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Les dialogues et les pourparlers en RDC, qu’en tire le peuple ?

« Le peuple d’abord », tel est le slogan qui aujourd’hui est devenu un véritable crédo pour la population congolaise.

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Cette dernière, ne manque pas de le rappeler au Chef de l’Etat, Félix TSHISEKEDI, éventuellement pour lui faire montre l’importance qu’a le petit peuple au sein d’une Nation. Oui, en effet, depuis 1960 jusqu’à ce jour, les dialogues et les pourparlers qui se sont succédés en RDC, ex Zaïre, auront été qu’une aubaine pour les bénéficiaires du pouvoir.

Ceux-là même qui s’enrichissent derrière le dos de la population. Dans tout cela, quelle est la part du peuple ? Cette question vaut son pesant d’or puisque, s’il fallait compter leur nombre, les dialogues auraient déjà fait de la RDC un des pays le plus stable et émergent d’Afrique. Hélas ! On le sait tous, les dialogues en RDC font ce que leurs auteurs veulent à telle enseigne que les résolutions qui en sont issues sont souvent contestées avant qu’elles ne soient connues du public.

En effet, dans leurs conciliabules, les acteurs politiques sont les premiers à brandir l’intérêt supérieur de la Nation dans la forme, mais sans pourtant s’en préoccuper dans le fond. Seul le partage des postes ministériels et autres postes des responsabilités les préoccupe en réalité.

Néanmoins, maints observateurs sont d’avis que les pourparlers politiques au Congo-Kinshasa n’offrent que des solutions à court terme. Car, faut-il le souligner, de la table ronde en Belgique, en passant par la conférence nationale souveraine, par le dialogue inter-congolais de Sun City, par les concertations nationales et de chuter avec les deux derniers dialogues de 2016 sous l’égide de KODJO et des pères de l’Eglise catholique, les résultats de ces pourparlers n’auront pas produit vraiment des résultats escomptés en ce qui concerne le développement et l’émergence du pays.

Come-back sur la conférence nationale souveraine, CNS
À noter que la culture des pourparlers en RDC n’est pas un phénomène nouveau. Déjà, en 1960, le Congo-Belge accédait à son indépendance ‘’tchatcha’’ le 30 juin, sous le fond d’un dialogue au sortir de la table ronde de Bruxelles.

Une table ronde qui n’était que le signe avant-coureur, peut-on oser le dire, de ce qui allait se passer durant les 50 années suivant son indépendance.

Et, que dire de la Conférence nationale souveraine ? Convoquée pour le 29 avril 1991, la première phase de ce forum national ne s’ouvrit que le 7 août de la même année. Les leaders d’opinion, les acteurs politiques et sociaux, quelques-uns fatigués de la dictature du Maréchal MOBUTU au pouvoir depuis novembre 1965, voulaient à tout prix en découdre une fois pour toute avec le régime en place. Joint aux 550 déclarations de politique générale dont les 192 lues en plénière, les travaux de 5 commissions à caractère politico-juridique, socio-culturel, économico-financier, technique et sensible ont fourni des outils de construction de la IIIème République.

Alors que d’aucuns attendaient le départ imminent du dictateur MOBUTU, l’Acte Constitutionnel avait défini clairement l’organisation et l’exercice du pouvoir pendant la période de la transition de 18 à 24 mois. Ainsi, il a été décidé que le Chef de l’Etat devrait être maintenu au pouvoir. Le Haut Conseil de la République était appelé à prendre le relais de la Conférence nationale souveraine, et sans oublier, le compromis politique global de partage du pouvoir.

Conséquence ? Bon nombres de recommandations n’ont pas été respectées. ‘’Le peuple’’ n’a jamais eu sa quote-part.

De combine en combine et malignement, MOBUTU a su garder son impérium plus longtemps que prévu, jusqu’à ce qu’il soit renversé par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL) de Mzee Laurent Désiré KABILA au mois de mai 1997.

