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La Cour constitutionnelle en RDC : arbitre impartial ou relais du pouvoir ?
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La redaction
Dans une République démocratique du Congo (RDC) encore hantée par ses démons institutionnels, la Cour constitutionnelle cristallise à la fois les espoirs d’une démocratie en construction et les soupçons persistants d’un pouvoir sans contrepoids. Théoriquement investie du rôle de gardienne de la Constitution et d’arbitre des contentieux électoraux, cette haute juridiction se trouve au cœur d’une interrogation essentielle : défend-elle réellement l’État de droit ou s’est-elle muée, avec le temps, en auxiliaire de l’exécutif ?
L’origine de la Cour remonte à un tournant historique : l’adoption de la Constitution du 18 février 2006, fruit des accords de paix de Pretoria qui mirent un terme à la seconde guerre du Congo. Plus de cinq millions de morts, des institutions à rebâtir, et la promesse d’un nouvel ordre constitutionnel. L’article 157 crée alors une Cour constitutionnelle distincte, censée rompre avec les pratiques d’une justice inféodée, héritée de l’époque coloniale et prolongée sous le régime Mobutu.
À cette époque, le contrôle de constitutionnalité était confié à la Cour suprême, perçue comme une simple caisse de résonance du pouvoir en place. « Sous Mobutu, elle ne faisait qu’entériner les décisions de l’exécutif », résume Me Thierry Nlandu, avocat et constitutionnaliste. L’effondrement du régime en 1997, suivi d’une transition chaotique, met en lumière la nécessité d’un véritable contre-pouvoir judiciaire.
Mais il faudra attendre sept longues années pour que la Cour devienne réellement opérationnelle. Ce n’est qu’en 2013 qu’elle commence à exercer ses fonctions, révélant les résistances politiques à sa mise en œuvre. « Ce délai anormal témoigne de la méfiance des élites politiques face à toute forme de contrôle institutionnel », analyse le politologue Christian Moleka. Entre-temps, la Cour suprême a continué de trancher les litiges électoraux, notamment en 2006 et 2011 dans un climat de fortes contestations.
Alors que le pays s’avance vers de nouvelles échéances électorales, la Cour demeure sous étroite surveillance. Sur le papier, elle incarne l’équilibre des pouvoirs. Dans les faits, son indépendance continue de diviser.
Un mandat taillé pour l’exécutif ?
Neuf juges, neuf ans de mandat, un renouvellement par tiers tous les trois ans : la Cour constitutionnelle de la République démocratique du Congo affiche, sur le papier, tous les attributs d’une institution indépendante et pérenne. Sa composition tripartite, trois membres nommés par le président de la République, trois par le Parlement en Congrès, trois par le Conseil supérieur de la magistrature, semble garantir un savant équilibre des pouvoirs. La Constitution renforce cette exigence d’expertise en imposant que six des neuf juges soient des juristes chevronnés, dotés d’au moins quinze ans d’expérience.
Pourtant, derrière cette architecture juridique soigneusement calibrée, la réalité institutionnelle révèle des fissures préoccupantes. « Le système congolais de nomination des juges constitutionnels présente une faille majeure : le président conserve un pouvoir de validation finale excessif », analyse Bob Kabamba, professeur de sciences politiques à l’Université de Liège. Un constat partagé par de nombreux observateurs dans un pays où l’exécutif exerce traditionnellement une influence déterminante sur le législatif et où le Conseil supérieur de la magistrature peine à affirmer son autonomie.
Les nominations controversées de 2020 ont mis en lumière ces fragilités structurelles. Quand le président Félix Tshisekedi désigne 3 nouveaux juges Dieudonné Kaluba Dibwa, ancien avocat de la République auprès de la CPI, Alphonsine Kalume Asengo Cheusi et Kamula Badibanga, la réaction ne se fait pas attendre. L’opposition dénonce une « mainmise déguisée » sur l’institution, tandis que des manifestations spontanées, bien que très minimes, éclatent dans la capitale. « Ces nominations respectent strictement la Constitution », se défend l’entourage présidentiel. Un argument qui peine à convaincre sur le terrain politique, tant Kaluba est soupçonné d’être proche de Tshisekedi.
Le piège du renouvellement échelonné
Le système de renouvellement par tiers, conçu pour assurer une sage continuité, révèle ses limites dans la pratique. Retards chroniques dans les remplacements, marchandages politiques opaques, sièges laissés vacants : chaque cycle de nomination devient l’occasion de nouvelles batailles d’influence qui grèvent la crédibilité de l’institution.
