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Aménagement du territoire : la RDC veut planifier l’occupation de ses terres

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En République démocratique du Congo (RDC), l’aménagement du territoire fait face à de nombreux problèmes structurels, environnementaux et surtout législatifs. Ces difficultés entravent un développement équilibré du pays et limitent l’efficacité des politiques publiques. Le 30 mai 2025, une large majorité des députés à l’Assemblée nationale ont voté une loi sur l’aménagement du territoire, dotant ainsi la RDC d’un cadre légal pour organiser et planifier l’occupation de son vaste territoire.

Faire face aux défis liés à la croissance urbaine, à l’exode rural, planifier l’habitat des Congolais et prévenir des inondations et des zones à risque, voilà le sens de l’aménagement du territoire en RDC. Dans un pays de 2,345 millions de km², 145 territoires et 68 000 villages, l’aménagement ordonné du territoire est une nécessité absolue pour poursuivre le chemin vers le développement.

Avec une décentralisation consacrée par la Constitution, le pays était censé envisager de longue date une planification rigoureuse à tous les échelons. Au niveau national, provincial et local, la RDC devrait penser son modèle de développement pour éviter une urbanisation sauvage. Avant le vote de la nouvelle loi qui attend son toilettage au Sénat et ensuite sa promulgation par le président de la République, Félix Tshisekedi, le pays était toujours régi par la loi de décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’aménagement du territoire. Cette loi encadre ce secteur mais comporte toujours des zones d’ombre notamment sur la conception d’une politique claire de l’aménagement du territoire national. « Dans un pays aux dimensions continentales comme la RDC, où les déséquilibres territoriaux freinent depuis longtemps le développement, l’absence de règles claires en matière d’aménagement avait des conséquences concrètes : urbanisation anarchique, inégalités dans l’accès aux services, conflits d’usage du sol, difficultés de coordination entre les niveaux de gouvernance », rappelle le ministère de l’Aménagement du territoire dans une dépêche publiée après l’adoption de cette loi à l’Assemblée nationale.

Cet instrument juridique établit des liens clairs entre les priorités de développement, les politiques sectorielles et les décisions d’affectation des zones, à tous les niveaux de gouvernance, d’après la source. Cette loi introduit aussi une corrélation forte entre les outils de planification spatiale et l’organisation territoriale du pays, tout en laissant une marge d’adaptation pour des contextes spécifiques. La loi renforce également la coordination intersectorielle, prend en compte les sauvegardes sociales pour protéger les intérêts vitaux des populations, et intègre des mécanismes de protection de l’environnement, comme l’évaluation environnementale stratégique ou les études d’impact.

En 2021, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire, Guy Loando, avait lancé un programme dénommé « Repensons à nos villages, villes et territoires » (Revite). Ce projet vise notamment la vulgarisation des instruments de réforme de l’aménagement du territoire au pays. Il est aussi un appel au sens de la responsabilité nationale ainsi que la conscience patriotique de chaque Congolais résidant au pays ou à l’étranger pour penser le développement à partir de la base. « Nos villages se vident. Comment ramener les Congolais dans nos villages ? Notre identité, c’est dans nos villages », avait déclaré Guy Loando, ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire.

Des villes non urbanisées, faute de plan à jour

Au-delà des villages, les défis de l’aménagement touchent aussi les villes. Le projet Revite visait aussi à relever les différents défis qui se résument essentiellement au manque d’infrastructures modernes et au standard de vie peu confortable pour tous les Congolais. En 2020, la RDC s’est dotée d’une Politique Nationale d’Aménagement du Territoire. Cette politique est élaborée de manière participative et vise à respecter les ressources naturelles, les droits des communautés locales et les besoins des populations autochtones. Dans les zones urbaines, le pays peine à contenir sa démographie galopante. Sans plan d’aménagement urbain à jour, des villes comme Kinshasa ou Lubumbashi versent dans une urbanisation sauvage avec des conflits fonciers qui ne cessent de croître. Pour faire face à ces problèmes, le gouvernement travaille depuis un temps sur un plan national de l’habitat et d’aménagement urbain, qui vise à réguler les opérations de lotissement, à favoriser la construction de logements sociaux et à promouvoir les initiatives de construction pour différents groupes socioprofessionnels.

