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Guerre dans l’Est de la RDC : face à l’inaction internationale, quelles options pour Kinshasa ?

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Depuis novembre 2021, la République démocratique du Congo (RDC) est en proie à une crise sécuritaire d’une ampleur inédite, exacerbée par la résurgence du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe rebelle soutenu par le Rwanda. Cette offensive militaire dans l’Est du pays ravive des tensions historiques et aggrave une crise humanitaire et économique déjà préoccupante. Profitant des faiblesses structurelles de l’État congolais et de l’inaction de la communauté internationale, le M23 étend son emprise sur des territoires stratégiques. Heshima Magazine se penche sur les tentatives diplomatiques du gouvernement congolais, explore la perception d’un complot international et examine les options qui s’offrent à Kinshasa.

Dès la reprise des hostilités en 2021, le M23 a exploité les vulnérabilités sécuritaires de l’Est de la RDC pour s’emparer de vastes zones stratégiques. Dans une région déjà fragilisée par des décennies de conflits et de gouvernance défaillante, les rebelles ont rapidement pris le contrôle de plusieurs villes et territoires clés. Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, a une nouvelle fois été la cible du M23, comme en 2012, provoquant des déplacements massifs de populations et une vague de panique. Bukavu, ville frontalière et centre névralgique du Sud-Kivu, est également tombée sous l’emprise des rebelles, privant la région de son rôle crucial en tant que hub commercial. Des localités comme Rutshuru, Kiwanja, Rubaya, une partie de Masisi et Bunagana ont également été conquises, illustrant l’ampleur de l’expansion du M23 dans une région riche en ressources minières, notamment le coltan et d’autres minerais stratégiques.

Cette occupation ne se limite pas à une simple prise de contrôle militaire. Le M23 a mis en place une administration parallèle, instaurant des règles fiscales, un système de taxation sur l’exploitation minière et un dispositif de sécurité propre, préfigurant de manière inquiétante la structuration d’un État. Cette organisation permet aux rebelles de financer leur offensive grâce à l’exploitation des ressources naturelles et de tenter de renforcer leur légitimité auprès des populations locales.

Les tentatives diplomatiques

Face à l’expansion rapide du conflit dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), le gouvernement congolais, sous la conduite de sa ministre des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a déployé une série d’initiatives diplomatiques visant à contenir l’offensive des rebelles du M23 et à isoler le Rwanda sur la scène internationale. En dépit des efforts soutenus à l’échelle régionale et mondiale, impliquant des acteurs tels que l’Union africaine, les Nations unies et diverses négociations bilatérales et multilatérales, les tentatives de Kinshasa ont, jusqu’ici, échoué à endiguer l’avancée des groupes armés et à obtenir des sanctions contraignantes contre Kigali.

Dans ce cadre, le gouvernement congolais a multiplié les sommets régionaux. La RDC a ainsi sollicité des discussions au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), mais les résultats se sont révélés insuffisants. L’un des moments clés a été la rencontre de Luanda, en Angola, où des pourparlers ont été lancés pour instaurer un cessez-le-feu et négocier le retrait des forces rwandaises, principaux soutiens du M23. Cependant, ces démarches ont été vite paralysées par des divergences de fond. La position de Kigali, qui insiste pour un dialogue direct avec les rebelles du M23, se heurte à l’opposition ferme de Kinshasa, qui refuse catégoriquement de négocier avec des groupes armés.

Thérèse Kayikwamba Wagner a exprimé fermement la position de son pays lors de son intervention devant le Conseil de sécurité des Nations unies, dénonçant l’ingérence étrangère et appelant à un retrait immédiat des troupes rwandaises du territoire congolais. Malgré une prise de parole vigoureuse, au cours de laquelle la ministre a dénoncé le soutien tacite de certaines puissances occidentales envers Kigali, les résolutions du Conseil de sécurité sont restées sans effet concret. Les mesures adoptées ont manqué de fermeté nécessaire pour infléchir la situation sur le terrain.

Néanmoins, le 18 février 2025, un nouveau tournant diplomatique s’est produit avec l’annonce par le Rwanda de la suspension de son programme d’aide au développement avec la Belgique. Cette décision, justifiée par des désaccords sur la gestion du conflit en RDC, intervient alors que la Belgique envisageait déjà de revoir sa coopération avec Kigali, en réponse aux violations répétées de l’intégrité territoriale congolaise par le Rwanda. En réalité, cette mesure préemptive est une tentative du Rwanda de prendre les devants face à une révision imminente de sa relation avec Bruxelles, notamment dans le cadre de sanctions plus sévères à son encontre. De son côté, la Belgique a confirmé être en train d’ajuster sa politique bilatérale, ce qui renforce la perception de Kigali de se retrouver sous une pression croissante de la communauté internationale.

Malgré l’intensité des efforts diplomatiques déployés, la situation reste figée. Les obstacles sont nombreux : la méfiance profonde entre les parties, la complexité des alliances régionales et l’ingérence constante de puissances extérieures, notamment le Rwanda, ont transformé chaque nouvelle tentative de dialogue en une impasse. Les processus de paix semblent se limiter à des exercices diplomatiques sans impact tangible sur le terrain, laissant présager une prolongation indéfinie de la crise dans l’est de la RDC.

Un complot international contre la RDC ?