Des contentieux électoraux aux décisions controversées
L’ère pré-Constitutionnelle de la justice électorale en RDC reste marquée par des décisions qui continuent de hanter la mémoire collective. Avant l’opérationnalisation de la Cour constitutionnelle, c’est la Cour suprême de justice qui endossait le rôle d’arbitre électoral, avec des verdicts lourds de conséquences.
L’élection présidentielle de 2006, censée tourner la page des conflits, a révélé les failles du système. Lorsque Joseph Kabila est déclaré vainqueur face à Jean-Pierre Bemba avec 58% des voix, les contestations éclatent immédiatement. Le challenger dénonce des irrégularités massives dans le processus de dépouillement. Pourtant, la Cour suprême valide les résultats en un temps record, sans véritable examen des preuves avancées. « C’était une mascarade judiciaire », confie encore aujourd’hui un ancien collaborateur de Bemba, sous couvert d’anonymat.
Cinq ans plus tard, le scénario se répète avec une intensité accrue. Le face-à-face entre Kabila et Étienne Tshisekedi donne lieu à l’un des scrutins les plus controversés de l’histoire du pays. Malgré les rapports accablants des observateurs internationaux, l’Union européenne parlant de résultats « non crédibles », le Centre Carter dénonçant un processus « dépourvu de transparence », la Cour suprême confirme une nouvelle fois la victoire du sortant. Les violences qui s’ensuivent à Kinshasa et dans d’autres régions marquent durablement les esprits et sonnent le glas de la crédibilité de l’institution.
Ces épisodes douloureux ont pesé comme une chape de plomb sur les épaules de la nouvelle Cour constitutionnelle lors de sa mise en service en 2013. « Nous héritions d’une défiance systémique envers la justice électorale », reconnaît un ancien membre de l’institution. La tâche était immense : il fallait à la fois se démarquer des pratiques passées et imposer une nouvelle culture de l’indépendance judiciaire dans un paysage politique encore marqué par les réflexes autoritaires.
2018 : La Cour constitutionnelle face au test décisif
L’élection présidentielle de décembre 2018 devint le banc d’essai tant redouté pour la jeune Cour constitutionnelle. Après des années de reports sous Joseph Kabila, ce scrutin historique opposait trois figures emblématiques : Félix Tshisekedi, héritier politique de l’opposant historique Étienne Tshisekedi ; Martin Fayulu, candidat d’une coalition hétéroclite ; et Emmanuel Shadary, dauphin de Kabila.
La proclamation des résultats par la CENI le 10 janvier 2019 déclencha une onde de choc. Alors que Tshisekedi est annoncé vainqueur avec 38,57% des voix, des fuites publiées par le Financial Times révèlent des chiffres radicalement différents, allant jusqu’à attribuer près de 60% des suffrages à Fayulu.
Fayulu saisit immédiatement la Cour constitutionnelle, dénonçant un « coup d’État électoral » et exigeant un recomptage complet. Le 20 janvier, après dix jours d’audiences tendues, la Cour rendit sa décision. D’une voix ferme, elle rejeta toutes les requêtes de Fayulu, validant l’élection de Tshisekedi. Le verdict, rédigé dans un jargon juridique impeccable, ne parvint pas à masquer le malaise ambiant. Dans les coulisses, des sources judiciaires confièrent à Jeune Afrique que plusieurs juges avaient exprimé des réserves, mais s’étaient finalement rangés à l’avis majoritaire.
Bien qu’il y ait eu des scènes de liesse parmi la population congolaise à la suite de la confirmation de la victoire de Félix Tshisekedi, l’onde de choc de cette décision s’est propagée bien au-delà des frontières congolaises. Tandis que Fayulu qualifiait la Cour d’« instrument de légitimation d’une mascarade », certains partenaires internationaux ont adopté une position ambiguë, reconnaissant officiellement la victoire de Tshisekedi tout en exprimant des « préoccupations sérieuses ».
L’ombre de 2018 continue de planer sur la Cour constitutionnelle. Si l’institution a depuis rendu d’autres arrêts notables, c’est bien ce jugement qui reste gravé dans la mémoire collective comme son heure de vérité, ou son occasion manquée. Alors que le pays s’achemine vers de nouvelles échéances électorales, nombreux sont ceux qui s’interrogent : la Cour saura-t-elle tirer les leçons de ce passé récent, ou reproduira-t-elle les mêmes schémas qui ont entaché sa crédibilité ?
