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Economie

RDC : la descente aux enfers du géant des années 70

La RDC, dont l’économie reste très dépendante du secteur minier, soumise aux aléas des cours internationaux, est un Etat qui reste en situation de fragilité. Les perspectives de croissance pour 2021 et 2022 sont toutefois plus favorables. Courant 2019, la baisse des cours des matières premières avait fortement fragilisé son cadre économique au point de nécessiter l’intervention d’urgence du FMI.

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L’économie de la République démocratique du Congo, après une période de relatif dynamisme économique, a subi une sévère dépression dans le milieu des années 1980 et 2000, liée aux guerres civiles. Avec une croissance économique de 8,2 % en 2008 et de 2,7 % en 2009, la RDC a ensuite été l’un des pays d’Afrique les plus touchés par la crise de 2008-2009. 

Entre 2010 et 2015, le pays a connu une croissance moyenne de 7,9 % avec un pic de 9,2 % en 2014 et une inflation largement maîtrisée. Avec la chute du prix des matières premières et la crise politique en 2016, le taux de croissance n’était plus que de 2,4 % avant de remonter à 3,4 % en 2017. Malgré cela, la RDC se modernise rapidement et affiche une évolution positive dans le développement de l’IDH en 2016. De nombreux projets ont renforcé le système de santé notamment maternelle et infantile, ont amélioré l’accès à l’électricité et l’approvisionnement en eau notamment dans le cadre de programmes de réhabilitation urbaine et sociale.

Après l’indépendance, les quotas à l’importation renforcent l’industrie nationale. Entre 1960 et 1970, l’histoire économique est marquée par des problèmes politiques (éclate ment des structures politiques et effondrement administratif) et les problèmes de cours des matières premières. Si la colonisation a légué au nouvel État une économie productive et équipée, la croissance ne suit pas. Elle s’était arrêtée dès la fin de 1957, provoquée surtout par des récessions conjoncturelles, une baisse des investissements privés et la fuite massive des capitaux. Le Congo commence son cycle de problèmes économiques et géopolitiques. L’économie résiste malgré tout, grâce au dualisme économique et à la prédominance du secteur étranger.

Les années Mobutu

 À cause de l’important potentiel du pays, la corruption s’est très tôt installée, sous le régime de Mobutu Sese Seko (1965-1997), avec une mainmise du pouvoir sur l’économie pour en détourner les profits dans le cadre d’un enrichissement personnel. La désorganisation du pays était telle qu’au début des années 1990, l’économie souterraine du Zaïre était estimée à trois fois le montant officiel du PIB.

Accord de 2007 avec la Chine

Après un voyage à Pékin du ministre des infrastructures Pierre Lumbi en 2007, la Chine a annoncé en septembre 2007 un accord de crédit portant sur 8,8 milliards de dollars, ayant pour objectif premier la réanimation du secteur minier. 

En contrepartie de l’exploitation des ressources minières (cuivre, cobalt et or), la Chine s’engage ainsi à construire les infrastructures du pays (routes, liaison optique au West Africa Cable System, hôpitaux, universités, logements, etc.). La convention de troc prévoit 6,3 milliards d’euros d’investissement, dont 4,2 destinés au développement des infrastructures et 2,1 à la relance du secteur minier, la maîtrise d’ouvrage incombant à une société mixte, la Sicomines, dont la RDC détiendra 32 % des parts. Les  chantiers sont confiés à la China Railway Engineering Corporation et à la Sinohydro Corporation. Le FMI a critiqué l’engagement chinois, y voyant officiellement un alourdissement de la dette publique.

Énergie

La riche hydrographie de la RDC lui confère un potentiel hydroélectrique estimé à 100 000 MW, soit 13 % du potentiel hydroélectrique mondial. La puissance installée totale est évaluée actuellement à 2 516 MW, soit 2,5 % du potentiel total pour une production moyenne possible de 14 500 GWh. La production effective n’est actuellement que de 6 000 à 7 000 GWh. L’hydroélectricité représente 96 % de la production d’électricité, les 4 % restants étant fournis par des centrales thermiques de faible puissance situées, pour la plupart, dans des zones isolées. Les barrages d’Inga, sur le fleuve Congo, sont la principale source de production d’énergie hydroélectrique.