Mzee KABILA, entre dialogue et conquête

Appelé à un dialogue avant la prise de Kinshasa par ses « kadogo » (Ndlr : enfants soldats venus avec Mzee KABILA), le tombeur de MOBUTU, Laurent-Désiré KABILA, s’était retrouvé en pourparlers avec le Maréchal Sese Seko sur le bateau sud africain Utenika sous la médiation du très respecté Nelson MANDELA.

Durant cette rencontre, outre la demande de cessez-le-feu, MOBUTU a annoncé son intention de quitter le pouvoir et proposé la mise en place d’une transition suivi d’élections auxquelles il ne se présenterait pas. La rencontre fut un échec à cause des profondes divergences entre les deux protagonistes. Une fois au pouvoir, L.D. KABILA ne tarda pas à se désolidariser de ses anciens alliés devenus encombrants. Mécontents, ceux-ci vont soutenir plusieurs rebellions contre Laurent KABILA.

C’est la guerre dite d’agression menée par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda. Mzee le libérateur mourra assassiné le 16 janvier 2001, laissant derrière lui un pays prêt à imploser, à l’avenir incertain.

 Dialogue inter congolais

 L’enjeu majeur de la période qui suivit ces graves perturbations du Congo fut la stabilisation du pays. Joseph KABILA, le nouveau président, s’y appliqua méticuleusement, en vue de la réunification du pays et la résolution de la crise de légitimité. C’est sous sa présidence, que le pays a connu le plus de dialogues dans l’histoire post coloniale du Congo.

L’un de plus important de ces dialogues fut celui destiné à sauver le pays de l’éclatement : il eut lieu à Sun city, en Afrique du Sud en avril 2003 à l’issu duquel une transition de 3 ans est décidée ainsi que la mise en place d’un gouvernement de 1+4, entendez, 1 président et 4 Vice-présidents.

La trêve ne dura que peu de temps, jusqu’aux élections de 2006 lorsque Jean-Pierre BEMBA, ancien chef rebelle et candidat à l’élection présidentielle rejeta le verdict des urnes donnant KABILA vainqueur à l’issu d’un scrutin à deux tours. Kinshasa connut un affrontement militaire en plein centre-ville entre les troupes de BEMBA et l’armée régulière, occasionnant morts d’hommes.

Les concertations nationales

Les élections de 2011, notamment la présidentielle a donné lieu à une crise politique profonde. Au terme de cette élection, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) proclame KABILA élu avec 49% contre 32,3% pour son principal challenger, l’opposant Etienne TSHISEKEDI.

Ce dernier rejette tout en bloc et se déclare président élu allant jusqu’à « prêter serment » dans sa résidence de Limete et appelle les élus de son parti aux législatives à boycotter de siéger à l’Assemblée nationale. La crise politique s’enlise. KABILA convoque les concertations nationales en septembre 2013 pour « consolider la cohésion nationale, assurer la victoire sur toutes les forces d’agression, mettre fin au cycle infernal de violences à répétition principalement dans le Nord et le Sud-Kivu et en Ituri et renforcer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national ». Plus de 600 recommandations sortiront de ces assises suivies d’un gouvernement d’union nationale. En dépit de tout cela, les attaques des groupes armés contre la population ne s’estomperont pas. La cohésion nationale recherchée ne sera pas atteinte. La majorité des opposants ayant accepté de rejoindre le gouvernement d’union nationale seront exclus de leurs partis respectifs.

De la cité de l’UA, au Centre interdiocésain

Le deuxième et dernier mandat de Joseph KABILA tend à sa fin. Les conditions pour l’organisation des élections devant consacrer son départ et la passation pacifique du pouvoir sont loin d’être réunies pourtant ses opposants et des mouvements pro démocratie ne jurent que par son départ à la date du 31 décembre 2016.

Un chaos généralisé menace le pays. Des manifestations appelant à la tenue des élections en décembre 2016 font des dizaines des morts. Le premier dialogue, conduit sous l’égide de l’ancien Premier ministre togolais Edem KODJO, aura ainsi débouché sur la signature d’un Accord en octobre 2016 dit « Accord de l’UA ». Tel un coup de revers, ce compromis sera rejeté immédiatement par une grande partie de l’opposition congolaise qui s’était sentie mise de côté et n’accordait aucun crédit à KODJO.

