Economie
RDC : la descente aux enfers du géant des années 70
La RDC, dont l’économie reste très dépendante du secteur minier, soumise aux aléas des cours internationaux, est un Etat qui reste en situation de fragilité. Les perspectives de croissance pour 2021 et 2022 sont toutefois plus favorables. Courant 2019, la baisse des cours des matières premières avait fortement fragilisé son cadre économique au point de nécessiter l’intervention d’urgence du FMI.
Published
4 ans agoon
By
RedactionH
L’économie de la République démocratique du Congo, après une période de relatif dynamisme économique, a subi une sévère dépression dans le milieu des années 1980 et 2000, liée aux guerres civiles. Avec une croissance économique de 8,2 % en 2008 et de 2,7 % en 2009, la RDC a ensuite été l’un des pays d’Afrique les plus touchés par la crise de 2008-2009.
Entre 2010 et 2015, le pays a connu une croissance moyenne de 7,9 % avec un pic de 9,2 % en 2014 et une inflation largement maîtrisée. Avec la chute du prix des matières premières et la crise politique en 2016, le taux de croissance n’était plus que de 2,4 % avant de remonter à 3,4 % en 2017. Malgré cela, la RDC se modernise rapidement et affiche une évolution positive dans le développement de l’IDH en 2016. De nombreux projets ont renforcé le système de santé notamment maternelle et infantile, ont amélioré l’accès à l’électricité et l’approvisionnement en eau notamment dans le cadre de programmes de réhabilitation urbaine et sociale.
Après l’indépendance, les quotas à l’importation renforcent l’industrie nationale. Entre 1960 et 1970, l’histoire économique est marquée par des problèmes politiques (éclate ment des structures politiques et effondrement administratif) et les problèmes de cours des matières premières. Si la colonisation a légué au nouvel État une économie productive et équipée, la croissance ne suit pas. Elle s’était arrêtée dès la fin de 1957, provoquée surtout par des récessions conjoncturelles, une baisse des investissements privés et la fuite massive des capitaux. Le Congo commence son cycle de problèmes économiques et géopolitiques. L’économie résiste malgré tout, grâce au dualisme économique et à la prédominance du secteur étranger.
Les années Mobutu
À cause de l’important potentiel du pays, la corruption s’est très tôt installée, sous le régime de Mobutu Sese Seko (1965-1997), avec une mainmise du pouvoir sur l’économie pour en détourner les profits dans le cadre d’un enrichissement personnel. La désorganisation du pays était telle qu’au début des années 1990, l’économie souterraine du Zaïre était estimée à trois fois le montant officiel du PIB.

Accord de 2007 avec la Chine
Après un voyage à Pékin du ministre des infrastructures Pierre Lumbi en 2007, la Chine a annoncé en septembre 2007 un accord de crédit portant sur 8,8 milliards de dollars, ayant pour objectif premier la réanimation du secteur minier.
En contrepartie de l’exploitation des ressources minières (cuivre, cobalt et or), la Chine s’engage ainsi à construire les infrastructures du pays (routes, liaison optique au West Africa Cable System, hôpitaux, universités, logements, etc.). La convention de troc prévoit 6,3 milliards d’euros d’investissement, dont 4,2 destinés au développement des infrastructures et 2,1 à la relance du secteur minier, la maîtrise d’ouvrage incombant à une société mixte, la Sicomines, dont la RDC détiendra 32 % des parts. Les chantiers sont confiés à la China Railway Engineering Corporation et à la Sinohydro Corporation. Le FMI a critiqué l’engagement chinois, y voyant officiellement un alourdissement de la dette publique.
Énergie
La riche hydrographie de la RDC lui confère un potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 MW, soit 13 % du potentiel hydroélectrique mondial. La puissance installée totale est évaluée actuellement à 2 516 MW, soit 2,5 % du potentiel total pour une production moyenne possible de 14 500 GWh. La production effective n’est actuellement que de 6 000 à 7 000 GWh. L’hydroélectricité représente 96 % de la production d’électricité, les 4 % restants étant fournis par des centrales thermiques de faible puissance situées, pour la plupart, dans des zones isolées. Les barrages d’Inga, sur le fleuve Congo, sont la principale source de production d’énergie hydroélectrique.
Cet ensemble comprend aujourd’hui deux centrales ayant une puissance totale de 1 775 MW (Inga I avec 6 groupes totalisant 351 MW, Inga II avec ses huit groupes totalisant 1 424 MW). Dans son état définitif, le complexe d’Inga fournirait plus de 25 % de la production mondiale d’énergie électrique d’origine hydraulique. Depuis plusieurs années, le projet d’un Grand Inga a été envisagé, il s’agit d’un barrage qui utiliserait toute la puissance du fleuve Congo. Dans le cadre du Nepad, le site d’Inga a été retenu pour un projet d’interconnexion des réseaux sur toute l’Afrique et même l’Europe a été pensé21. Un autre projet, le Western Power Corridor (WESTCOR) sur le même site, cette fois-ci pour l’intégration sous-régionale de la zone de la SADC pour la production et le transport de l’énergie électrique, existe. Ce projet pourrait générer 5 milliards de USD chaque année une fois complètement outillé au tarif d’aujourd’hui.
Télécommunications
Le secteur des télécommunications se développe avec l’expansion de la téléphonie mobile qui permet de relier les principales villes du pays grâce au système GSM. La forte augmentation des abonnés (de quelques milliers seulement au début de la décennie à plus de 6 500 000 en 2007) a eu un impact important sur le PIB. Cette course effrénée vers la téléphonie mobile a presque inondé le marché congolais des sociétés des télécommunications (téléphonie fixe comme mobile). Cette forte demande se révèle être une part importante du PIB, mais également une offre importante qui a tiré vers le bas le taux de chômage important du pays.

