Face aux verrous constitutionnels contre un troisième mandat, Joseph Kabila était obligé de passer la main à un autre. Pour que le pouvoir reste dans son sérail, le prédécesseur de Félix Tshisekedi s’était choisi un dauphin. Un casting qui a, en réalité, sonné le glas du clan.
« J’ai déjà gagné. Vous avez vu comment j’ai battu campagne ? Tout s’est bien passé. Je serai élu, c’est moi le président à partir de ce soir ». Ces phrases pleines d’orgueil prononcées par Emmanuel Ramazani Shadary, le 30 décembre 2018, avaient à la fois intrigué l’opinion et fait penser à un match électoral joué d’avance. Mais les faits qui ont suivi ont, à contrario, démontré une vraie déconfiture du clan Kabila.
Mauvais casting du dauphin
Devant l’impossibilité de contourner la Constitution pour briguer un troisième mandat, Joseph Kabila avait, à la surprise générale, porté son choix sur Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat à sa succession à la tête du pays. A quelques heures seulement de la fin du délai de dépôts des candidatures pour la présidentielle, l’ex-chef d’Etat, alors en fonction, a dévoilé, le 8 août 2018, le nom du candidat du Front commun pour le Congo (FCC), pour le scrutin du 23 décembre de la même année.
Ce dauphin, choisi in extremis, n’a malheureusement pas fait l’unanimité au sein du clan Kabila. Puisque lors de sa présentation au stade Tata Raphaël, à Kinshasa, plusieurs caciques du Front commun pour le Congo n’ont pas daigné arborer des chemises frappées à l’effigie de Ramazani Shadary. Ils ont, pour la plupart, préféré porter l’effigie de Joseph Kabila. Rien de surprenant car, avant ce casting, plusieurs noms étaient cités comme dauphin potentiel de l’exRaïs, sans vraiment s’attendre à un certain Shadary dont le pedigree – au-delà du FCC – dérangeait aussi au sein de l’opinion congolaise. Du coup, ses phrases peu honorables prononcées lors des meetings du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) refont surface. Des propos parfois emprunts de brutalité et qui l’ont également desservi tout au long de la campagne électorale.
Stratégie de campagne critiquée !
L’organisation et la stratégie de campagne mises en place par Ramazani Shadary ont été très critiquées par certains caciques du FCC. Au niveau interne, cette campagne électorale n’était pas portée à bout de bras par tous les caciques du clan Kabila. Tout au long de cette période électorale, l’on a vu certains caciques partir en campagne pour la députation nationale mais sans faire allusion à leur candidat président de la République. C’est le cas de Modeste Bahati qui n’a pas vraiment insisté sur son candidat président de la République qui était Ramazani Shadary. Dans beaucoup de fiefs acquis à l’opposition, les candidats députés FCC ont eu du mal à vendre Shadary auprès de leur électorat local, notamment des cadres qui ont battu campagne dans le grand Bandundu.
Une défaite sans tirer des leçons !
Pendant que d’aucuns pensaient que Joseph Kabila allait forcer le passage de son dauphin à la présidentielle, les Congolais ont appris – stupéfaits – la victoire d’un opposant à la tête du pays. Félix Tshisekedi est donc passé devant son principal challenger, Martin Fayulu mais aussi devant le candidat du pouvoir, Ramazani Shadary, arrivé troisième au classement.
Après cette défaite à la présidentielle, aucune sanction n’a été prise, ni aucune leçon n’a été tirée dans l’organisation du FCC, alors que plusieurs voix appelaient notamment au remplacement et à la redynamisation de la coordination de cette plateforme politique. A la place d’une introspection, le FCC va se lancer immédiatement dans la coalition dite FCC-CACH avec le nouveau pouvoir. Il s’observera frustration, déception, mécontentements de plusieurs partis membres et personnalités du FCC suite au partage jugé non équitable des postes au sein du premier gouvernement dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Cela, sans que la plateforme n’implose.
Problèmes au FCC-CACH
Malgré les critiques de l’opinion, les deux nouveaux alliés ont mis en place une coalition pour éviter, répètent-ils, une cohabitation jugée trop conflictuelle. Mais cette aventure inédite en République démocratique du Congo va faire long feu. Tout au long de cette expérience, plusieurs comportements et attitudes vis-à-vis du nouveau pouvoir vont être à la base des conflits qui ont fini par tuer la coalition FCC-CACH.