Face à l’échec des démarches diplomatiques, nombreux sont ceux qui assimilent la situation en RDC à un complot international. Cette perception se renforce lorsqu’on compare l’attitude des puissances occidentales vis-à-vis de l’agression de la Russie en Ukraine à leur relative inaction concernant le conflit en RDC.

L’agression russe en Ukraine a suscité une réponse immédiate et coordonnée des États occidentaux, incluant des sanctions économiques sévères, une assistance militaire directe et un soutien financier massif à l’Ukraine. Cette réaction rapide et déterminée a mis en lumière la volonté de l’Occident de contrer une menace perçue comme une atteinte directe à l’ordre international.

En revanche, en RDC, malgré des preuves accablantes de l’implication du Rwanda et du soutien actif du pays aux rebelles du M23, la réponse internationale se limite à des condamnations verbales et des appels à la négociation. Cette inaction est perçue comme une forme de complaisance qui maintient la RDC dans une situation de subordination, permettant ainsi à des entreprises étrangères de continuer à exploiter ses ressources naturelles sans entraves au prix des millions de morts congolais.

Les implications géopolitiques et économiques

L’Est de la RDC est l’un des territoires les plus riches du monde en ressources stratégiques, telles que le coltan, le cobalt et le cuivre. Le contrôle de ces ressources est un enjeu géopolitique majeur. Tandis que l’Ukraine bénéficie d’un soutien militaire et économique, la RDC semble souvent reléguée au second plan.

Étonnamment, un protocole d’accord a été signé entre l’Union européenne et le Rwanda en février 2024 sur la fourniture de matières premières critiques, dont le tantale, l’étain, le tungstène, l’or et le niobium. Ce protocole, qualifié de « condamnable » par le président congolais Félix Tshisekedi, permettrait au Rwanda d’exporter vers l’Union européenne des produits miniers qu’il ne possède pas, mais qu’il pille illégalement en RDC, notamment à travers le M23. Le Parlement européen a voté une résolution appelant à suspendre immédiatement cet accord en raison de l’implication directe du Rwanda dans la guerre.

Options non militaires

Face à l’échec des solutions diplomatiques et militaires traditionnelles, quelles options restent à Kinshasa pour restaurer la paix sur son territoire ? La réponse ne peut se limiter à une escalade de la violence. Elle doit inclure une réflexion stratégique sur l’usage d’outils de pression économiques et diplomatiques.

La RDC pourrait envisager de mettre en difficulté certaines entreprises occidentales opérant sur son sol, tant dans le secteur minier que dans d’autres secteurs stratégiques, par le biais de sanctions ciblées ou de révisions de contrats. L’objectif serait d’utiliser la menace de retrait d’investissements, la révision des partenariats économiques ou la suspension temporaire de l’octroi de licences d’exploitation minière pour forcer ces entreprises à pousser leurs États à sanctionner durement le Rwanda afin de rapidement mettre fin à la guerre.
Premier pays francophone au monde en termes de démographie, la RDC pourrait menacer de quitter la Francophonie, ce qui aurait un impact diplomatique sans précédent pour la France. Sans une réponse ferme et structurée, la guerre de l’Est risque de s’enliser, et la RDC pourrait continuer à subir une agression qui menace son intégrité et sa stabilité.
Des exemples historiques, comme l’utilisation du pétrole par l’Arabie Saoudite dans les années 1970, montrent qu’une telle stratégie peut, dans certains cas, modifier les rapports de force internationaux.
Kinshasa pourrait aussi menacer de suspendre temporairement l’octroi de licences d’exploitation minière aux entreprises occidentales tant que celles-ci ne pousseront pas leurs pays à mettre fin à la guerre du M23 soutenu par le Rwanda. Cette approche obligerait les Occidentaux à adopter une posture plus ferme contre le Rwanda pour obtenir l’arrêt total de la guerre et le retrait des troupes rwandaises et de leurs supplétifs du M23 de la RDC. Le pays pourrait également revoir ses politiques contractuelles en menaçant de rediriger ses partenariats commerciaux vers des alliés plus aptes à le soutenir dans cette guerre.
Pour ce faire, la RDC pourrait d’abord cibler des entreprises clés opérant dans des secteurs stratégiques comme les mines et la télécommunication, en ajustant ses politiques fiscales ou en imposant des taxes supplémentaires sur les ressources naturelles utilisées dans le cadre de la guerre. Une telle approche graduelle, avec des sanctions modulées en fonction des réactions des entreprises, pourrait limiter les éventuelles pertes économiques de la RDC tout en exerçant un levier sur les puissances internationales, qui dépendent de ces ressources.

Enfin, diversifier ses partenariats économiques avec des pays émergents ou des entreprises non occidentales permettrait à la RDC de réduire sa dépendance vis-à-vis des grandes puissances et de renforcer sa position de négociation pour faire pression sur le Rwanda et ses alliés dans la région.

Vers une diplomatie coercitive pour une paix durable ?

La crise de l’Est de la RDC est bien plus qu’un simple conflit régional. Elle reflète un déséquilibre géopolitique profond, marqué par l’ingérence étrangère et l’exploitation illégale des ressources naturelles d’un pays riche, mais fragilisé par des décennies de conflits. Face à l’impasse actuelle, la RDC se trouve dans l’obligation de repenser sa stratégie. Plutôt que de continuer à se contenter de démarches diplomatiques qui tardent à porter des fruits, Kinshasa pourrait envisager une diplomatie coercitive, en usant de leviers économiques et diplomatiques pour forcer la communauté internationale à respecter la souveraineté congolaise.