Mais en attendant la validation d’un tel plan, Guy Loando anticipe une planification dans les nouvelles zones urbaines qui se créent à Kinshasa. Dans les quartiers Mitendi, Lutendele, N’djili Brasserie et d’autres qui bénéficient du passage des rocades asphaltées, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire interdit l’achat des parcelles le long de ces rocades en attendant un plan d’aménagement de ces zones. Pour lui, ceux qui ont déjà acquis des terrains dans ces zones pourraient être expropriés si l’utilité publique se fait sentir dans certaines zones, comme des sites où sont prévus des hôpitaux, des aires de jeu ou des écoles publiques.

En 2024, le ministre de l’Urbanisme et habitat, Crispin Mbadu avait annoncé l’élaboration d’un plan particulier d’aménagement (PPA) pour prévenir les empiètements et garantir le respect des normes d’occupation des terres dans ces zones des rocades. « Nous avons réalisé des études concernant les emprises et les zones de recul », avait-il annoncé tout en soulignant que la loi exige un recul de 5 mètres pour les habitations et une emprise allant de 5 à 50 mètres, selon les besoins des infrastructures. Dans ce projet de rocades, les autorités ont décidé d’adopter une approche novatrice, en intégrant l’art et l’aménagement du territoire dans cette grande infrastructure.

Combattre les constructions anarchiques

Malgré les controverses autour de cette initiative, les autorités congolaises procèdent à démolition des constructions anarchiques dans la ville de Kinshasa. Ces opérations visent à répondre à l’urbanisation désordonnée de la capitale. Elle s’inscrit dans le cadre d’un assainissement urbain et d’une volonté politique de reprendre le contrôle sur l’aménagement du territoire. Des Congolais qui ont construit sur les lits de rivière sont sommés de quitter ces lieux. Sur la rivière Mapenza, dans le quartier Joli Parc, près de Mont-Fleuri, le bulldozer de l’Hôtel de ville a rasé plusieurs habitations, hôpitaux et commerces. Une autre mise en demeure pour les occupants anarchiques sur la Baie de Ngaliema traîne à être exécutée par les autorités. Ce qui crée une frustration chez les victimes de démolitions et relance la question de l’équité devant la loi dans cette ambition d’urbanisation équilibrée de la ville de Kinshasa et de la RDC dans son ensemble.

Heshima

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RDC : l’économie face aux risques d’instabilité politique et de surendettement

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La République démocratique du Congo (RDC) est confrontée à une dette publique significative, tant au niveau intérieur qu’extérieur. Réduite de 14 à 3 milliards de dollars en 2010 et maintenue à ce montant jusqu’en 2019, l’encours de la dette a explosé ces dernières années, dépassant la barre de 10 milliards de dollars en 2023. Les résultats des projets liés à ces fonds empruntés restent encore mitigés. Ce qui alimente des soupçons de gabegie et interroge sur les retombées d’un tel endettement dans un pays menacé par une instabilité politique.

Depuis 2019, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont augmenté leur contribution financière dans la gouvernance en RDC. Le 3 mai 2025, la Banque mondiale a annoncé avoir approuvé un financement global de 1,49 milliard de dollars pour quatre projets dont celui du barrage hydroélectrique Inga 3 longtemps resté dans le tiroir des projets faute de financement. Dans ce montant global, 200 millions de dollars serviront à la résilience aux inondations dans les villes de Kinshasa et Kalemie ; un montant de 600 millions sera affecté à la gouvernance, transparence et résilience économique ; 440 millions sont prévus pour la construction de 200 km d’autoroute et un pont de 700 mètres à construire sur la rivière Lualaba et enfin 250 millions pour le projet Inga 3. Pour bien implémenter ce quatrième projet, la Banque mondiale a mené des consultations auprès des populations locales pour le volet développement communautaire du programme Inga 3. Pour ce faire, cette institution financière prévoit une enveloppe de 100 millions de dollars destinée à assurer un soutien aux habitants vivant à proximité du site hydroélectrique d’Inga, sur le fleuve Congo.

En dehors de cette enveloppe débloquée par la Banque mondiale, une autre institution financière internationale, le FMI, apporte énormément de liquidités à la RDC depuis 2020. Cet apport se matérialise par divers programmes de financement et d’assistance technique, visant à stabiliser l’économie, promouvoir une croissance durable et améliorer la gouvernance. Depuis l’établissement du programme avec le gouvernement congolais en 2020, le FMI a approuvé des accords de crédit pour un montant total de près de 3 milliards de dollars en faveur de la RDC. Ces accords, notamment la Facilité Elargie de Crédit (FEC) et la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (FRD), visent à soutenir la stabilité macroéconomique et à financer des réformes structurelles. Ces fonds sont octroyés sous forme d’aide, mais aussi de dettes que l’État congolais devra rembourser.

