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RDC : De Kasa-Vubu à Tshisekedi, l’éternel pari de l’union nationale

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[PARTIE 2]

Depuis son indépendance en 1960, la République démocratique du Congo (RDC) s’appuie sur des gouvernements d’union nationale, de salut public ou de transition pour conjurer ses crises les plus graves : rébellions, effondrements économiques, pressions internationales. Ces coalitions, réunissant pouvoir et opposition, émergent comme des tentatives de stabiliser un État miné par des fractures ethniques, politiques, sociales. Mais ces gouvernements, souvent présentés comme des remèdes miracles, répondent-ils aux attentes ? Heshima Magazine, inspiré par l’annonce de Félix Tshisekedi en février 2025 et les consultations menées par Eberande Kolongele, explore cette pratique quasi rituelle, ses dynamiques, ses succès, ses échecs. La première partie, publiée le 23 avril 2025, a retracé les gouvernements d’union jusqu’aux années 1990. Cette seconde partie analyse la transition « 1+4 » de 2003 à 2006, les gouvernements de Matata Ponyo de 2014 à 2017, de Samy Badibanga de 2016 à 2017, de Bruno Tshibala de 2017 à 2019, et l’initiative actuelle de Tshisekedi, en interrogeant leur pertinence face aux défis contemporains.

Transition 1+4 sous Joseph Kabila (2003-2006)

La Seconde Guerre du Congo (1998-2002), surnommée la « guerre mondiale africaine » pour son implication de neuf pays et d’innombrables factions, laisse la RDC dans un état de désolation presque irréparable. Avec un bilan estimé entre 3 et 5 millions de morts – dus aux combats, à la famine et aux maladies –, des millions de déplacés internes et un territoire morcelé entre seigneurs de guerre, milices locales et armées étrangères, la RDC est un État en lambeaux. L’assassinat de Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001, propulse son fils Joseph, alors âgé de 29 ans, à la tête d’un pays au bord de l’implosion. Inexpérimenté, peu connu et dépourvu d’une base politique solide, Joseph Kabila hérite d’une nation où les richesses minières – or, coltan, diamants – attisent les convoitises des puissances régionales, notamment le Rwanda et l’Ouganda, et des réseaux transnationaux, tandis que la population, épuisée par des décennies de violence et de misère, oscille entre désespoir et méfiance envers toute gouvernance.

Avant la signature de l’Accord global et inclusif à Pretoria le 17 décembre 2002, la RDC est un patchwork de zones contrôlées par des factions rebelles, des milices locales et des forces étrangères, chacune poursuivant des agendas distincts, souvent liés à l’exploitation des ressources naturelles et à des rivalités ethniques ou géopolitiques. L’autorité de Kinshasa, exercée par le gouvernement de Laurent-Désiré Kabila puis de son fils, se limite principalement à l’ouest et au centre, notamment les provinces du Kasaï, du Katanga, fief historique des Kabila, du Bas-Congo et de la capitale. Même dans ces régions, le contrôle est fragile, miné par la corruption, l’absence d’infrastructures et la méfiance des populations. L’Est, riche en minerais stratégiques, est le théâtre d’une anarchie violente. Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma), soutenu par le Rwanda, domine les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema, ainsi que des parties de la Province Orientale, exploitant illégalement le coltan et l’or tout en imposant une administration parallèle brutale. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC), dirigé par Jean-Pierre Bemba et appuyé par l’Ouganda, contrôle le nord, principalement l’Équateur et des portions de la Province Orientale, comme Beni et Bunia, tirant profit du bois et des diamants. Une faction dissidente, le RCD-Kisangani/Mouvement de Libération (RCD-K/ML), soutenue également par l’Ouganda, règne sur l’Ituri, où des conflits ethniques sanglants entre Hema et Lendu font des dizaines de milliers de morts. Dans les Kivus, le Maniema et le nord du Katanga, des milices Maï-Maï, autoproclamées défenseurs des communautés locales, contrôlent des poches de territoire, alternant entre résistance et banditisme. Les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), composées de Hutus rwandais réfugiés après le génocide de 1994, sont actives dans les Kivus, alimentant les tensions ethniques et servant de prétexte à l’ingérence rwandaise. Au Katanga, riche en cuivre et cobalt, le gouvernement maintient un contrôle relatif, mais des tensions séparatistes et des milices locales, comme celles de Gédéon Kyungu, menacent la stabilité.

Politiquement, l’autorité de Kinshasa est quasi inexistante dans l’Est et le Nord, où les administrations parallèles des groupes rebelles collectent des taxes, imposent leurs lois et exploitent les ressources. Économiquement, la RDC est une coquille vide : l’hyperinflation héritée de l’ère Mobutu a anéanti la monnaie, les infrastructures – routes, ponts, écoles, hôpitaux – sont en ruines, et la corruption endémique siphonne les rares ressources de l’État. Les richesses minières, qui pourraient financer la reconstruction, sont pillées par des réseaux transnationaux impliquant des compagnies étrangères, des élites locales et des armées voisines, comme le documente un rapport de l’ONU de 2001 sur le « pillage systématique ». Socialement, le tableau est dramatique : environ 3,4 millions de déplacés internes vivent dans des camps de fortune, fuyant les combats incessants dans l’Ituri, les Kivus et la Province Orientale. Les violences sexuelles, utilisées comme arme de guerre, touchent des dizaines de milliers de femmes et de filles, tandis que les massacres ethniques, comme ceux entre Hema et Lendu, laissent des communautés déchirées. Sur le plan sécuritaire, la prolifération des groupes armés rend toute pacification illusoire. La Mission des Nations unies au Congo (MONUC), déployée dès 1999 avec 8 700 Casques bleus en 2003, est débordée par l’ampleur du chaos, son mandat limité à l’observation et à la protection des civils l’empêchant d’intervenir efficacement contre les milices.

C’est dans ce contexte d’effondrement total que l’Accord global et inclusif, signé à Pretoria le 17 décembre 2002 sous la médiation de l’ONU et de l’Afrique du Sud, tente de mettre un terme officiel à la Seconde Guerre du Congo. Fruit de négociations laborieuses impliquant le gouvernement de Kinshasa, les principaux mouvements rebelles, des factions Maï-Maï, l’opposition civile et la société civile, cet accord instaure, le 30 juin 2003, un gouvernement de transition inédit, baptisé « 1+4 ». Joseph Kabila conserve la présidence, entouré de quatre vice-présidents représentant les principales forces en présence : Abdoulaye Yerodia Ndombasi, loyaliste kabiliste du PPRD ; Azarias Ruberwa, du RCD-Goma soutenu par le Rwanda ; Jean-Pierre Bemba, du MLC appuyé par l’Ouganda ; et Arthur Z’ahidi Ngoma, issu de l’opposition civile non armée. Ce gouvernement, mosaïque d’intérêts divergents, incarne une tentative audacieuse mais fragile de réunifier un pays fracturé. Sa mission est herculéenne : pacifier un territoire vaste comme l’Europe occidentale via un programme de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) des ex-combattants, relancer une économie exsangue, et organiser les premières élections libres depuis l’indépendance en 1960, le tout dans un délai ambitieux de deux ans.