Le relais de la facilitation des discussions sera ensuite pris par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). L’implication des évêques catholiques, dans un pays majoritairement chrétien et où ces derniers ont une cote favorable, avait alors donné lieu à la signature d’un deuxième accord global et inclusif dit de la Saint Sylvestre, conclu le 31 décembre 2016. Le gouvernement qui en est issu est aussitôt contesté par le Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement (RASSOP)/aile Limete. Bien que ledit accord ait recommandé entre autres la neutralisation des groupés armés sévissant en RDC, la population de l’Est n’a pas connu de répit et a continué à subir des attaques meurtrières.

A quand le prochain dialogue ?

Le premier Ministre ILUNGA ILUKAMBA a fait savoir, lors de la présentation du programme de son équipe à l’Assemblée nationale que son gouvernement une fois investi, organisera dans un bref délai, une conférence nationale sur la réconciliation nationale. Que faut-il attendre de cette énième conférence ? La population peut-elle espérer enfin en être la première bénéficiaire ? Car dépit de tous ces dialogues et conférences, la RDC figure toujours dans la catégorie des pays les plus pauvres et corrompus du monde. Les groupes armés à l’est du pays règnent en maitre et sèment terreur et désolation. Il est temps de penser au peuple d’abord.

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En RDC, l’accès à l’électricité reste un luxe malgré le potentiel du pays

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Malgré son incroyable potentiel hydrique, la République démocratique du Congo (RDC) fait partie des pays africains qui ont un faible accès à l’électricité. Selon les chiffres de la Banque mondiale, moins de 22% de la population congolaise a accès à cette énergie, avec des disparités importantes entre zones urbaines (35%) et rurales (moins de 1%). Des solutions envisagées pour combler ce déficit traînent encore…

La RDC est à la traîne en matière d’accès à l’électricité sur le continent africain. Le pays représente un des taux d’électrification les plus bas d’Afrique subsaharienne, avec seulement 21,5% en 2022, comparé à une moyenne de 51,5% dans la région. Ce taux de 21,5 % est jugé exagéré par d’autres experts locaux qui nivèlent à 9% la desserte nationale en électricité. Dans ces chiffres, la ville de Kinshasa seule a 50% et moins de 1% pour le milieu rural. Le gouvernement congolais essaie de combler ce déficit mais les solutions proposées peinent à porter leurs fruits. La Banque mondiale travaille avec la RDC pour améliorer cet accès à l’électricité et prévoit d’augmenter le taux d’électrification à 62% d’ici 2030, avec un taux de croissance annuel de 6%.

Le potentiel congolais et ses paradoxes

La RDC reste un grand paradoxe pour ceux qui l’observent au regard du potentiel naturel que possède le pays. Situé au cœur du continent africain, la RDC compte plus de 50% des réserves d’eau douce de l’Afrique. Le pays est traversé par des cours d’eau avec des chutes et des rapides propices à la construction des barrages hydroélectriques. Mais le pays de Lumumba reste l’un des derniers pays dans la région africaine en termes d’électrification. Si des efforts ont été fournis ces dernières années, ils restent bien marginaux par rapport au potentiel et aux possibilités existantes. « J’ai demandé que l’accès à l’électricité soit inscrit comme la première priorité économique de mon quinquennat », avait rappelé Félix Tshisekedi à l’ouverture du premier forum national sur l‘électricité en RDC. Mais lors du deuxième forum, en août 2024, plus de 300 participants, réunis pour réfléchir à l’accès à l’électricité en RDC, dix ans après la promulgation de la loi N°14/011 du 17 juin 2014 relative au secteur de l’électricité, ont dressé un bilan largement négatif.