En janvier 2025, le Conseil d’administration du FMI a approuvé un accord de 1,729 milliard de dollars au titre de la Facilité Elargie de Crédit. La principale inquiétude concernant ces financements massifs des institutions financières internationales est la capacité de solvabilité du pays, ainsi que l’utilisation de ces fonds par le gouvernement. Plusieurs rapports de l’Observatoire de la dépense publique (ODEP) accusent le gouvernement de gabegie financière.

Dans une étude sur la gouvernance de Félix Tshisekedi entre 2022 et 2024, cette ONG spécialisée dans les finances publiques note une mauvaise gouvernance budgétaire qui n’a permis ni de créer des richesses, ni d’améliorer les conditions sociales de la population, et encore moins d’être susceptible de rendre effective la décentralisation telle que prévue par la Constitution. Selon cette structure, cette mauvaise gouvernance ne place pas le pays sur la voie de l’émergence.

Les craintes d’un surendettement du pays

La RDC est encore classée parmi des pays à risque modéré de surendettement extérieur et global. Le FMI estime que les perspectives économiques du pays sont encore favorables, mais sujettes à des risques significatifs orientés à la baisse. Ces risques incluent notamment l’aggravation des conflits armés dans l’Est, les pressions inflationnistes et un ralentissement brusque de l’économie surtout pour un pays qui n’a pour principale source de revenu que ses mines. Un choc dans ce secteur pourrait immédiatement paralyser l’économie du pays.

Les tenants du pouvoir actuel rassurent au sujet de la dette publique, selon eux, est contrôlable. Le député national Flory Mapomboli, ancien cadre au ministère des Finances, avait estimé que la dette publique qui aurait été stabilisée en 2010, représentait 26% du PIB. Ce ratio est de près de 16% en 2024. « Où se trouve le surendettement entre les deux périodes susmentionnées ? Personne ne pourra me contredire sur ces chiffres avec lesquels il est presque impossible de faire du populisme. », précisait-il quand il répondait aux accusations de surendettement du pays lancées par l’ancien président de la République, Joseph Kabila. Selon Flory Mapamboli, le niveau de vie de la population congolaise a augmenté, progressant de 24% en dollars entre 2018 et 2024. Concrètement, ce PIB est passé respectivement de 557 à 693 dollars.

Si au niveau du gouvernement central l’endettement est encore contrôlé, en provinces, les entités sombrent dans le surendettement. La Direction générale de la dette publique (DGDP), qui a la mission de proposer la politique nationale d’endettement, avait noté dans un rapport publié en juin 2022 que certaines provinces du pays négociaient des accords d’emprunt sans la garantie de l’Etat (DGDP), se mettant ainsi dans un état de surendettement. Une situation qui entrave le décollage de ces entités ainsi que la réalisation de leurs projets de développement. C’est le cas de la ville de Kinshasa. Selon l’état des lieux dressé par l’ancien gouverneur Gentiny Ngobila, son prédécesseur (André Kimbuta) avait laissé des dettes dans toutes les banques, sauf à la BCDC. « Des dettes de plus de 60 millions de dollars. La plus grande de dettes que nous connaissons c’est à l’UBA, à quelques jours des élections présidentielle et législative nationale de 2018. André Kimbuta a contracté une dette de 14 millions de dollars. Là où cet argent est parti, on ne sait pas », déclarait-il en faisant le bilan de l’an un de sa gestion à la tête de la capitale.

Lui-même avant de partir, il a contacté une dette de plusieurs décennies pour la construction du Marché central de Kinshasa. Il en est de même pour certaines autres provinces comme le Maï-Ndombe. Ce surendettement de certaines provinces peut aussi affecter l’économie du gouvernement central car l’État central est censé être aussi responsable des dettes contractées ou garanties par les provinces, d’après la DGDP. Selon plusieurs rapports de cette structure publique, certaines provinces négocient des accords d’emprunt sans la garantie de l’Etat, se mettant ainsi dans un état de surendettement.