Bien que cette approche comporte certains risques, elle pourrait constituer une alternative viable dans un contexte où les options militaires ne suffisent plus à garantir la souveraineté et la stabilité du pays. La RDC doit, dans ce cadre, adopter une stratégie pluridimensionnelle, combinant réponse militaire, diplomatie exigeante et pressions économiques ciblées contre les entreprises des puissances occidentales présentes sur son sol pour restaurer la paix et redonner au pays son droit au développement.

Dans le passé, certains pays ont démontré l’efficacité de cette approche de pression économique. Par exemple, l’Algérie, après son indépendance, a utilisé sa position de producteur de pétrole pour faire pression sur la France et d’autres puissances occidentales afin d’obtenir des concessions diplomatiques. De même, l’Angola a utilisé sa production de pétrole et de diamants pour influencer les puissances internationales et mettre un terme à la guerre civile dans les années 1990.

Le Venezuela sous Hugo Chávez a également menacé de perturber le marché mondial du pétrole pour faire pression sur les États-Unis et d’autres pays, contribuant ainsi à la signature de l’accord nucléaire de 2015. Même la Russie, en réponse à des sanctions économiques, a utilisé son contrôle sur l’approvisionnement en gaz en Europe pour influencer les décisions diplomatiques.

Le cas de l’Afrique du Sud durant l’apartheid illustre également l’utilisation de pressions économiques. Le pays a joué sur ses ressources stratégiques (comme l’or et les diamants) pour manipuler les puissances occidentales et leur faire adopter des politiques moins sévères face au régime de l’apartheid. Enfin, le Nigéria, en menaçant de réduire ses exportations de pétrole, a obtenu un soutien diplomatique sur son développement malgré les critiques sur sa gouvernance interne.

Ces exemples montrent qu’un pays, même dans une position de faiblesse apparente, peut recourir à des leviers économiques pour forcer un changement dans les relations internationales, à condition que cette stratégie soit utilisée de manière ciblée et mesurée.

Une alternative pour rétablir la paix en RDC

Face à l’impasse des solutions diplomatiques traditionnelles et à l’inaction internationale, la RDC pourrait se tourner vers deux approches principales pour restaurer la paix : d’une part, des pressions économiques ciblées, en utilisant des leviers tels que des sanctions contre les entreprises des grandes puissances occidentales, qui, bien qu’en position de contraindre le Rwanda à mettre fin au conflit, choisissent de ne pas agir ; d’autre part, le recours aux instruments du droit international, notamment par l’activation des mécanismes de l’ONU pour dénoncer les violations des droits humains et du droit humanitaire, afin d’obtenir des sanctions internationales contre les responsables du conflit.

Cette double stratégie viserait à renforcer la position de la RDC sur la scène internationale, en mettant à profit les leviers économiques et diplomatiques pour faire pression sur ceux qui, malgré leur pouvoir, restent passifs face à la crise. L’objectif final serait de restaurer la souveraineté du pays tout en respectant les principes du droit international, sans recourir à la force militaire.

Heshima

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Sous pression de la Présidence : Daniel Bumba sur un siège éjectable ?

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La gestion financière du gouverneur de la ville-province de Kinshasa est minutieusement examinée. Le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, a lancé une mission de contrôle portant sur la gestion des ressources financières sous la responsabilité du gouverneur Daniel Bumba depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui. Parallèlement, la Présidence de la République, par l’intermédiaire de son directeur de cabinet, a mis en place une autre mission chargée d’auditer la gestion des fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK). Cependant, l’initiative du ministère de l’Intérieur alimente interrogations, attentes et débats au sein de la classe politique comme dans l’opinion publique. Cette mission aboutira-t-elle à l’éviction du gouverneur ? Voilà la grande question.

Dans un document signé le 24 novembre 2025, le directeur de cabinet du chef de l’État, Anthony Nkinzo, a ordonné une mission d’évaluation « circonstanciée » des opérations du Fonds d’assainissement (FONAK) de Kinshasa. Cette enquête, menée par quatre membres du cabinet présidentiel, se déroule du 27 au 28 novembre 2025. Cette action de la Présidence coïncide avec une autre mission de contrôle lancée le 13 novembre 2025 par le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, pour superviser la gestion des ressources financières de la capitale par le gouverneur Daniel Bumba.

Dans une lettre adressée au gouverneur, Jacquemain Shabani informe qu’une mission de contrôle composée de l’Inspection Générale de la Territorialité, en collaboration avec les experts du Secrétariat Général aux Finances et de la Direction générale de la trésorerie et de la comptabilité publique (DGTCP), placée sous la supervision de son cabinet, a été mise en place. « Cette mission a pour objet d’effectuer un contrôle approfondi de la gestion des ressources financières de la ville de Kinshasa, notamment les modalités de perception et d’affectation de ces ressources pour la période allant de 2024 à aujourd’hui », précise Jacquemain Shabani.

Les enquêteurs examinent particulièrement les dépenses relatives aux travaux d’infrastructures, à la gestion urbaine, à la passation des marchés publics ainsi qu’à la conduite des projets d’infrastructure. Parallèlement, la Présidence de la République a dépêché une équipe distincte pour auditer la gestion du Fonds d’assainissement de Kinshasa (FOSAK), un dispositif financier destiné à soutenir les opérations de nettoyage, de drainage et l’amélioration du cadre de vie des habitants. Cette démarche illustre la volonté de la haute hiérarchie étatique d’exercer un contrôle strict sur l’usage des fonds dédiés à l’assainissement, secteur clé pour la santé publique.