Bien avant cette sortie de Shadary, déjà au mois de juin 2019, un député du FCC avait poussé trop loin son bouchon. Alors que Jeanine Mabunda s’est emportée en autorisant le débat sur un acte du chef de l’Etat en pleine plénière du 7 juin 2019, le député national Charles Nawej Mundele a même traité le président de la République d’« inconscient » pour avoir signé les ordonnances de nominations des mandataires de la Gécamines et de la SNCC. Sidéré, le député Christophe Lutundula réplique en insistant sur le fait que la chambre basse du Parlement n’avait pas qualité pour juger les actes posés par le président de la République. Les propos de Nawej avaient déclenché la colère des députés du CACH ainsi que celle des militants de l’UDPS.
Autre fait, c’est la menace de Tshisekedi, devant la diaspora congolaise de Londres, de « virer » des ministres, voire de dissoudre l’Assemblée nationale, si ses partenaires de la coalition fidèles à son prédécesseur Joseph Kabila sapaient son pouvoir. « Les Congolais m’ont confié une mission et je dois rendre compte à ce peuple. Et celui qui ne va pas suivre mes instructions et qui s’attachera aux instructions de sa famille politique, il sera viré. Je ne peux pas dissoudre l’Assemblée nationale tant qu’il n’y a pas crise. Mais en cas d’obstruction, je serai contraint, en fin de compte, de prendre la décision de dissoudre l’Assemblée nationale ».
Une menace qui n’a pas manqué de réplique dans les rangs du FCC. Et c’est Jeanine Mabunda, alors présidente de l’Assemblée nationale, qui s’est occupée de Félix Tshisekedi. Elle avait convoqué une conférence de presse où elle a répondu à cette menace demandant d’éviter les « malentendus » et les risques de « haute trahison », évoquant au passage l’article 165 de la Constitution. « Toute personne qui méconnaît notre loi fondamentale peut être exposée au cas de haute trahison pour violation intentionnelle de la Constitution » a-t-elle déclaré devant la presse et des élus nationaux présents. Des menaces à peine voilées de destitution de Félix Tshisekedi.
Au lendemain de cette sortie très médiatisée, le député national Crispin Mbindule a reproché à Mabunda de n’avoir pas consulté la conférence des présidents ni soumis la question à la plénière souveraine avant de répondre aux propos de Félix Tshisekedi. « Si elle ne retire pas ses propos, nous, députés acquis au bon sens, nous allons aider madame la présidente à ne pas chaque fois s’attaquer aux messages du chef de l’État », a-t-il renchéri. L’erreur fatale de Mabunda est de vouloir à tout prix montrer les biceps, s’exclamaient quelques analystes politiques. Un congrès avorté ! La prise de position de Jeanine Mabunda sur l’ordonnance du chef de l’Etat proclamant l’état d’urgence sanitaire en tenant en haleine l’opinion nationale et internationale a aussi contribué dans l’éclatement du FCC-CACH. Le président du Sénat Alexis Thambwe Mwamba (FCC) et la présidente de l’Assemblée nationale avaient pris la décision de convoquer un congrès afin de corriger ce qu’ils ont qualifié de « faute », accusant le président Tshisekedi d’avoir violé la Constitution en proclamant l’état d’urgence sanitaire. Le Président de la République a pris une ordonnance de fait proclamant l’état d’urgence sanitaire en violation de l’article 119.2 de la Constitution, avait déclaré Alexis Thambwe sur une radio locale.
Le congrès qu’ils s’apprêtaient à convoquer avec sa collègue de l’Assemblée afin de régulariser cette prétendue violation de la constitution et légiférer sur l’état d’urgence en RD Congo n’a jamais eu lieu, car détruit par un argumentaire de JeanMarc Kabund qui a dénoncé un complot contre le chef de l’Etat. Quelques jours après, le FCC punira Kabund par une destitution de son poste de premier vice-président de l’Assemblée nationale.
