Judi Rever documente les atrocités commises par les forces rwandaises. Selon ces témoignages, des femmes et des filles ont été victimes de viols systématiques, souvent perpétrés avec des armes, des couteaux ou des pierres. Certaines ont été tuées après leur agression, recevant même une balle dans le vagin. Les survivantes souffrent de fistules, des déchirures internes graves provoquant l’incontinence.
Le livre dévoile également les techniques de meurtre enseignées aux militaires du régime rwandais, telles que l’empoisonnement de l’eau potable avec des produits chimiques, l’utilisation de produits pharmaceutiques pour tuer, ainsi que l’usage de cordes, de houes et de sacs en plastique pour commettre des meurtres. Parmi les méthodes de torture décrites, on trouve l’injection de carburant dans les oreilles des victimes et l’utilisation de la technique d’akandoyi’ (technique qui consiste à attacher ensemble et dans le dos les coudes de la victime, afin de lui compresser la cage thoracique pour entrainer une mort lente et douloureuse), l’utilisation d’armes blanches, d’armes à feu et de grenades ; l’installation de mines et l’utilisation de bombes contrôlées à distance et la collecte de renseignements.
Le rôle néfaste de Kagame en RDC
Depuis 1994, Paul Kagame a transformé l’est de la RDC en un théâtre de cauchemar, mêlant atrocités barbares et pillage systématique des richesses minières. Sous prétexte de sécuriser son pays après le génocide, il a orchestré une double tragédie : des massacres, viols et tortures infligés à des millions de civils congolais, et une exploitation brutale du coltan, de l’or et du cobalt mettant en grande difficulté l’économie de la RDC. De l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) au Mouvement du 23 Mars (M23), qui sévit encore au moment de la rédaction de cet article, Kagame a utilisé des groupes armés comme le RCD, le CNDP, Jules Mutebusi et le M23 pour semer la terreur et siphonner des milliards de dollars, laissant derrière lui un peuple brisé, meurtri et un pays exsangue.
En 1996, Kagame soutient l’AFDL pour renverser Mobutu Sese Seko, lançant une série de conflits mêlant violence extrême et pillage économique. Le Rapport Mapping de l’ONU décrit une vague de massacres dès les premiers mois de la guerre. À Lemera, en octobre 1996, des unités banyamulenge et tutsies, sous le commandement de James Kabarebe, bras droit de Kagame, ont attaqué l’hôpital de Lemera, tuant 37 personnes, dont des patients et du personnel médical, abattus à bout portant dans leurs lits. À Kiliba, le même mois, les forces AFDL/APR massacrent 88 civils incapables de fuir, avant de piller le village. Shabunda, entre 1996 et 1997, devient un piège mortel pour des réfugiés fuyant sur la route Bukavu-Kindu : des embuscades systématiques tuent des centaines à l’arme blanche. Tingi-Tingi, en février-mars 1997, voit les forces AFDL/APR investir le camp de réfugiés, massacrant des centaines de civiles, y compris des enfants et des malades, à coups de machette, avant de bloquer toute aide humanitaire. Parallèlement, l’AFDL s’empare des zones minières, pillant coltan et or pour les acheminer vers Kigali.
En 2001, Laurent-Désiré Kabila est assassiné dans son bureau à Kinshasa. Lors d’une réunion à Bruxelles en 2012, Théogène Rudasingwa, ancien secrétaire général du FPR et ex-directeur de cabinet de Kagame, a affirmé que ce dernier avait orchestré le meurtre afin d’éliminer un allié devenu gênant. Une thèse renforcée par le documentaire Meurtre à Kinshasa, réalisé par Arnaud Zajtman et Marlène Rabaud, et diffusé par Al Jazeera en 2011. Cet acte aurait permis à Kagame de maintenir son emprise sur la RDC via Joseph Kabila. Les rapports de l’ONU de 2010 et 2025 qualifient les actions de Kagame en RDC de crimes de guerre, crimes contre l’humanité voire de génocide, tandis que le pillage des ressources congolaises, estimé à des milliards par des dissidents, enrichit l’élite rwandaise, bien loin des chiffres officiels.