Bien qu’abritant le siège de l’Union Panafricaine des Télécommunications, la RDC ne dispose pas d’un réseau de téléphonie publique. D’ailleurs, ce secteur longtemps sous le contrôle de l’État n’était pas compétitif. C’est en 1986 qu’on assiste à la naissance de la première firme de téléphonie cellulaire qui s’est vue attribuée la totalité de la gamme de fréquences utilisables et même d’un préfixe réservé à l’extension ultérieure de l’office des PTT. Quatre années après, le gouvernement décide de libéraliser. En 2003, la population congolaise s’ouvre au monde grâce, cette fois-ci, à la téléphonie cellulaire. Et depuis, des opérateurs de téléphonie cellulaire se sont multipliés.
Le public congolais a eu connaissance d’internet vers les années 95, au travers d’initiatives privées (quelques cy bercafés ont vu le jour). Cependant, une décennie après, l’Internet en RDC reste un luxe pour la majorité de la population dont le revenu est faible.
Industrie
Le secteur industriel n’a contribué que pour 5,6 % au PIB en 2003. Autrefois important, il est actuellement composé de quelques petites usines dans le textile, l’agroalimentaire, la chimie et le secteur des biens d’équipement. Toutes les branches de production ont souffert de la crise qui frappa le pays. Les industries manufacturières ont été coupées de leurs sources d’approvisionnement en matières premières et de leurs débouchés en produits finis; elles n’utiliseraient qu’entre 15 et 17 % des capacités productives installées31.
Le secteur secondaire est très peu développé et caractérisé par une forte présence de l’État, marginalisant ainsi le secteur privé. La plupart des sociétés sont publiques ou à participation mixte, avec souvent une participation majoritaire de l’État. Malgré le processus de privatisation en cours (programme PMPTR), l’État reste le principal opérateur dans la plupart des secteurs économiques comme l’énergie, les mines, les forêts, l’hydraulique, le transport et le bâtiment. La république démocratique du Congo se lance dans la mise en place de zones économiques spéciales pour encourager la renaissance de son industrie.
La première ZES devrait voir le jour en 2012 dans la commune kinoise de N’Sélé et sera consacrée aux agro-industries. Les autorités congolaises prévoient déjà d’en ouvrir une autre dédiée aux industries minières (dans le Katanga) et une troisième consacrée aux cimenteries (dans le BasCongo). Le secteur des services est dominé par les transports et les télécommunications. Timidement, il a commencé à attirer des investisseurs. Le secteur tertiaire a représenté 27,9 % du PIB en 2005 et affiché un taux de croissance réel de 7,8 %, essentiellement dû aux bonnes performances des transports, des télécommunications et des services financiers36. Si le conflit a fortement détérioré la qualité des infrastructures routières, fluviales et ferroviaires, la reprise amorcée en 2003/04 a soutenu la demande de transports en commun dans les grandes villes.
Secteur informel
L’économie de la République démocratique du Congo est aujourd’hui bien plus pauvre qu’elle ne l’était à l’indépendance. La désorganisation de l’offre et l’érosion presque continue de la demande l’ont entraînée depuis les années 1970 dans une spirale négative, provoquant l’informalisation de secteurs entiers, voire leur « criminalisation », jusqu’à ce que le pays s’installe dans une économie de guerre à la fin des années 199037. En 1990, selon un Rapport de la Conférence nationale souveraine (CNS), le secteur informel représentait près de 60 % des activités économiques. Douze ans après, il est évident que ce pourcentage représente plus de 80 % des activités. Selon les statistiques du BIT la population œuvrant dans l’économie informelle est estimée à 19 871 347 personnes soit 72 % de la population en âge actif. La part de l’économie informelle dans la création d’emplois s’est accrue continuellement au point de devenir le « secteur dominant » de la République démocratique du Congo. L’économie informelle en RDC revêt plusieurs formes.

Bien que le volume de production de ce secteur a grandement augmenté, le secteur informel congolais ne joue pas un rôle essentiel dans l’économie nationale, fournissant des revenus minimum à ses employés.
Secteur privé
Le secteur privé a évolué, depuis environ trois décennies, dans un environnement particulièrement difficile. En effet, depuis les années 1970, les effets conjugués de l’effondrement des cours de cuivre et du crash pétrolier sur l’économie, les mesures suicidaires de Zaïrianisation et de la radicalisation, ainsi que des grèves régulières et un climat d’insécurité généralisé des années 1990 ont contribué à briser l’essor des secteurs productifs, en installant un climat de méfiance, particulièrement auprès des opérateurs économiques expatriés, entraînant ainsi la fuite de capitaux.
Les pillages de 1991 et 1993 ainsi que les guerres de 1996 et 1998 et autres conflits armés ultérieurs ont également conduit à la destruction de l’outil de production et ont eu comme corollaire le découragement des investisseurs étrangers et le tarissement de l’aide publique au développement, principale source de financement de l’investissement public. L’on constate à la même période un recul de l’investissement de 13 % en 1990 à 4,4 % en 2000. Il en résulte la perte d’emplois et la baisse des revenus, à la suite de la fermeture d’un nombre important d’entreprises accentuant ainsi le chômage et la pauvreté dans le pays. En 2005, le taux d’activité s’est situé à 63,1 % au niveau national dont 50,8 % en milieu urbain et 68,1 % en milieu rural. La prédominance des emplois dans la petite entreprise familiale agricole met en exergue la fragilité du marché du travail et les difficultés des conditions de vie des ménages.