Entérinement de Malonda et Lois Minaku-Sakata
L’autre problème ayant concouru à la chute de la coalition, c’est l’entérinement forcé de Ronsard Malonda pour présider la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Ce technicien électoral dont le nom a été choisi par six des huit confessions religieuses chargées de désigner le prochain président de la centrale électorale, a été confirmé en plénière à l’issue d’une séance tendue. L’opposition, la société civile et même le parti au pouvoir ont dénoncé ce choix, accusant Ronsard Malonda d’avoir joué un rôle majeur lors du scrutin controversé de décembre 2018. La CENCO et l’ECC ont notamment dénoncé un « passage en force » de la majorité. Cette décision est intervenue alors que cette question ne figurait pas à l’ordre du jour de la plénière au sein de l’Assemblée nationale accusaient certains élus nationaux. Le matin même, plusieurs députés affirmaient ne pas en avoir été informés. Refusant de revenir sur sa décision, Jeanine Mabunda a appelé plutôt les confessions religieuses à s’apprêter à désigner les autres animateurs. Toujours dans l’Assemblée nationale dirigée par Jeanine Mabunda, trois propositions de lois vont faire grand bruit.
L’examen de ces trois propositions de lois dites « Minaku-Sakata » sur la réforme du système judiciaire congolais a rencontré une forte opposition aussi bien du CACH, Lamuka que des militants de l’UDPS en dehors de l’hémicycle. Les députés du Cap pour le Changement (CACH) et de l’opposition parlementaire Lamuka avaient dénoncé « l’obstination du FCC à opérer un passage en force ». Ils avaient, à cet effet, décidé de suspendre leur participation à ces travaux, vu « l’inconstitutionnalité et l’inopportunité » de ces trois propositions de loi. Les députés du CACH affirmaient avoir quitté la salle des travaux pour ne pas être complices du complot de « caporalisation de la justice », selon l’un d’eux, Tony Mwaba. Une épreuve qui a renforcé le clivage entre les alliés au point que le ministre de la Justice d’alors, Célestin Tunda ya Kasende, issu des rangs du FCC, a failli aider l’Assemblée nationale en donnant l’avis du gouvernement sur ces propositions de lois à l’insu de l’exécutif national.
On ne peut pas nous intimider !
Après cette bévue, le ministre de la Justice sera interpelé par le parquet près la Cour de cassation. Avant d’être relâché dans la soirée, après avoir, selon lui, téléphoné précédemment à « Ye meï » ( Joseph Kabila). Réunis pour la circonstance avec les caciques du PPRD qui sont partis le soutenir au parquet, Tunda a fait le rapport de sa chaude journée. Et dans la foulée, Shadary va tenter de galvaniser ses troupes en criant : « on ne peut pas nous intimider ! » Phrase devenue ironique dans les réseaux sociaux à chaque fois que le FCC subissait des revers politiques.
Boycott du serment des juges ! En octobre 2020, Jeanine Mabunda, Alexis Thambwe Mwamba ainsi que plusieurs ministres du FCC avaient boycotté la cérémonie de prestation de serment des trois juges de la Cour constitutionnelle, à savoir Dieudonné Kaluba Dibwa, Kalume Yasengo et Kamulete Badibanga. Les présidents du Sénat, Alexis Thambwe, et la présidente de l’Assemblée nationale, Jeanine Mabunda, avaient déjà annoncé, dans une correspondance adressée la veille au chef de l’Etat, qu’ils boycotteraient cette cérémonie. Pourtant chargé par le dernier Conseil des ministres d’organiser cette cérémonie, le Premier ministre, Sylvestre Ilunga, avait été aussi absent du Palais du Peuple. Les trois responsables sont membres du FCC qui contestait la légalité des ordonnances présidentielles de juin 2020 nommant ces juges. Après cette étape, Tshisekedi suspendra les conseils des ministres jusqu’à ce que la chute du bureau Mabunda intervienne le 10 décembre 2020 ainsi que celle du Bureau Thambwe Mwamba. Puis, plus tard, en janvier 2021, celle du gouvernement Ilunkamba. Ainsi, sonna le glas de la coalition FCC-CACH.