2023 : La Cour constitutionnelle face au paradoxe de la légitimité
Le dernier scrutin présidentiel de décembre 2023 a placé la Cour constitutionnelle face à un dilemme familier. La réélection de Félix Tshisekedi, avec un score sans appel (73,47 %) face à Moïse Katumbi (18 %) et Martin Fayulu (4,9 %), a ravivé le débat sur le rôle de l’institution dans la validation des processus électoraux.
Le jour du scrutin, certains bureaux de vote n’ont pas ouvert à l’heure et de nombreux électeurs ont peiné à retrouver leurs noms sur les listes. En réponse, la CENI a prolongé le vote sur plusieurs jours dans certaines circonscriptions, une décision vivement critiquée par des missions d’observation.
Félix Tshisekedi est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle avec plus de 73 % des suffrages, distançant largement ses principaux concurrents, Moïse Katumbi et Martin Fayulu.
Lorsque Théodore Ngoy, un candidat marginal, dépose un recours détaillant des irrégularités, la Cour adopte une position nuancée. Tout en reconnaissant la réalité de certaines anomalies, elle estime dans son arrêt du 9 janvier 2024 que celles-ci n’étaient pas « d’une ampleur susceptible d’influer sur l’issue globale du scrutin ».
Cette décision en demi-teinte n’a pas convaincu l’opposition. Le boycott judiciaire de Katumbi témoigne de la défiance ambiante : « Plutôt que de recourir à une Cour complice, nous choisissons de dénoncer par d’autres moyens », déclare-t-il à RFI, dans un cinglant désaveu de l’institution.
Cependant, contrairement à 2018, la Cour a fait des efforts notables de transparence. Son jugement de 2023 s’appuie sur un dispositif argumenté détaillant méthodiquement chaque grief, citant les rapports d’observation et fournissant des analyses statistiques. « C’est une évolution positive dans la forme, même si le fond reste discutable », admet un expert électoral sous couvert d’anonymat.
Toutefois, cette victoire écrasante, bien que marquée par des irrégularités localisées relevées par les observateurs, n’a pas suscité de contestation majeure quant à la légitimité du résultat final. Les missions d’observation, tant nationales qu’internationales, y compris le monitoring conjoint de la CENCO et de l’ECC, ont certes signalé des cas de bourrages d’urnes et des dysfonctionnements organisationnels, mais sans remettre en cause l’issue globale du scrutin. Aucune institution internationale ni capitale étrangère n’a émis de doute sérieux sur la proclamation du vainqueur, ni avancé de résultats alternatifs, confirmant ainsi une acceptation générale du verdict des urnes malgré les imperfections du processus.
Les défis dans le contexte des élections
Le rôle de la Cour constitutionnelle est central dans le traitement des recours électoraux. Pourtant, cette fonction se révèle problématique, notamment à cause des délais prolongés dans la prise de décision, de l’absence de transparence dans les délibérations, et du manque d’explications détaillées concernant les jugements rendus. Par exemple, lors des élections de 2011 et 2018, la Cour a été accusée de ne pas avoir pris en compte les préoccupations relatives aux fraudes électorales et aux irrégularités constatées durant le scrutin.
De plus, la Cour constitutionnelle est souvent accusée de manquer de l’indépendance nécessaire pour garantir une justice équitable. L’absence de diversité dans la composition de ses membres, et l’influence perçue du pouvoir exécutif, sont autant de facteurs qui renforcent la perception d’une institution partiellement alignée sur les intérêts politiques en place. Dans un contexte aussi chargé politiquement, les décisions de la Cour doivent impérativement être perçues comme transparentes et crédibles pour que la démocratie puisse se renforcer.
Nécessité d’une réforme
Face à ces multiples critiques, une réforme de la Cour constitutionnelle s’avère essentielle pour redonner confiance au peuple congolais. Plusieurs réformes sont envisagées pour renforcer l’indépendance et la transparence de cette institution. Parmi celles-ci, le renouvellement du mode de nomination des juges semble crucial. Actuellement, les membres de la Cour sont nommés par le Président de la République, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur impartialité. Un processus de nomination plus inclusif, impliquant plusieurs institutions et acteurs de la société civile, pourrait garantir une plus grande légitimité.
Il est également nécessaire de revoir les processus décisionnels au sein de la Cour. La transparence des délibérations et la publication des motifs des décisions sont des mesures qui pourraient aider à apaiser les tensions et à renforcer la confiance du public. Lorsque la Cour rend une décision sur un recours électoral, il est crucial que celle-ci soit accompagnée d’explications claires et détaillées afin que la population comprenne les raisons qui ont conduit à un jugement spécifique, surtout lorsqu’il s’agit de résultats électoraux hautement contestés.