Les petites et moyennes entreprises sont confrontées à un environnement politique et économique défavorable ainsi qu’à un cadre réglementaire inadapté et mal appliqué. Cette situation les a mises dans un état d’essoufflement et a conduit à une forte baisse de leur activité.
La plupart des PME et PMI ont été créées dans le but d’exploiter les opportunités que présente un environnement protectionniste. Au stade actuel de la mondialisation, de libéralisation de l’économie et d’intégration régionale, ces PME et PMI souffrent d’un manque de compétitivité face aux produits extérieurs à cause des difficultés d’approvisionnement et l’étroitesse du marché national/local. Par ailleurs, depuis déjà des années, le patronat congolais, regroupé au sein de la Fédération des Entreprises du Congo, se présente comme l’institution représentant le secteur privé congolais.
Position extérieure
La République démocratique du Congo participe aux efforts de libéralisation au sein de plusieurs organisations économiques régionales auxquelles elle appartient, telles que la CEEAC, le COMESA et la SADC. Elle fait également partie des pays bénéficiant de tarifs commerciaux préférentiels avec les États-Unis dans le cadre de l’AGOA, et avec l’Union européenne dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes ». Par ailleurs, les autorités ont engagé une réforme de l’office des douanes et mis en place un guichet unique depuis un certain temps, au port de Matadi, pour faciliter les formalités et permettre un meilleur contrôle des recettes fiscales de l’État.
Les exportations ont chuté d’1,5 milliard de dollars en 1996 à environ 800 millions en 1999. Malgré la progression enregistrée depuis 2000, les exportations, représentant 1,3 milliard de dollars en 2003, n’ont pas encore retrouvé le niveau des années 1990. Cependant, depuis 2001, la part des exportations dans le PIB s’est accrue, de 13,3 % en 2001 à 27 % en 2004. Parallèlement, la part des importations est en forte hausse (passée de 12 % du PIB en 2001 à 27,4 % en 2004), traduisant la reprise des investissements d’infrastructures et la mise en place du réseau GSM. Cette évolution a entraîné un déficit commercial, qui s’élevait à plus de 0,4 % du PIB en 2004.
En 2003, les flux d’investissements étrangers ont atteint 132 millions de dollars et représentaient 23,6 % de la formation brute de capital fixe. Les IDE (investissements directs étrangers) en RDC se sont élevés à 500 millions de dollars en 2006, contre 405 millions en 2005 et une moyenne annuelle de seulement 5 millions entre 1990 et 2000. Les investisseurs étrangers, plus particulièrement les Chinois et les Sud-Africains, ont diversifié leurs placements dans le secteur minier mais également dans celui de l’énergie et le secteur bancaire39. Avec le retour de la paix et le succès des élections, les montants d’IDE devraient encore augmenter. Déjà, il y a décrispation au niveau des investisseurs. Ils viennent de plus en plus nombreux et divers.
Par ailleurs, l’aide publique au développement a repris progressivement depuis 1999, et le soutien financier de la communauté internationale est l’une des clés du redressement économique. Le FMI a accordé un prêt de 750 millions de dollars dans le cadre de la FRPC (Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance) sur la période 2002-2005, et la Banque mondiale un prêt de 450 millions de dollars dans le cadre de son ERC (Crédit pour la reprise économique), 214 millions ayant été approuvés en septembre 2003 et 200 millions en février 2004. En 2004, l’aide extérieure dépassait un milliard de dollars, dont près des deux tiers provenaient des institutions multilatérales.
Rôle de l’État
En 1966, les puissantes industries minières du Kasaï et du Katanga ont été nationalisées. C’est alors l’âge d’or du Congo, maintenant indépendant : en 1967, 1 franc congolais vaut alors 2 dollars américains, les écoles publiques se développent et l’exode rural s’accélère. À partir de 1973, le pays est touché par une crise économique aiguë, due à l’effondrement des cours de cuivre et au crash pétrolier. La corruption se généralise et l’inflation devient galopante, tandis que Mobutu privatise de nombreuses entreprises à son nom ou aux noms de ses proches.
Etant donné l’insuffisance de préparation de nouveaux propriétaires de biens économiques et financiers, on assiste à une véritable hécatombe : les entreprises connaissent le lock-out les unes après les autres (zaïrianisation et radicalisation). Ce sombre tableau se verra complété par des grèves régulières et un climat d’insécurité généralisé qui ne va commencer à s’estomper qu’au début du nouveau millénaire. Ces multiples et diverses causes vont pousser les nouvelles institutions (Gouvernement de transition) à penser à de nouvelles formes d’intervention d’État pour renverser la vapeur. Parmi les structures enfantées par celles-ci, avec l’appui de leurs partenaires, on retrouve COPIREP, BCECO et autres.
Le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP), structure mise en place aux termes des Décrets no 136/2002 du 30 octobre 2002 et 04/047 du 20 mai 2004, est le conseil du Gouvernement, chargé de conduire la politique de la réforme des entreprises publiques (surtout dans les secteurs considérés rentables pour l’État : mines, énergie, transports, télécommunications et finances).
L’offensif du gouvernement se traduit par une recherche permanente des ressources et de partenariat pour ainsi combler, mieux répondre efficacement aux besoins de son économie. De ce fait, après la Chine, le pays se rapproche des autres pays dits émergents, notamment le Brésil et l’Inde.