Des contrôles révélant les carences de l’Assemblée provinciale

Le Parlement de Kinshasa, chargé de contrôler l’action du gouvernement provincial, peine pourtant à jouer pleinement son rôle. Entre interpellations timides, commissions peu offensives et absence de suivi rigoureux, le contrôle parlementaire de l’Assemblée provinciale se montre faible, ce qui explique l’intervention de la Présidence et du ministère de l’Intérieur.

Théoriquement, l’Assemblée provinciale de Kinshasa jouit de prérogatives étendues pour surveiller la gestion du gouvernorat et évaluer la mise en œuvre des politiques publiques. Questions orales, interpellations, enquêtes et auditions parlementaires sont autant d’outils censés garantir la redevabilité des autorités provinciales.

Dans les faits, ces mécanismes sont rarement exploités efficacement. De nombreux analystes soulignent une tendance à la complaisance des députés provinciaux envers l’exécutif. Les sessions de contrôle sont souvent perçues comme formelles, sans véritables conséquences contraignantes, et les rapports issus des commissions aboutissent rarement à des sanctions ou mesures correctives. Cette situation engendre un sentiment d’impunité autour du gouverneur et de son équipe, fragilisant ainsi la démocratie locale. « Bien souvent, les contrôles parlementaires ne servent qu’à régler des comptes entre l’Assemblée et le gouverneur, plutôt qu’à exercer un vrai contrôle de gestion », commente un analyste politique.

Controverses autour de la légitimité du contrôle du ministère de l’Intérieur

Malgré les faiblesses de l’Assemblée provinciale, certains déplorent l’initiative du ministère de l’Intérieur, estimant que ce dernier n’a pas la compétence légale pour contrôler la gestion du gouverneur. « En RDC, la surprise est constante. Comment le vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur peut-il se permettre d’auditer les finances de la ville de Kinshasa ? Quelle loi lui confère ce pouvoir ? », s’interroge Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO). Ce représentant de la société civile considère que Jacquemain Shabani n’a aucun droit légal en la matière. « S’il s’inquiète de la gestion financière de la ville, il devrait saisir l’Inspection Générale des Finances (IGF) ou la Cour des comptes, organismes mandatés par la Constitution. Qui conseille le ministre de l’Intérieur ? Pourquoi l’a-t-on laissé commettre une erreur aussi grave ? », s’interroge-t-il. Pour lui, le gouvernement de la ville de Kinshasa devrait opposer un refus ferme à cette intervention.

Daniel Bumba face à une possible éviction

Cette double enquête suscite des spéculations sur une possible éviction du gouverneur Daniel Bumba. Entre manœuvres politiques, pressions institutionnelles et critiques liées à sa gestion, la question de son départ agite la classe politique et l’opinion kinoises. Une éviction ne pourrait toutefois intervenir sans passer par l’Assemblée provinciale. Gouverneur issu de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Daniel Bumba semble peiner à répondre aux attentes du parti au pouvoir, un an après son investiture.

Depuis son arrivée, aucun programme clair n’a émergé pour améliorer la salubrité de la ville. Kinshasa étouffe sous les déchets qui, à chaque pluie, bloquent l’évacuation des eaux. Les routes secondaires sont jonchées de nids-de-poule. La capitale vit au rythme d’embouteillages monstrueux, où la circulation vire quotidiennement au chaos. Pour inverser cette tendance, le gouvernement central a lancé fin 2023 un vaste programme de réhabilitation des voiries secondaires. L’objectif est de réhabiliter plus de 200 kilomètres de routes dans les 24 communes, désenclaver les quartiers populaires et fluidifier une circulation étouffée. « Sur les deux priorités majeures, voirie et gestion des déchets, le gouvernement central s’est engagé à moderniser intégralement les routes urbaines. Sous la coordination de la Première ministre, tous ces projets sont financés via le ministère des Finances afin d’améliorer la mobilité urbaine et de créer les conditions d’une croissance durable », expliquait le ministre des Finances, Doudou Fwamba. La majorité des nouvelles voiries sont bâties en béton, dites « chaussées rigides », plus coûteuses à construire mais offrant une durée de vie nettement supérieure à l’asphalte : jusqu’à trente ans, contre dix à quinze ans pour une route bitumée. Pourtant, nombreux sont les chantiers qui piétinent alors que le ministre affirmait qu’ils étaient « entièrement » financés par le pouvoir central.

Pour le député national Aaron Bimwala, la gestion de Daniel Bumba n’a pas répondu aux attentes des Kinois, et il appelle à en tirer les conséquences. « Soyons réalistes : après deux ans, la politique menée à la tête de la ville n’a pas répondu aux urgences et attentes des habitants. Il est temps d’en tirer toutes les conclusions et d’ouvrir une nouvelle voie », déclare-t-il.

Face à ces contrôles, Daniel Bumba adopte une posture mêlant ouverture et contestation tacite, invoquant la loi sur la libre administration des provinces et entités territoriales décentralisées pour répondre à Jacquemain Shabani. Pour certains analystes, cette double mission s’inscrit dans une dynamique visant à restaurer la confiance entre les autorités kinoises et la population, souvent confrontée aux défaillances des services publics.