De 1998 à 2003, le RCD, soutenu par Kagame, transforme l’est de la RDC en un enfer. Le massacre de Kasika, en août 1998, éclate après une embuscade Maï-Maï : les forces RCD tuent plus de 1 000 civils, certains brûlés vifs dans une église, d’autres mutilés à la machette, avec des viols systématiques pour terroriser. À Kisangani, des centaines de civils sont massacrés, des femmes violées devant leurs familles, des villages incendiés avec leurs habitants piégés à l’intérieur. En même temps, le RCD fait de Goma un hub du commerce illégal de minerais, exportant des quantités massives de coltan et d’or qu’il pille dans les mines de Walikale et de Masisi. Les Congolais sont réduits à l’esclavage, travaillant dans les mines sous la contrainte, tandis que les profits affluent vers Kigali.
Sous le CNDP, de 2006 à 2009, dirigé par Laurent Nkunda et soutenu par le Rwanda, la barbarie s’intensifie. Le massacre de Kiwanja, en 2008, voit plus de 150 civils tués, des pères contraints de violer leurs filles ou de tuer leurs fils sous peine de mort. Les enfants sont enrôlés pour combattre ou creuser, leurs vies sacrifiées pour la cause rwandaise. Parallèlement, le CNDP s’empare de zones riches en coltan, comme Rubaya, acheminant les minerais vers Kigali. En 2004, Jules Mutebusi, s’empare de Bukavu avec Laurent Nkunda. Human Rights Watch rapporte des viols généralisés, touchant même des fillettes de trois ans, souvent devant leurs familles, avec des objets insérés dans leurs corps pour mutiler. Bukavu devient une porte vers les mines du Sud-Kivu, riches en or et en cassitérite, transformant la ville en un hub de commerce illégal.
En 2012, le M23, soutenu par Kagame, capture Goma, semant la mort et pillant les richesses. Des populations sont massacrées dans des églises et d’autres brûlées vives, des viols avec insertion d’objets deviennent monnaie courante. Les rapports de l’ONU confirment que le Rwanda arme et dirige le M23, qui exporte 120 tonnes de coltan toutes les quatre semaines vers Kigali. Depuis 2022, le M23, renforcé par 3 000 à 4 000 soldats rwandais selon l’ONU, poursuit son carnage. À Kishishe, en novembre 2022, Amnesty International rapporte des dizaines de civils tués et violés, des femmes enceintes éventrées, des bébés écrasés dans des mortiers. Plus de 700 000 personnes sont déplacées en 2025, leurs villages rasés. En parallèle, le M23 contrôle Rubaya, le plus grand gisement de coltan, pillant à une échelle industrielle.
Un tyran sous le masque du héros
Paul Kagame a mis fin au génocide et relevé économiquement le Rwanda, mais à quel prix ? Un régime qui broie la liberté, massacre des civils en RDC de la manière la plus horrible qui soit pour asseoir son pouvoir, des millions de vies sacrifiées en République démocratique du Congo, et une répression qui s’étend bien au-delà des frontières. Les faits peignent un autocrate prêt à tout pour dominer. L’avenir du Rwanda oscille entre une modernité imposée et une démocratie étouffée, un défi que Kagame refuse de relever, préférant régner par la peur et le sang. Comme le souligne Michela Wrong, derrière le héros se cache un homme paranoïaque et violent, dont les trahisons se paient au prix fort, un portrait que les victimes, rwandaises et congolaises, ne peuvent oublier. Les chiffres sont accablants : plus de 10 millions de morts depuis 1996, 7,3 millions de déplacés en 2025, une nation privée de ses richesses et de son avenir. Tant que Kagame régnera, la RDC restera une proie, saignée par un tyran protégé par l’Occident.