Les risques d’instabilité politique

Malgré l’embellie économique actuelle, la RDC n’est pas totalement sortie de zones de risques. La plus crainte, c’est le risque lié à l’instabilité politique, notamment en raison de conflits armés et de la crise humanitaire. L’instabilité politique a un impact négatif sur les entreprises et l’économie, tandis que les conflits armés et la crise humanitaire exacerbent les difficultés économiques. Malgré le budget national 2025 de 18 milliards de dollars, plus de 26 millions de Congolais sont atteints par une faim aigue, selon les chiffres publiés en octobre 2024 par le Programme alimentaire mondial (PAM). Cette famine a été accentuée par les conflits armés dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Maï-Ndombe et de l’Ituri. Dans les Kivus, la présence des rebelles de l’AFC/M23 constitue une menace directe pour la stabilité des institutions du pays. Ces rebelles ont carrément créé une administration parallèle dans les zones occupées dont les villes de Goma et Bukavu.

Cette situation sécuritaire a provoqué une explosion des dépenses militaires et un creusement du déficit budgétaire. Mais malgré ces problèmes sécuritaires, l’économie congolaise a fait preuve de résilience, avec une croissance économique atteignant 6,5 % en 2024.

Heshima

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Go-Pass en RDC : 15 ans de ponction pour des aéroports toujours en ruine

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Depuis son instauration en janvier 2009, la taxe Go-Pass, officiellement nommée Redevance de développement des infrastructures aéroportuaires (IDEF), pèse sur chaque billet d’avion en République démocratique du Congo (RDC). Présentée comme un levier pour moderniser des aéroports vétustes, cette redevance devait transformer des infrastructures défaillantes en hubs modernes, capables de soutenir l’économie d’un pays vaste et riche en ressources. Quinze ans plus tard, les pistes dégradées, les équipements obsolètes et l’opacité persistante dans la gestion des fonds suscitent indignation et interrogations. Où est passé l’argent du Go-Pass ? Heshima Magazine dresse un état des lieux exhaustif de ce scandale qui illustre les défis de gouvernance en RDC.

Lancée le 1er janvier 2009, la taxe Go-Pass impose une redevance de 50 dollars pour les vols internationaux et 10 dollars pour les vols domestiques, perçue par la Régie des voies aériennes (RVA), un établissement public sous la tutelle du ministère des Transports. À l’époque, l’objectif était ambitieux : collecter 2 milliards de dollars pour réhabiliter des aéroports comme N’Djili à Kinshasa, Lubumbashi, Goma ou encore Mbuji-Mayi, dont les infrastructures souffraient de vétusté, avec des pistes mal entretenues, des tours de contrôle défaillantes et des normes de sécurité aérienne souvent ignorées. Selon un article de Zoom Eco publié en 2019, la taxe devait permettre de hisser les aéroports congolais au niveau des standards internationaux, renforçant ainsi la connectivité essentielle pour le commerce des minerais et le tourisme.

Dès son lancement, le Go-Pass a suscité des critiques. Pourquoi imposer une nouvelle taxe dans un pays où le coût des billets d’avion figure déjà parmi les plus élevés d’Afrique centrale ? Les autorités justifiaient cette mesure par l’absence de subventions étatiques suffisantes et le manque de financements internationaux pour moderniser les infrastructures. Pourtant, ce qui était présenté comme une solution temporaire s’est institutionnalisé, devenant une charge quasi permanente pour les voyageurs, sans résultats tangibles à la hauteur des attentes.

Une collecte massive, des résultats dérisoires

Les chiffres révèlent l’ampleur du décalage entre les promesses et la réalité. Selon un rapport confidentiel du ministère des Finances de 2022, près de 470 millions de dollars auraient été collectés entre 2009 et 2021. Un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), relayé par Media Congo, estime quant à lui que 225 millions de dollars ont été perçus entre 2009 et 2019, tandis que RFI rapporte en mai 2021 que seulement 200 millions de dollars ont été collectés jusqu’en 2021, soit à peine 10 % de l’objectif initial de 2 milliards. Ces écarts dans les estimations soulignent déjà un manque de transparence dans la gestion des fonds.