Le « 1+4 » pose des jalons institutionnels remarquables dans un contexte chaotique. Une nouvelle constitution, adoptée par référendum en mai 2005, instaure un régime semi-présidentiel et décentralisé, visant à apaiser les tensions régionales. L’enregistrement de 25 millions d’électeurs, dans un pays où les routes sont souvent des pistes boueuses et l’électricité un luxe, est un exploit logistique orchestré avec l’appui de l’ONU et des bailleurs internationaux. Pourtant, les obstacles s’accumulent. Le programme DDR s’enlise : les ex-rebelles, méfiants envers Kinshasa, rechignent à abandonner leurs armes, et leur intégration dans les Forces Armées de la RDC (FARDC), mal entraînées et sous-équipées, ravive les rivalités, transformant l’armée en une mosaïque de loyautés conflictuelles. Dans l’Est, les violences persistent. Les milices, soutenues en sous-main par le Rwanda et l’Ouganda, exploitent les minerais et sèment la terreur. Les FDLR lancent des attaques dans les Kivus, provoquant des représailles brutales, tandis que les Maï-Maï alternent entre résistance et banditisme. En Ituri, les affrontements entre Hema et Lendu continuent, malgré l’intervention de la MONUC et d’une force européenne temporaire en 2003. La MONUC, aux moyens limités, peine à imposer une paix durable, ses Casques bleus étant parfois accusés de passivité.

Le gouvernement de transition est miné par des tensions internes. Ruberwa, représentant du RCD-Goma, menace de quitter la transition, accusant Kinshasa de marginaliser ses alliés. Bemba, charismatique mais controversé, consolide son influence dans le nord, se positionnant comme un rival direct de Kabila, souvent critiqué pour son style discret et accusé de vouloir prolonger son pouvoir. Kabila doit naviguer entre les pressions des rebelles, les attentes de l’opposition civile et les injonctions des bailleurs internationaux, qui conditionnent leur aide à des avancées démocratiques. Économiquement, la relance bute sur des obstacles structurels. L’insécurité dans l’Est empêche la réhabilitation des mines, tandis que la corruption, incarnée par des contrats opaques avec des compagnies étrangères, détourne les revenus potentiels. L’hyperinflation, bien que ralentie, ronge le pouvoir d’achat, et les infrastructures détruites rendent le commerce intérieur quasi impossible.

Initialement prévues pour juin 2005, les élections sont repoussées à juillet 2006, un retard symptomatique des défis logistiques et des tensions politiques. Financé à hauteur de 500 millions de dollars par la communauté internationale, le scrutin, le premier véritablement démocratique depuis 1960, se déroule dans une relative transparence, malgré des violences sporadiques dans l’Est et des accusations de fraude. Au premier tour, Kabila arrive en tête avec environ 44 % des voix, suivi de Bemba avec 20 %, tandis que Ruberwa et Z’ahidi Ngoma s’effacent. Au second tour, Kabila l’emporte avec 58 % des voix, un résultat contesté par Bemba, qui dénonce des irrégularités. Investi le 6 décembre 2006, Kabila met fin à la transition « 1+4 », marquant un tournant dans l’histoire de la RDC. Cependant, la victoire ne scelle pas la réconciliation. En mars 2007, des affrontements meurtriers éclatent à Kinshasa entre les forces loyalistes et les miliciens de Bemba, faisant des centaines de morts et forçant ce dernier à s’exiler. Dans l’Est, la paix reste un mirage : des groupes comme le Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), dirigé par Laurent Nkunda, émergent dans le Nord-Kivu, prolongeant un cycle de violence alimenté par les ingérences rwandaises et les luttes pour les minerais.

La transition « 1+4 » laisse un héritage profondément ambivalent. D’un côté, elle pose les bases d’une démocratie naissante : une constitution, des élections historiques et des institutions embryonnaires voient le jour, un exploit dans un pays où l’État central avait presque disparu. L’enregistrement de millions d’électeurs et la tenue d’un scrutin national témoignent d’une résilience remarquable, soutenue par la communauté internationale. De l’autre, elle échoue à panser les plaies béantes de la guerre. L’Est – Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri – demeure un foyer d’instabilité, où les ingérences étrangères, les luttes pour les ressources et les tensions ethniques alimentent des conflits insolubles. Les institutions, bien que formellement en place, restent fragiles, minées par la corruption, les rivalités factionnelles et l’incapacité des FARDC à imposer un monopole de la violence légitime. Les élections de 2006, saluées comme un pas historique, ne suffisent pas à unifier une nation hantée par ses divisions ethniques, régionales et politiques. La transition « 1+4 » marque la fin officielle de la Seconde Guerre du Congo, mais n’offre qu’une paix précaire, un répit temporaire dans une histoire marquée par la résilience face à un chaos structurel.

Gouvernement de cohésion nationale de Matata Ponyo  (2014-2017)

Au tournant des années 2010, la RDC s’enlise dans une crise multidimensionnelle, conjuguant instabilité politique, insécurité chronique et délitement économique. À l’est, les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu restent des foyers de violence, où des groupes armés comme les ADF-Nalu, les FDLR ou les résidus du M23 défait en 2013 prospèrent dans un climat d’impunité, souvent avec le soutien implicite de puissances régionales. Ces milices, exploitant les richesses minières comme le coltan et l’or, alimentent un cycle de massacres et de déplacements massifs, plongeant des millions de civils dans la précarité. À l’échelle nationale, la population subit les stigmates de décennies de conflits : routes impraticables, écoles et hôpitaux en ruine, et une pauvreté endémique touchant près de 70 % des Congolais. L’État, rongé par une corruption institutionnalisée, peine à asseoir son autorité au-delà de Kinshasa, où les élites s’accrochent à des privilèges indécents. Joseph Kabila, réélu en novembre 2011 dans un scrutin entaché de fraudes massives, dénoncées par l’opposition, les observateurs internationaux et même le Centre Carter, voit sa légitimité contestée. Étienne Tshisekedi, leader charismatique de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), rejette les résultats et se proclame président légitime. Le 23 décembre 2011, dans un geste de défi, il prête serment depuis sa résidence à Limete, encerclée par des forces de sécurité qui l’isolent de ses partisans. Cet acte symbolique, entouré d’une poignée de fidèles, galvanise l’opposition mais attise les tensions, déclenchant des manifestations violemment réprimées à Kinshasa, Lubumbashi et Goma.