Heshima
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International
Génocide congolais : Tshisekedi entame un long plaidoyer pour une reconnaissance internationale
Published
1 mois agoon
septembre 25, 2025By
La redaction
Depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le 23 septembre 2025, le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a lancé un « appel solennel » en faveur de la reconnaissance internationale du « génocide des Congolais » dans l’Est du pays. Dans ce discours empreint de gravité, le chef de l’État a également dénoncé la mauvaise foi persistante du Rwanda dans l’application de l’accord de paix conclu à Washington entre Kinshasa et Kigali, soulignant l’urgence d’une mobilisation diplomatique pour mettre fin à des violences qu’il juge insoutenables.
En marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York, Félix Tshisekedi a porté un plaidoyer inédit : la reconnaissance par la communauté internationale d’un « génocide congolais ». Le président de la République démocratique du Congo a réclamé la mise en place d’une commission d’enquête internationale, dotée de moyens conséquents, pour rétablir la vérité et rendre justice aux victimes. Devant les chefs d’État et diplomates réunis, le chef de l’État congolais a dénoncé une guerre qui dure depuis plus de trois décennies dans l’Est du pays, qu’il a qualifiée de « génocide silencieux ». Selon lui, ce conflit ne relève plus seulement de considérations militaires ou géopolitiques, mais s’inscrit dans une logique de pillage systématique des ressources congolaises, d’effacement de la mémoire collective et de destruction des communautés.
Le cinquième président congolais a exhorté la communauté internationale à créer une commission d’enquête indépendante, chargée « d’établir la vérité, de rendre justice aux victimes et de rompre le cycle de l’impunité qui alimente ce drame depuis des décennies ». Il a également appelé à l’adoption de sanctions onusiennes contre les responsables de « crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide » commis dans l’Est de la République démocratique du Congo.
Génocide ? Où en est l’évaluation juridique ?
Le terme « génocide » possède une définition juridique stricte : l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Jusqu’à présent, les rapports d’ONG et de l’ONU évoquent principalement des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Certains abus recensés pourraient toutefois, à l’issue d’enquêtes plus poussées, relever de cette qualification. L’ONU a déjà engagé des procédures visant à établir non seulement les faits et les responsabilités, mais aussi l’intention derrière ces violences – condition essentielle pour statuer sur l’existence d’un génocide.
Conscient de la complexité de ce combat juridique et diplomatique, Félix Tshisekedi ne renonce pas. Le chef de l’État entend maintenir son plaidoyer, persuadé qu’il peut, à terme, infléchir l’opinion internationale. Pour appuyer sa démarche, il mise notamment sur le Fonds national de réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits (FONAREV). Cette institution publique, qui œuvre également pour les victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, milite depuis plus de deux ans pour la reconnaissance du « Génocost », un concept désignant un génocide motivé par la quête effrénée de ressources économiques.
A Rutshuru, des massacres aux allures d’un génocide
Si Félix Tshisekedi a choisi d’élever sa voix sur la scène internationale, c’est aussi parce qu’il dispose de faits concrets susceptibles d’étayer son plaidoyer. En novembre 2022, les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont perpétré des massacres d’une ampleur inédite, faisant au moins 130 victimes civiles dans les villages de Kishishe et Bambo, au Nord-Kivu. Selon les premiers éléments, ces exécutions ciblées auraient visé des Hutus en raison de leur appartenance ethnique, une caractéristique qui pourrait, juridiquement, ouvrir la voie à la qualification de crime de génocide.
Un rapport conjoint du Bureau des Nations unies aux droits de l’homme (BCNUDH) et de la MONUSCO avait dressé un bilan glaçant : 102 hommes, 17 femmes et 12 enfants exécutés, huit blessés par balles et soixante personnes enlevées. Les enquêteurs décrivaient une véritable « campagne de meurtres, de viols, d’enlèvements et de pillages », menée en représailles à des affrontements entre le M23 et des miliciens des FDLR, ainsi que d’autres groupes armés comme les Maï-Maï Mazembe, Nyatura et la Coalition des mouvements pour le changement.
À Kishishe, Amnesty International a recueilli les témoignages de familles racontant comment les attaques ciblant les hommes adultes ont laissé derrière elles des femmes et des enfants profondément traumatisés, prisonniers d’un climat d’incertitude et de peur.