Sur le terrain, les améliorations sont quasi invisibles. À l’aéroport international de N’Djili, vitrine du pays, quelques travaux ont été réalisés : un scanner a été installé, la salle d’embarquement légèrement agrandie, et une réhabilitation partielle de la piste entreprise. Une nouvelle aérogare modulaire, ouverte en juin 2015 et capable d’accueillir un million de passagers par an, a été financée à 85 % par un prêt chinois, comme l’a indiqué Radio Okapi. Cependant, ces efforts restent marginaux face à l’état général de l’aéroport, toujours marqué par des équipements obsolètes et des services inadéquats. Des travaux de réhabilitation plus ambitieux sont annoncés pour début 2025, mais ils suscitent un scepticisme légitime après des années de promesses non tenues.

Les aéroports secondaires, comme ceux de Goma, Kindu, Kalemie, Mbandaka, Gemena, Isiro, Mbuji-Mayi ou Kananga, sont dans un état encore plus préoccupant. À Mbandaka, le bâtiment principal n’a pas été rénové depuis l’époque de Mobutu, selon des témoignages locaux. À Kananga, les passagers embarquent sous la pluie, faute d’abris fonctionnels. À Mbuji-Mayi, des pannes récurrentes de radio-navigation obligent parfois les pilotes à se poser à vue. Quelques exceptions notables, Goma a bénéficié du Projet d’amélioration de la sécurité à l’aéroport de Goma (PASAG), financé par la Banque mondiale, avec une piste réhabilitée, une tour de contrôle modernisée et un balisage amélioré, inaugurés en novembre 2021. Ces travaux ont permis une augmentation de 10 % du trafic annuel de fret et de passagers, même pendant la pandémie de Covid-19, selon la Banque mondiale. À Kisangani, l’aéroport de Bangoka a été rénové mais toujours pas avec les revenus générés par Go-Pass. C’est un financement de la Banque africaine de développement (BAD) dans le cadre du projet prioritaire de sécurité aérienne phase 2. Actuellement, la salle d’embarquement de cet aéroport peut prendre en charge plus de 300 passagers en heure de pointe. Sa piste d’atterrissage a été aussi rénovée. Ces avancées, financées par des partenaires extérieurs, ne doivent rien au Go-Pass.

Une gestion opaque et des détournements avérés

La gestion des fonds Go-Pass est un scandale en soi. En 2023, le directeur général de la RVA, a admis devant la Commission économique, financière et budgétaire de l’Assemblée nationale que les recettes « n’ont pas toujours été utilisées exclusivement pour les investissements ». Selon un audit partiel de la Cour des comptes en 2021, plus de 60 % des fonds ont été affectés à des dépenses courantes (salaires, frais de fonctionnement, missions de contrôle) sans traçabilité claire. Le GEC, dans son rapport de 2021, précise que 37 millions de dollars ont servi à construire un pavillon présidentiel à N’Djili, 6 millions ont été injectés dans le capital de Congo Airways, et une autre partie a couvert les charges salariales de la RVA, au lieu de financer des projets d’infrastructure. RFI rapporte également le cas d’Abdallah Bilenge, ancien directeur de la RVA, condamné en janvier 2021 à 20 ans de prison pour détournement de fonds, bien que les charges portaient principalement sur des cotisations sociales. Les investigations du GEC suggèrent que les recettes du Go-Pass ont été affectées par des écarts comptables inexpliqués.

La RVA, qui gère seule la collecte et l’utilisation des fonds, est lourdement endettée, avec un passif de 60 à 130 millions de dollars selon les sources. Aucun compte séquestre, comme prévu en théorie pour sécuriser les recettes, n’a jamais été mis en place. Le ministère des Transports, chargé de la supervision, se limite à des rapports annuels lacunaires, tandis que le ministère des Finances se désengage, arguant que la taxe n’est pas sous sa gestion fiscale. En 2024, une mission conjointe de l’Inspection générale des finances (IGF) et de la Cour des comptes a pointé une gestion anarchique, marquée par l’absence d’appels d’offres et des soupçons de rétrocommissions et de surfacturations.

Cette opacité a alimenté la colère populaire. En 2023, le Programme Multisectoriel de Vulgarisation et Sensibilisation (PMVS) a organisé des sit-in à Kinshasa pour exiger la suppression du Go-Pass, qualifié d’« usurpateur et injuste ». Les citoyens dénoncent une taxe qui ponctionne sans offrir de services en retour, dans un pays où les vols restent essentiels pour relier des régions enclavées.

