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Immunités parlementaires en RDC : Un équilibre précaire entre justice et impunité
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La redaction
En République démocratique du Congo (RDC), les immunités parlementaires sont au cœur d’un débat crucial, révélant les tensions entre la protection de l’indépendance des élus et la lutte contre l’impunité dans un pays marqué par des décennies de crises politiques, économiques et de corruption endémique. Inscrites dans la Constitution de 2006, ces protections, conçues pour garantir la liberté d’expression des parlementaires face aux pressions de l’exécutif ou du judiciaire, sont souvent perçues par les citoyens comme un rempart pour une élite politique intouchable. Heshima Magazine examine les diverses approches de la protection parlementaire dans d’autres démocraties.
Les immunités parlementaires puisent leurs origines dans l’histoire européenne. En Angleterre, le Bill of Rights de 1689 consacre la liberté d’expression des parlementaires, les protégeant contre les abus de la monarchie. En France, la Révolution de 1789 marque un tournant : dès 1790, un décret interdit l’arrestation des députés sans autorisation, sauf en cas de flagrant délit, un principe inscrit dans la Constitution de 1791. Ces modèles, britannique et français, ont influencé les systèmes parlementaires à travers le monde, y compris en RDC, où la Constitution de 2006 s’inspire largement du cadre français. L’irresponsabilité protège les opinions et votes des élus de manière absolue, tandis que l’inviolabilité suspend temporairement les poursuites pour des actes extérieurs au mandat, sauf en cas de flagrant délit ou avec l’accord du Parlement. Si ces mécanismes visaient à garantir l’indépendance du législatif, leur application dans des contextes fragiles, comme celui de la RDC, soulève des questions : les immunités servent-elles encore leur finalité originelle, ou sont-elles devenues un outil d’impunité ?
Une histoire parlementaire tumultueuse
Le parlementarisme congolais est marqué par des ruptures profondes. À l’indépendance en 1960, la RDC adopte un système inspiré du modèle belge, avec un Parlement bicaméral et des immunités pour les élus. Mais les crises politiques des premières années, culminant avec la prise de pouvoir de Mobutu Sese Seko en 1965, réduisent le Parlement à une chambre d’enregistrement. Sous son régime autoritaire, les immunités n’ont aucune portée réelle, les « commissaires du peuple » étant soumis au parti unique. La transition des années 1990, marquée par la Conférence Nationale Souveraine, tente de relancer le débat sur le rôle du Parlement, mais les conflits armés entravent toute stabilisation. Ce n’est qu’avec les accords de Sun City en 2002 et la Constitution de 2006 que le Parlement bicaméral renaît, consolidé par trois législatures (2006-2011, 2011-2018, 2018-2023). Malgré cette montée en puissance, les immunités restent controversées, perçues par l’opinion publique comme un privilège protégeant les élus des poursuites, notamment dans un pays où la culture de l’impunité, héritée des périodes troublées, persiste.
Un cadre juridique flou et contesté
La Constitution de 2006 encadre les immunités via l’article 107, qui distingue deux principes. L’irresponsabilité protège les parlementaires contre toute poursuite pour leurs opinions ou votes, une garantie absolue et perpétuelle. L’inviolabilité, plus nuancée, suspend les poursuites ou arrestations en cours de session, sauf en cas de flagrant délit ou avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Les règlements intérieurs des chambres précisent les procédures de levée d’immunité : une demande du procureur général est examinée par une commission spéciale, puis votée à la majorité absolue en plénière, au scrutin secret. La loi organique de 2013 clarifie la notion de flagrant délit, limitée aux infractions commises ou venant de se commettre, tandis que la loi de 2008 étend des protections similaires aux élus provinciaux.
Pourtant, ce cadre juridique souffre d’ambiguïtés. Que recouvre exactement l’« exercice des fonctions » ? Les déclarations d’un député sur les réseaux sociaux ou lors d’un meeting relèvent-elles de l’irresponsabilité ? Les élus sont-ils protégés hors session ? Ces zones grises, combinées à des interprétations opportunistes, fragilisent l’État de droit. Par exemple, certains juristes estiment que les parlementaires peuvent être poursuivis sans autorisation hors session, tandis que d’autres plaident pour une protection continue. Ces incertitudes alimentent les tensions entre le Parlement et la justice, transformant les immunités en un terrain de luttes politiques.