Rôle crucial dans la stabilité politique
Le rôle de la Cour constitutionnelle va au-delà de la simple validation des élections. Elle incarne également un gage de stabilité politique en période postélectorale, lorsque les tensions sont exacerbées et que les résultats sont remis en cause. Si la Cour prend des décisions éclairées et justifiées, elle peut contribuer à apaiser les tensions politiques et à éviter les dérives violentes qui ont marqué le passé du pays.
Cependant, cette fonction de régulateur de la vie politique n’est possible que si la Cour joue pleinement son rôle d’arbitre impartial. Si les décisions rendues sont perçues comme étant motivées par des intérêts politiques, cela risque d’aggraver les conflits et de déstabiliser davantage le pays. En ce sens, une réforme de la Cour constitutionnelle est une condition sine qua non pour renforcer l’état de droit en RDC et garantir un climat politique apaisé.
Vers une réforme nécessaire
La Cour constitutionnelle de la RDC doit se réinventer pour répondre aux attentes des Congolais et garantir le bon fonctionnement de la démocratie. Les réformes envisagées, tant au niveau de la composition de l’institution que de son fonctionnement interne, doivent permettre de restaurer sa crédibilité et son indépendance. Le renforcement de la transparence dans ses décisions et la promotion de l’intégrité de ses juges seront des éléments-clés pour assurer une justice électorale fiable.
En fin de compte, la confiance en la Cour constitutionnelle est essentielle pour la consolidation de la démocratie en RDC. C’est en garantissant l’indépendance de cette institution et en redonnant à ses décisions une légitimité incontestée que la RDC pourra espérer avancer sur la voie de la stabilité politique et du progrès démocratique. Les réformes de la Cour ne sont pas seulement une question de politique intérieure, mais une nécessité pour l’avenir du pays.
Heshima Magazine
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Les enfants de la guerre en RDC : grandir sous les bâches, survivre sous les bombes
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3 jours agoon
juin 27, 2025By
La redaction
Dans les plaines boueuses du Nord-Kivu, entre les collines de l’Ituri et les abords de Goma, une génération d’enfants grandit sans jamais avoir connu la paix. Là-bas, les camps de déplacés ne sont pas des lieux de passage, mais de vie. Selon le Centre de surveillance des déplacements internes, la République démocratique du Congo (RDC) comptait déjà plus de 6 millions de personnes déplacées en 2023, un chiffre qui aurait franchi la barre des 7 millions en 2024. À Lushagala, près de Goma, plus de 71 000 personnes survivaient dans des abris de fortune, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Ces déplacés ont été ensuite forcés de retourner dans leurs habitations depuis février 2025 après la conquête de la ville de Goma par les rebelles du M23. À Kanyaruchinya, le chiffre frôlait déjà 60 000 il y a plus de dix ans. Au cœur de ces camps, des milliers d’enfants naissent, jouent, espèrent et parfois meurent sans avoir jamais connu autre chose que la guerre.
Un quotidien de privations et de dangers
Dans ces labyrinthes de bâches et de tentes effilochées, la vie s’organise autour de la survie. L’accès à l’eau potable relève de l’épreuve, les points d’eau étant souvent éloignés, surpeuplés et parfois contaminés. Les installations sanitaires, rares et vétustes, sont partagées par des centaines de personnes, favorisant la propagation de maladies. « Les enfants jouent dans la boue entre les tentes, leurs rires contrastant avec la dureté de leur environnement », constate un travailleur humanitaire à Goma.
Selon un rapport de l’UNICEF paru en juillet 2023, les camps autour de la ville souffrent d’un manque chronique d’eau et d’assainissement, exposant les enfants à des risques sanitaires graves. Les distributions de nourriture, vitales, sont irrégulières et insuffisantes. Dans ces conditions, la faim façonne le quotidien, et la moindre fièvre inquiète les mères.
La santé des enfants : une lutte de chaque instant
La malnutrition aiguë frappe plus de 1,5 million d’enfants en RDC, selon l’UNICEF. Dans les camps, les cas de kwashiorkor, cette maladie de la faim, ont pu reculer grâce à l’arrivée de l’aide humanitaire. « Avant l’aide, nos enfants souffraient de kwashiorkor. Ce n’est plus le cas, mais la sous-alimentation reste notre lot quotidien », confie un père déplacé à Irumu, en Ituri.