C’est dans ce contexte explosif que Kabila initie, en 2013, les Concertations nationales, un forum censé apaiser les fractures politiques et restaurer une cohésion nationale. Ouvertes le 7 septembre 2013 au Palais du Peuple à Kinshasa, ces assises sont placées sous la co-direction d’Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, et de Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat. Prévues initialement pour 500 délégués, elles réunissent finalement près de 900 participants, issus de la majorité, d’une partie de l’opposition, de la société civile et des autorités traditionnelles. Parmi les partis d’opposition ayant accepté de participer, on note le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, représenté par Thomas Luhaka, alors Secrétaire général, contre l’avis de son parti, ainsi que des formations mineures comme l’Union des forces du changement (UFC) de Léon Kengo et certains dissidents de l’UDPS, bien que le parti de Tshisekedi boycotte officiellement l’événement, dénonçant une entreprise de légitimation du régime. Des personnalités comme François Muamba, ancien cadre du MLC, ou encore Philippe Biyoya, proche de Kengo, jouent un rôle actif dans les débats. Cependant, des poids lourds de l’opposition, comme l’UDPS, l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe et les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu, refusent catégoriquement de s’associer à ce qu’ils qualifient de « dialogue unilatéral » orchestré par le pouvoir. Organisées autour de cinq thématiques : gouvernance, économie, désarmement, conflits communautaires, et décentralisation , les Concertations aboutissent, le 5 octobre 2013, à un rapport final contenant 641 recommandations adressées à Kabila, incluant des appels à une ouverture politique, à la réforme électorale et à la pacification de l’Est.

Ces pourparlers ouvrent la voie à la formation d’un gouvernement de cohésion nationale, présenté comme l’incarnation des résolutions des Concertations. Ce gouvernement, censé fédérer les forces vives du pays, intègre des figures de l’opposition, des partis politiques, de la société civile et même d’anciens rebelles, dans une tentative de projeter une image d’unité. Pour Kabila, l’objectif est clair : consolider un pouvoir fragilisé par les contestations post-électorales, apaiser les critiques internationales et préparer le terrain pour les élections de 2016, tout en neutralisant ses adversaires par leur inclusion. Augustin Matata Ponyo, Premier ministre depuis 2012 et technocrate, est reconduit à la tête de ce gouvernement. Fidèle à Kabila, il doit naviguer dans un gouvernement hétéroclite où cohabitent des poids lourds comme Évariste Boshab, nommé vice-Premier ministre, et des opposants ralliés, tels que Thomas Luhaka du MLC, qui hérite du ministère des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies. D’autres figures, issues de la société civile ou de courants modérés, complètent cet attelage, censé incarner un consensus national fragile.

L’ambition de ce gouvernement est de restaurer l’autorité de l’État, relancer une économie asphyxiée, promouvoir le développement social et organiser des élections transparentes en 2016, conformément à la Constitution, qui interdit à Kabila un troisième mandat. Sur le plan sécuritaire, la tâche est colossale. Les FARDC, minées par la corruption et un manque chronique de moyens, luttent difficilement contre les groupes armés dans l’Est, où les massacres, comme ceux de Beni (2014-2016), font des centaines de victimes. La MONUSCO, avec ses 20 000 Casques bleus, apporte un appui logistique mais reste critiquée pour son inefficacité face à la complexité des conflits. Économiquement, Matata mise sur la stabilisation macroéconomique, un succès relatif, avec une inflation contenue et une croissance de 7 à 9 % portée par le boom minier mais les contrats opaques avec des firmes étrangères limitent les retombées pour la population. Les richesses du sous-sol, notamment le cuivre et le cobalt, continuent d’alimenter des réseaux mafieux plutôt que le Trésor public.

Malgré son caractère voulu inclusif, le gouvernement s’enlise dans des contradictions internes. Les tensions entre les caciques du régime et les nouveaux entrants, issus de l’opposition, éclatent rapidement, avec des accusations croisées de corruption, d’incompétence et de sabotage. Luhaka, par exemple, peine à imposer son autorité dans un ministère stratégique, tandis que Boshab, pilier du PPRD, est perçu comme un gardien des intérêts de Kabila. Sur le terrain, l’insécurité persiste : les opérations militaires, bien que soutenues par la MONUSCO, ne parviennent pas à démanteler les milices, et les tensions ethniques s’aggravent dans le Kasaï et l’Ituri. Socialement, la grogne monte. Les fonctionnaires, les enseignants et les étudiants, confrontés à des salaires impayés et à des conditions de vie indignes haussent le ton.

Le dossier électoral, censé sceller la réconciliation nationale, devient un catalyseur de crise. Dès 2015, des rumeurs de « glissement » – un report des élections pour prolonger le mandat de Kabila circulent, alimentées par les déclarations ambiguës du pouvoir et un projet de loi controversé présenté par le Ministre de l’intérieur Evariste Boshab. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), accusée de partialité, invoque des contraintes logistiques pour justifier des retards, repoussant le scrutin de novembre 2016 à 2018. Cette stratégie attise la colère populaire. À Kinshasa, Goma et Bukavu, des manifestations éclatent, portées par une jeunesse exaspérée et une opposition revigorée , désormais rejointe par Moïse Katumbi, ancien allié de Kabila passé dans le camp adverse. En septembre et décembre 2016, des heurts sanglants dans la capitale font des dizaines de morts, tandis que l’Union européenne, les États-Unis, l’ONU, accentuent la pression, imposant des sanctions contre des proches du régime.

Le bilan du gouvernement de cohésion nationale est mitigé, oscillant entre espoirs déçus et avancées fragiles. D’un côté, il maintient un semblant de dialogue, intégrant des opposants et stabilisant temporairement le front politique. Les efforts économiques de Matata Ponyo, notamment la discipline budgétaire, permettent une croissance enviable, bien que peu inclusive. De l’autre, les échecs s’accumulent. L’insécurité dans l’Est s’enracine, alimentée par des complicités internes et des ingérences étrangères. La crise électorale, amplifiée par les reports, transforme le gouvernement en un symbole d’immobilisme et de calculs politiciens. Les 641 recommandations des Concertations nationales, bien que louables sur le papier, peinent à se traduire en actions concrètes, reléguées au rang de vœux pieux. En novembre 2016, Matata Ponyo cède sa place à Samy Badibanga dans un climat de crise.