Heshima

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Du Budget au Perchoir : le parcours insoupçonné de Boji Sangara

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Économiste de formation britannique, réservé mais d’une méthode implacable, Aimé Boji Sangara a gravi les échelons de la politique congolaise loin des projecteurs et des coups d’éclat. Son élection à la présidence de l’Assemblée nationale marque le couronnement d’un parcours où rigueur académique, loyauté stratégique et sens aigu du détail ont façonné un personnage rarement bruyant, mais dont l’influence est désormais centrale. Portrait d’un homme qui, loin de l’ostentation, privilégie l’efficacité structurelle et le travail de fond.

Le jour de son élection, le 13 novembre 2025, Aimé Boji Sangara n’a pas cédé à l’euphorie. Là où d’autres auraient levé les bras en signe de triomphe, il s’est simplement avancé vers le pupitre. Il affichait une concentration presque austère, révélant plus l’homme d’État mesuré que le vainqueur exubérant. Chez lui, la retenue n’est pas un artifice tactique : elle est l’expression profonde d’un trait de caractère qui est devenu sa marque de fabrique dans l’arène politique.

Lors de son discours d’investiture à la tête de la chambre basse, Boji a immédiatement cherché à rassurer et à projeter une image de réformateur pragmatique. Il a promis de transformer l’institution parlementaire en « un parlement plus fort, plus crédible et plus proche du peuple », des objectifs qui nécessiteront une refonte interne des méthodes de travail et une collaboration renforcée, mais équilibrée, avec les autres institutions républicaines. Il a ainsi posé d’emblée les bases d’un mandat axé sur la rationalisation de l’action législative.

L’héritage politique du Kivu et l’exil académique

Né en 1968 dans le territoire de Walungu, au Sud-Kivu, Aimé Boji a été bercé par l’atmosphère du service public et de la politique. Son père, Dieudonné Boji, fut une figure respectée, notamment en tant que gouverneur du Kivu avant son éclatement en plusieurs provinces. Cette immersion précoce dans le sérail du pouvoir, loin d’engendrer une ambition politique prématurée, l’a plutôt orienté vers l’exigence de la méthode. Il s’est d’abord passionné pour la discipline des chiffres et la logique du raisonnement structuré. Après un diplôme de math-physique obtenu à Bukavu, il choisit de s’éloigner du tumulte national et de l’héritage familial pour poursuivre sa formation au Royaume-Uni.

Son voyage académique le mène d’abord à Oxford Brookes, puis à l’éminente Université d’East Anglia. Ces années passées outre-manche sont décisives. Il y acquiert non seulement un master en économie du développement, mais aussi un rapport au travail singulier : un culte de la méthode, de la recherche approfondie et de la gestion publique axée sur les résultats. Il s’engage ensuite dans des projets académiques et associatifs à Londres, se forgeant une réputation de professionnel sérieux, dont la rigueur et la précision, presque obsessionnelle, sont incontestables. Ces fondations jetées loin de Kinshasa expliquent sans doute sa capacité à rester serein et analytique face aux turbulences politiques.

Le technocrate au cœur de l’État

Lorsque Boji revient au pays au milieu des années 2000, c’est avec la conviction que son expertise doit servir l’appareil d’État. Élu député national en 2006, il est réélu sans discontinuer à chaque cycle électoral jusqu’à celui de 2023, faisant de son mandat parlementaire le socle de sa carrière.

Cependant, c’est au sein de l’Exécutif qu’il va véritablement affirmer son profil de technocrate fiable. Ses passages successifs aux portefeuilles du Commerce extérieur, du Budget et de l’Industrie sont remarqués par leur sérieux. Chaque nomination renforce l’image d’un homme capable d’écouter, d’analyser et de produire des résultats concrets, souvent mieux préparé sur le fond des dossiers que la moyenne de ses homologues.

Son mandat de quatre ans comme ministre du Budget est particulièrement éclairant. Il lui a permis d’acquérir une compréhension microscopique du fonctionnement de l’État, des rouages de la gestion des finances publiques et des impératifs de la transparence budgétaire. Malgré son passage prolongé au gouvernement, il n’a jamais renié ses années de parlementaire. « J’ai eu le privilège de siéger 13 ans durant dans cet hémicycle », a-t-il rappelé aux députés, soulignant qu’il y a appris la « noblesse du débat démocratique » et la valeur inestimable du consensus. Boji compte bien s’appuyer sur cette expérience bicéphale pour régénérer l’Assemblée. Il a clairement affiché sa volonté de replacer le député au centre de l’action parlementaire en privilégiant le travail de terrain et la proximité avec les réalités locales. Il souhaite notamment exploiter de manière plus systématique les rapports issus des vacances parlementaires pour identifier les besoins réels des circonscriptions et proposer au gouvernement des projets d’urgence concrets à financer en faveur des populations.

L’ascension stratégique : l’ancre de Tshisekedi

Dans un environnement politique souvent dominé par la théâtralité, les joutes oratoires et l’agitation, Boji incarne une forme de politique posée, presque administrativement efficace, qui tranche singulièrement. Ses collaborateurs le décrivent comme un homme qui « travaille en silence ». Le député Michel Moto, son camarade du parti politique Union pour la nation congolaise (UNC), le dépeint comme « un homme posé, conciliant et surtout un homme de dialogue », soulignant la dimension consensuelle de son leadership. Même ses détracteurs, en coulisse, concèdent volontiers qu’il « ne fait pas de vagues, mais il avance avec une détermination tranquille et méthodologique ».