Les épidémies, elles, ne connaissent pas de répit. En 2023, plus de 28 000 cas suspects de choléra ont été signalés, dont 80 % dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. La surpopulation et l’insalubrité créent un terreau idéal pour la maladie. Les campagnes de vaccination, comme celle de janvier 2023 à Goma, ont permis d’atteindre 365 000 personnes, mais restent insuffisantes face à l’ampleur de la crise.
L’école, un rêve lointain
Pour la majorité des enfants déplacés, l’école est un mirage. Plus de 1 000 écoles ont été détruites en RDC en 2023, selon l’OCHA. Dans les camps, les rares classes improvisées manquent de tout : cahiers, bancs, enseignants. Les enfants passent leurs journées à aider leurs parents ou à errer sans occupation. « Je rêve d’apprendre à lire pour aider ma famille », confie Amina, 12 ans.
Quelques ONG, comme Save the Children, tentent de recréer des espaces adaptés aux enfants, offrant un peu d’apprentissage informel et de soutien psychologique. Mais ces initiatives restent des îlots fragiles dans un océan de besoins. Sans éducation, ces enfants risquent de rester prisonniers d’un cycle de pauvreté et d’exclusion.
Grandir sous la menace : insécurité et violences
Les camps de déplacés ne sont pas des refuges sûrs. Les enfants, surtout les filles, y sont exposés à toutes les formes de violence, y compris sexuelles. Selon l’UNICEF, les cas de violences basées sur le genre ont augmenté de 37 % dans le Nord-Kivu au premier trimestre 2023. « Les agressions se produisent parfois en plein jour, jusque dans les allées du camp », s’alarme Pramila Patten, représentante spéciale de l’ONU.
Les attaques de groupes armés, comme celle de la milice CODECO en 2023 qui a fait 45 morts dans le camp de Lala en Ituri, rappellent la vulnérabilité extrême des déplacés. Les patrouilles de la MONUSCO ne suffisent pas à garantir la sécurité, et la peur reste omniprésente.
Les cicatrices invisibles : le poids du traumatisme
Pour le psychologue humanitaire Giscard Kabeti,grandir dans un camp laisse des traces profondes. Les enfants y sont confrontés à la violence, à la perte de proches, à l’insécurité constante. Selon lui,le manque d’éducation et de routine aggrave leur détresse psychologique. Il faut des programmes de soutien psychosocial et des opportunités d’apprentissage pour leur redonner espoir. Mais les ressources sont limitées, et il est urgent d’investir davantage dans leur avenir. Sans prise en charge, ces traumatismes risquent de se transmettre de génération en génération, perpétuant le cycle de la pauvreté et du déplacement.
Un appel à la mobilisation
Les enfants des camps de déplacés en RDC incarnent une résilience bouleversante, mais ils méritent bien plus qu’une simple survie. Selon l’OCHA, près de 25 millions de personnes en RDC ont aujourd’hui besoin d’aide humanitaire. La communauté internationale doit intensifier son soutien, non seulement en apportant une aide d’urgence, mais aussi en investissant dans l’éducation, la santé mentale et la protection des plus vulnérables.
Les organisations comme l’UNICEF, CARE et Save the Children accomplissent un travail remarquable, mais l’ampleur de la crise dépasse leurs capacités. Ces enfants, qui rêvent d’un avenir meilleur, rappellent l’urgence d’agir pour qu’un jour, l’enfance rime enfin avec innocence, et non avec exil.
Heshima Magazine
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RDC : ce géant du tourisme en Afrique centrale qui s’endort
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5 jours agoon
juin 25, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) possède un extraordinaire potentiel touristique, avec une faune et flore riches, des parcs nationaux, des sites naturels (chutes, lacs, montagnes) et des sites culturels. Mais cette manne naturelle est faiblement accessible aux touristes internationaux. L’insécurité dans une bonne partie du pays et des problèmes de gouvernance freinent l’éclosion d’un secteur qui pourrait rapporter plus de 10 % de la valeur du PIB congolais.