Politique économique
En dépit de la succession des programmes de stabilisation, force est de constater que le recul de la production et l’aggravation des déséquilibres interne et externe ont persisté. Ce qui soulève, bien entendu, la question pertinente tant de l’opportunité que de l’efficacité de ces programmes. Sur ce dernier point, certains analystes ont soutenu que le peu de succès rencontré par les programmes de stabilisation dans les années 1970 et 1980 tiendrait au caractère fragile et irréaliste de leurs objectifs, car ils étaient « axés essentiellement sur le rétablissement des équilibres financiers et accessoirement sur la relance de l’appareil de production ».
Depuis déjà des années, le gouvernement a pris de nouvelles orientations à travers une gamme de mesures d’ajustement économique portée successivement par le Programme Intérimaire Renforcé (PIR) et le Programme Économique du Gouvernement (PEG) mises en œuvre respectivement en 2001 et 2002. Ses différentes politiques macroéconomiques augurent des perspectives prometteuses. Le changement de la contre-performance économique de la décennie 90 en performance économique, le retour sur le sentier de la croissance économique, la relative stabilité des prix et du taux de change sont autant d’éléments à enregistrer dans le compte de ces politiques. Et « progressivement, on y assiste à la reprise de la coopération structurelle avec ses principaux partenaires au développement ; en même temps qu’arrivent de plus en plus d’investisseurs potentiels désireux de s’installer dans le pays ». Pour certains économistes congolais, cette situation positive est à la fois le résultat de la stabilité macroéconomique, conjuguée avec les effets des réformes structurelles ainsi que les dividendes de la paix retrouvée.
En revanche, la situation économique de la RDC demeure encore précaire, comme peuvent en témoigner des déficits budgétaires du dernier trimestre de l’année passée. Et le pays occupe, en 2008 selon la Banque mondiale, la 178e position, c’est-à-dire la dernière place, sur la liste des pays du monde considérés d’après leurs capacités à offrir de réelles facilités de faire des affaires.
Raymond Befonda
You may like
-
Assemblée nationale : une session de mars potentiellement explosive
-
L’économie congolaise déjà impactée par la guerre
-
Opposition en RDC : Kabila, Katumbi et Fayulu, un front uni pour préserver la Constitution ?
-
Thérèse Kayikwamba, la « Kimpa Vita » de la diplomatie congolaise
-
Autosuffisance alimentaire Lovo, la nouvelle pépite du Service national
-
RDC : Goma assiégée par l’armée rwandaise, Washington promet des sanctions
Economie
Subventions coûteuses du carburant en RDC : le prix à payer pour stabiliser les prix
Published
4 semaines agoon
août 22, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) maintient depuis plusieurs années une politique de subvention massive des prix du carburant afin de préserver la stabilité à la pompe et le pouvoir d’achat des ménages. Mais cette stratégie, saluée pour son impact social immédiat, exerce une pression considérable sur les finances publiques, alerte la Banque mondiale dans son dernier rapport. En pratique, ce mécanisme creuse l’endettement de l’État, qui cumule des arriérés de plusieurs centaines de millions de dollars envers les importateurs. Une situation qui inquiète les institutions financières internationales, à commencer par celles de Bretton Woods.
Dans son rapport sur la situation économique en RDC, rendu public fin juillet, la Banque mondiale a alerté sur les risques de détérioration de l’économie congolaise, notamment en raison du conflit qui perdure dans l’est du pays. Parmi les menaces identifiées figure la subvention des manques à gagner accordée aux pétroliers.
En compensant ces pertes, Kinshasa vise à maintenir un prix bas à la pompe pour les consommateurs. L’État intervient ainsi pour éviter une flambée des tarifs, dans un contexte où le taux de change pénalise les importateurs et où les coûts logistiques et macroéconomiques restent élevés. Sans ces aides, le litre d’essence avoisinerait 5 300 à 5 400 francs congolais. Mais l’impact sur l’économie et les finances publiques est jugé préoccupant par l’institution financière internationale. Un mois plus tôt, le FMI avait déjà mis en garde le gouvernement contre les risques liés à cette politique de subvention.
Une dépense de 300 millions USD en 2024
Selon la Banque mondiale, les subventions directes au carburant ont coûté environ 300 millions de dollars à l’État congolais en 2024. D’après les chiffres transmis par le gouvernement au FMI, 288 millions de dollars ont été remboursés cette année-là au titre d’arriérés partiels datant de 2023.
En 2025, près de 270 millions supplémentaires ont été versés pour solder le solde de la dette de 2023 ainsi que les créances des deux premiers trimestres de 2024. Ces deux plus gros remboursements ont été effectués grâce à des prêts bancaires syndiqués : 145 millions de dollars débloqués en février 2024 et 214 millions en novembre 2024. À cela s’ajoute un manque à gagner fiscal estimé à 86,8 millions de dollars par an, soit environ 0,1 % du PIB, selon les autorités citées par la Banque mondiale.
Les subventions perturbent les finances du pays
Si elles permettent de maintenir la stabilité des prix à la pompe, les subventions pétrolières pèsent lourd sur les finances publiques. En 2022, plus de 400 millions de dollars ont été déboursés par le gouvernement à ce titre, alors que seulement 80 millions étaient inscrits au budget. Le ministre des Finances de l’époque, Nicolas Kazadi, expliquait alors que l’enveloppe prévue ne suffisait pas à apurer la dette de l’État envers les opérateurs pétroliers.