Lorsque l’Union Sacrée de la Nation (USN) le désigne candidat au perchoir en septembre 2025, le choix n’est pas perçu comme audacieux, mais comme éminemment stratégique. Certains observateurs y voient un geste de prudence visant à installer une figure non clivante capable de gérer les dossiers techniques. D’autres y lisent une manœuvre pour stabiliser une institution qui a connu des périodes de crises internes et de vives tensions. Fidèle à lui-même, Boji mène sa campagne loin de l’agitation : il consulte, écoute, prend des notes méticuleuses et propose un programme centré sur la modernisation de l’institution. Son score, 413 voix sur les 423 votants, est un plébiscite qui témoigne de sa capacité à rallier un large consensus au-delà des chapelles politiques.

Un secret de polichinelle : la loyauté au Président

Le rapprochement entre Aimé Boji et le chef de l’État, Félix Tshisekedi, est l’élément fondamental qui explique cette ascension. Longtemps discret, il est devenu un secret de polichinelle au lendemain de sa démission du ministère de l’Industrie pour se présenter au Perchoir.

Un politologue souligne l’évidence de la stratégie : « Personne ne risque de quitter un portefeuille ministériel, surtout d’État, s’il n’a pas la certitude absolue d’avoir le soutien total du chef de l’État pour le Perchoir. Le fait qu’il ait quitté ses fonctions était le signe irréfutable de l’aval présidentiel. » Boji est l’homme clé chargé de garantir la cohésion et la productivité du pouvoir législatif au service de la vision présidentielle. Cette nouvelle proximité a d’ailleurs éclipsé l’influence de son mentor politique historique, Vital Kamerhe (VK), chef de l’UNC. Pressenti pour succéder à VK qui avait démissionné du Perchoir, Boji a réussi, depuis 2019, à gagner la confiance durable de Félix Tshisekedi, se positionnant comme un pilier fiable et loyal au sein de l’USN, essentiel à la matérialisation des ambitions de la majorité.

Des dossiers explosifs et un leadership à affirmer

Aimé Boji arrive à la tête de l’Assemblée nationale à un moment charnière. Les défis qui l’attendent sont considérables :

Il devra d’abord œuvrer en étroite collaboration avec l’Exécutif pour soutenir les efforts visant au rétablissement urgent de la paix et de la sécurité dans l’Est du pays. C’est la priorité nationale absolue qui pèsera sur tous les travaux législatifs. Au-delà, l’examen du budget 2026 est un travail technique colossal qui attend immédiatement la chambre basse pour garantir un budget réaliste, social et transparent, conforme aux promesses de l’Union Sacrée.

Enfin, un dossier potentiellement explosif pourrait faire un retour remarqué dans le débat parlementaire : la modification ou le changement de la Constitution. Dans son premier discours, Boji a déjà fixé un cap, sans éclats, mais avec une conviction de fer : moderniser l’institution et renforcer le dialogue constructif avec l’Exécutif. S’il réussit à créer un environnement de travail serein et à mettre les députés à l’aise par son style non conflictuel, un projet sensible comme celui de la révision constitutionnelle pourrait être abordé au sein de l’Union Sacrée avec moins de friction et plus de consensus technique.

En attendant, l’homme a fait des promesses sobres, presque techniciennes, mais parfaitement cohérentes avec sa personnalité. Aimé Boji n’est pas de ceux qui cherchent la lumière. Pourtant, le voici propulsé au cœur battant de la scène politique congolaise. Son défi majeur sera d’imposer son style : calme, méthodique, et parfois déroutant de discrétion, mais d’une efficacité que l’on dit redoutable. Reste à savoir si cette ascension tranquille saura se transformer en un leadership audacieux et assumé face aux enjeux colossaux qui attendent la République. Le Congo, lui, n’attend que de voir.

Heshima

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RDC : Les forces et les faiblesses de l’Accord-cadre signé entre Kinshasa et l’AFC/M23 à Doha

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Réunis sous l’égide du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les représentants de l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC-M23) ont signé le 15 novembre 2025 un Accord-cadre inédit visant à ouvrir la voie à un cessez-le-feu durable dans l’est du pays. Ce texte, qualifié de « première étape décisive » par les médiateurs, doit maintenant être suivi de discussions techniques sur la démobilisation et le retrait des combattants. Heshima Magazine explore les différents points de ces protocoles.

Après plusieurs sessions de discussions sans issue, les autorités congolaises et les rebelles de l’AFC/M23 ont finalement franchi une nouvelle étape dans le processus de paix que pilote le Qatar depuis le mois de mars. Cet Accord-cadre comporte 8 protocoles qui déterminent les matières à traiter et les modalités de leur mise en œuvre afin d’aboutir à un accord de paix définitif. Heshima Magazine explore chaque engagement souscrit par les parties dans cet accord-cadre.