Un impact économique et social désastreux

L’absence de modernisation des aéroports a des conséquences profondes. Dans un pays de 2, 345 millions de kilomètres carrés, où les routes sont souvent impraticables, le transport aérien est une bouée de sauvetage pour le commerce, l’administration et les urgences humanitaires. Pourtant, les infrastructures vétustes limitent la capacité des compagnies aériennes à opérer efficacement. Selon Businessday NG, la RDC compte 272 aéroports « utilisables », mais leur état freine leur compétitivité face à des hubs comme Nairobi ou Johannesburg. Concrètement, sur ce nombre d’aéroports et aérodromes, seuls 38 sont opérationnels et seulement 20 reçoivent régulièrement des vols. Cette situation entrave les exportations minières, décourage les investisseurs et limite le potentiel touristique, malgré les richesses naturelles du pays.

La sécurité aérienne est un autre point noir. Les avis de voyage, comme ceux du gouvernement britannique, soulignent les risques liés à l’état des infrastructures et à l’absence de normes fiables. À Kisangani ou Mbuji-Mayi, les pannes de radio-navigation exposent les passagers à des dangers inutiles. Cette insécurité, couplée à des coûts élevés de transport aérien, renforce l’isolement de certaines régions et freine le développement économique.

Sur le plan social, le Go-Pass est devenu un symbole de défiance envers les institutions. « On paie 10 dollars à Bangoka, mais l’aéroport n’a ni électricité ni toilettes décentes », témoigne un commerçant de Kisangani. À Goma, un cadre de la RVA, sous couvert d’anonymat, confie au téléphone : « Les lampes solaires viennent d’un don, le balisage d’un projet japonais. Le Go-Pass n’a rien financé ici. » Ces témoignages reflètent une frustration croissante, exacerbée par l’absence de transparence et de résultats concrets.

Vers une réforme ou la fin du Go-Pass ?

Face à ce fiasco, les appels à la réforme se multiplient. Certains, comme Me Armand Mikadi, avocat à Lubumbashi, plaident pour la suppression pure et simple de la taxe : « La RDC est le seul pays où l’on paie une surtaxe pour des services inexistants. » D’autres, comme le Syndicat des travailleurs de l’aviation civile, proposent une refonte : réduction du montant, création d’un compte public supervisé par la Cour des comptes, publication annuelle des recettes et des projets financés, et implication des usagers dans le suivi. « Tant que la RVA est en quasi-faillite et sans audit indépendant, le Go-Pass restera un puits sans fond », résume Bernard, consultant en transport aérien.

Des initiatives récentes laissent entrevoir un espoir timide. Les travaux prévus à N’Djili pour 2025 et la modernisation de Mbuji-Mayi, financée par la Chine, pourraient marquer un tournant, à condition que les fonds soient gérés avec rigueur. Mais sans une volonté politique forte pour imposer des audits indépendants, des appels d’offres transparents et des sanctions en cas de détournement, ces projets risquent de rester des annonces sans lendemain.

Le Go-Pass, conçu comme un outil de progrès, s’est transformé en un symbole des dérives de la gouvernance congolaise. Dans un pays où l’avion est souvent le seul lien entre les provinces, la modernisation des aéroports ne devrait pas être une chimère. Quinze ans après, les Congolais attendent toujours des infrastructures dignes de leurs contributions. La balle est dans le camp des autorités : restaurer la confiance passe par des actes, pas par des promesses.

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Bukanga Lonzo, ce parc agro-industriel fantôme, peut-il revivre ?

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À 250 kilomètres au sud-est de Kinshasa, dans les vastes plaines du Kwango et du Kwilu, le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo devait marquer un tournant pour la République démocratique du Congo (RDC). Lancé en 2014, ce projet ambitieux promettait de révolutionner l’agriculture congolaise, de réduire une facture d’importations alimentaires de 1,5 milliard de dollars par an et de faire de la région un grenier pour le pays. Mais en 2017, l’élan s’est brisé. Gestion chaotique, soupçons de corruption et marginalisation des communautés locales ont transformé ce rêve en cauchemar. Une timide relance en 2021 a redonné un brin d’espoir avec 6 000 tonnes de maïs produites, mais l’insécurité et les spoliations ont de nouveau paralysé le site en 2024. En ce mois de juin 2025, le gouvernement annonce un nouvel élan. Bukanga Lonzo peut-il enfin renaître de ses cendres, ou restera-t-il un symbole d’échec cuisant d’une politique agricole de cette dernière décennie ?