En marge de toutes ces péripéties, le FCC a poursuivi sa chute. Néhémie Mwilanya a été tardivement démis de ses fonctions de coordonnateur de la plateforme. Il a été remplacé par un comité de crise dirigé par Raymond Tshibanda. En dépit de ce changement, une fronde s’est ouvertement créée, demandant la mise à l’écart de plusieurs caciques. Face à ce remous, Joseph Kabila, lui, est resté éloigné du FCC, se contentant des rapports d’un groupe réduit, du reste contesté. Des responsables qui disaient parler en son nom et tout ramener vers lui. Ce manque de contact direct avec les partis et regroupements composant le FCC lui a été très défavorable. Aujourd’hui, l’homme vit retranché dans sa ferme située dans la périphérie Est de la ville de Kinshasa comme s’il n’avait pas de plateforme politique. Peutêtre qu’il médite sur une possible « remontada » en 2023 !
FORMATION DU PROCHAIN GOUVERNEMENT UNE BOITE DE PANDORE ?
Au terme de la mission d’informateur d’Augustin Kabuya, il ne sera probablement pas facile, au sein de l’Union sacrée de la nation, de trouver un compromis autour du Premier ministre et de la formation du gouvernement. De quelle province sera originaire le Premier ministre et quelles seront ses priorités ? Avec qui devra-t-il composer ? Analyse.
Tout porte à croire que l’informateur Augustin Kabuya n’aura pas besoin de voir son mandat prorogé pour boucler le travail qui lui a été confié par le chef de l’Etat, d’autant plus qu’il l’avait déjà commencé en coulisses. Comme l’a dit Vital Kamerhe avec qui ils se sont rencontrés dans le cadre de ces consultations, la majorité est bel et bien effective et il suffit simplement de la comptabiliser et la consigner sur papier.
En examinant bien le contexte, le rapport du secrétaire général de l’UDPS devait normalement atterrir sur la table du chef de l’Etat dans les dix premiers jours de mars – sa nomination étant intervenue le 7 février.
A qui la Primature ?
En tout état de cause, la gestion des ambitions ne sera pas aisée avec 44 regroupements politiques dont deux grandes forces parmi eux, à savoir l’UDPS et sa mosaïque (140 sièges), et le Pacte Républicain pour un Congo Retrouvé (PCR) de Kamerhe et consorts qui compte environ 115 députés nationaux – sans oublier la plateforme de Jean-Michel Sama Lukonde et celle de Bahati Lukwebo. L’UDPS arrive en tête selon les résultats provisoires des législatives nationales du 20 décembre 2023 et ce décompte lui donne automatiquement droit au poste de Premier ministre, mais il faut quelqu’un d’une autre province que le Kasaï. L’informateur, dans sa peau de secrétaire général du parti présidentiel, a toutefois annoncé le 10 mars que le poste de Premier ministre reviendra à l’UDPS.
On se doit ainsi de désigner une personne compétente et en tenant compte de sa province d’origine, conformément au principe de la représentativité nationale consacré dans la Constitution. Les deux précédents chefs du gouvernement, Ilunga Ilunkamba et Sama Lukonde, ayant été originaire du Grand Katanga, les autres provinces veulent aussi voir leurs fils accéder à cette fonction prestigieuse. Sans attendre, des chefs coutumiers du Kasaï central demandent que la Primature et quatre ministères leurs soient accordés. Sur ce point, Kabuya a été aussi clair: la primature reviendra à l’UDPS mais pas à un originaire du Kasaï.
Un partage difficile en vue
Mais, il n’y a pas que la Primature que la classe politique brigue. Parce que les partis ayant remporté les plus grands scores aimeront se taper la part du lion, la tâche de répartition des ministères s’avère délicate et requiert du tact. Le nœud du problème se pose surtout autour des quotas. Or, pour avoir soutenu la candidature de Félix Tshisekedi, tout le monde estime avoir voix au chapitre. Comment donc faire pour que tous les partis, les regroupements et les personnalités politiques de l’Union sacrée trouvent chacun son compte ? Telle est la pertinente interrogation. Seulement, s’il faille considérer l’exigence de la formation d’un gouvernement resserré, la frustration ne manquera pas, particulièrement du côté des poids plumes.