Gouvernement de transition issu de l’accord de la Cité de l’OUA de Samy Badibanga (2016-2017)

À l’approche de décembre 2016, le pays s’enfonce dans une crise politique d’une rare intensité, alors que le second mandat de Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, arrive à son terme sans qu’aucune élection ne soit en vue. La Constitution, qui limite le président à deux mandats, devient un point de fracture : l’absence de scrutin programmé attise les soupçons d’une volonté de Kabila de s’accrocher au pouvoir. Cette impasse déclenche une vague de protestations populaires, particulièrement à Kinshasa, Goma et Lubumbashi, où des dizaines de manifestants entre 50 et 100 selon les rapports de l’ONU, sont tués lors de répressions brutales par les forces de l’ordre en septembre et décembre 2016. L’opposition, rassemblée sous la bannière du Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement, coalise des figures de poids comme Félix Tshisekedi, héritier de UDPS, et Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga passé dans l’opposition. Cette coalition exige le départ immédiat de Kabila, accusé de manipuler les institutions pour prolonger son règne. Sur le plan économique, la chute des cours mondiaux des minerais, notamment du cuivre et du cobalt, plonge l’État dans une crise budgétaire aiguë, aggravant une pauvreté touchant plus de 70 % de la population. Les investissements étrangers, déjà timides, se tarissent face à l’incertitude politique, tandis que l’inflation galopante érode le pouvoir d’achat. Dans l’Est, les groupes armés ADF, FDLR, milices Maï-Maï défient l’autorité de Kinshasa, malgré les 17 000 Casques bleus de la MONUSCO, dont le mandat reste limité face à la complexité des conflits. Au Kasaï, une nouvelle crise éclate, marquée par des violences ethniques et l’émergence de la milice Kamuina Nsapu, faisant des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés en quelques mois.

Dans ce climat explosif, l’Accord de la Cité de l’OUA, signé le 18 octobre 2016 à Kinshasa sous la médiation de l’Union africaine et de son émissaire Edem Kodjo, cherche à désamorcer la crise. Fruit de négociations laborieuses réunissant la Majorité présidentielle (MP), des partis d’opposition mineurs et des acteurs de la société civile, cet accord reste bancal. Il prévoit la formation d’un gouvernement de transition chargé d’organiser des élections d’ici avril 2018, tout en maintenant Kabila au pouvoir jusqu’au scrutin. Cependant, le texte est rejeté par le Rassemblement, qui le juge trop conciliant envers le régime et dépourvu de garanties fermes sur le départ du président. Parmi les signataires de l’opposition, on trouve des figures comme Vital Kamerhe, président de l’UNC, qui espère tirer parti du dialogue pour renforcer sa stature, ou encore l’opposition républicaine de Kengo. Mais l’absence de l’UDPS et des principaux ténors du Rassemblement prive l’accord d’une assise populaire. Le 17 novembre 2016, après des mois de blocage, Augustin Matata Ponyo, remet sa démission. Contre toute attente, Kabila nomme Samy Badibanga, un dissident de l’UDPS, au poste de Premier ministre. Cette décision sidère l’opposition, notamment Kamerhe, qui s’attendait à un rôle plus central après son implication dans les pourparlers. Badibanga, perçu comme un pion du régime, incarne un compromis fragile, destiné à apaiser les tensions tout en préservant l’emprise de Kabila.

Badibanga forme un gouvernement de transition le 19 décembre 2016, intégrant une trentaine de ministres issus de la MP, de l’opposition signataire de l’accord et de la société civile. Parmi les nominations, on note des figures comme José Makila, de l’opposition modérée, au ministère des Transports, ou encore Emmanuel Ramazani Shadary, un fidèle de Kabila, à l’Intérieur. Cependant, l’absence de représentants du Rassemblement : Félix Tshisekedi, Katumbi ou leurs alliés, prive ce gouvernement de toute légitimité aux yeux de l’opposition radicale et d’une large frange de la population. Des partis mineurs, comme l’Alliance des démocrates pour le renouveau (ADR) ou des dissidents de l’UDPS ralliés à Badibanga, occupent des strapontins, mais leur poids politique reste marginal. La mission du gouvernement est pourtant ambitieuse : stabiliser un pays au bord de l’implosion, organiser des élections crédibles d’ici décembre 2017, relancer une économie asphyxiée et restaurer une cohésion politique dans un climat de défiance généralisée. Badibanga, fort de son expérience de député et de ses réseaux internationaux, promet des réformes rapides, mais son passé controversé et son alignement perçu sur Kabila sapent sa crédibilité.

Les obstacles s’accumulent dès les premières semaines. Le Rassemblement intensifie sa mobilisation, appelant à des journées « villes mortes » et organisant des manifestations, souvent interdites et dispersées par une répression brutale. En janvier 2017, des heurts à Kinshasa et Kananga font une dizaine de morts, accentuant la fracture entre le pouvoir et la rue. Sur le plan électoral, les préparatifs patinent : la Commission électorale nationale indépendante (CENI), accusée de partialité, évoque des défis logistiques, recensement des 45 millions d’électeurs, financement du scrutin pour justifier des retards. Des désaccords sur la mise à jour des listes électorales et les conditions d’un vote transparent paralysent les discussions. Dans l’Est, les violences armées redoublent d’intensité : tandis que la crise du Kasaï s’aggrave, avec des exactions attribuées à la milice Kamuina Nsapu et aux forces de l’ordre, provoquant une catastrophe humanitaire. Économiquement, la dégringolade du franc congolais, qui perd 30 % de sa valeur en quelques mois, et l’effondrement des revenus miniers plongent l’État dans une impasse budgétaire.

Au sein du gouvernement, les tensions éclatent rapidement. Les ministres issus de l’opposition, marginalisés dans les décisions clés, dénoncent l’hégémonie de la MP et l’absence de volonté réelle pour organiser les élections. Badibanga, coincé entre les exigences de Kabila et les pressions internationales, peine à imposer une ligne cohérente. Son gouvernement, qualifié de « patchwork » par les analystes, manque de vision et d’autorité, tandis que la société civile, relayée par l’Église catholique, accuse le régime de jouer la montre. Après seulement deux mois, l’échec du gouvernement devient patent. Un nouveau dialogue, impulsé par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), s’ouvre fin 2016 pour pallier les lacunes de l’Accord de la Cité de l’OUA. Plus inclusif, il réunit le Rassemblement, la MP et la société civile, aboutissant à l’Accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016. Ce texte, plus ambitieux, exige des élections avant fin 2017 et interdit à Kabila de briguer un troisième mandat. Il scelle le sort de Badibanga, jugé incapable de porter cette nouvelle dynamique. Le 6 avril 2017, Bruno Tshibala, autre dissident de l’UDPS, lui succède, mettant fin à un mandat de moins de cinq mois, aussi éphémère qu’inefficace.