Malgré la libéralisation du secteur ainsi que le cadre légal et institutionnel mis en place, les avancées semblent maigres. Ces participants ont même estimé que le pays « naviguait à vue, sans planification rigoureuse ». La loi n’a pas permis l’essor du secteur de l’électricité en RDC. « Depuis sa promulgation en 2014, le taux de desserte a régressé, passant de 9 % à 7,14 %, au lieu de progresser », d’après les participants venus de toutes les provinces du pays. Quand une turbine tombe longtemps en panne ou un poste électrique est hors service, les statistiques aussi bougent.

Dans le diagnostic, des experts relèvent aussi plusieurs facteurs qui contribuent à cette situation de déficit énergétique. Il y a notamment des infrastructures vieillissantes, le manque d’investissements, et des défis liés à la distribution et à la gestion du réseau. Produire de l’énergie est un fait, mais l’acheminer dans des postes puis assurer sa distribution constitue aussi un autre problème. Par exemple, le barrage de Zongo, au Kongo Central, produit de l’électricité qui n’avait jamais été distribuée faute d’un réseau de transport.

Le gouvernement veut connecter 14 villes

En mars 2025, le ministre des Ressources hydrauliques et de l’électricité Teddy Lwamba avait lancé le projet d’Accès, de Gouvernance et de Réforme des Secteurs de l’Électricité et de l’Eau (AGREE). Financé à 600 millions de dollars par la Banque mondiale, ce projet vise à accroître l’accès à l’électricité et à l’eau potable à base d’énergie renouvelable dans 14 villes ciblées dans les zones d’intervention de la Banque mondiale. Il s’agit des villes de Kinshasa, Kikwit, Bandundu, Tshikapa, Kananga, Mbuji-Mayi, Mwene-Ditu, Kabinda, Bukavu, Goma, Butembo, Beni, Bunia et Boma. Ce projet pourrait renforcer la fourniture de l’électricité dans les milieux urbains.

Réduire le déficit entre milieu urbain et rural

Dans le cadre de la réduction de la fracture entre le milieu urbain et rural, Félix Tshisekedi avait créé l’Agence nationale pour la promotion et le suivi de l’électrification rurale (ANSER). Cette structure est impliquée dans l’électrification de quelques entités décentralisées telles que la ville de Lodja, dans la province du Sankuru. Dans cette entité, l’ANSER travaille à la construction d’une centrale solaire photovoltaïque de 400 kWc, dans le cadre de son programme de développement local et de projets d’électrification rurale.

Dans ce projet, les agents de l’ANSER ont procédé à l’électrification de Lumumbaville, autrefois appelé Wembonyama, le village natal de Patrice Emery Lumumba, le premier Premier ministre du Congo indépendant. « Nous avons connecté la maison familiale de Patrice Lumumba. C’était la première maison à être connectée à ce réseau électrique. C’est tout un symbole », a déclaré un ingénieur de ce service déployé dans cette partie du pays. En dehors de Lumumbaville, plusieurs entités de cet espace continuent à souffrir d’un manque d’électricité, notamment à Kabinda, chef-lieu de la province de Lomami et dans plusieurs territoires de l’espace Kasaï tels que Mueka, Lwiza, Lubefu et Lwebo où l’électricité demeure encore un luxe.

Pour essayer de changer la donne, l’ANSER mène des projets pilotes d’électrification dans ces milieux de l’espace Kasaï. Ces projets, tel que celui mené à Lodja, pourraient servir de modèle pour d’autres régions du pays. Mais parallèlement à ces projets de mini-barrages solaires, la construction de la centrale hydroélectrique de Katende, dans le Kasaï Central, pourrait booster l’approvisionnement en électricité de la région. Les travaux sont en cours et la centrale devrait fournir 32 mégawatts dans sa deuxième phase et 16 mégawatts dans la troisième.