Dans ce lot, il ne faudra pas négliger non plus ceux de l’USN qui ont atteint le seuil de représentativité lors des dernières élections, mais qui n’alignent pas d’élus dans les assemblées délibérantes. Faisant partie de cette catégorie, l’Alliance des partis politiques extraparlementaires de l’Union sacré de la nation réclame d’être associée à la gouvernance. Peut-être que certains ne pourront trouver leurs comptes que lorsque la question de la répartition des postes dans les entreprises publiques, à la Banque centrale du Congo (BCC)… fera l’objet de négociations.
lDans tous les cas, dès sa formation, le prochain gouvernement aura véritablement du pain sur la planche. Il devrait s’occuper le plus rapidement et prioritairement de la guerre que le Rwanda impose à la RD Congo dans sa partie Est et aussi de la situation socioéconomique alarmante de la population.
POST-LÉGISLATIVES NATIONALES KAMERHE, SAMA BEMBA, BAHATI…LA BATAILLE POUR LES POSTES LANCÉE
L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) est arrivée en tête des législatives nationales avec 69 sièges sur les 477 attribués. Elle est suivie de l’UNC et alliés de Vital Kamerhe qui rafle la deuxième place, lequel devance l’AFDC-A de Modeste Bahati, talonnée par le MLC de Jean-Pierre Bemba, tandis que la formation de Katumbi pourrait devenir la principale force d’opposition. Une bataille pour les postes se dessine déjà…
A pres un retard de 11 jours par rapport à la date de publica – tion des ré s u l t a t s prévue au 03 janvier 2024, conformément au calendrier électoral de la CENI, le suspense a enfin été levé sur les noms des députés qui vont siéger à l’Assemblée nationale pour les 5 prochaines années. Sous réserve éventuelle de l’issue des recours. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) s’est acquittée de cette étape dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 janvier 2024 en rendant public les résultats provisoires des élections législatives du 20 décembre 2023. Finalement, après deux semaines d’attente, 23 000 candidats ont enfin connu leur sort.
Sans surprise, le parti présidentiel, l’UDPS, est arrivé en tête avec 69 des 477 sièges attribués sur les 500 que compte l’Assemblée nationale. Les 23 restants correspondent aux circonscriptions où le vote n’a pas pu avoir lieu à cause de l’insécurité, notamment dans les territoires de Masisi, Rutshuru et Kwamouth. A ce lot, s’ajoutent les résultats de certains autres territoires où des suffrages ont été soit annulés, soit suspendus pour des raisons d’enquête.
Il s’agit par exemple de Masi-Manimba dans le Kwilu et de Yakoma, dans la province du Nord-Ubangi où des élections ont été invalidées. Quant à Bomongo et à Budjala, le décompte des scrutins a été stoppé pour cause d’investigation. A souligner que le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition de l’ancien président Joseph Kabila, avait boycotté l’ensemble de ces scrutins. Martin Fayulu, classé troisième à la présidentielle, avait pour sa part boycotté les législatives.
L’UDPS devra composer…
Le parti de Félix Tshisekedi, fraîchement réélu avec plus de 73 % des voix pour un second mandat, ne réunit pas à lui seul la majorité absolue. « même si on ajoute tous les autres partis satellites de l’UDPS », fait remarquer Ithiel Batumike, chercheur à Ebuteli, un institut congolais de recherche sur la politique et la sécurité.
Ce qui nécessite que l’UDPS compose avec d’autres alliés pour dégager la majorité au parlement. L’UNC et alliés de Vital Kamerhe a créé la sensation en raflant 39 sièges devant l’AFDC-A de Modeste Bahati (35 sièges) et le MLC de JeanPierre Bemba se pointe en quatrième position avec une faible moisson de 19 sièges. Ces forces pourraient faire la différence dans cette quête de majorité parlementaire en faveur de Félix Tshisekedi.
Pour l’heure, seul Ensemble pour la République pourrait devenir la principale force d’opposition du pays, pour la première fois dans l’histoire de ce jeune parti créé en 2019. Le mouvement de Moïse Katumbi, arrivé second à l’élection présidentielle avec 18 % des voix, obtient une vingtaine de sièges et se classe neuvième sur 71 formations candidates aux législatives.