Échange de prisonniers sous supervision internationale

Bien que toutes les négociations impliquent des concessions de la part des parties, l’engagement sur l’échange des prisonniers est délicat pour le gouvernement. La plus grande préoccupation sur ce point réside dans la nature des prisonniers à échanger. Si le gouvernement peut s’attendre à la libération des militaires arrêtés par la rébellion lors des combats, l’AFC/M23, de son côté, pourrait élargir la liste à des individus auteurs de crimes graves. Certaines sources évoquaient même des personnalités comme le député Edouard Mwangachuchu, condamné notamment pour détention d’armes à feu. Pour le gouvernement, il est hors de question que tous les individus soient libérés dans ce cadre. « Nous allons nous assurer qu’on applique les critères d’exclusion sur des personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves selon le droit international », avait déclaré le nouveau ministre de la Justice, Guillaume Ngefa.

En septembre, Kinshasa et l’AFC/M23 ont signé ce « mécanisme d’échange de prisonniers ». Dans le cadre de ce dispositif, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) jouera le rôle d’intermédiaire neutre pour l’identification, la vérification et la libération sécurisée des détenus des deux camps. Le mouvement rebelle évoque environ 700 personnes arrêtées par Kinshasa. La mise en œuvre du mécanisme implique l’établissement et la certification des listes de prisonniers, avec l’aval de toutes les parties.

Si l’AFC/M23 s’attend à des têtes couronnées telles que Éric Nkuba alias Malembe, arrêté en Tanzanie puis condamné à mort à Kinshasa notamment pour participation à un mouvement insurrectionnel, le gouvernement, quant à lui, s’attend à la libération d’environ 1500 militaires congolais capturés et envoyés par la rébellion en janvier et février derniers au camp militaire de Rumangabo pour un « reconditionnement ». Même si plus d’une centaine d’entre eux ont réussi à s’échapper des mains de la rébellion, certains restent encore captifs. D’autres combattants cantonnés au quartier général de la MONUSCO avaient déjà été transférés de Goma à Kinshasa en avril grâce à la médiation du CICR. Sur ce point de libération des prisonniers, il reste à savoir si le gouvernement s’en tiendra toujours à son caractère « rigoureux » dans le choix des prisonniers à libérer en faveur de l’AFC/M23.

Mise en place d’un mécanisme conjoint de surveillance du cessez-le-feu

Depuis le 14 octobre, le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC-M23 ont signé ce « mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu » dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Ce mécanisme institue un comité constitué d’un nombre égal de représentants du gouvernement congolais et de l’AFC/M23 afin d’enquêter sur les violations signalées. Les membres de ce comité devraient se réunir à la demande de l’une des deux parties en cas de violations signalées. Le Qatar, les États-Unis et l’Union africaine pourront y prendre part en tant qu’observateurs et la MONUSCO lui fournira un appui logistique. La première réunion du comité était censée se tenir dans les sept jours suivant son institution.

Lors de la signature de cet engagement, Doha avait qualifié la mise en œuvre de ce comité de suivi d’« étape cruciale vers le renforcement de la confiance et la conclusion d’un accord de paix global ». De son côté, le porte-parole du M23, Lawrence Kanyuka, avait salué sur le réseau social X « une avancée significative ». Mais sur le terrain, ce mécanisme a accusé des faiblesses. Les deux camps ont continué à s’affronter sans que le mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu ne puisse s’activer. Par communiqué interposé, les deux camps s’accusent mutuellement de violation de ce cessez-le-feu. Tant que l’accord global n’aura pas intervenu, ce mécanisme – sans la bonne foi des parties – aurait du mal à fonctionner.

Restauration progressive de l’autorité de l’État dans les zones occupées

Ce point, qui figure dans l’Accord-cadre qui vient d’être signé, reste le plus difficile à digérer pour les rebelles de l’AFC/M23. Au début des discussions à Doha, cette rébellion voulait obtenir la gestion des zones conquises en collaboration avec le gouvernement à Kinshasa. Une option qui était dénoncée par l’opinion publique, la percevant comme une balkanisation du pays. La restauration de l’autorité de l’État, l’un des points clés de divergence dans les discussions, passe pour un arrêt de mort pour l’AFC/M23 dont l’avenir post-occupation n’est toujours pas décidé à Doha. Sur la question de la restauration de l’autorité de l’État, la Déclaration de principes signée entre les deux parties en juillet dernier notait que cette restauration de l’autorité de l’État allait constituer une conséquence logique du règlement « des causes profondes » du conflit. L’accord de paix global attendu devra préciser les modalités et le calendrier de cette restauration sur l’ensemble du territoire national.

Retour sécurisé et volontaire des réfugiés et déplacés

C’est l’un des sept points de la Déclaration de principe publiée le 19 juillet. Il a été également repris dans l’Accord-cadre du 15 novembre 2025. Les deux parties s’engagent à faciliter le retour sûr, volontaire et digne des réfugiés et des personnes déplacées vers leurs zones ou pays d’origine. Mais combien sont-ils de part et d’autre de la frontière entre la RDC et le Rwanda ? Ce retour, qui doit se faire en conformité avec le droit humanitaire international et dans le cadre des mécanismes tripartites associant la RDC, les pays d’accueil et le HCR, pourrait aussi constituer l’un des problèmes dans la mise en œuvre de l’accord final. Ce sujet est aussi l’un des points les plus sensibles. Le retour des réfugiés congolais fait partie des revendications historiques du M23, déjà présentes dans l’accord de paix signé en 2009 entre Kinshasa et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), l’ancêtre du mouvement actuel. Problème : qui est Congolais et qui ne l’est pas ? Ces réfugiés, défendus bec et ongle par le M23, sont-ils en nombre conséquent ? Sur ce point, il faut d’abord régler la question des chiffres. Selon les dernières estimations avancées par RFI, le Rwanda accueille près de 137 000 réfugiés, principalement en provenance de la RDC et du Burundi. D’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), environ 80 000 Congolais vivraient aujourd’hui au Rwanda. Mais pour Kinshasa, le problème reste l’identification : les autorités congolaises affirment ne pas connaître avec précision ni le nombre, ni l’identité de ces réfugiés. Pour le gouvernement congolais, on ne peut pas rapatrier des réfugiés dans une zone encore en conflit ou sous contrôle des rebelles du M23. Le gouvernement voudrait avoir le pouvoir nécessaire de contrôler l’identité de ceux qui veulent revenir au pays. Le vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur et Sécurité, Jacquemain Shabani, alertait déjà sur une « transplantation » des populations venues d’ailleurs dans les zones contrôlées par les rebelles du M23.