En 2013, face à une dépendance écrasante aux importations alimentaires, le gouvernement congolais, alors dirigé par le Premier ministre Augustin Matata Ponyo, mise sur Bukanga Lonzo comme projet pilote du Programme national d’investissement agricole. Étendu sur 80 000 hectares à cheval entre les provinces du Kwango et du Kwilu, le parc devait approvisionner Kinshasa, le Kongo Central et même Brazzaville en maïs, manioc, légumes et fruits. L’objectif ? Produire 350 000 tonnes de maïs par an et créer 5 000 emplois directs. « Bukanga Lonzo devait devenir le plus grand parc agro-industriel d’Afrique », proclamait Ida Kamonji Naserwa Sabangu, alors directrice du projet.

Ce rêve reposait sur un partenariat public-privé avec Africom Commodities, une entreprise sud-africaine. Le gouvernement a injecté 83 millions de dollars dans des infrastructures impressionnantes : une route de 30 km, une piste d’atterrissage de 2,5 km, un bassin de rétention d’eau de 45 millions de litres, selon le site Parc Agro. La Banque mondiale, via son Projet d’appui à la réhabilitation et à la relance du secteur agricole, a mobilisé une partie de ses 120 millions de dollars pour soutenir l’initiative. « Ce projet pouvait transformer l’agriculture congolaise et favoriser une croissance inclusive », affirmait Séverin Kodderitzach, directeur sectoriel de la Banque mondiale, sur les ondes de Radio Okapi. Des villages modernes, dotés d’écoles, de cliniques et d’électricité, étaient promis aux 4 490 habitants des six villages de la concession.

Le plan était audacieux : 20 000 hectares dédiés aux cultures, le reste pour des vergers, des élevages et des infrastructures communautaires. La première phase, centrée sur le maïs, visait à briser la dépendance aux importations et à positionner la RDC comme exportateur. « On rêvait d’une Kinshasa autosuffisante », confie, nostalgique, un ancien fonctionnaire du ministère de l’Agriculture à Heshima Magazine.

Un fiasco aux racines profondes

Mais le rêve s’est vite effrité. Le sol sableux de Bukanga Lonzo, inadapté à la culture intensive du maïs, a plombé les rendements. Selon un rapport de l’Oakland Institute daté du 12 avril 2019, la superficie cultivée a chuté de 5 000 à 2 000 hectares en 2016, loin des 350 000 tonnes promises. « Les récoltes pourrissaient sur place, faute de logistique », raconte un ancien employé du parc à Heshima Magazine, sous couvert d’anonymat. José Masikini, ancien sénateur, pointait sur Radio Okapi un choix de site dicté par des intérêts politiques, une erreur fatale.

La gestion financière a viré au scandale. Un audit de l’Inspection Générale des Finances (IGF) a révélé que, sur 285 millions de dollars décaissés, seuls 80 millions ont servi au projet. Les 205 millions restants ? Volatilisés. « Un échec planifié dans sa conception », dénonçait Jules Alingete, alors inspecteur général des finances, chef de service, sur Radio Okapi.

Pire encore, les communautés locales ont été laissées pour compte. Neuf villages ont été dépossédés de leurs terres sans consultation, en violation de la loi. Les compensations, dérisoires, se limitaient à des pagnes ou 2 000 FC, selon l’Oakland Institute. « On nous a volé nos terres et notre dignité », pleure Kawaka Matondo, chef coutumier. En 2017, Africom jette l’éponge, abandonnant équipements et travailleurs sans salaire.

Des cicatrices qui marquent

L’effondrement de Bukanga Lonzo a semé la désolation. Plus de 5 000 personnes ont été déplacées, certaines brutalisées pour avoir résisté. Frédéric Mousseau, de l’Oakland Institute, rapporte des cas d’agriculteurs attachés à des arbres et fouettés pour avoir tenté de récupérer leurs terres. « Ils ont promis des emplois, mais nous n’avons eu que des larmes », soupire Marie-Ange Kabasu, une victime de spoliation. Les 5 000 emplois directs et 12 000 indirects promis n’ont jamais vu le jour, aggravant la misère locale.