Gouvernement de transition de Bruno Tshibala issu du dialogue de la CENCO (2017-2019)

L’Accord de la Saint-Sylvestre, signé le 31 décembre 2016 sous la médiation de la CENCO, ambitionne de conjurer le chaos en traçant une feuille de route ambitieuse : organiser des élections crédibles avant décembre 2017, garantir une transition sans troisième mandat pour Joseph Kabila, et former un gouvernement inclusif réunissant la Majorité présidentielle (MP) et l’opposition. Ce texte, négocié au prix de concessions ardues entre la MP, le Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement (mené par Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi), et des acteurs de la société civile, incarne un espoir fragile dans un pays où la défiance envers les institutions atteint des sommets. Pourtant, sa mise en œuvre s’enlise rapidement. Les désaccords sur le partage des postes et le calendrier électoral exacerbent les tensions, tandis que des manifestations, portées par une jeunesse exaspérée et relayées par le Rassemblement, sont réprimées dans le sang. Entre janvier et avril 2017, des dizaines de morts environ 40 selon Human Rights Watch sont recensés à Kinshasa, Goma et Kananga, renforçant l’image d’un régime aux abois. Le 7 avril 2017, dans un geste controversé, Kabila nomme Bruno Tshibala, Secrétaire Général de l’UDPS, au poste de Premier ministre. Âgé de 61 ans, Tshibala, est perçu comme un pion du pouvoir, un choix destiné à donner une façade d’opposition au gouvernement tout en marginalisant les ténors du Rassemblement. La CENCO, pourtant architecte de l’accord, critique cette nomination unilatérale, déplorant l’absence de consensus, tandis que Félix Tshisekedi et Katumbi la rejettent catégoriquement, dénonçant une trahison des principes de la Saint-Sylvestre.

Tshibala dévoile son gouvernement le 9 mai 2017, un gouvernement pléthorique de 54 ministres et vice-ministres, mêlant des figures de la MP, des partis d’opposition signataires de l’accord, et des représentants de la société civile. Parmi les nominations marquantes, Jean-Pierre Lisanga Bonganga, transfuge de la Coalition des alliés d’Étienne Tshisekedi (CAET) et proche de l’opposition modérée, devient ministre d’État chargé des Relations avec le Parlement. D’autres figures, comme José Makila Sumanda, ex-membre du Mouvement de libération du Congo (MLC), nommé vice-Premier ministre des Transports, ou encore Emmanuel Ramazani Shadary, fidèle de Kabila, reconduit à l’Intérieur, illustrent la tentative d’équilibre entre factions. Cependant, l’absence des poids lourds du Rassemblement UDPS, UNC de Vital Kamerhe, G7 de Katumbi, ou encore les Forces acquises au changement (FAC) de Martin Fayulu, prive le gouvernement de toute représentativité. Des partis mineurs, comme l’Alliance pour le renouveau du Congo (ARC) ou des dissidents de l’UDPS ralliés à Tshibala, occupent des postes secondaires, mais leur influence reste limitée. À sa formation, la RDC est un pays en lambeaux : politiquement, l’hypothèse d’un troisième mandat de Kabila, bien que constitutionnellement interdit, alimente les spéculations et la méfiance ; économiquement, la chute des prix des minerais (cuivre, cobalt) et une dévaluation du franc congolais de près de 40 % en 2017 aggravent une pauvreté touchant 73 % de la population, selon la Banque mondiale.

Le gouvernement Tshibala doit préparer des élections transparentes pour décembre 2017 (reportées à 2018 par l’accord), stabiliser l’Est, relancer l’économie, et restaurer une cohésion nationale dans un climat de défiance généralisée. Dès son entrée en fonction, Tshibala met l’accent sur le processus électoral, renforçant la CENI, dirigée par Corneille Nangaa, avec un budget de 1,2 milliard de dollars. En novembre 2017, il dépose un projet de loi électorale, adopté dans la controverse après des amendements favorisant la majorité, notamment sur le seuil de représentativité des partis. La CENI lance un recensement électoral chaotique, enregistrant 46 millions d’électeurs dans un pays où les infrastructures sont quasi inexistantes, mais l’introduction des « machines à voter », des tablettes électroniques controversées fournies par une firme sud-coréenne, divise profondément. L’opposition y voit un outil de fraude, tandis que la majorité défend leur utilité logistique. Sur le plan sécuritaire, Tshibala annonce des offensives contre les groupes armés, avec l’appui de la MONUSCO et des FARDC, mais les résultats sont maigres : les ADF massacrent plus de 200 civils à Beni entre 2017 et 2018, et le Kasaï reste un foyer de violence, malgré une accalmie relative fin 2017. Économiquement, le gouvernement tente des mesures d’austérité : réduction des dépenses publiques, contrôle de la masse monétaire, mais l’inflation persiste, et les revenus miniers, grevés par des contrats opaques, profitent peu à l’État.

Les tensions internes au gouvernement éclatent rapidement. Tshibala, critiqué pour son manque de charisme et sa dépendance envers Kabila, peine à fédérer son gouvernement. La société civile, portée par des mouvements comme LUCHA et Filimbi, intensifie la pression, organisant des marches interdites, souvent dispersées par des gaz lacrymogènes et des arrestations. La CENCO, déçue par l’inaction du gouvernement, menace de se retirer du processus, tandis que l’opposition, galvanisée par le retour de Katumbi (bloqué à la frontière en août 2018) et la candidature de Fayulu, accuse Tshibala de complicité dans une stratégie de « glissement » électoral. Les élections, repoussées à plusieurs reprises, se tiennent finalement le 30 décembre 2018, dans un climat de chaos logistique : bureaux de vote fermés à Beni et Butembo pour des raisons sécuritaires, retards dans le dépouillement, et soupçons de manipulations. Le 10 janvier 2019, la CENI proclame Félix Tshisekedi vainqueur avec 38,5 % des voix, devant Martin Fayulu (34,8 %) et Emmanuel Ramazani Shadary, dauphin de Kabila (23,8 %). Ce résultat, entériné par la Cour constitutionnelle, est dénoncé comme frauduleux par Fayulu, Katumbi, l’Église catholique qui revendique 200 000 observateurs et des rapports internationaux, dont celui de l’Union africaine. Des fuites, comme les « données Piratox », suggèrent que Fayulu aurait remporté plus de 59 % des suffrages. Pourtant, contre toute attente, la transition s’opère sans violence majeure, marquant la première alternance pacifique depuis l’indépendance en 1960.

Tshibala remet sa démission en juin 2019, cédant la place à Sylvestre Ilunga Ilunkamba après des négociations entre Tshisekedi et Kabila, dont la coalition FCC-CACH domine le Parlement. Son mandat de deux ans, bien que ponctué par l’organisation des élections, laisse un héritage controversé. D’un côté, le scrutin, malgré ses irrégularités, met fin à 18 ans de présidence Kabila, un jalon historique dans un pays où le pouvoir s’est souvent transmis par la force. L’instabilité dans l’Est, où plus de 1 000 civils sont tués en 2018, et la crise du Kasaï, qui laisse des cicatrices profondes, témoignent de l’échec sécuritaire. Économiquement, la pauvreté s’aggrave, avec une inflation frôlant 30 % fin 2018, et les libertés presse, manifestations restent sous pression, avec des dizaines de journalistes arrêtés. Le gouvernement Tshibala illustre les limites des compromis politiques sans ancrage populaire, révélant la difficulté de réconcilier une nation fracturée par des décennies de crises. Il laisse une RDC à la croisée des chemins, entre l’espoir d’une nouvelle ère sous Tshisekedi et les défis colossaux hérités d’un système miné par la corruption et la violence.