Grâce à sa position stratégique à l’équateur au cœur de l’Afrique, la RDC est située au carrefour des destinations finales ou initiales des circuits touristiques d’Afrique Australe, Centrale et de l’Est. Le pays présente une gamme variée d’attraits touristiques à travers ses 26 provinces. Les chutes de Zongo au Kongo central, des attractions touristiques comme le Jardin botanique d’Eala et le Parc de la Vallée de la N’sele à Kinshasa, le lac Kivu, le fleuve Congo, et les montagnes telles que le Ruwenzori offrent des paysages spectaculaires pour les touristes. Chaque province présente des particularités variées. Le pays de Lumumba possède 7 parcs nationaux et 57 réserves et domaines de chasse dont 5 figurent sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO. Il s’agit du Parc national des Virunga, le Parc national de la Garamba, Kahuzi Biega, la Salonga et la Réserve de faune à okapis. En dehors des parcs, la RDC possède des montagnes et chutes qui offrent la possibilité d’exploiter tout type de tourisme (balnéaire, culturel, de loisirs, d’affaires). Sur le plan de la flore, il y a une variété d’écosystème couvrant près de 145 millions d’hectares, soit le second massif de forêts tropicales du monde après l’Amazonie et une des réserves de biodiversité de la planète. La RDC possède 4 espèces endémiques : Gorille de montagne, Okapi, Bonobo (chimpanzé nain), Paon congolais. À côté, il y a d’innombrables espèces d’oiseaux et de poissons. Face à un tel potentiel, le pays ne devrait pas être à la traine en matière de tourisme.
L’insécurité, l’ennemi numéro 1 du tourisme
Depuis près de 30 ans, la partie orientale du pays demeure en insécurité. Pourtant, les Kivus et l’Ituri regorgent d’atouts pour le développement du tourisme avec des paysages magnifiques, une faune diversifiée et une culture unique. Cependant, cette région reste marquée par l’instabilité sécuritaire, ce qui a affecté le développement du tourisme. Malgré ces défis, des initiatives sont en cours pour relancer le secteur et mettre en valeur les atouts touristiques de la région, notamment le Parc National des Virunga et le Lac Kivu. La chaîne de volcans entre la RDC et le Rwanda, avec des sommets comme le Nyiragongo, constitue une attraction touristique particulière. Mais la zone est quasiment infréquentable par des touristes suite à l’insécurité. Le parc national des Virunga est souvent le théâtre des affrontements entre des groupe armés et forces loyalistes. Des gardiens du parc sont souvent tués lors d’attaques de groupes rebelles. Le 22 février 2021, l’ambassadeur d’Italie en RDC, Luca Attanasio, a été tué dans cette région alors qu’il allait visiter un projet scolaire dans un village près de Rutshuru, dans le Nord-Kivu. Cette zone était quasiment dans le périmètre du Parc national des Virunga. Un événement tragique qui a davantage refroidi des potentiels touristes. Par exemple, Israël a vu son tourisme chuter de 64 % depuis octobre 2024 en raison de tensions régionales.
Pas de marketing avant les infrastructures
Selon les chiffres publiés par l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI), la RDC a révisé en 2013 son plan directeur projeté sur 15 ans avec comme objectifs d’atteindre à terme 1.146.962 touristes internationaux et des recettes de 17,3 millions de dollars. Un montant estimé à 10 % de la valeur du PIB congolais en 2012. Mais pour que ce plan de 15 ans puisse fonctionner, l’ANAPI avait précisé qu’il fallait mettre en place une politique de promotion et de préservation des espèces animales phares ; réhabiliter des parcs nationaux, créer des niches écologiques, réhabiliter des voies d’accès aux différents sites et promouvoir le Tourisme vert pour renforcer la conservation de l’environnement. Il fallait aussi développer l’offre en transports touristiques (aérien, routier, fluvial et lacustre) ; créer des sites d’hébergement (hôtels et infrastructures d’accueil et d’animation touristiques). Avec la décentralisation, il est aussi nécessaire de mettre en place des services des agences et bureaux de tourisme dans les différentes entités décentralisées. Plus de 12 ans après avoir élaboré ce plan, rien de concret n’a été fait pour développer ce secteur.
Actuellement, le ministre du Tourisme, Didier M’Pambia, s’est empressé de signer un contrat de marketing de plus de 4 millions de dollars avec le club prestigieux AC Milan pour promouvoir le tourisme en RDC. Pourtant, les préalables énumérés notamment par l’ANAPI n’ont pas toujours été remplis. Il sera difficile dans un tel contexte de capter les touristes du monde. Les fonds investis dans le marketing risquent de ne pas produire de résultats tant que le secteur n’est pas restructuré. Le contrat signé également par le ministre des Sports, Didier Budimbu avec l’As Monaco (4,8 millions d’euros pour 3 saisons), qui comporte un volet de visibilité du pays, n’échappe pas à la logique de ces préalables. « Il faut d’abord développer tout un écosystème touristique au pays avant d’envisager un marketing à l’international », estime Eddy Mbala, guide touristique dans un site de Mbanza-Ngungu, au Kongo Central.