Un peu moins de la moitié d’entre elles n’ont pas atteint le seuil de voix nécessaire (1 %) et ne disposeront pas de mandataires. Parmi elles, l’Alliance des Congolais pour la refondation de la nation (ACRN), du Prix Nobel de la paix Denis Mukwege. Dans ces conditions, avec combien de partis Félix Tshisekedi devra-t-il faire alliance pour atteindre la majorité et ainsi nommer son futur gouvernement ? Les tractations avec les 44 formations politiques désormais représentées à l’Assemblée nationale ont commencé bien avant l’annonce des résultats.
Kamerhe à la manœuvre…
La période post-électorale suscite déjà des appétits au sein de l’Union sacrée de la Nation. L’heure est désormais au partage du butin après avoir permis à Félix Tshisekedi d’obtenir un second mandat à la magistrature suprême. C’est Vital Kamerhe, le félin, qui a lancé les hostilités en premier. Le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) a d’ores et déjà réussi à rassembler plus de 100 députés autour de lui, notamment des leaders d’autres formations et regroupements tels que Julien Paluku, Tony Kanku Shiku et Jean-Lucien Bussa pour la mise en place d’une nouvelle plateforme politique dénommée « Pacte pour un Congo Retrouvé (PCR) ». L’enjeu ? C’est autour des postes clés de la République, à savoir la primature, la présidence de l’Assemblée nationale ainsi que celle du Sénat que l’empoignade aura lieu.
D’autres protagonistes dans la course…
Après la sortie officielle de PCR de Vital Kamerhe, l’actuel Premier ministre refuse aussi de se tenir à carreau face aux appétits politiques de Vital Kamerhe et d’autres poids lourds de l’Union sacrée de la Nation. Ainsi, Jean-Michel Sama Lukonde est à la manœuvre pour le positionnement d’une plateforme in titulée « Dynamique agissons et bâtissons (DAB) ». DAB réunirait 72 députés nationaux, plus de 100 députés provinciaux et conseillers communaux.
Plusieurs personnalités de l’actuelle majorité de l’Union sacrée en seraient membres, entre autres, la gouverneure du Lualaba, Fifi Masuka avec le regroupement A24, A25, AN ; les ministres Guy Loando et Muhindo Nzangi avec leurs formations politiques AREP et AVRP ; Godefroid Mayobo du Palu, Modeste Mutinga, John Tibasima, Jonathan Bialosuka, Dany Banza d’ACO, ainsi que l’ancien conseiller de Félix Tshisekedi, Jean-Claude Kabongo.
Parallèlement à cette démarche de Kamerhe et Sama Lukonde, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a rencontré l’actuel président du Sénat, Modeste Bahati, JeanPierre Bemba, vice-Premier ministre, ministre de la Défense ainsi que le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso. Une troisième méga plateforme pourraient naitre de ces trois membres du présidium de l’Union sacrée de la Nation.
INVESTI LORS D’UNE CÉRÉMONIE HISTORIQUE TSHISEKEDI DÉVOILE LES PRIORITÉS DE SON NOUVEAU QUINQUENNAT
Le président réélu de la République démocratique du Congo a prêté serment le 20 janvier 2024 à Kinshasa pour un second mandat. Le chef de l’Etat congolais a, dans son speech, égrainé 6 objectifs prioritaires de ce nouveau quinquennat s’engageant à veiller à ce que les erreurs du passé ne se reproduisent plus.
F élix Tshisekedi, brillamment réélu avec 73,47% des suffrages, a vu grand pour sa prestation de serment. L’homme a choisi le stade des Martyrs de la Pentecôte rempli au maximum de sa capacité de 80 000 places. Dixsept chefs d’Etat africains en fonction, quatre honoraires et des délégations de plusieurs dizaines d’autres pays y étaient présents, pour une cérémonie sous haute sécurité et très protocolaire, avec au rendez-vous fanfare, cavalerie et prières, le tout sous une très grande ovation.
Il s’agit des présidents du Burundi, du Kenya, de la République centrafricaine, du Gabon, de la République du Congo, de la Guinée Bissau, de la République d’Afrique du Sud, de l’Angola, du Tchad, de Sao Tomé et Principe, de Djibouti, du Malawi, du Zimbabwe, de la Zambie, du Sénégal, de la Gambie et du Ghana.