Une nouvelle union nationale à l’épreuve de l’histoire ?

L’annonce de Félix Tshisekedi, le 22 février 2025, devant les cadres de l’Union Sacrée de la Nation, marque un tournant dans sa présidence. Face à la guerre dans l’Est, où le M23, soutenu par des acteurs extérieurs, contrôle de vastes territoires et menace Goma, Tshisekedi appelle à un gouvernement d’union nationale pour rassembler les Congolais. Cette initiative, mûrie dans un contexte de tensions régionales et de défis internes, insécurité, pauvreté, contestations politiques s’appuie sur des consultations confiées à Eberande Kolongele. Du 24 mars au 8 avril 2025, ce dernier rencontre des leaders politiques, des chefs traditionnels, des acteurs de la société civile, et même des voix critiques de l’opposition, dans une démarche visant à forger un consensus inédit.

Ces consultations, menées avec une discrétion remarquée, ont permis de cartographier les attentes et les divergences des forces en présence. Des figures comme Jean-Pierre Bemba, ou Vital Kamerhe, piliers de la scène politique, ont été approchées, tout comme des représentants des provinces de l’Est, où la crise sécuritaire exacerbe les frustrations. Les discussions ont révélé un défi majeur : comment inclure des opposants sans diluer l’autorité de la majorité, tout en répondant aux aspirations d’une population épuisée par des décennies de crises ? Si les détails de la composition du futur gouvernement restent flous à l’heure actuelle, l’ambition est claire : créer une coalition capable de mobiliser les ressources nationales contre l’agression externe, tout en renforçant la cohésion interne.

Cette démarche s’inscrit dans une longue lignée de gouvernements d’union nationale, mais dans un contexte inédit. La RDC de 2025, bien que toujours marquée par ses fractures, est plus connectée, avec une société civile dynamique et une jeunesse impatiente de changement. Pourtant, l’histoire invite à la prudence. Le gouvernement d’Adoula a stoppé les sécessions, mais n’a pas empêché les rébellions. Les mandats de Tshisekedi en 1991 et 1992 ont succombé à l’obstruction de Mobutu. Birindwa a offert un sursis éphémère à un régime mourant, tandis que Badibanga a échoué à surmonter les divisions. Le « 1+4 » de Kabila a permis des élections, mais laissé l’Est en proie au chaos. Tshibala, malgré une alternance historique, a été terni par des fraudes.

Cette récurrence des gouvernements d’union nationale reflète une réalité brutale : l’incapacité chronique de la RDC à forger un consensus durable dans un État miné par les divisions ethniques, les luttes de pouvoir, et les ingérences étrangères. Chaque coalition, née dans l’urgence, a tenté de panser les blessures d’un pays trop vaste, trop riche, et trop convoité. Mais les succès : réunification sous Adoula, alternance sous Tshibala sont souvent éclipsés par des échecs plus profonds : l’absence de réformes structurelles, la persistance des inégalités, et l’incapacité à pacifier l’Est, un défi qui hante toujours Kinshasa.

Alors que Kolongele a achevé ses consultations, l’initiative de Tshisekedi soulève une question cruciale : ce gouvernement d’union nationale parviendra-t-il à transcender les pièges du passé ? Peut-il mobiliser les Congolais autour d’un projet commun, non seulement contre le M23, mais pour une refonte profonde de l’État ? Ou deviendra-t-il un énième épisode dans une saga de coalitions fragiles, incapables de guérir un pays fracturé ? L’histoire, avec ses leçons amères, suggère que l’unité nationale, si séduisante soit-elle, reste un défi herculéen dans une RDC où les ambitions politiques personnelles et les intérêts étrangers continuent de peser lourd.

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Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara

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Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.

Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.

Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.

L’héritage politique du Kivu et l’exil académique

Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.

Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.

Le technocrate au cœur de l’État

Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.

Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.

Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.

L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi

Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».

Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.

Un secret de polichinelle : la loyauté au Président

Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.

Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.

Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer

Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :

Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.

Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.

En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.

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RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha

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Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.

Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.

Échange de prisonniers sous supervision internationale

Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.

En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.

Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.

Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu

Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.

Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.

Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées

Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.

Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés

C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.

Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.

Mesures de confiance

Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.

La relance économique et les services sociaux

Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.

La justice, la vérité et la réconciliation

Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.

Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global

L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.

De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.

Heshima

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Neutralisation des FDLR en RDC : quels résultats en 30 ans ?

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Pour mettre en œuvre l’une des résolutions phares de l’Accord de paix signé à Washington le 30 juillet 2025 entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, les Forces armées de la RDC (FARDC) ont lancé, début novembre 2025, une vaste campagne de sensibilisation visant à pousser les combattants des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) à déposer volontairement les armes. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie mixte combinant dialogue politique, désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), avec l’appui de la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). Mais sur le terrain, ces rebelles hutus rwandais semblent bien fantomatiques, leur présence réduite à une ombre résiduelle qui complique la mise en œuvre de ce volet de l’accord.

Depuis leur émergence officielle en 2000, les FDLR, nées des exilés hutus fuyant le Rwanda après le génocide de 1994, ont été au cœur d’une rhétorique rwandaise les présentant comme une menace existentielle, justifiant des décennies d’interventions militaires et d’ingérences. Pourtant, une analyse approfondie révèle que cette menace est largement exagérée, servant avant tout d’alibi à des ambitions économiques et territoriales plus prosaïques.

Walikale : une mission bredouille face à l’absence des FDLR

Le 5 novembre 2025, une délégation des FARDC, conduite par le général Sasa Nzita, chef d’état-major adjoint chargé des renseignements militaires, s’est rendue à Walikale, dans la province du Nord-Kivu, pour un meeting avec la population locale. Ces échanges s’inscrivent dans le cadre de la mise en œuvre des résolutions de l’accord de Washington, qui vise une paix durable par la neutralisation de ces rebelles rwandais. L’équation se pose avec acuité pour l’armée congolaise : les combattants FDLR ne sont plus présents sur l’ensemble du territoire de Walikale. D’après les témoignages recueillis auprès des habitants, ces éléments ont totalement disparu de la zone. La population a formellement rejeté l’allégation rwandaise selon laquelle la rive gauche de la rivière Lowa, en plein centre de Walikale, serait encore occupée par les FDLR, une affirmation qui, comme tant d’autres, semble sortie d’un manuel de propagande kigalie.

Le général Sasa Nzita a toutefois appelé les citoyens à s’impliquer activement dans cette campagne pour en assurer le succès, en sensibilisant d’éventuels combattants résiduels, s’ils existaient encore dans des recoins isolés de ce territoire. À l’issue de cette mission, l’officier est rentré bredouille : aucun combattant ne s’est rendu volontairement. Cette absence criante illustre la réalité d’un groupe qui, après trente ans de traque, s’est réduit à une présence sporadique, loin de l’image d’une armée d’invasion brandie par Kigali pour légitimer ses incursions répétées.