Ce sujet fait craindre au gouvernement et à l’opinion l’arrivée d’une population compacte qui pourrait, un jour, exiger l’autonomie d’une des régions congolaises. Ainsi donc, Kinshasa insiste : le retour des réfugiés dans les zones aujourd’hui sous administration du M23 ne pourra avoir lieu qu’après le cessez-le-feu, la restauration de l’autorité de l’État et la vérification de la nationalité des candidats au retour. Autrement dit, cette question est loin d’être close. Elle pose aussi d’autres défis : quand ces réfugiés rentreront-ils ? Et où seront-ils installés ? Car il y a parmi eux des individus qui n’ont jamais mis les pieds en RDC. Des questions qui montrent, selon plusieurs experts, qu’il ne suffit pas de régler le volet sécuritaire, il faut un accord global, incluant aussi les aspects sociaux, fonciers et économiques. Les populations congolaises qui avaient fui l’arrivée du M23 dans leur zone avaient trouvé à leur retour des occupants venus d’ailleurs installés dans leurs maisons, cultivant également leurs champs.

Mesures de confiance

Ce point implique entre autres la communication entre parties, la fin de la propagande « haineuse » selon l’AFC/M23 et les libérations des prisonniers. Sur ce point, paradoxalement, rien ne rassure au regard des premières communications faites après la signature de cet Accord-cadre à Doha. « Cet accord ne comporte aucune clause contraignante », déclare Benjamin Mbonimpa, chef de la délégation de l’AFC/M23. Une communication qui annonce déjà que tout peut basculer à n’importe quel moment. « Il n’y a rien qui va changer sur le terrain », estime Bob Kabamba. Selon lui, il y a eu deux signatures qui n’ont pas produit des résultats sur le terrain. « Il faut s’inquiéter pour la suite car les deux parties se sont réarmées, elles se sont réorganisées », a-t-il expliqué, soulignant la mise en place par le M23 d’une administration parallèle qui fonctionne comme un État.

La relance économique et les services sociaux

Ce point du protocole de l’Accord-cadre est étroitement lié à la restauration de l’autorité de l’État. Un point qui reste parmi les plus difficiles à obtenir à Doha. Les rebelles ne veulent pas encore céder les zones sous leur contrôle sans connaître au préalable leur avenir politique et sécuritaire.

La justice, la vérité et la réconciliation

Alors que les combats se poursuivent dans l’Est du pays, Kinshasa et les rebelles laissent entrevoir, malgré des positions opposées, quelques signaux de réconciliation. Mais la méfiance reste profonde, et les conditions d’une véritable réconciliation demeurent toujours fragiles. La part de la justice dans cette démarche est essentielle pour ne pas laisser les bourreaux côtoyer les victimes. Cette réconciliation entre le gouvernement congolais et les rebelles AFC/M23 n’est pas impossible ; elle est simplement suspendue à une constellation de facteurs politiques, militaires et diplomatiques encore instables. Dans un conflit où chaque camp cherche une position de force, la paix reste pour l’instant un horizon plus qu’une réalité, mais un horizon que beaucoup, épuisés par des années de guerre, espèrent voir enfin se rapprocher.

Élaboration d’une feuille de route vers un accord de paix global

L’Accord-cadre de Doha fixe les bases d’un processus destiné à mettre fin aux hostilités, à rétablir l’autorité de l’État et à consolider la stabilité nationale. Il réaffirme la détermination du Gouvernement à placer la paix, la sécurité et la dignité du peuple congolais au centre de son action. C’est dans ce cadre que la protection des populations civiles, en particulier les femmes, les enfants et les personnes déplacées internes, demeure une priorité. Les protocoles qui découleront de cet Accord-cadre permettront notamment de sécuriser les corridors humanitaires, de faciliter l’accès des organisations humanitaires, et d’engager des actions urgentes pour répondre aux besoins essentiels des communautés affectées.

De son côté, le gouvernement précise que les six protocoles, en dehors de ceux relatifs au Mécanisme de libération des prisonniers ainsi qu’au Mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, feront l’objet de discussions deux semaines après la signature de l’Accord-cadre. Il s’agira de préciser les modalités techniques, les calendriers d’exécution et les engagements respectifs des parties. Dans le communiqué du gouvernement, Kinshasa note qu’aucun statu quo n’est compatible avec cet objectif de paix : le processus engagé vise à créer, dans les plus brefs délais, les conditions d’un changement réel et mesurable pour les populations affectées. Les deux prochaines semaines vont permettre de percevoir les nouveaux efforts entre les deux parties.

Heshima

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