L’environnement a aussi payé un lourd tribut. L’utilisation massive de 60 000 litres de glyphosate a pollué les rivières Lonzo et Kwango, causant des maladies de peau, des troubles respiratoires et des fausses couches, selon l’Oakland Institute. « Nos rivières sont devenues toxiques, nous n’avions plus d’eau potable », se désole Albert Mbey Moju, habitant de Wamba. Une étude de 2018 a confirmé la contamination des sols, rendant certaines zones incultivables. Les opportunités économiques, comme la production de 500 tonnes de fruits et légumes par jour, se sont évaporées, renforçant la dépendance aux importations.

Les travailleurs, eux, ont été abandonnés. Ils ont réclamé 15 à 30 mois d’arriérés de salaire lors de sit-ins à Kinshasa. « Nous sommes devenus irresponsables vis-à-vis de nos familles », déplore Patrick Tshibangu, représentant des agents du parc. La vente d’équipements agricoles à Maluku, estimée à 50 000 dollars, n’a pas servi à les payer, alimentant les soupçons de corruption.

Un sursaut fragile et une nouvelle ambition

En août 2020, le gouvernement tente une relance. En 2021, 6 000 tonnes de maïs sont produites sur 1 500 hectares. « C’est le fruit d’un travail bien fait », se félicitait Joseph Lumbala, ancien conseiller du ministre de l’Agriculture, cité par Financial Afrik. « Les gens se bousculaient pour acheter la semoule de Bukanga Lonzo car le prix était abordable », se souvient Maguy Olundu, vendeuse au marché de Yolo Médical.

Mais en 2024, l’insécurité stoppe net cet élan. Les conflits ethniques entre Teke et Yaka, qui sévissent depuis 2022, ont causé des morts et des destructions par des feux de brousse. Adèle Kahinda Mahina, alors ministre du Portefeuille, a alerté sur le pillage des entrepôts. En juin 2025, le gouvernement relance le projet, promettant un audit préalable. « Nous voulons faire de Bukanga Lonzo un moteur d’abondance », clame Jean-Lucien Bussa, ministre du Commerce extérieur, dans Zoom Eco.

Le nouveau modèle s’appuie sur trois sociétés créées en 2020 : une pour la gestion, une pour l’exploitation, et une pour la commercialisation via le Marché international de Kinshasa. Le gouvernement envisage d’ouvrir le capital au privé et de payer 30 mois d’arriérés de salaire, selon l’Agence congolaise de presse le 2 juin 2025. Mais la société civile reste méfiante. « Sans transparence ni inclusion des communautés, cette relance est vouée à l’échec », prévient un activiste du Kwilu.

Les leçons d’ailleurs et un espoir prudent

L’échec de Bukanga Lonzo contraste avec des réussites comme le parc de Bulbula en Éthiopie, qui a intégré 55 % de producteurs locaux en 2024 grâce à une localisation stratégique et un soutien public, selon un rapport de l’UNIDO du 15 janvier 2024. « Les parcs réussis connectent les agriculteurs aux chaînes de valeur », explique un expert. En RDC, le sol inadapté, l’insécurité et la corruption ont tout saboté.

Pour une relance durable, Floribert Kabayu, expert en économie agricole, plaide pour une acquisition foncière transparente, des études pédologiques sérieuses, une gouvernance rigoureuse et une sécurisation du site. Carlos Ngwapitshi Ngwamashi, auteur d’un livre sur le fiasco, propose une justice négociée pour récupérer les fonds détournés. « Bukanga Lonzo peut réussir si nous apprenons de nos erreurs », insiste-t-il. La FAO, dans un rapport de 2023, souligne l’importance d’impliquer les petits agriculteurs pour maximiser l’impact.

Un pari sur l’avenir

Bukanga Lonzo, c’est l’histoire d’espoirs brisés et d’ambitions démesurées. L’annonce, le 30 mai 2025, d’une nouvelle relance avec un audit et un modèle repensé ravive l’espoir d’une autosuffisance alimentaire. Mais les défis sont colossaux : sécuriser le site, restaurer la confiance des communautés et garantir une gestion intègre. D’ici 2030, Bukanga Lonzo pourrait devenir un moteur de développement, à condition de tirer les leçons des échecs passés et des succès d’ailleurs. Pour l’instant, il reste un symbole d’opportunités gâchées, mais aussi un appel à repenser l’agriculture congolaise avec audace et responsabilité.

Heshima Magazine

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