C’est dans ce contexte que Félix Tshisekedi a lancé, depuis la tribune de l’ONU, un avertissement solennel : « Refuser de reconnaître le génocide congolais correspond à une forme de complicité. »
Le Rwanda, un Etat impliqué dans le drame congolais
Depuis près de trois décennies, Kigali est accusé d’entretenir le cycle de violences à l’Est de la République démocratique du Congo. Depuis l’invasion du pays aux côtés de l’AFDL, qui avait porté Laurent-Désiré Kabila au pouvoir en 1997, le Rwanda n’a cessé d’être soupçonné de soutenir divers groupes armés opérant dans la région. Aujourd’hui encore, à travers l’AFC/M23, Kigali continue d’agir en sous-main, malgré la signature à Washington, le 27 juin dernier, d’un accord de paix censé tourner la page des hostilités.
S’exprimant devant l’Assemblée générale des Nations unies, Félix Tshisekedi a fustigé « la mauvaise volonté » du Rwanda. Selon lui, Kigali « fait semblant d’avoir retiré ses troupes, mais en réalité elles restent présentes sur le sol congolais et appuient les supplétifs du M23 ». Le chef de l’État congolais estime que cette stratégie vise à « gagner du temps pour laisser la crise s’aggraver ».
Dans la foulée, il a exhorté la communauté internationale à garantir l’application « stricte » de l’accord de Washington et de la résolution 2773 du Conseil de sécurité adoptée le 21 février 2025. Une enquête récente des Nations unies a par ailleurs documenté de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis « par toutes les parties », un constat qui vient encore assombrir la perspective d’une paix durable dans la région.
Heshima
International
Corridor transafricain de Lobito : Le Lualaba entend transformer ce méga-projet en moteur de croissance
Published
2 mois agoon
septembre 11, 2025By
La redaction
Les enjeux économiques du projet du Corridor de Lobito étant colossaux, la gouverneure du Lualaba, Marie-Thérèse Masuka est déterminée à atteindre simultanément plusieurs objectifs de développement, notamment transformer ce couloir en moteur de croissance durable pour sa province. Sans atermoiement, elle s’y prépare avec un dossier soigneusement préparé et bien ficelé.
Chemin de fer long de 1 300 km et bénéficiant d’un financement de 1,3 milliard de dollars, le projet transatlantique de Lobito est salué pour son aspect « accélération de l’exportation de minerais critiques et baisse des coûts logistiques ». Sa concrétisation vient mettre en rude concurrence les Américains et les Chinois autour des minerais, notamment ceux de la RDC
Cependant, au-delà de l’aspect logistique, Fifi Masuka Saini voit de grands enjeux économiques pouvant booster de manière tentaculaire le développement en RD Congo. Acteur majeur dans la production des minerais stratégiques employés dans la transition énergétique, le Lualaba a beaucoup à gagner une fois ce projet de ligne ferroviaire opérationnel, visant à relier la Zambie à l’Atlantique en passant par la RDC et l’Angola.
Le voile de ce que la cheffe de l’exécutif provincial du Lualaba envisage de faire sur cet axe était levé lors de la 6éme édition du Katanga Business Meeting, organisée en mai 2025 à Kolwezi. Lors de l’ouverture de ce forum, Fifi Masuka a clairement affirmé que le corridor de Lobito doit servir premièrement les intérêts du peuple congolais. « Il est plus qu’urgent de faire de ce corridor un axe de transformation pour le peuple congolais et non une simple voie d’exportation de minerais », a-t-elle déclaré. Pour ce faire, elle a appelé à une gestion transparente et collective afin de garantir que les bénéfices profitent en premier lieu aux populations locales.
Le Lualaba a déjà son canevas
La gouverneure Masuka a déjà un dossier bien élaboré pour ce projet dont Costas Musunka, initiateur de Katanga Business Meeting, souhaite voir devenir le système circulatoire de l’industrialisation du Katanga. Pour la gouverneure du Lualaba, il s’agit d’une opportunité de dynamisation de l’économie locale par la création des zones économiques spéciales, des centres logistiques, des cadres industriels et des chaînes manufacturières.