Depuis plus de trois ans, le FMI exhorte Kinshasa à réformer ce système jugé trop coûteux. Pour sa part, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, défendait ces subventions, arguant qu’elles visent à contenir les prix des biens et services. « 40 % du prix du carburant que vous consommez est payé par l’État. Lorsque le carburant prend l’ascenseur, tout prend l’ascenseur. En contenant son prix, nous agissons directement sur le quotidien des ménages », expliquait-il en 2022.
Parmi les pistes envisagées figure la mise en place d’un cadre permettant d’ajuster les prix des carburants en fonction de leurs coûts réels. Mais, selon le dernier rapport de la Banque mondiale, ce mécanisme « n’est pas pleinement appliqué », ce qui maintient des tarifs artificiellement bas et creuse les dépenses publiques. D’où la nécessité, selon Mercedes Vera Martin, cheffe de mission du FMI pour la RDC en 2022, de réformer ce système de subventions afin d’en limiter le coût et de le remplacer par des aides ciblées en faveur des ménages les plus vulnérables. Elle préconisait alors de réorienter ces fonds vers les besoins prioritaires : santé, éducation et investissements dans des infrastructures essentielles.
Des coûts des subventions allégés en 2025
En août 2024, le vice-Premier ministre et ministre de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, estimait que l’État congolais supportait un manque à gagner mensuel d’environ 15 millions USD pour maintenir les prix des carburants. Ce déficit, qui avait atteint près de 40 millions USD par mois, a été sensiblement réduit. Concrètement, le gouvernement prend en charge entre 2 100 et 2 300 francs congolais par litre, afin que le prix payé par l’usager reste autour de 3 500 FC, alors que le coût réel se situe entre 5 300 et 5 400 FC.
Selon les chiffres publiés en mai 2025, les manques à gagner liés aux subventions se sont établis à 31,5 millions USD pour l’ensemble de l’année 2024, soit une baisse de 89 % par rapport aux 288 millions USD enregistrés en 2023. Pour le premier semestre 2024, la dépense s’élevait à environ 16 millions USD, un montant similaire ayant été constaté au second semestre.
« Le FMI salue les efforts du gouvernement congolais dans la réduction des pertes et manques à gagner (PMAG) du secteur pétrolier : –89 % entre 2023 et 2024 », a indiqué le compte X du ministère de l’Économie nationale. « Nous avons observé une diminution significative de ces pertes, avec un impact très positif sur les finances publiques. Nous encourageons le gouvernement à poursuivre ses efforts », déclarait en mai dernier Calixte Ahokpossi, chef de mission du FMI pour la RDC.
Lutte pour la fin des subventions structurelles
Ces avancées s’inscrivent dans le cadre des efforts visant à assainir et rationaliser les subventions pétrolières, afin d’assurer une gestion plus efficace et transparente des finances publiques. En 2022, un audit de la Structure des prix des produits pétroliers (SPPP) avait été confié au cabinet Mazars. Avant même la publication de ses conclusions en 2023, le gouvernement avait engagé, dès avril 2022, des mesures proactives pour contenir les dépenses publiques, notamment en excluant le secteur de l’aviation internationale de la liste des bénéficiaires.
En octobre 2023, cette rationalisation a été étendue au secteur minier, qui représentait près de 20 % des manques à gagner. À long terme, l’exécutif entend réduire progressivement l’écart entre les prix de marché et les prix de vente au détail, dans l’objectif de mettre fin aux subventions structurelles sur les produits pétroliers.
Heshima
Economie
RDC : André Wameso, un stratège économique à la tête de la BCC
Published
2 mois agoon
juillet 28, 2025By
La redaction
Le 23 juillet 2025, le président Félix Tshisekedi a nommé André Wameso au poste de gouverneur de la Banque Centrale du Congo (BCC), succédant à Malangu Kabedi Mbuyi. Cette nomination marque un tournant important pour l’institution monétaire du pays, alors que la République démocratique du Congo (RDC) fait face à des défis économiques persistants. Qui est André Wameso, et pourquoi Tshisekedi l’a-t-il choisi pour cette position clé ? Heshima Magazine revient sur ce changement à la tête de la plus grande institution financière du pays.
Un parcours riche en expérience
André Wameso, la cinquantaine révolue, originaire de Songololo dans le Kongo-Central, est un économiste de formation. Il est diplômé en ingénierie commerciale avec une spécialisation en finance de l’Université Catholique de Louvain en Belgique, une institution réputée pour son excellence académique. Sa carrière professionnelle débute dans le secteur bancaire européen, où il occupe le poste de directeur de l’audit interne chez Dexia (aujourd’hui Belfius) en Belgique. À ce titre, il supervise les contrôles internes, la conformité et l’évaluation des risques à l’international, développant une expertise pointue en gestion financière. De retour en RDC, Wameso rejoint Rawbank, l’une des principales banques commerciales du pays, en tant que directeur du risque, consolidant ainsi son expérience dans le secteur bancaire congolais.
Au-delà de ses réalisations dans le privé, Wameso s’est distingué dans l’administration publique. Avant sa nomination à la BCC, il occupait depuis avril 2021 le poste de directeur de cabinet adjoint du président Tshisekedi, chargé des questions économiques et financières. Auparavant, il était l’un des cinq ambassadeurs itinérants du chef de l’État, chargé de missions diplomatiques et économiques à travers le monde. Élu député national lors des dernières élections législatives, il choisit de ne pas siéger à l’Assemblée nationale pour conserver ses responsabilités au sein du cabinet présidentiel, démontrant son engagement envers les priorités économiques de Tshisekedi.
Wameso a également joué un rôle dans la révision du contrat sino-congolais, un dossier stratégique suivi par l’Inspection générale des Finances, renforçant son image de technocrate rigoureux.