Cet écosystème implique une harmonie entre les différents services du pays. Des infrastructures d’accueil comme les aéroports et la qualité du personnel d’accueil devraient être prises en compte dans cet alliage. Il y a aussi des agences de voyages, des hôtels non classés et classés ; le développement des 4.500 km de voies navigables du pays ainsi que des services d’appui au déploiement des activités touristiques. C’est l’existence de cet ensemble des infrastructures qui permettra au pays de lancer son marketing à l’international tout en s’assurant de la qualité de la délivrance des visas pour les touristes.
Saisir chaque opportunité pour mieux vendre le pays
Pour mieux capitaliser ce secteur, le pays doit mettre en valeur chacun de ses atouts naturels. Cela n’est possible que grâce à une gouvernance efficace de ce domaine. Si les efforts en cours pour trouver un accord de paix entre la RDC et le Rwanda arrivent à aboutir, il faudrait en ce moment activer un autre levier politique interne : la gouvernance de qualité dans ce secteur. Cela permettra de créer l’attractivité autour du tourisme. Il faudrait aussi saisir chaque occasion pour mieux vendre le pays. Le Festival mondial de la musique et du tourisme, prévu du 16 au 18 juillet 2025 à Kinshasa, devrait être une opportunité de mettre à profit le potentiel touristique de la RDC. Beaucoup d’experts du secteur s’accordent à dire que si le pays parvient à surmonter ses défis sécuritaires et à développer ses infrastructures touristiques, il pourrait devenir une destination majeure en Afrique centrale. Le programme de réhabilitation des aéroports du pays est un signe dans la bonne direction.
Heshima
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RDC : l’agriculture, seule arme pour vaincre l’insécurité alimentaire
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6 jours agoon
juin 24, 2025By
La redaction
La République démocratique du Congo (RDC) traverse une crise alimentaire importante. Des millions de citoyens peinent à se nourrir convenablement, alors même que le pays regorge de terres fertiles et de ressources naturelles à faire rêver tout investisseur agricole. Cette contradiction, criante, laisse entrevoir un paradoxe : comment un pays aussi riche en potentialités agricoles peut-il laisser une grande partie de sa population souffrir de la faim ? Plus qu’une interrogation, c’est un appel à repenser l’agriculture comme levier central de transformation sociale et économique.
En 2025, la situation reste préoccupante. D’après les chiffres publiés en janvier par l’Integrated Food Security Phase Classification, près de 27,7 millions de Congolais, soit environ un quart de la population évaluée, vivent en insécurité alimentaire aiguë. Parmi eux, 3,9 millions sont classés en situation d’urgence. Ces chiffres, derrière leur froideur statistique, traduisent une réalité implacable : des familles entières luttent pour survivre dans un pays qui pourrait, selon la Banque africaine de développement, nourrir jusqu’à deux milliards d’individus grâce à ses quelque 80 millions d’hectares de terres arables, dont à peine 10 % sont exploités.
La RDC, pourtant, ne manque pas de productions agricoles phares. Le manioc, avec 29,9 millions de tonnes récoltées en 2018, et les bananes plantains, avec 4,7 millions de tonnes, placent le pays parmi les tout premiers producteurs mondiaux, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Mais ces chiffres ne suffisent pas à masquer les carences du système. « Nous avons les terres, l’eau, le climat. Il ne manque que la volonté de transformer ce potentiel en réalité durable », estime Jacques Malila, spécialiste du développement agricole.
Des freins structurels persistants
Le premier défi tient aux infrastructures. Trop de routes, impraticables pendant la saison des pluies, coupent les producteurs des circuits de distribution. Marie Nzola, agricultrice dans le Sud-Ubangi, confiait à un média local en mars 2024 : « Nous travaillons dur, nous récoltons, mais l’absence de routes fait pourrir nos produits. » Ce constat, malheureusement répandu, est appuyé par un rapport du Programme alimentaire mondial datant de 2022, qui identifie l’effondrement des infrastructures comme l’un des déclencheurs majeurs de la crise alimentaire actuelle. Le manque d’électricité, d’installations de conservation ou encore de systèmes d’irrigation freine lourdement la productivité, en particulier dans les zones reculées.