Des affaires qui cristallisent les tensions
Les immunités parlementaires ont été au cœur de plusieurs affaires emblématiques, révélant les dérives possibles de ces protections. En 2008, Jean-Pierre Bemba, sénateur et ancien vice-président, est arrêté en Belgique pour des crimes de guerre présumés en République centrafricaine. Son immunité, bien que débattue en RDC, n’empêche pas son transfert à la Cour pénale internationale, illustrant les limites des protections nationales face aux juridictions supranationales. En 2012, Eugène Diomi Ndongala, député d’opposition et critique de Joseph Kabila, est arrêté pour une affaire de mœurs et viol invoquant un flagrant délit contesté. L’Assemblée nationale dénonce une violation de son immunité, mais celle-ci est levée en 2014, conduisant à une condamnation à dix ans, avant une grâce en 2019.
En 2014, Jean-Bertrand Ewanga, député d’opposition, est arrêté pour outrage au chef de l’État après des propos tenus lors d’un meeting. Ses défenseurs invoquent l’irresponsabilité, mais la Cour suprême juge que ses déclarations ne relèvent pas de ses fonctions parlementaires, restreignant ainsi la portée de cette protection. En 2017, Ne Muanda Nsemi, député et leader de Bundu dia Kongo, est arrêté sans levée d’immunité pour outrage et incitation à la violence, après des heurts à Kinshasa. Cette action, dénoncée comme un règlement de comptes politique par Jean-Claude Vuemba, à l’époque président de l’assemblée provinciale du Kongo-Central, met en lumière le contournement des procédures.
En 2020, Jean-Jacques Mamba, député du Mouvement de libération du Congo (MLC), est arrêté pour faux en écriture lié à une pétition contre le député Jean-Marc Kabund, sans respect des procédures de levée d’immunité. Son parti et l’Assemblée nationale dirigée à l’époque par Jeanine Mabunda protestent vigoureusement, mais il est rapidement jugé et placé en résidence surveillée. Jean-Marc Kabund, ancien vice-président de l’Assemblée, voit son immunité levée en 2022 pour outrage au chef de l’État, après des propos tenus en conférence de presse. Condamné à sept ans en 2023, il est gracié en février 2025, dans un contexte d’apaisement politique. Enfin, l’affaire Bukanga-Lonzo place Augustin Matata Ponyo, ancien Premier ministre et député, au centre d’un scandale financier. Accusé de détournement de 285 millions de dollars, il fait face à un bras de fer entre l’Assemblée, qui dénonce une violation de son immunité, et la Cour constitutionnelle, qui poursuit le procès entamé avant son élection. En avril 2025, le procureur requiert 20 ans de travaux forcés, mais le verdict est reporté, soulignant les tensions institutionnelles.
Un bras de fer institutionnel
Les relations entre le Parlement et la justice sont marquées par des frictions récurrentes, révélant des conceptions divergentes de la séparation des pouvoirs. Le procureur général près la Cour de cassation, nommé par le président, est souvent perçu comme un relais de l’exécutif, ce qui teinte les demandes de levée d’immunité de soupçons politiques. En 2019, la tentative d’arrestation de Jean-Jacques Mamba pour faux en écriture déclenche une crise. Jeanine Mabunda, présidente de l’Assemblée, dénonce une atteinte au pouvoir législatif, affirmant que l’immunité doit être respectée. En 2016, la levée d’immunité de Samy Badibanga, Fabien Mutomb et Muhindo Nzangi pour falsification de signatures suscite des accusations de politisation, l’UDPS dénonçant une instrumentalisation de la justice. En 2014, le refus de lever l’immunité de Kovo Ingila, Adrien Phoba et Fabrice Puela, protégés par une amnistie, illustre l’application sélective des lois.
L’affaire Matata Ponyo, en 2025, ravive ces tensions. Vital Kamerhe, président de l’Assemblée, accuse la Cour constitutionnelle de violer l’article 107 en poursuivant Matata sans levée d’immunité. Dieudonné Kamuleta, président de la Cour, rétorque que le procès, initié avant l’élection de Matata, échappe à cette exigence. Ce désaccord illustre une divergence d’interprétation des dispositions constitutionnelles, exacerbant les conflits entre les pouvoirs législatif et judiciaire. Certains magistrats, pour contourner les immunités, qualifient abusivement des infractions de « flagrant délit », une pratique condamnée par la Cour constitutionnelle en 2018. D’autres attendent les vacances parlementaires, période où l’inviolabilité est théoriquement levée, comme dans l’arrestation controversée de Franck Diongo en 2016, qui a suscité un vif débat juridique.