Selon le Vice-premier ministre et ministre de l’Économie, Mukoko Samba, qui a aussi participé à cette grande conférence, le corridor doit « être un couloir industriel intégré où circuleront matières premières transformées, technologies propres et compétences transfrontalières ».
Entre autres, le Lualaba prévoit l’érection de cinq gares industrielles le long du tracé, chacune spécialisée dans un maillon de la valeur minière, un réseau comprenant des hubs technologiques.
Un corridor porteur de développement
Lors de la rencontre multilatérale sur le corridor de Lobito tenue en décembre 2024 en Angola, le Président Félix Tshisekedi avait déclaré ce qui suit : « Le corridor de Lobito est bien plus qu’un axe de transport. C’est une opportunité unique d’intégration régionale, de transformation économique et d’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens ».
Le chef de l’État congolais estime que ce projet offre beaucoup d’opportunités, jusqu’à 30 000 emplois. D’où l’implication du gouvernement central par le biais de plusieurs ministères, notamment ceux de l’Industrie, des Transports et des Infrastructures.
Des équipes sont même à pied d’œuvre. Au ministère de l’Industrie, par exemple, Hélène Miasekama Kiese, DG de la Direction générale du corridor de développement industriel (DGCDI), affirme que des études de planification sont en cours selon une vision globale.
La DGCDI, outil de planification industrielle et de diversification économique du pays, envisage des retombées concrètes pour la population locale. Elle voit en ce projet particulièrement une opportunité de désenclavement du bassin agricole du Kasaï, de construction des routes de desserte agricole, ainsi que le développement de parcs agro-industriels.
Roger Te-Biasu, coordonnateur de la Cellule d’appui technique du gouvernement congolais (Cepcor), qui gère les activités des corridors de transports, pense que ce projet va positivement impacter l’économie de la RDC. La pleine opérationnalisation de ce corridor, en effet, permettra l’accès et la circulation d’intrants indispensables aussi bien à l’industrie minière qu’agricole. « Le corridor de Lobito constitue un levier stratégique pour la stabilité, le désenclavement et le développement de la région », a déclaré Jean-Pierre Bemba, le 23 juin 2025 à Luanda, au 17éme sommet des affaires États-Unis – Afrique.
Hubert MWIPATAYI
International
Kigali et les FDLR : un dialogue inter-rwandais pour en finir avec la crise en RDC est-il possible ?
Published
3 mois agoon
août 21, 2025By
La redaction
Depuis des décennies, l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre d’un conflit aux ramifications complexes, où les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) et les incursions répétées du Rwanda occupent une place centrale. Alors que Kigali justifie ses interventions par la menace que représentent ces rebelles hutus, accusés d’être les héritiers des génocidaires de 1994, la RDC dénonce une manipulation visant à légitimer pillages et déstabilisation. Entre accusations mutuelles et cycles de violence, la possibilité d’un dialogue inter-rwandais, impliquant le gouvernement rwandais et les FDLR, émerge comme une piste pour mettre fin à cette crise. Cet article explore les enjeux, les obstacles et les perspectives d’une telle initiative, tout en décryptant les justifications récurrentes de Kigali pour ses actions sur le sol congolais.
Les FDLR, nées dans les camps de réfugiés après le génocide rwandais de 1994, sont souvent présentées par Kigali comme une menace existentielle. Composées en partie d’anciens Interahamwe et de miliciens hutus ayant fui le Rwanda, elles se sont établies dans l’Est de la RDC, où elles mènent des activités de guérilla en RDC tout en s’intégrant parfois aux communautés locales. Selon un rapport de l’ONU publié en décembre 2023, les FDLR compteraient environ 1 000 à 1 500 combattants, un chiffre bien inférieur à leur influence passée, mais suffisant pour servir de justification aux violations du territoire congolais par l’arme rwandaise. Kigali affirme que ces rebelles planifient des attaques contre son territoire, une rhétorique qui légitime ses opérations militaires transfrontalières.