Autre obstacle : l’accès au financement. Une large majorité des exploitants, plus de 60 % de la main-d’œuvre agricole, évolue dans un contexte informel, sans filet de sécurité ni accès au crédit. Les possibilités d’investir dans de meilleures semences, des outils ou de l’engrais sont donc minces. En 2022, la Banque mondiale évoquait, dans l’un de ses blogs, un programme agricole doté de 500 millions de dollars censé bénéficier à 1,7 million de producteurs du pays. Mais sur le terrain, les retombées restent inégales. « Sans prêts adaptés à notre réalité, nous restons enfermés dans un cycle de faibles rendements », soupire Daniel Mbuyi, cultivateur de maïs dans le Kasaï.
Enfin, les politiques agricoles peinent à s’ancrer dans une vision cohérente. Un rapport des Nations unies paru en mars 2025 relève que les conflits persistants dans l’Est perturbent les cycles agricoles et déplacent des familles entières, rendant toute stratégie difficile à stabiliser. Une gouvernance éclatée, des priorités souvent brouillonnes et une absence de suivi concret paralysent les réformes structurelles pourtant urgentes.
Des initiatives porteuses d’espoir
Malgré ce tableau sombre, des projets ambitieux voient le jour. Le Programme de transformation agricole, lancé en 2023, prévoit de mobiliser 6,6 milliards de dollars sur dix ans. Il vise à moderniser l’agriculture congolaise tout en recentrant les efforts sur les petits producteurs, pierre angulaire de l’économie rurale. « L’objectif, c’est de faire de l’agriculture un moteur de croissance inclusive », a souligné un intervenant lors du Forum sur l’agribusiness organisé la même année par la Banque africaine de développement.
L’agroécologie, portée par plusieurs ONG, s’impose peu à peu comme un modèle viable et durable. L’ONG internationale SAILD, par exemple, a mené en 2024 une série d’ateliers promouvant des méthodes plus respectueuses de l’environnement, comme la rotation des cultures ou l’usage du compost naturel. Une étude publiée en 2023 dans la plateforme de publications scientifiques ScienceDirect démontre que dans la province du Maniema, ces pratiques ont non seulement amélioré la fertilité des sols, mais aussi accru les rendements agricoles. « Avec l’agroécologie, nous respectons la terre tout en assurant notre subsistance », témoigne Esther Baraka, cultivatrice dans le Kivu.
L’essor de l’agro-industrie constitue une autre piste prometteuse. Selon l’agence du département du Commerce des États-Unis Trade.gov, des partenariats public-privé sont en cours d’examen pour implanter des parcs agro-industriels capables de transformer sur place le manioc, le maïs ou les fruits, générant ainsi des emplois et réduisant la dépendance aux importations. Cette dynamique vise à créer de véritables pôles économiques régionaux, tout en valorisant les produits locaux.
L’innovation numérique n’est pas en reste. La plateforme NYUKI TECH, développée par l’entreprise spécialisée dans la production et la vente des produits apicoles et agricoles GRECOM-RDC, connecte les agriculteurs aux marchés, limite les pertes post-récolte et facilite la transparence des prix. Présentée dans un article de l’Index Insurance Forum publié en 2024, cette solution illustre le potentiel des technologies pour combler les failles logistiques.
Dans cette même logique, le Programme de promotion de l’entrepreneuriat agricole et de la sécurité alimentaire, financé par le Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire à hauteur de 1,65 million de dollars, cible cinq bassins de production pour renforcer les filières du manioc et du maïs. Il met l’accent sur la résilience locale et le renforcement des chaînes de valeur agricoles.
Un cap à maintenir
L’avenir alimentaire de la RDC ne dépend pas uniquement de sa fertilité naturelle, mais de sa capacité à aligner les efforts politiques, économiques et communautaires autour d’un objectif commun. La lutte contre la faim ne se gagnera pas uniquement dans les champs, mais aussi dans les institutions stables, sur les routes, dans les banques et jusque dans les écoles agricoles.
Comme le résume le docteur Rajabu, spécialiste des politiques agricoles : « Le moment est venu pour la RDC de se lever et d’exploiter pleinement ses richesses naturelles. L’agriculture, si elle est bien pensée, peut transformer ce pays. »
La tâche est immense, mais l’élan est enclenché. L’État, les partenaires techniques, les ONG et les paysans eux-mêmes commencent à bâtir des ponts là où il n’y avait que des fossés. Investir dans les infrastructures, faciliter le crédit rural, promouvoir l’agro-industrie locale et respecter les savoirs paysans : autant de pistes concrètes pour avancer.
Dans un pays où l’espérance se cultive aussi bien dans les esprits que dans les sillons, chaque semence devient un pari sur demain. Il ne reste plus qu’à irriguer cet espoir. Et à ne plus jamais laisser la faim dicter la loi d’un sol aussi généreux.
Heshima Magazine
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