Les élus provinciaux dans l’ombre
Les députés provinciaux, bien que moins visibles, bénéficient également d’immunités, définies par les lois provinciales et les règlements des assemblées. Ces protections visent à garantir leur indépendance face aux pressions locales ou nationales, un enjeu crucial dans un pays où les rivalités régionales sont fréquentes. En 2021, Mike Mukebayi, député provincial de Kinshasa, voit son immunité levée pour diffamation contre le gouverneur Gentiny Ngobila. Arrêté à plusieurs reprises, il est condamné en 2023 pour outrage et incitation à la haine, avant une libération conditionnelle en 2025. En 2016, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, député du Haut-Katanga, d’abord proche du régime puis opposant, perd son immunité pour outrage au président Kabila, basé sur un enregistrement contesté, dans un contexte de tensions politiques. En 2020, un député du Nord-Kivu échappe à une levée d’immunité pour détournement de fonds, faute de preuves, illustrant les dynamiques locales où les enjeux politiques influencent les décisions.
Une perception publique marquée par la défiance
Dans les rues congolaises, les immunités parlementaires suscitent des réactions épidermiques. Pour beaucoup de Congolais, elles incarnent un privilège exorbitant, permettant aux élus d’échapper à la justice. Un sondage de 2022 révèle que 78 % des citoyens estiment que les parlementaires abusent de ces protections, et 65 % souhaitent leur suppression. Les médias, en sensationalisant les affaires, amplifient cette perception, souvent au détriment d’une explication nuancée. « Le traitement médiatique manque d’équilibre », note Florence Mbiya, professeure à l’Université de Kinshasa. « On insiste sur les cas où l’immunité protège des accusés, rarement sur son rôle dans l’indépendance du Parlement. »
Des organisations comme l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) tentent de combler ce fossé par des campagnes de sensibilisation, expliquant que l’immunité diffère l’action judiciaire, sans l’annuler. Pourtant, la pratique contredit souvent la théorie. Entre 2006 et 2023, seules 18 des 43 demandes de levée d’immunité aboutissent, majoritairement contre des opposants ou des élus en disgrâce, renforçant l’idée d’une justice politisée. Cette défiance fragilise le Parlement, pourtant pilier du contre-pouvoir démocratique, un paradoxe souligné par le politologue Joseph Kabundi : « En voulant limiter les immunités pour renforcer l’État de droit, on risque d’affaiblir l’indépendance législative. »
Leçons internationales pour un modèle adapté
La RDC n’est pas seule face à ce dilemme. En Afrique, le Sénégal, depuis 2012, exclut la corruption des immunités, répondant aux attentes de transparence, bien que son application soit parfois sélective. L’Afrique du Sud limite la protection à la parole parlementaire, privilégiant l’égalité devant la loi. Le Kenya simplifie les levées d’immunité pour les infractions graves, tandis que le Ghana restreint leur portée par la jurisprudence. En Europe, l’Italie, après l’opération « Mains propres » en 1993, et la France, depuis 1995, ont réduit les autorisations préalables, facilitant les poursuites tout en préservant l’essentiel de l’immunité. La Suède et les Pays-Bas adoptent des approches minimalistes, ne protégeant que les opinions exprimées en séance.
Ces expériences offrent des pistes pour la RDC. L’Union interparlementaire, en 2014, recommande une définition précise des immunités, des procédures transparentes et des exceptions pour les crimes graves. Transparency International, en 2019, préconise d’exclure la corruption des protections, arguant qu’elle contredit l’égalité devant la loi. Ces modèles suggèrent qu’un équilibre est possible, à condition d’adapter les réformes aux réalités congolaises, marquées par une histoire d’instabilité et une culture politique encore en construction.
Vers une réforme pour restaurer la confiance
Le paradoxe autour de la question de l’immunité alimente une défiance profonde envers les institutions, dans un contexte où la confiance dans l’État de droit demeure fragile. Comment permettre aux élus de s’exprimer sans crainte, tout en garantissant que personne ne soit au-dessus de la loi ? Ce dilemme, omniprésent dans les démocraties, prend une dimension particulière en RDC, où les scandales de corruption et les luttes de pouvoir érodent la légitimité des institutions. L’enjeu, cependant, reste clair : trouver un équilibre entre la préservation de la fonction parlementaire et l’exigence de justice, un défi crucial pour une démocratie en quête de maturité.
Pour surmonter ces défis, la RDC pourrait explorer plusieurs pistes. Créer un comité indépendant, composé de juristes et de représentants de la société civile, pour examiner les demandes de levée d’immunité réduirait les risques de politisation. Limiter l’immunité aux actes directement liés aux fonctions parlementaires, comme les discours ou les votes, clarifierait son champ d’application. Rendre publics les débats et les votes sur les levées d’immunité renforcerait la transparence, répondant aux attentes des citoyens. S’inspirer du Sénégal, où la société civile joue un rôle de veille, ou de la France, avec ses procédures simplifiées, pourrait guider ces réformes. L’implication de mouvements citoyens, comme Lucha, et des médias indépendants serait cruciale pour garantir leur succès.