Un choix stratégique de Félix Tshisekedi
La nomination de Wameso à la tête de la BCC n’est pas un simple changement de personnel, mais un signal politique fort, comme l’a souligné un proche du sérail du pouvoir dans un post sur le réseau social X le 26 juillet 2025 : « Il ne s’agit pas d’un simple remplacement, mais d’un signal politique fort. » Cette décision s’inscrit dans un contexte où l’économie congolaise est confrontée à des enjeux complexes, mêlant défis internes et engagements internationaux. Wameso est perçu comme un collaborateur de confiance du président, doté d’une expertise technique et d’une expérience diplomatique précieuse.
Un élément central de son profil est son rôle clé dans la négociation de l’accord historique entre la RDC, les États-Unis et le Rwanda, signé à Washington le 27 juin 2025. Cet accord, visant à promouvoir la paix et la coopération économique dans la région des Grands Lacs, riche en minéraux critiques comme le coltan, positionne la RDC comme un acteur stratégique sur la scène internationale. Selon Reuters, cet accord « marque une percée dans les pourparlers et vise à attirer des milliards de dollars d’investissements occidentaux dans une région riche en cobalt ». Wameso, décrit comme un « négociateur central » par certaines sources, a démontré sa capacité à gérer des dossiers sensibles impliquant des enjeux géopolitiques et économiques.
Sa proximité avec le président Tshisekedi, combinée à son expérience dans la coordination des politiques économiques nationales, fait de lui un choix logique pour traduire les engagements internationaux en résultats concrets au niveau national. Cette nomination reflète également la volonté de Tshisekedi de placer des figures de confiance à la tête des institutions clés, comme le souligne Congoprofond.net, qui qualifie cette vague de nominations de « remaniement stratégique ».
Les défis de la BCC
La Banque Centrale du Congo fait face à des défis colossaux pour assurer la stabilité monétaire et financière de la RDC. Selon ses données, le taux d’inflation glissement annuel s’élevait à 7,882 % le 26 juillet 2025, une amélioration par rapport aux 11,3 % de fin 2024, mais toujours préoccupante. Cette baisse, rapportée par la Banque mondiale, résulte d’une meilleure gestion des réserves de change, portées à 2,5 mois d’importations en 2024 grâce aux investissements directs étrangers et aux financements extérieurs.
La stabilisation du taux de change reste une priorité. Le franc congolais (CDF) a subi une dépréciation de 8,7 % en 2024, selon la Banque mondiale, et le taux de change s’établissait à 1 USD = 2 874,8680 CDF le 25 juillet 2025, d’après la BCC. Cette volatilité affecte le pouvoir d’achat des Congolais et la confiance dans la monnaie nationale. La dollarisation de l’économie, où de nombreuses transactions sont effectuées en dollars américains, limite l’efficacité de la politique monétaire, comme le note Dac-presse.com : « Le franc congolais fait face à de multiples défis économiques, notamment l’inflation, le taux de change instable et la dollarisation de l’économie ».
Wameso devra également poursuivre les réformes institutionnelles initiées par sa prédécesseure, Malangu Kabedi Mbuyi, qui ont permis de réduire l’inflation de 23,8 % en 2023 à 6,2 % en 2024, selon Infos27.cd. Ces réformes incluent le renforcement de la gouvernance de la BCC et l’assainissement du système bancaire, des objectifs cruciaux pour répondre aux attentes du Fonds Monétaire International (FMI). Un rapport du FMI publié le 2 juillet 2025 souligne que « la BCC a maintenu une orientation restrictive de la politique monétaire, contribuant à ramener l’inflation à un chiffre pour la première fois en trois ans ».
Enfin, la coordination avec la politique budgétaire est essentielle, dans un contexte où le budget national dépend fortement du secteur minier (plus d’un tiers des recettes) et de l’aide extérieure, attendue à hauteur de 27 % en 2025, selon le Trésor français.
Wameso face aux attentes
Avec son bagage académique et son expérience professionnelle, André Wameso semble bien équipé pour relever ces défis. Son expertise en gestion des risques et en audit interne, acquise chez Dexia et Rawbank, sera précieuse pour renforcer la transparence et la crédibilité de la BCC. Sa participation à des dossiers stratégiques, comme la révision du contrat sino-congolais et l’accord RDC–USA–Rwanda, témoigne de sa capacité à naviguer dans des environnements complexes.
Sa proximité avec le pouvoir exécutif pourrait faciliter la coordination entre la politique monétaire et la politique budgétaire, un facteur clé pour maintenir la stabilité macroéconomique. Comme le note Zoom-eco.net, « la coordination entre les politiques budgétaires et monétaires sera cruciale pour maintenir cette tendance positive » en matière de contrôle de l’inflation.
Cependant, des critiques émergent, notamment sur les réseaux sociaux, où certains Congolais, comme Wini Sadewa sur X, questionnent la valeur ajoutée de Wameso : « N’était-il pas déjà dans le système ? Quelle réelle plus-value a-t-il apportée, concrètement ? Juste un poste ? » D’autres, comme Patrick Santu, doutent de son expertise spécifique pour diriger une banque centrale. Ces réserves reflètent une méfiance envers les nominations perçues comme politiques, un sentiment répandu dans un pays marqué par des décennies de gouvernance contestée.
Malgré ces critiques, le parcours de Wameso et son implication dans des dossiers stratégiques suggèrent qu’il a les compétences nécessaires pour diriger la BCC dans cette période critique. Son succès dépendra de sa capacité à mettre en œuvre des réformes audacieuses tout en répondant aux attentes élevées des Congolais et des partenaires internationaux.