Cet ensemble comprend aujourd’hui deux centrales ayant une puissance totale de 1 775 MW (Inga I avec 6 groupes totalisant 351 MW, Inga II avec ses huit groupes totalisant 1 424 MW). Dans son état définitif, le complexe d’Inga fournirait plus de 25 % de la production mondiale d’énergie électrique d’origine hydraulique. Depuis plusieurs années, le projet d’un Grand Inga a été envisagé, il s’agit d’un barrage qui utiliserait toute la puissance du fleuve Congo. Dans le cadre du Nepad, le site d’Inga a été retenu pour un projet d’interconnexion des réseaux sur toute l’Afrique et même l’Europe a été pensé21. Un autre projet, le Western Power Corridor (WESTCOR) sur le même site, cette fois-ci pour l’intégration sous-régionale de la zone de la SADC pour la production et le transport de l’énergie électrique, existe. Ce projet pourrait générer 5 milliards de USD chaque année une fois complètement outillé au tarif d’aujourd’hui.

Télécommunications

Le secteur des télécommunications se développe avec l’expansion de la téléphonie mobile qui permet de relier les principales villes du pays grâce au système GSM. La forte augmentation des abonnés (de quelques milliers seulement au début de la décennie à plus de 6 500 000 en 2007) a eu un impact important sur le PIB. Cette course effrénée vers la téléphonie mobile a presque inondé le marché congolais des sociétés des télécommunications (téléphonie fixe comme mobile). Cette forte demande se révèle être une part importante du PIB, mais également une offre importante qui a tiré vers le bas le taux de chômage important du pays.

Bien qu’abritant le siège de l’Union Panafricaine des Télécommunications, la RDC ne dispose pas d’un réseau de téléphonie publique. D’ailleurs, ce secteur longtemps sous le contrôle de l’État n’était pas compétitif. C’est en 1986 qu’on assiste à la naissance de la première firme de téléphonie cellulaire qui s’est vue attribuée la totalité de la gamme de fréquences utilisables et même d’un préfixe réservé à l’extension ultérieure de l’office des PTT. Quatre années après, le gouvernement décide de libéraliser. En 2003, la population congolaise s’ouvre au monde grâce, cette fois-ci, à la téléphonie cellulaire. Et depuis, des opérateurs de téléphonie cellulaire se sont multipliés.

Le public congolais a eu connaissance d’internet vers les années 95, au travers d’initiatives privées (quelques cy bercafés ont vu le jour). Cependant, une décennie après, l’Internet en RDC reste un luxe pour la majorité de la population dont le revenu est faible.

Industrie

Le secteur industriel n’a contribué que pour 5,6 % au PIB en 2003. Autrefois important, il est actuellement composé de quelques petites usines dans le textile, l’agroalimentaire, la chimie et le secteur des biens d’équipement. Toutes les branches de production ont souffert de la crise qui frappa le pays. Les industries manufacturières ont été coupées de leurs sources d’approvisionnement en matières premières et de leurs débouchés en produits finis; elles n’utiliseraient qu’entre 15 et 17 % des capacités productives installées31.

Le secteur secondaire est très peu développé et caractérisé par une forte présence de l’État, marginalisant ainsi le secteur privé. La plupart des sociétés sont publiques ou à participation mixte, avec souvent une participation majoritaire de l’État. Malgré le processus de privatisation en cours (programme PMPTR), l’État reste le principal opérateur dans la plupart des secteurs économiques comme l’énergie, les mines, les forêts, l’hydraulique, le transport et le bâtiment. La république démocratique du Congo se lance dans la mise en place de zones économiques spéciales pour encourager la renaissance de son industrie.

La première ZES devrait voir le jour en 2012 dans la commune kinoise de N’Sélé et sera consacrée aux agro-industries. Les autorités congolaises prévoient déjà d’en ouvrir une autre dédiée aux industries minières (dans le Katanga) et une troisième consacrée aux cimenteries (dans le BasCongo). Le secteur des services est dominé par les transports et les télécommunications. Timidement, il a commencé à attirer des investisseurs. Le secteur tertiaire a représenté 27,9 % du PIB en 2005 et affiché un taux de croissance réel de 7,8 %, essentiellement dû aux bonnes performances des transports, des télécommunications et des services financiers36. Si le conflit a fortement détérioré la qualité des infrastructures routières, fluviales et ferroviaires, la reprise amorcée en 2003/04 a soutenu la demande de transports en commun dans les grandes villes.