L’avenir des immunités parlementaires en RDC dépend de la capacité des institutions à restaurer la confiance. Cela exige une meilleure articulation entre la protection de la fonction parlementaire et l’égalité devant la loi, un équilibre délicat mais indispensable. En s’appuyant sur les leçons du passé et les expériences internationales, la RDC peut transformer les immunités en un outil de protection légitime, et non d’impunité. Ce chemin, semé d’embûches, est essentiel pour redonner espoir à un peuple en quête de justice, de dignité et d’une démocratie véritablement équitable.
Heshima Magazine
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Sous pression de la Présidence : Daniel Bumba sur un siège éjectable ?
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38 minutes agoon
novembre 27, 2025By
La redaction
La gestion financière du gouverneur de la ville-province de Kinshasa est minutieusement examinée. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a lancé une mission de contrôle portant sur la gestion des ressources financières sous la responsabilité du gouverneur Daniel Bumba depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement, la Présidence de la République, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, a mis en place une autre mission chargée d’auditer la gestion des fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK). Cependant, l’initiative du ministère de l’Intérieur alimente interrogations, attentes et débats au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique. Cette mission aboutira-t-elle à l’éviction du gouverneur ? Voilà la grande question.
Dans un document signé le 24 novembre 2025, le directeur de cabinet du chef de l’État, Anthony Nkinzo, a ordonné une mission d’évaluation « circonstanciée » des opérations du Fonds d’assainissement (FONAK) de Kinshasa. Cette enquête, menée par quatre membres du cabinet présidentiel, se déroule du 27 au 28 novembre 2025. Cette action de la Présidence coïncide avec une autre mission de contrôle lancée le 13 novembre 2025 par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, pour superviser la gestion des ressources financières de la capitale par le gouverneur Daniel Bumba.
Dans une lettre adressée au gouverneur, Jacquemain Shabani informe qu’une mission de contrôle composée de l’Inspection Générale de la Territorialité, en collaboration avec les experts du Secrétariat Général aux Finances et de la Direction générale de la trésorerie et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la supervision de son cabinet, a été mise en place. « Cette mission a pour objet d’effectuer un contrôle approfondi de la gestion des ressources financières de la ville de Kinshasa, notamment les modalités de perception et d’affectation de ces ressources pour la période allant de 2024 à aujourd’hui », précise Jacquemain Shabani.
Les enquêteurs examinent particulièrement les dépenses relatives aux travaux d’infrastructures, à la gestion urbaine, à la passation des marchés publics ainsi qu’à la conduite des projets d’infrastructure. Parallèlement, la Présidence de la République a dépêché une équipe distincte pour auditer la gestion du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK), un dispositif financier destiné à soutenir les opérations de nettoyage, de drainage et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Cette démarche illustre la volonté de la haute hiérarchie étatique d’exercer un contrôle strict sur l’usage des fonds dédiés à l’assainissement, secteur clé pour la santé publique.
Des contrôles révélant les carences de l’Assemblée provinciale
Le Parlement de Kinshasa, chargé de contrôler l’action du gouvernement provincial, peine pourtant à jouer pleinement son rôle. Entre interpellations timides, commissions peu offensives et absence de suivi rigoureux, le contrôle parlementaire de l’Assemblée provinciale se montre faible, ce qui explique l’intervention de la Présidence et du ministère de l’Intérieur.
Théoriquement, l’Assemblée provinciale de Kinshasa jouit de prérogatives étendues pour surveiller la gestion du gouvernorat et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Questions orales, interpellations, enquêtes et auditions parlementaires sont autant d’outils censés garantir la redevabilité des autorités provinciales.
Dans les faits, ces mécanismes sont rarement exploités efficacement. De nombreux analystes soulignent une tendance à la complaisance des députés provinciaux envers l’exécutif. Les sessions de contrôle sont souvent perçues comme formelles, sans véritables conséquences contraignantes, et les rapports issus des commissions aboutissent rarement à des sanctions ou mesures correctives. Cette situation engendre un sentiment d’impunité autour du gouverneur et de son équipe, fragilisant ainsi la démocratie locale. « Bien souvent, les contrôles parlementaires ne servent qu’à régler des comptes entre l’Assemblée et le gouverneur, plutôt qu’à exercer un vrai contrôle de gestion », commente un analyste politique.