Les présidents honoraires sont ceux du Kenya, de Madagascar, de la Tanzanie et du Nigéria. Pour des millions de Congolais qui ont suivi la cérémonie à distance, la chaine nationale (RTNC) a innové en filmant en direct le départ du président de la République depuis le Palais du Mont-Ngaliema, dans les hauteurs du camp Lieutenant-colonel Tshatshi, jusqu’au Palais du peuple où le chef de l’Etat a changé de véhicule, optant pour une Toyota décapotée escortée par la cavalerie.
C’est avec une telle escorte sécurisée dans l’air notamment par des hélicoptères des forces spéciales que Félix Tshisekedi a fait son entrée solennelle au stade des Martyrs de la Pentecôte. « Je jure solennellement (…) de défendre la Constitution et les lois de la République, (…), de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire », a déclaré devant les juges de la Cour constitutionnelle le président réélu, avant de recevoir les salutations des chefs coutumiers des 26 provinces du pays. « J’ai conscience de vos attentes », a-t-il enchaîné dans son discours d’investiture, faisant allusion notamment au chômage, au pouvoir d’achat, à la situation des jeunes, à la promotion des femmes tout comme des personnes vivant avec handicap et à la cohésion nationale.
6 objectifs prioritaires
Dans son allocution d’investiture, Félix Tshisekedi a esquissé les objectifs prioritaires de son nouveau mandat. Il est question de six axes, à savoir : créer plus d’emplois ; protéger le pouvoir d’achat des ménages en stabilisant le taux de change ; assurer avec efficacité la sécurité des populations et de leurs biens ; poursuivre la diversification de l’économie ; garantir plus d’accès aux services sociaux de base et renforcer l’efficacité des services publics.
Par rapport à son expérience de cinq dernières années au pouvoir, Félix Tshisekedi semble avoir tiré les leçons qui peuvent l’aider à améliorer sa gouvernance actuelle. « Tirant les leçons de l’expérience passée et tenant en compte vos aspirations, je m’engage pour que les erreurs du passé ne se reproduisent plus », a-t-il promis.
Il a par ailleurs rendu hommage à ses alliés de l’Union sacrée de la Nation au sein de laquelle se trouve l’UDPS, son parti, et il a également adressé un clin d’œil aux candidats de l’opposition, promettant de veiller à ce que le rôle de cette dernière soit effectif lors de ce quinquennat, notamment avec la désignation de son Porte-parole telle que reconnue par la Constitution.
Le chef de l’Etat congolais a aussi épinglé les efforts fournis dans la sécurisation des populations et la défense de l’intégrité territoriale du pays mises à mal, selon lui, par les velléités obscures de certains États voisins, d’acteurs extérieurs ou internationaux avec une complicité « lâche » de certains Congolais.
« En effet, nonobstant votre vigilance, le sacrifice et la bravoure de nos vaillantes forces de sécurité et de défense, les menaces se veulent résilientes. Et pour beaucoup, alimentées par la trahison de certains Congolais qui, sans scrupule, sans la moindre considération humaine et patriotique, s’allient à l’ennemi pour faire couler le sang de leurs propres frères et sœurs Congolais », a-t-il fustigé.
Félix Tshisekedi a aussi évoqué la préservation de la cohabitation sereine entre les peuples qui, selon lui, constituent un défi à relever pour sauvegarder la cohésion nationale qui ne peut se réaliser qu’au moyen du renouvellement et de la consolidation du « vouloir vivre collectif. Un vouloir vivre collectif où seront bannis les fléaux de la haine, du tribalisme, du clanisme et de toutes les antivaleurs qui aujourd’hui, minent le développement » du pays.
Comparativement à sa première prestation de serment qui avait officiellement eu lieu le 24 janvier 2019 dans les jardins du Palais de la Nation, lorsqu’il succédait à Joseph Kabila (2001-2018), premier président réélu de la Troisième République, le cérémonial impressionnant du deuxième président réélu n’a pas manqué de s’inscrire dans la symbolique du chiffre 20 qui l’a accompagné tout au long du processus électoral, par celui porté pour sa candidature, la date du vote et enfin celui de son investiture.