Bastions occupés par les RDF et l’AFC/M23 : l’impossible neutralisation

Les combattants résiduels de cette force négative étaient historiquement concentrés dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi, au Nord-Kivu. Pourtant, ces trois entités sont en grande partie occupées, depuis janvier 2022, par les Forces armées rwandaises (RDF) et les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23), un groupe armé que les rapports des experts des Nations unies qualifient sans ambiguïté de soutenu par Kigali. En occupant ces territoires avec des moyens militaires largement supérieurs (blindés, artillerie, drones et contingents bien entraînés), le Rwanda et ses supplétifs auraient dû, en toute logique, neutraliser ces éléments FDLR s’ils représentaient une menace réelle et imminente. Cela n’a pas été fait officiellement, et pour cause : les FDLR, dans leur configuration actuelle, ne constituent plus aucun danger militaire pour le Rwanda. Au contraire, ils coexistent ou s’affrontent sporadiquement avec l’AFC/M23 dans des poches isolées, comme à Bwisha, dans le territoire de Rutshuru, où des accrochages récents ont été signalés.

Pour jouer pleinement sa partition, le gouvernement congolais, à travers l’armée, promet d’étendre la campagne de sensibilisation à d’autres territoires du Nord-Kivu, notamment Masisi et Rutshuru. L’objectif est clair : inciter la population à se désolidariser des groupes armés étrangers et encourager les combattants rwandais à se rendre volontairement auprès des FARDC ou de la MONUSCO. Mais dans un contexte où les RDF patrouillent ouvertement, cette extension risque de se heurter à la même opacité : comment sensibiliser des fantômes quand les vrais occupants du terrain sont les alliés de Kigali ?

Les FDLR exigent un dialogue inter-rwandais avant tout désarmement

Au cours d’une interview accordée à RFI le 8 novembre 2025, le lieutenant-colonel Octavien Mutimura, porte-parole des FDLR-FOCA (la branche armée du mouvement), a refusé catégoriquement tout désarmement unilatéral. Pour lui, il faut d’abord un dialogue inter-rwandais pour juger les causes profondes de leurs revendications. « On doit juger la cause de notre lutte armée. Nous sommes là pour nous protéger et protéger les réfugiés rwandais abandonnés. Remettre les armes sans que toutes les conditions soient réunies, c’est une utopie », a-t-il déclaré, avant de poursuivre : « Nous sommes parmi les cibles de Kigali. Nous résisterons jusqu’à ce que Kigali admette un dialogue inter-rwandais et un retour des réfugiés en toute dignité. » Interrogé sur le nombre de combattants encore actifs en RDC, ce porte-parole est resté évasif, évoquant simplement qu’ils sont la cible des attaques de l’AFC/M23, une rébellion étroitement liée à Kigali. « Nous sommes dans les zones où se mènent les combats.

L’AFC/M23 nous attaque et menace nos réfugiés. Nous sommes dans l’obligation de les protéger », a-t-il ajouté. Selon lui, les FDLR se trouvent actuellement dans des zones contrôlées par l’AFC/M23, notamment à Bwisha, dans le territoire de Rutshuru, où elles affrontent régulièrement leurs adversaires. Pendant ce temps, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) poursuit le rapatriement de réfugiés rwandais vers le Rwanda, une procédure qui n’enchante guère les FDLR. « Les réfugiés, ce sont nos parents, nos enfants. On ne peut pas séparer une famille rwandaise comme ça. Certains des gens envoyés au Rwanda avec l’aide du HCR sont des Congolais. Et d’autres sont capturés, puis renvoyés de force. Nous accusons le HCR de jouer le jeu du Rwanda », a tonné Octavien Mutimura. Ces accusations soulignent une fracture profonde : les FDLR ne se voient plus comme une force offensive, mais comme un bouclier pour une communauté exilée, majoritairement composée de descendants de réfugiés hutus arrivés en RDC (alors Zaïre) après la prise de pouvoir du Front patriotique rwandais (FPR) en 1994. Parmi ces exilés se trouvaient à la fois des responsables du génocide, des militaires des ex-Forces armées rwandaises (FAR) et des miliciens Interahamwe, mais aussi des centaines de milliers de civils fuyant la répression. C’est dans les camps du Kivu que ces groupes se sont organisés, donnant naissance à l’Armée de libération du Rwanda (ALiR) en 1998, puis aux FDLR en 2000. Aujourd’hui, après trois décennies, le mouvement est bien loin de ses origines : ses rares tentatives d’attaque contre le Rwanda ont été insignifiantes et rapidement neutralisées, et ses activités se limitent à une survie précaire en RDC, marquée par des exactions contre les civils congolais : pillages, viols, enrôlement d’enfants soldats et exploitation illégale des ressources minières.

Trente ans d’opérations militaires : un bilan d’échecs répétés

En cas de refus de reddition, une neutralisation par la force ? Selon l’agenda décidé à Washington entre Kinshasa et Kigali, après la phase de sensibilisation à la reddition volontaire, il faudrait passer à des opérations militaires pour neutraliser ceux qui ne se rendront pas. Reste à savoir si ces opérations seront menées conjointement entre les FARDC et les RDF dans le cadre du concept d’opérations (CONOPS) défini à Washington. L’expérience des trois dernières décennies démontre que tant que les causes profondes ne sont pas traitées du côté du Rwanda notamment l’absence de dialogue politique inclusif et l’instrumentalisation persistante de la « menace FDLR », ces groupes parviennent toujours à se refaire comme une hydre.

Depuis deux décennies, plusieurs initiatives ont tenté de régler cette question sans succès majeur. En 2001, un premier processus avait conduit au désarmement et au cantonnement des combattants à Kamina, dans le Katanga, ainsi qu’à la destruction publique d’armes à Kinshasa, en présence de la communauté internationale, sous l’égide de la MONUSCO et de ses prédécesseurs. En 2014, plus de 1 500 combattants avaient remis leurs armes à la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) et à la MONUSCO, avant d’être cantonnés, avec leurs familles, dans les camps de Kisangani, Kanyabayonga et Walungu, toujours sous supervision internationale. De 2009 à 2015, plusieurs autres opérations militaires conjointes entre les FARDC, les RDF et la MONUSCO ont été lancées dans l’Est de la RDC, conjointement ou impliquant seulement les FARDC. Parmi elles : Umoja Wetu en 2009, une offensive transfrontalière qui a visé les FDLR dans le Nord-Kivu mais78 a provoqué des déplacements massifs de population ; Kimia I et II en 2009-2010, qui ont ciblé les bastions des FDLR au Sud-Kivu, avec un bilan lourd en victimes civiles ; Amani Leo en 2010, une opération plus focalisée sur la protection des civils mais qui n’a pas éradiqué le groupe ; Amani Kamilifu en 2012, une extension de la précédente avec un accent sur le DDR ; et enfin Sokola II en 2014-2015, qui a tenté une approche mixte mais s’est heurtée à la résilience des FDLR.