Dans les Kivu, le défi reste le même

Comme d’autres régions du pays, les Nord et le Sud-Kivu n’échappent pas aux difficultés d’accès à l’électricité. Le taux d’électrification reste très faible, mais des projets de centrales solaires, hydroélectriques et à gaz méthane sont en développement pour augmenter l’accès à l’électricité. Certaines villes du Kivu telles que Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, est alimentée en grande partie par des sociétés privées, Virunga Energie alimente une bonne partie de la ville. Les centrales hydroélectriques existantes, comme Ruzizi 1 et 2, souffrent parfois de la baisse du niveau d’eau du lac Kivu. La Société Nationale d’Électricité (SNEL) est le principal opérateur, mais elle fait face à des difficultés de production et de distribution.

D’autres projets sont explorés pour augmenter la production avec une ligne à moyenne tension reliant Kamanyola à Luvungi, puis vers Uvira et Fizi dans la province du Sud-Kivu. L’exploitation du gaz méthane du lac Kivu pour produire de l’électricité reste également une solution potentielle à la faible production hydroélectrique pour cette province.

Projet Inga 3, un espoir pour le pays

Conçu pour la première fois dans les années 1920, le projet Grand Inga compte la construction de huit barrages sur le fleuve Congo. Lancé à la fin des années 50, ce projet pharaonique a connu seulement l’inauguration de deux barrages, l’un en 1972 et l’autre en 1982. Inga est à l’étude depuis les années 1990. Longtemps mis en suspens, ce projet du barrage a été relancé. La Banque mondiale a annoncé début juin 2025 un premier financement de 250 millions de dollars pour permettre de réaliser les études préalables de faisabilité ainsi que les différentes projections. Objectif : passer de 21% de taux d’électrification de la RDC à plus de 60% d’ici à 2030. Cette enveloppe pourra atteindre jusqu’à plus de 1 milliard de dollars. La production énergétique projetée pourrait atteindre entre 2 et 11 gigawatts, suffisant pour alimenter le Kongo-Central, Kinshasa, et même exporter vers des pays comme l’Afrique du Sud, selon Radio Okapi.

D’après le média Africanews, la capacité de production d’Inga 3 devrait être l‘équivalent de la production de trois réacteurs nucléaires de troisième génération. Il y a plus d’une année, la RDC avait demandé à des consortiums rivaux, l’un dirigé par la société chinoise Three Gorges Corporation et l’autre regroupée sous la bannière de la société de construction espagnole ACS, de s’associer et de présenter une offre commune pour financer ce barrage prometteur. Mais ce projet semblait encore piétiner jusqu’à l’annonce du financement de la Banque mondiale.

Face à son potentiel extraordinaire, la RDC reste un géant énergétique endormi. La réalité est marquée par une injustice énergétique profonde. Tant que les réformes structurelles ne seront pas accélérées, et que l’accès ne sera pas démocratisé au-delà des grandes villes, le faible taux d’électrification continuera d’entraver le progrès social et économique du pays.

Heshima

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RDC : les revendications profondes du M23 et leurs possibles conséquences…

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Le retour en force du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), après une décennie de relatif silence, pose avec acuité la question de la nature réelle de ses revendications et de leurs conséquences potentielles pour l’État congolais. Derrière le discours officiel de protection des minorités et de justice pour les populations marginalisées, le M23 mène une stratégie qui oscille entre la recherche de légitimité politique et la consolidation d’un pouvoir de fait sur des territoires clefs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Cette dynamique, loin d’être un simple épiphénomène local, engage l’avenir de la souveraineté congolaise et la stabilité de toute la région des Grands Lacs.

Le M23 s’appuie d’abord sur l’accord du 23 mars 2009, signé à l’issue de la précédente rébellion du CNDP, pour justifier sa lutte armée. À ses yeux, l’État congolais n’a jamais respecté ses engagements, en particulier l’intégration des ex-combattants dans l’armée nationale, la réinsertion socio-économique des populations affectées et la reconnaissance des droits des communautés tutsies et kinyarwandophones. Le mouvement affirme défendre ces groupes contre les violences de milices hutu et la marginalisation institutionnelle, tout en exigeant un statut administratif particulier pour les zones qu’il contrôle.