Pourtant, Kinshasa et plusieurs observateurs remettent en question cette narrative. Dans un article publié le 14 février 2025, Heshima Magazine souligne que le Rwanda utilise les FDLR comme un « prétexte pour tuer et piller la RDC », notamment pour s’approprier les richesses minières du Nord et Sud-Kivu. Les rapports du Groupe d’experts de l’ONU confirment que des unités de l’armée rwandaise, souvent en soutien au M23, contrôlent des zones riches en coltan et or, exploitant illégalement ces ressources. Cette exploitation, couplée à des massacres et déplacements massifs de populations, alimente la méfiance congolaise. « Le Rwanda brandit la menace des FDLR pour justifier une guerre économique et territoriale », déclare un analyste basé à Goma, interrogé par Actualité.cd le 10 janvier 2025. Cette dynamique met en lumière la nécessité d’un dialogue qui démystifie le rôle des FDLR.
Les incursions rwandaises : une stratégie de déstabilisation
Depuis la fin de la deuxième guerre du Congo en 2003, le Rwanda a été accusé à maintes reprises de soutenir des groupes armés en RDC, notamment le M23, pour maintenir son influence dans la région. Kigali nie officiellement tout soutien au M23, mais des preuves solides documentées par l’ONU, incluant des témoignages de déserteurs rwandais, contredisent ces démentis. Ces incursions, souvent justifiées par la « nécessité de neutraliser les FDLR », ont exacerbé les tensions entre Kinshasa et Kigali. En 2022, le président Félix Tshisekedi a publiquement dénoncé l’« agression rwandaise », une position réitérée lors du sommet de l’Union Africaine en février 2025, où il a appelé à des sanctions contre Kigali.
Les conséquences de ces interventions sont dévastatrices. Selon l’ONG International Crisis Group, dans son rapport de janvier 2025, plus de 5 millions de personnes ont été déplacées dans l’Est de la RDC depuis 2020, en grande partie à cause des conflits impliquant le M23 et d’autres groupes soutenus par le Rwanda. Les populations locales, comme l’exprime Jeanne Mbuyi, une agricultrice de Rutshuru : « Nous vivons dans la peur constante. Les FDLR, le M23, les RDF, tout le monde nous attaque. Un dialogue entre Rwandais pourrait nous rendre la paix. » Cette aspiration à une solution pacifique reflète un sentiment croissant parmi les Congolais, qui voient dans un règlement inter-rwandais une issue possible à la crise.
Les tentatives de dialogue au Rwanda : une histoire d’échecs
L’idée d’un dialogue inter-rwandais n’est pas nouvelle, mais elle s’est heurtée à des obstacles majeurs. En 2009, des négociations entre Kigali et les FDLR, facilitées par la RDC, ont échoué en raison du refus des rebelles de désarmer sans garanties politiques et de l’inflexibilité du gouvernement rwandais. Heshima Magazine, dans son article daté du 4 juillet 2025, revient sur le nouvel accord visant à neutraliser les FDLR qui a été signé dans le cadre du processus de Nairobi, mais il a donné lieu à « deux récits » divergents : Kinshasa insiste sur une coopération régionale, tandis que Kigali continue de privilégier une solution militaire. « Les FDLR ne sont pas une entité monolithique. Certains veulent rentrer au Rwanda, mais Kigali refuse de négocier avec ceux qu’il qualifie de génocidaires », explique un diplomate cité par Radio Okapi.
Les initiatives régionales, comme le processus de Luanda sous l’égide de l’Angola, ont tenté de rapprocher les positions. En novembre 2023, un sommet tripartite entre la RDC, le Rwanda et l’Angola a abouti à un engagement pour désarmer les FDLR, mais les résultats restent limités. La RDC accuse Kigali de ne pas respecter les termes de l’accord, tandis que le Rwanda reproche à Kinshasa son incapacité à contrôler les FDLR. Ces désaccords soulignent la méfiance mutuelle, mais aussi l’absence d’un cadre inclusif impliquant directement les FDLR comme acteurs politiques plutôt que comme simples belligérants.