Un cap pour la stabilité monétaire ?
La nomination d’André Wameso à la tête de la BCC est un choix stratégique de la part du président Tshisekedi, visant à placer un expert de confiance pour gérer les défis monétaires et économiques de la RDC. Avec son parcours riche et diversifié, Wameso est bien positionné pour stabiliser le franc congolais, contrôler l’inflation et renforcer le système bancaire. Toutefois, il devra faire face à des attentes élevées et à des critiques, tout en naviguant dans un environnement économique et politique complexe. Dans un pays où la souveraineté monétaire est aussi un levier de souveraineté politique, comme le souligne Daniel Kleber, Wameso a l’opportunité de marquer l’histoire de la BCC.
Heshima Magazine
Economie
Economie : Comment lutter efficacement contre l’évasion fiscale en RDC ?
Published
2 mois agoon
juillet 16, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC), riche en ressources naturelles, fait face à un défi de taille : l’évasion fiscale. Ce fléau prive le pays de milliards de dollars nécessaires pour financer les services publics et les infrastructures, exacerbant la pauvreté et freinant le développement. Alors que le gouvernement s’efforce de tirer parti de ses richesses minières, la lutte contre l’évasion fiscale devient une priorité nationale. Heshima Magazine explore la nature de l’évasion fiscale en RDC, son impact économique, ainsi que les mesures actuelles pour la combattre.
L’évasion fiscale se définit comme le non-paiement ou le sous-paiement illégal des impôts, souvent par des pratiques telles que la sous-déclaration des revenus, l’inflation des déductions ou l’utilisation de comptes offshore. En RDC, ce phénomène est particulièrement marqué dans le secteur minier, où les richesses en cuivre, cobalt et diamants attirent des acteurs cherchant à maximiser leurs profits au détriment du trésor public. Selon un rapport de Global Witness publié en 2017, entre 2013 et 2015, 750 millions de dollars de revenus miniers n’ont pas atteint le trésor national en raison de la corruption et de la mauvaise gestion. Ces fonds, détournés par des réseaux impliquant des agences fiscales et la société minière étatique Gécamines, illustrent l’ampleur du problème.
Le secteur minier n’est pas le seul concerné. Comme le souligne un rapport du Département d’État américain, les politiques fiscales et douanières inefficaces, combinées à des salaires publics chroniquement bas, favorisent un climat de corruption et de transactions clandestines, notamment dans les activités d’import-export. Cette situation est aggravée par la complexité du système fiscal, qui pousse plus de la moitié des entreprises interrogées à offrir des cadeaux aux agents fiscaux pour faciliter leurs démarches, selon un rapport de GAN Integrity publié en 2020.
L’impact de l’évasion fiscale sur l’économie congolaise
L’évasion fiscale a des conséquences dévastatrices sur l’économie de la RDC. Avec un ratio impôts/PIB de seulement 13,7 % en 2023, selon un rapport du Fonds Monétaire International (FMI) publié en juillet 2024, la RDC se situe bien en deçà de nombreux pays pairs. Ce faible ratio limite les ressources disponibles pour des secteurs cruciaux comme la santé, l’éducation et les infrastructures, dans un pays où 73,5 % de la population vivait avec moins de 2,15 dollars par jour en 2024, selon la Banque mondiale.
Le FMI estime qu’en améliorant les politiques et l’efficacité de la collecte fiscale, la RDC pourrait augmenter son ratio impôts/PIB de 10 points de pourcentage. Avec un PIB de 66,38 milliards de dollars en 2023, cela représenterait une augmentation des recettes fiscales de 9,09 milliards à environ 15,73 milliards de dollars, soit un gain potentiel de 6,64 milliards de dollars. Ces fonds pourraient transformer les perspectives de développement du pays, permettant des investissements dans des projets d’infrastructure et des programmes sociaux.
L’évasion fiscale aggrave également les inégalités. Comme l’a noté l’Africa Progress Panel dans un rapport de 2013, l’Afrique perd deux fois plus en flux financiers illicites qu’elle ne reçoit en aide internationale, une réalité particulièrement criante en RDC, où les ressources naturelles devraient être un moteur de prospérité pour tous.
Mesures actuelles et leur efficacité
Ces dernières années, la RDC a entrepris des réformes pour améliorer la mobilisation des recettes fiscales. Selon un communiqué du FMI publié en mai 2025, des progrès ont été réalisés dans le cadre du programme de la Facilité de Crédit Élargi, notamment grâce à une meilleure collecte de l’impôt sur les sociétés, en particulier dans le secteur extractif. Parmi les mesures phares, le gouvernement a introduit un système de facturation standardisé pour la TVA, visant à simplifier la collecte et à réduire les opportunités d’évasion. De plus, la Loi de Finances 2024, publiée par le ministère du Budget, a réduit le nombre de paiements anticipés d’impôts de quatre à trois, avec des échéances fixées au 1er août, 1er octobre et 1er décembre, pour faciliter la conformité des entreprises.
Cependant, l’efficacité de ces mesures reste limitée. La corruption endémique et la faible capacité de l’administration fiscale entravent leur mise en œuvre. Par exemple, un rapport de Reuters datant de 2014 a révélé que les entreprises opérant dans la province du Katanga devaient 3,7 milliards de dollars en droits de douane et amendes impayés entre 2008 et 2013, souvent avec la complicité des agents douaniers. De plus, la répression des lanceurs d’alerte, comme l’employé de l’agence fiscale nationale licencié en 2010 après avoir dénoncé une fraude fiscale à grande échelle, selon GAN Integrity, montre les défis structurels auxquels la RDC est confrontée.