Cependant, l’analyse des faits sur le terrain et des rapports d’organisations telles que Human Rights Watch et Amnesty International met en lumière une instrumentalisation de la question ethnique. Le M23, tout en se présentant comme un rempart contre l’insécurité, a été impliqué dans de nombreuses exactions contre des civils, y compris des membres des communautés qu’il prétend protéger. Son contrôle des axes miniers stratégiques et des routes commerciales, notamment vers l’Ouganda et le Rwanda, révèle également une dimension économique majeure à ses revendications, qui dépasse largement la simple défense des droits des minorités.

Enjeux symboliques et politiques

Sur le plan symbolique, les revendications du M23 remettent en cause le principe d’égalité territoriale et d’unité nationale inscrit dans la Constitution congolaise. En exigeant un statut particulier pour certaines zones congolaises sur une base ethnique, le mouvement fragilise la cohésion nationale et ouvre la porte à d’autres revendications similaires dans un pays déjà fragilisé par des décennies de conflits. La reconnaissance d’une telle exceptionnalité, même temporaire, serait perçue comme un aveu de faiblesse de l’État central, risquant d’éroder la confiance des citoyens dans la capacité de Kinshasa à garantir l’équité et la justice pour tous.

Politiquement, le M23 cherche à se hisser au rang d’interlocuteur incontournable, imposant à l’État congolais un dialogue direct et une reconnaissance de facto de son pouvoir sur le terrain. Cette stratégie, qui a trouvé un écho lors de la médiation qatarie d’avril 2025, met en difficulté les institutions nationales et affaiblit la légitimité des autorités élues. Elle pose la question de la place des groupes armés dans le jeu politique congolais et du risque de voir la violence s’ériger en mode d’accès privilégié à la négociation et à la représentation institutionnelle.

Les conséquences potentielles de l’acceptation des revendications du M23

Si le gouvernement congolais venait à céder aux principales exigences du M23, les conséquences seraient lourdes à la fois pour la gouvernance interne et pour la position du pays sur la scène internationale. Sur le plan national, l’octroi d’un statut spécial à une entité contrôlée par un groupe armé créerait un précédent dangereux, susceptible d’encourager d’autres mouvements à suivre la même voie. La fragmentation administrative qui en découlerait risquerait d’alimenter les tensions intercommunautaires et d’affaiblir davantage l’autorité de l’État dans des régions déjà marquées par la défiance envers Kinshasa.

La sécurité nationale serait également menacée, car l’intégration de combattants du M23 dans les forces armées, sans garanties de loyauté et de discipline, pourrait reproduire les erreurs de 2009 et miner davantage la cohésion des FARDC. Sur le plan social, la polarisation ethnique serait exacerbée, avec un risque d’embrasement généralisé dans d’autres provinces où des griefs similaires existent.

À l’échelle internationale, une telle évolution serait perçue comme une victoire du fait accompli et de l’ingérence étrangère, notamment rwandaise, dans les affaires congolaises. Cela affaiblirait la crédibilité de la RDC dans ses relations diplomatiques et mettrait à mal le principe d’intangibilité des frontières, fondement du droit international africain. Les partenaires régionaux et internationaux, déjà divisés sur la question, pourraient voir leurs efforts de médiation et de stabilisation durablement compromis.

Vers une sortie de crise ou un enlisement durable ?

L’analyse des revendications du M23, replacées dans le contexte plus large de l’histoire congolaise et des dynamiques régionales, invite à la prudence. Si certaines de ses demandes trouvent un certain écho dans les frustrations d’une ethnie, la stratégie du mouvement, marquée par la violence et l’instrumentalisation de l’ethnicité, porte en elle les germes d’une déstabilisation durable. La légitimité de ses revendications ne saurait justifier les exactions commises ni l’affaiblissement de l’État congolais. Prendre les armes contre l’État pour des revendications ethniques est un schéma dangereux à même de provoquer la balkanisation de la RDC

La solution à cette crise ne pourra être que politique et inclusive, fondée sur le respect de la souveraineté nationale, la justice pour toutes les victimes et la reconstruction d’un pacte social qui transcende les clivages ethniques. Toute concession faite sous la contrainte militaire ouvrirait la voie à de nouvelles crises, un cycle infini, tant pour la RDC que pour l’ensemble de la région des Grands Lacs. C’est à ce prix seulement que la paix et la stabilité pourront être durablement restaurées dans l’Est du Congo.