Les défis d’un dialogue inter-rwandais
Organiser un dialogue entre Kigali et les FDLR pose des défis colossaux. D’une part, le gouvernement rwandais, dirigé par Paul Kagame, adopte une position intransigeante envers les FDLR, les considérant comme une menace idéologique et sécuritaire. Dans une interview accordée à RFI le 20 avril 2024, le ministre rwandais des Affaires étrangères a réaffirmé que « tout dialogue avec les FDLR équivaudrait à légitimer le génocide ». Cette rhétorique complique toute tentative de négociation, car elle exclut a priori la possibilité d’un compromis.
D’autre part, les FDLR elles-mêmes sont divisées. Selon un rapport de l’Institute for Security Studies publié en juin 2024, une faction modérée, dirigée par des leaders comme Ignace Murwanashyaka, serait prête à négocier un retour pacifique au Rwanda en échange de garanties d’amnistie et de réintégration. Cependant, une frange plus radicale, basée dans les forêts du Nord-Kivu, continue de s’opposer à tout dialogue. « Un dialogue inter-rwandais nécessiterait une médiation neutre, peut-être sous l’égide de l’ONU ou de l’Union Africaine, pour garantir la sécurité des parties », suggère Pierre Kanda, un politologue congolais interrogé par Heshima Magazine.
La question de la justice transitionnelle constitue un autre obstacle. Les FDLR exigent des garanties contre les poursuites pour crimes passés, une demande inacceptable pour Kigali, qui insiste sur la responsabilité pénale des génocidaires. Pourtant, des modèles comme les commissions Vérité et Réconciliation en Afrique du Sud pourraient inspirer une solution. « Un dialogue qui associe justice, réconciliation et développement pourrait briser le cycle de la violence », estime Judith Nshimirimana, une militante des droits humains au Rwanda. Une lueur d’espoir pour la RDC ? Malgré les défis, un dialogue inter-rwandais pourrait transformer la dynamique régionale. En désarmant ce qu’il en reste des FDLR et en facilitant leur retour ou leur réinstallation, le Rwanda perdrait son principal argument pour intervenir en RDC. Cela exigerait toutefois un engagement sincère de Kigali, ce que beaucoup doutent, vu les bénéfices économiques colossaux qu’il tire de l’exploitation des minerais congolais. Un rapport de Global Witness publié en mai 2024 révèle que le commerce illégal de minerais dans l’Est de la RDC génère des centaines de millions de dollars, dont une part significative transite par le Rwanda. Un dialogue réussi pourrait donc non seulement pacifier la région, mais aussi contraindre Kigali à revoir sa stratégie économique.
Pour la RDC, l’enjeu est tout aussi crucial. En neutralisant les FDLR, Kinshasa pourrait renforcer sa souveraineté sur l’Est du pays et concentrer ses efforts sur la lutte contre d’autres groupes armés. « Si le Rwanda et les FDLR trouvent un accord, la RDC pourrait enfin respirer », déclare Joseph Munganga, un commerçant de Goma. Cependant, la réussite d’un tel dialogue dépendra de la volonté politique des acteurs, d’une médiation internationale crédible et d’un soutien régional robuste.
Une paix à construire ensemble
La crise dans l’Est de la RDC, alimentée par la question des FDLR et les incursions rwandaises, ne trouvera de solution durable que par un dialogue inclusif entre Rwandais. Si les obstacles sont nombreux, méfiance mutuelle, divergences idéologiques, intérêts économiques, les aspirations des populations congolaises et rwandaises à la paix constituent une force motrice. Un dialogue inter-rwandais, s’il est bien encadré, pourrait non seulement neutraliser les FDLR, mais aussi démanteler les justifications de Kigali pour ses interventions. Comme le souligne un rapport de l’Union Africaine de mars 2025, « la paix dans les Grands Lacs passe par une coopération courageuse et transparente ». L’heure est peut-être venue pour Kigali et les FDLR de s’asseoir à la table des négociations, pour le bien du Rwanda, la RDC et de la région tout entière.
JCN
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