Ces offensives ont provoqué des centaines de milliers de déplacés internes, plus de 1,2 million rien qu’entre 2009 et 2012, selon les estimations de l’OCHA et de nombreuses pertes civiles, estimées à des milliers, sans jamais régler définitivement la question. Pourquoi cet échec récurrent ? Parce que ces opérations n’ont jamais abordé les racines du problème : l’exil forcé post-1994, le refus de Kigali d’intégrer les Hutus dans un dialogue national, et surtout l’utilisation des FDLR comme prétexte pour des interventions qui masquent des intérêts bien plus tangibles. Comme quoi la solution pourrait passer aussi par des discussions avec Kigali autant qu’on impose des discussions entre l’AFC/M23 et le gouvernement congolais. « Il faut qu’ils mettent la pression sur Paul Kagame pour avoir un dialogue inclusif entre Rwandais. La solution en Afrique centrale, c’est que les présidents s’assoient et se parlent en toute franchise, pour que les peuples de la région vivent en paix et en symbiose », estime le porte-parole des FDLR. Visiblement, sans engagement sincère et suivi des promesses de réinsertion, incluant des garanties de sécurité pour les ex-combattants et un retour volontaire des réfugiés, la campagne de reddition des FDLR risque de rester une opération symbolique face à une crise qui, depuis 30 ans, ensanglante l’Est du Congo.

Une menace fantôme au service du pillage des ressources

Cette crise trouve ses origines dans l’exode massif de près d’un million de Hutus vers le Zaïre après la victoire du FPR en juillet 1994. Les camps de réfugiés au Kivu, comme ceux de Mugungu ou Kibua, sont devenus des foyers de réorganisation pour les ex-FAR et les Interahamwe, qui y recrutaient et s’entraînaient pour un retour armé au Rwanda. La première guerre du Congo (1996-1997), menée par le Rwanda et l’Ouganda, a dispersé ces camps, mais les survivants se sont repliés dans les forêts du Kivu, formant l’ALiR puis les FDLR.

Kigali a depuis systématiquement présenté ces groupes comme une menace génocidaire persistante, justifiant ses alliances avec des rebelles du RCD (1998-2003) au CNDP (2006-2009), en passant par le M23 (2012-2013 et depuis 2022) qui ont contrôlé les mêmes zones sans jamais lancer d’opérations décisives contre les FDLR. Le RCD, par exemple, a dominé les provinces du Nord et du Sud-Kivu pendant près de cinq ans avec des contingents RDF intégrés, disposant de moyens militaires écrasants. Pourtant, aucune offensive d’envergure n’a été menée contre les FDLR, suggérant que leur survie servait d’alibi idéal pour prolonger l’occupation rwandaise. Une contradiction flagrante émerge aussi de l’intégration d’anciens membres des FDLR au sein des institutions rwandaises : Paul Rwarakabije, ancien commandant en chef des FDLR, a été promu général dans l’armée rwandaise après sa reddition en 2012, et d’autres officiers ont suivi un parcours similaire. Comment un groupe peut-il être à la fois une « menace existentielle » et source de recrutement pour l’armée adverse ? Cette instrumentalisation est patente : après trente ans, il est hautement improbable que les ex-FAR impliqués dans le génocide de 1994 soient encore actifs. La majorité ont été tués, capturés, jugés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ou ont simplement vieilli. Les FDLR actuelles sont composées en grande partie de jeunes recrues nées en RDC, sans lien direct avec 1994, perpétuant un mythe de « génocidaires toujours actifs » pour justifier l’impunité rwandaise.

Derrière cette rhétorique sécuritaire se cachent des objectifs géopolitiques et économiques bien plus pragmatiques. Le Rwanda, un petit pays enclavé et pauvre en ressources naturelles, est devenu ces dernières années un exportateur majeur de minerais stratégiques comme le coltan, l’or et la cassitérite. Selon les rapports du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC (notamment ceux de 2023 et 2024), une grande partie de ces exportations estimée à plus de 1 milliard de dollars par an, provient de l’Est congolais, extraite dans des zones contrôlées par des groupes armés soutenus par Kigali, dont les profits alimentent directement l’économie rwandaise.

Des circuits de contrebande sophistiqués transitent par le lac Kivu ou les postes frontaliers, finançant à la fois les RDF et leurs proxies. Stéphanie Wolters, chercheuse principale à l’Institute for Security Studies (ISS) et spécialiste des dynamiques régionales en Afrique centrale, le souligne avec clarté : « Le Rwanda a des ambitions territoriales claires dans l’Est de la RDC, où il exerce un contrôle de facto sur des zones riches en minerais, au détriment de la souveraineté congolaise. » Cette réalité, longtemps ignorée par la communauté internationale séduite par le « miracle économique » rwandais, explique pourquoi les FDLR, malgré leur faiblesse militaire, sont maintenues en vie comme un épouvantail commode. Sans elles, quel prétexte pour les incursions répétées et le soutien aux rebelles ? L’accord de Washington, s’il est appliqué avec sincérité, pourrait forcer Kigali à abandonner ce narratif, mais l’histoire montre que les engagements passés comme ceux de l’Accord-cadre de paix, sécurité et coopération pour la RDC et la région de 2013 ont été bafoués sans conséquences.

Trente ans après le début de cette tragédie, qui a coûté la vie à plus de 7 millions de Congolais, un bilan qui dépasse de loin les 800 000 victimes du génocide rwandais et représente près de quatre fois la population de Paris, plus de six fois celle de Bruxelles et plus de deux fois celle de Berlin, le drame humanitaire de l’Est congolais reste le conflit le plus meurtrier depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Des millions de déplacés, des famines récurrentes, des épidémies de choléra et d’Ebola exacerbées par l’insécurité, et un pillage systématique des ressources qui prive la RDC de ses richesses légitimes. Combien de victimes faudra-t-il encore pour que la communauté internationale cesse de cautionner cette rhétorique fallacieuse ? Combien de souffrances pour que l’on reconnaisse l’instrumentalisation meurtrière des FDLR et impose un règlement politique inclusif, incluant un dialogue inter-rwandais véritable et la fin de l’exploitation illicite ?

La RDC mérite enfin de se reconstruire dans la paix et la stabilité, sans que des puissances étrangères, à travers des manœuvres cyniques, n’exploitent ses ressources et ne maintiennent son peuple dans une éternelle souffrance. La mémoire des millions de victimes congolaises doit être un appel impérieux à la démystification urgente de cette menace fantôme et à la fin de cette tragédie.

Heshima

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