Heshima Magazine

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RDC : l’artisanat minier toujours au cœur des vives tensions

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Qualifiée de scandale géologique, la République démocratique du Congo (RDC) ne capte pas encore son plein potentiel dans le secteur des mines. Si au niveau de la production industrielle les choses s’améliorent, l’artisanat reste cependant un terrain où l’anarchie règne en maître malgré la réglementation en vigueur. Dans les Kivu, les minerais sont exploités en plein conflit armé, dans certaines régions comme le grand Katanga, la concurrence avec les industriels crée souvent des tensions. Ce qui influe sur la rentabilité du secteur.

En 2024, le secteur minier a généré 4,36 milliards de dollars, selon l’agence de notation financière standard & Poor’s (S&P). Cela représente environ 41,3% des recettes courantes de la RDC, estimées à 10 milliards de dollars en 2024. « Notre pays détient 80 % des réserves mondiales de cobalt. Il représente actuellement autour de 65 % de la production mondiale, soit 95 000 tonnes par an, dont 18 000 tonnes, soit 800 millions de dollars de revenus au cours actuel, proviennent de sites miniers artisanaux », a déclaré Albert Yuma, alors président de la Gécamines, lors d’un forum en Afrique du Sud.

Dans ces recettes, boostées par la production de cobalt et de cuivre, l’artisanat représente une part non négligeable, mais le secteur reste désorganisé et marqué par des tensions quasi permanentes. Pourtant, le Code minier de 2002, révisé en 2018, consacre une section entière à l’exploitation artisanale. Cette loi impose aux mineurs artisanaux de se regrouper en coopératives agréées afin de solliciter une licence d’exploitation artisanale. L’État a aussi l’obligation de créer des Zones d’exploitation artisanale (ZEA) supervisées par des coopératives minières agréées.

Depuis un temps, dans le Lualaba et le Haut-Katanga, des milliers de coopératives se sont créées, mais beaucoup ne sont que des façades pour accéder à des licences. Peu de coopératives assurent un encadrement réel, technique ou social des creuseurs. « Certaines coopératives sont contrôlées par des élites politiques ou militaires. Elles créent des coopératives juste pour faire main basse sur les mines artisanales sans se soucier des creuseurs artisanaux », affirme Moise Kapia, un creuseur vivant à Kolwezi, chef-lieu du Lualaba.

Les creuseurs accusent également les industriels de ne pas respecter les limites de leurs sites et d’empiéter régulièrement sur les carrés miniers artisanaux. D’après un rapport de l’ONG Crisis Group publié en 2020, les industriels reprochent à leur tour aux creuseurs artisanaux d’occuper leurs mines. Par exemple, lorsque les activités industrielles ont repris à Tenke Fungurume Mining (TFM), à la fin des années 1990, le nouvel opérateur a trouvé environ 20 000 mineurs artisanaux, selon certaines estimations, sur le site pour lequel il détenait un permis.  Ceci a mené à plus de vingt ans de tensions et à des violences intermittentes entre les mineurs artisanaux, l’armée et la police des mines. Cette dernière a régulièrement procédé à l’expulsion des mineurs artisanaux de certaines parties de TFM, mais n’a pas pu les empêcher de revenir sur le site de manière durable.

En 2019, note la même source, l’armée est intervenue pour expulser plus de 10 000 mineurs artisanaux qui empiétaient sur deux des plus grands sites industriels miniers dans le Haut-Katanga et au Lualaba.