Controverses autour de la légitimité du contrôle du ministère de l’Intérieur
Malgré les faiblesses de l’Assemblée provinciale, certains déplorent l’initiative du ministère de l’Intérieur, estimant que ce dernier n’a pas la compétence légale pour contrôler la gestion du gouverneur. « En RDC, la surprise est constante. Comment le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur peut-il se permettre d’auditer les finances de la ville de Kinshasa ? Quelle loi lui confère ce pouvoir ? », s’interroge Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO). Ce représentant de la société civile considère que Jacquemain Shabani n’a aucun droit légal en la matière. « S’il s’inquiète de la gestion financière de la ville, il devrait saisir l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou la Cour des comptes, organismes mandatés par la Constitution. Qui conseille le ministre de l’Intérieur ? Pourquoi l’a-t-on laissé commettre une erreur aussi grave ? », s’interroge-t-il. Pour lui, le gouvernement de la ville de Kinshasa devrait opposer un refus ferme à cette intervention.
Daniel Bumba face à une possible éviction
Cette double enquête suscite des spéculations sur une possible éviction du gouverneur Daniel Bumba. Entre manœuvres politiques, pressions institutionnelles et critiques liées à sa gestion, la question de son départ agite la classe politique et l’opinion kinoises. Une éviction ne pourrait toutefois intervenir sans passer par l’Assemblée provinciale. Gouverneur issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Daniel Bumba semble peiner à répondre aux attentes du parti au pouvoir, un an après son investiture.
Depuis son arrivée, aucun programme clair n’a émergé pour améliorer la salubrité de la ville. Kinshasa étouffe sous les déchets qui, à chaque pluie, bloquent l’évacuation des eaux. Les routes secondaires sont jonchées de nids-de-poule. La capitale vit au rythme d’embouteillages monstrueux, où la circulation vire quotidiennement au chaos. Pour inverser cette tendance, le gouvernement central a lancé fin 2023 un vaste programme de réhabilitation des voiries secondaires. L’objectif est de réhabiliter plus de 200 kilomètres de routes dans les 24 communes, désenclaver les quartiers populaires et fluidifier une circulation étouffée. « Sur les deux priorités majeures, voirie et gestion des déchets, le gouvernement central s’est engagé à moderniser intégralement les routes urbaines. Sous la coordination de la Première ministre, tous ces projets sont financés via le ministère des Finances afin d’améliorer la mobilité urbaine et de créer les conditions d’une croissance durable », expliquait le ministre des Finances, Doudou Fwamba. La majorité des nouvelles voiries sont bâties en béton, dites « chaussées rigides », plus coûteuses à construire mais offrant une durée de vie nettement supérieure à l’asphalte : jusqu’à trente ans, contre dix à quinze ans pour une route bitumée. Pourtant, nombreux sont les chantiers qui piétinent alors que le ministre affirmait qu’ils étaient « entièrement » financés par le pouvoir central.
Pour le député national Aaron Bimwala, la gestion de Daniel Bumba n’a pas répondu aux attentes des Kinois, et il appelle à en tirer les conséquences. « Soyons réalistes : après deux ans, la politique menée à la tête de la ville n’a pas répondu aux urgences et attentes des habitants. Il est temps d’en tirer toutes les conclusions et d’ouvrir une nouvelle voie », déclare-t-il.
Face à ces contrôles, Daniel Bumba adopte une posture mêlant ouverture et contestation tacite, invoquant la loi sur la libre administration des provinces et entités territoriales décentralisées pour répondre à Jacquemain Shabani. Pour certains analystes, cette double mission s’inscrit dans une dynamique visant à restaurer la confiance entre les autorités kinoises et la population, souvent confrontée aux défaillances des services publics.
Heshima
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Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara
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7 jours agoon
novembre 20, 2025By
La redaction
Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.
Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.
Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.
L’héritage politique du Kivu et l’exil académique
Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.
Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.
Le technocrate au cœur de l’État
Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.
Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.
Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.
L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi
Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».
Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.
Un secret de polichinelle : la loyauté au Président
Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.
Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.
Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer
Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :
Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.
Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.
En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.
Heshima
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RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha
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1 semaine agoon
novembre 17, 2025By
La redaction
Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.
Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.
Échange de prisonniers sous supervision internationale
Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.
En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.
Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.
Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu
Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.
Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.
Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées
Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.
Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés
C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.
Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.
Mesures de confiance
Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.
La relance économique et les services sociaux
Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.
La justice, la vérité et la réconciliation
Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.
Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global
L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.
De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.
Heshima
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