Stratégies proposées pour lutter contre l’évasion fiscale
Pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, la RDC doit avant tout moderniser son administration fiscale. Cela passe par des investissements ciblés dans la formation et la rémunération des agents, afin de réduire les tentations de corruption. L’introduction d’outils numériques, comme les systèmes de suivi électronique des paiements, permettrait d’accroître la transparence et d’améliorer le rendement fiscal. Le FMI encourage d’ailleurs la mise en place rapide du système de facturation standardisé pour la TVA, qui pourrait considérablement limiter les fraudes liées à la sous-déclaration.
En parallèle, il est crucial de réviser le cadre légal. Une mise à jour des lois fiscales visant à combler les failles existantes, combinée à une application rigoureuse des sanctions contre les contrevenants, permettrait d’établir un environnement juridique plus crédible et dissuasif. Une justice fiscale impartiale renforcerait la confiance et réduirait les pratiques illicites.
Transparence et coopérations internationales
La transparence, notamment dans le secteur minier, est un autre pilier fondamental. La mise en place de systèmes de reporting en temps réel, appuyés par des audits indépendants, garantirait une meilleure traçabilité des revenus issus des ressources naturelles. La RDC, engagée dans l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), dispose d’un cadre international reconnu, mais son application reste encore trop timide et nécessite un engagement politique accru.
Sur le plan international, la coopération fiscale représente un levier non négligeable. Des traités signés avec des pays comme l’Afrique du Sud ou la Belgique, qui prévoient des taux réduits sur les dividendes, intérêts et redevances, facilitent l’échange d’informations fiscales et la détection des flux financiers suspects. Des accords bilatéraux plus ciblés, tels que celui conclu avec l’Angola en 2021, peuvent également contribuer à lutter contre la contrebande et améliorer la mobilisation des recettes aux frontières.
Promouvoir l’éducation fiscale et la culture de la conformité
Enfin, au-delà des dispositifs institutionnels, il est essentiel de sensibiliser les citoyens et les entreprises à l’importance du civisme fiscal. Informer sur les obligations fiscales, tout en mettant en lumière les bénéfices concrets des recettes collectées infrastructures, santé, éducation, peut contribuer à instaurer une culture durable de conformité. Des campagnes de communication adaptées, menées en plusieurs langues et via des canaux populaires comme les radios communautaires ou les réseaux sociaux, permettraient de mieux ancrer la fiscalité dans la conscience collective.
Le rôle de la coopération internationale
La coopération internationale est un pilier essentiel de la lutte contre l’évasion fiscale en RDC. Les traités fiscaux avec l’Afrique du Sud et la Belgique, comme mentionné dans un rapport de PwC publié en octobre 2024, permettent non seulement d’éviter la double imposition, mais aussi de partager des informations cruciales pour identifier les pratiques d’évasion. De plus, les accords bilatéraux signés en 2021 avec des pays comme le Qatar, la Namibie, la Zambie et l’Angola, selon le Département d’État américain, incluent des dispositions sur la fiscalité et les douanes qui renforcent la gestion des échanges transfrontaliers.
Le soutien des organisations internationales est tout aussi crucial. Le FMI et la Banque mondiale fournissent une assistance technique et des conseils politiques pour améliorer les systèmes fiscaux de la RDC. Par exemple, lors d’une rencontre en avril 2022 avec le sous-secrétaire américain au Trésor Brian Nelson, le ministre des Finances Nicolas Kazadi a discuté des réformes anti-blanchiment et de la lutte contre la corruption, selon un communiqué du Département du Trésor américain. Ces efforts internationaux renforcent la capacité de la RDC à s’attaquer aux flux financiers illicites.
Vers un système fiscal transparent ?
La lutte contre l’évasion fiscale en RDC exige une approche globale combinant des réformes internes et une coopération internationale. En renforçant l’administration fiscale, en augmentant la transparence, en mettant à jour les cadres légaux et en sensibilisant le public, le pays peut améliorer ses recettes fiscales et investir dans son développement. Comme l’a souligné le ministre des Finances Nicolas Kazadi dans une interview avec Financial Afrik en octobre 2023, « l’augmentation de la mobilisation des recettes grâce au renforcement des mécanismes de contrôle est une priorité du gouvernement ». Avec l’engagement de toutes les parties prenantes, la RDC peut progresser vers un avenir plus équitable et prospère, où les richesses de son sous-sol profitent à l’ensemble de la population.
Heshima Magazine
Trending
-
Nation3 semaines ago
Augmentation des recettes du budget 2026 : la DGI mise à contribution
-
Nation3 semaines ago
Rutshuru : quand le silence international devient complice d’un génocide rampant
-
International4 semaines ago
Kigali et les FDLR : un dialogue inter-rwandais pour en finir avec la crise en RDC est-il possible ?
-
Nation2 semaines ago
Union Sacrée : Tshisekedi remodèle son appareil politique
-
Economie4 semaines ago
Subventions coûteuses du carburant en RDC : le prix à payer pour stabiliser les prix
-
Nation1 semaine ago
Coupe du Monde 2026 : Nouvel espoir brisé pour la RDC, 51 ans après ?
-
Nation2 semaines ago
RDC : Constant Mutamba, son rêve de la présidentielle 2028 brisé ?
-
Nation1 semaine ago
RDC : des solutions face aux difficultés dans l’application du quitus fiscal