Tensions communautaires entre Kasaïens et Katangais

Dans cette partie du pays, l’exploitation minière a aussi d’autres facteurs rendent ce secteur explosif. Les mines artisanales attirent également des travailleurs originaires d’autres provinces de la RDC, notamment des Kasaïens. Cela renforce le mythe selon lequel des Congolais, notamment du Kasaï, « voleraient » la richesse minérale de la région du Katanga. Cette perception exacerbe des tensions communautaires entre ces communautés présentes dans les zones minières. Le gouvernement, censé jouer un rôle d’arbitre, reste souvent éloigné de ces réalités. Ces tensions dégénèrent parfois en affrontements physiques ou verbaux. « Certains Congolais originaires du Katanga perçoivent la présence des autres Congolais venus du Kasaï comme une intrusion dans leur pré-carré », explique Eric Mukendi, creuseur originaire de l’espace Kasaï.

Les Kivu : une autre dimension de tensions

Si dans le Katanga les tensions se résument souvent par des rivalités entre industriels et artisanaux ainsi que les communautés entre elles, dans les Kivu, c’est une toute autre tension qui y règne. Les mines artisanales du Kivu, en particulier dans le Sud-Kivu, sont marquées par une exploitation majoritairement informelle. Des minerais tels que l’or, la cassitérite et le wolframite sont extraits par des creuseurs dans l’informel.

Dans le Nord-Kivu, l’exploitation minière artisanale est souvent associée à des conflits armés. Certains conflits sont alimentés par la concurrence pour l’accès aux ressources, les mauvaises conditions de travail des mineurs artisanaux et l’implication de groupes armés dans l’exploitation illicite de ces minerais sont autant des causes de ces tensions. Le site de Rubaya, qui produit 20 % du coltan mondial, dans le territoire de Masisi, au Nord-Kivu, est depuis plus d’un an entre les mains du Mouvement du 23 mars (M23), une rébellion soutenue par le Rwanda. Malgré cette instabilité, l’exploitation artisanale des mines continue dans cette zone riche en coltan (tantale), étain (cassitérite) et manganèse.

Des milliers de creuseurs artisanaux extraient chaque jour le coltan, essentiel à la fabrication des téléphones portables et d’autres outils de technologie de pointe. Rubaya est aujourd’hui un point névralgique dans la chaîne d’approvisionnement mondiale de ce métal. L’extraction minière dans cette zone est donc sujette à des tensions liées à ce conflit toujours en cours, en dépit d’un cessez-le-feu fragile entre les Forces armées de la République démocratique du Congo et les rebelles du M23 appuyés par l’armée rwandaise.

Tshisekedi veut mettre fin aux tensions dans l’artisanat

En marge de la 12ᵉ Conférence des gouverneurs organisée du 10 au 13 juin 2025 à Kolwezi, le président Félix Tshisekedi a exprimé sa préoccupation face à la précarité des creuseurs artisanaux et appelé à des mesures urgentes pour encadrer leur activité et prévenir les conflits avec les opérateurs industriels. Le chef de l’Etat congolais a épinglé les difficultés rencontrées par les creuseurs artisanaux dans l’exercice de leurs activités. Ces difficultés, Félix Tshisekedi, sont principalement liées à l’absence de zones d’exploitation artisanale clairement définies et viabilisées, obligeant ainsi les creuseurs à empiéter régulièrement sur les concessions attribuées aux entreprises industrielles. Une situation à l’origine de fréquents affrontements, d’abus, et de conflits d’intérêts. Pour mettre fin à cette situation, le chef de l’Etat a demandé au gouvernement d’élaborer « sans délai » des mesures correctives, respectueuses des lois nationales et des standards environnementaux et sociaux, afin de garantir une meilleure cohabitation entre exploitants artisanaux et opérateurs industriels.

Pour combler le besoin sans cesse croissant en minerais afin d’assurer la transition énergétique, le gouvernement congolais – détenteur d’une plus grande réserve de cobalt au monde – devrait prendre en compte tous les acteurs miniers, y compris les plus petits qui évoluent dans le secteur informel. Cela n’est possible qu’en organisant l’artisanat tout en travaillant à l’élimination des groupes armés mais aussi de l’influence militaire qui pèse sur ce secteur vital.

Heshima

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