Les autorités sanitaires congolaises ont confirmé début septembre 2025 un foyer d’Ebola dans la zone de Bulape, dans la province du Kasaï. Les premières analyses ont identifié le virus Zaire, la forme la plus virulente de la maladie. Au moment de cette annonce, plusieurs dizaines de cas suspects avaient été recensés, dont 31 décès. Des équipes de l’OMS, de Médecins Sans Frontières (MSF) et des services nationaux de santé ont été dépêchées sur place pour tenter de circonscrire la flambée.
Au cœur du Kasaï, la riposte s’organise comme une véritable course contre la montre. Dépistage, isolement des cas suspects, traçage des contacts et vaccination en « anneau » des personnes exposées et des professionnels de santé sont déployés pour freiner la propagation. Une première livraison de doses du vaccin Ervebo a déjà été acheminée vers le centre de l’épidémie, tandis que des plans sont en préparation pour renforcer les stocks si nécessaire. Cependant, la logistique reste précaire et les besoins en personnel, matériel et financement demeurent considérables.
La vaccination pour freiner la maladie
Un premier lot de 400 doses du vaccin Ervebo, prélevé sur le stock national de 2 000 unités conservé à Kinshasa, a été acheminé à Bulape, l’un des foyers principaux de l’épidémie. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il s’en est suivi livraisons sont prévues dans les localités touchées dans les prochains jours.
A ce jour, 523 professionnels de santé et contacts ont été vaccinés. En termes de suivi de la maladie, 943 personnes contacts avec les cas sont actuellement sous surveillance dans la zone de santé de Bulape. En ce qui concerne la prise en charge des malades, 16 patients reçoivent des soins et 2 personnes ont été déjà guéries et ont quitté le centre de traitement d’Ebola. « Malgré des avancées considérables enregistrées dans la réponse, nous sommes encore aux premiers jours de l’épidémie. Une action déterminée est essentielle pour consolider ces progrès, gagner du terrain contre le virus, arrêter sa propagation et protéger la population », a fait savoir le Dr Mohamed Janabi, Directeur régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique.
« Le vaccin est administré selon la stratégie dite de vaccination en anneau, visant à protéger les personnes les plus exposées après contact avec un patient confirmé », précise l’OMS. Il est également recommandé aux professionnels de santé et aux intervenants de première ligne susceptibles d’être en contact avec des malades. L’Ervebo est reconnu comme sûr et offre une protection efficace contre le virus Zaïre ebolavirus, identifié comme responsable de la flambée actuelle.
Le vaccin Ervebo a déjà démontré son efficacité lors de précédentes flambées en Afrique centrale, et la stratégie de vaccination en anneau – consistant à protéger les contacts directs et indirects des patients – demeure le pilier de la riposte. Cependant, la quantité de doses reste insuffisante face au risque d’extension, tandis que la chaîne du froid, les routes dégradées et l’insécurité compliquent considérablement la distribution. Les agences internationales lancent un appel urgent à un renfort rapide en personnel et en ressources afin de contenir l’épidémie avant qu’elle ne se propage vers d’autres zones, notamment les régions frontalières avec l’Angola, identifiées comme particulièrement vulnérables.
Des écoles toujours fermées
Dans le territoire de Mweka, épicentre de l’épidémie, les activités scolaires restent suspendues. Selon les chiffres officiels, la maladie a déjà fait 28 victimes. « Pour l’instant, les cours n’ont pas repris dans les cinq sous-divisions de Kasaï 2. Nous continuons de suivre l’évolution des cas. Dès que la situation sera maîtrisée, les écoles rouvriront », a déclaré Mike Alfred Kakunda, responsable de la communication du comité local de riposte contre Ebola à Mweka. Dans un entretien avec Actualite.cd, il précise que la reprise des classes sera envisagée dès que les patients auront quitté les centres de traitement, afin de limiter la propagation du virus parmi les élèves.
Pratiques culturelles et défi de confiance…
Le Kasaï, marqué ces dernières années par des épisodes de violence et des déplacements massifs, voit ses services affaiblis et la confiance entre communautés et institutions érodée. Les enterrements traditionnels, où le contact avec le défunt est un rite incontournable, peuvent devenir un vecteur de transmission si aucune mesure sécurisée n’est appliquée. Sur le terrain, les équipes de sensibilisation, souvent composées d’agents locaux, adaptent leurs messages en s’exprimant dans les langues locales et en associant les chefs coutumiers afin que les recommandations sanitaires soient comprises et acceptées. Certains soignants témoignent des difficultés à convaincre les familles de respecter les mesures : certains refusent de laisser un proche malade être pris en charge, craignant que l’hôpital ne soit une « boîte à morts ». Ces résistances compliquent l’identification et la protection des contacts, rappelant que sans confiance, toute campagne de santé publique se heurte aux réalités d’un vécu collectif profondément marqué.
Une 16ème épidémie en RDC
Le virus Ebola, identifié pour la première fois en 1976 en République démocratique du Congo, alors Zaïre, frappe à nouveau le pays. L’épidémie actuelle au Kasaï constitue la 16ᵉ depuis l’apparition de la maladie. La précédente avait sévi en 2022 à Beni, dans le Nord-Kivu. La transmission se fait par contact avec les fluides corporels, et les principaux symptômes incluent fièvre, vomissements, saignements et diarrhées. Les personnes infectées ne deviennent contagieuses qu’après l’apparition des symptômes, après une période d’incubation de 2 à 21 jours. Cette fièvre hémorragique a fait plus de 15 000 morts en Afrique au cours des cinquante dernières années, la plus meurtrière en RDC ayant eu lieu entre 2018 et 2020, avec près de 2 300 décès pour 3 500 malades.
Pour cette nouvelle flambée, le premier cas a été signalé le 20 août : une femme enceinte de 34 ans admise à l’hôpital. Selon l’OMS, le taux de mortalité est estimé à 34,6 %. À Bulape, Médecins Sans Frontières rapporte que les premiers patients traités à l’hôpital général de référence de Bulape, à Mweka, ont désormais été déclarés guéris et ont pu regagner leur domicile, témoignant de l’efficacité de la prise en charge médicale.
Lors des flambées précédentes, le taux de mortalité avait oscillé entre 25 % et 90 %. L’OMS évalue que le risque sanitaire de l’épidémie actuelle est élevé au niveau national, modéré à l’échelle régionale et faible au plan mondial.
Les autorités de riposte insistent sur trois priorités : renforcer la surveillance et les capacités des laboratoires pour confirmer rapidement les cas, assurer un approvisionnement suffisant en vaccins et en matériel médical, et intensifier la communication de proximité afin de restaurer la confiance des communautés. Sans ces mesures, l’organisation met en garde : l’épidémie pourrait s’étendre et raviver de douloureux traumatismes collectifs.
La résurgence du virus Ebola en RDC peut s’expliquer par plusieurs facteurs, souvent imbriqués, qui rendent le contrôle et la prévention particulièrement difficiles. Il existe des cas documentés où des personnes qui avaient survécu à Ebola conservent le virus dans certains tissus de leur corps (testicules, œil, etc.). Parfois le virus peut « ressortir » et conduire à de nouveaux cas. Cela complique la fin définitive d’une épidémie et de la maladie dans une zone géographique précise.
Heshima