Secteur informel

  L’économie de la République démocratique du Congo est aujourd’hui bien plus pauvre qu’elle ne l’était à l’indépendance. La désorganisation de l’offre et l’érosion presque continue de la demande l’ont entraînée depuis les années 1970 dans une spirale négative, provoquant l’informalisation de secteurs entiers, voire leur « criminalisation », jusqu’à ce que le pays s’installe dans une économie de guerre à la fin des années 199037. En 1990, selon un Rapport de la Conférence nationale souveraine (CNS), le secteur informel représentait près de 60 % des activités économiques. Douze ans après, il est évident que ce pourcentage représente plus de 80 % des activités. Selon les statistiques du BIT la population œuvrant dans l’économie informelle est estimée à 19 871 347 personnes soit 72 % de la population en âge actif. La part de l’économie informelle dans la création d’emplois s’est accrue continuellement au point de devenir le « secteur dominant » de la République démocratique du Congo. L’économie informelle en RDC revêt plusieurs formes.

Bien que le volume de production de ce secteur a grandement augmenté, le secteur informel congolais ne joue pas un rôle essentiel dans l’économie nationale, fournissant des revenus minimum à ses employés.

Secteur privé

Le secteur privé a évolué, depuis environ trois décennies, dans un environnement particulièrement difficile. En effet, depuis les années 1970, les effets conjugués de l’effondrement des cours de cuivre et du crash pétrolier sur l’économie, les mesures suicidaires de Zaïrianisation et de la radicalisation, ainsi que des grèves régulières et un climat d’insécurité généralisé des années 1990 ont contribué à briser l’essor des secteurs productifs, en installant un climat de méfiance, particulièrement auprès des opérateurs économiques expatriés, entraînant ainsi la fuite de capitaux.

Les pillages de 1991 et 1993 ainsi que les guerres de 1996 et 1998 et autres conflits armés ultérieurs ont également conduit à la destruction de l’outil de production et ont eu comme corollaire le découragement des investisseurs étrangers et le tarissement de l’aide publique au développement, principale source de financement de l’investissement public. L’on constate à la même période un recul de l’investissement de 13 % en 1990 à 4,4 % en 2000. Il en résulte la perte d’emplois et la baisse des revenus, à la suite de la fermeture d’un nombre important d’entreprises accentuant ainsi le chômage et la pauvreté dans le pays. En 2005, le taux d’activité s’est situé à 63,1 % au niveau national dont 50,8 % en milieu urbain et 68,1 % en milieu rural. La prédominance des emplois dans la petite entreprise familiale agricole met en exergue la fragilité du marché du travail et les difficultés des conditions de vie des ménages.

Les petites et moyennes entreprises sont confrontées à un environnement politique et économique défavorable ainsi qu’à un cadre réglementaire inadapté et mal appliqué. Cette situation les a mises dans un état d’essoufflement et a conduit à une forte baisse de leur activité.

La plupart des PME et PMI ont été créées dans le but d’exploiter les opportunités que présente un environnement protectionniste. Au stade actuel de la mondialisation, de libéralisation de l’économie et d’intégration régionale, ces PME et PMI souffrent d’un manque de compétitivité face aux produits extérieurs à cause des difficultés d’approvisionnement et l’étroitesse du marché national/local. Par ailleurs, depuis déjà des  années, le patronat congolais, regroupé au sein de la Fédération des Entreprises du Congo, se présente comme l’institution représentant le secteur privé congolais.

 Position extérieure

La République démocratique du Congo participe aux efforts de libéralisation au sein de plusieurs organisations économiques régionales auxquelles elle appartient, telles que la CEEAC, le COMESA et la SADC. Elle fait également partie des pays bénéficiant de tarifs commerciaux préférentiels avec les États-Unis dans le cadre de l’AGOA, et avec l’Union européenne dans le cadre de l’initiative « Tout sauf les armes ». Par ailleurs, les autorités ont engagé une réforme de l’office des douanes et mis en place un guichet unique depuis un certain temps, au port de Matadi, pour faciliter les formalités et permettre un meilleur contrôle des recettes fiscales de l’État.

Les exportations ont chuté d’1,5 milliard de dollars en 1996 à environ 800 millions en 1999. Malgré la progression enregistrée depuis 2000, les exportations, représentant 1,3 milliard de dollars en 2003, n’ont pas encore retrouvé le niveau des années 1990. Cependant, depuis 2001, la part des exportations dans le PIB s’est accrue, de 13,3 % en 2001 à 27 % en 2004. Parallèlement, la part des importations est en forte hausse (passée de 12 % du PIB en 2001 à 27,4 % en 2004), traduisant la reprise des investissements d’infrastructures et la mise en place du réseau GSM. Cette évolution a entraîné un déficit commercial, qui s’élevait à plus de 0,4 % du PIB en 2004.

En 2003, les flux d’investissements étrangers ont atteint 132 millions de dollars et représentaient 23,6 % de la formation brute de capital fixe. Les IDE (investissements directs étrangers) en RDC se sont élevés à 500 millions de dollars en 2006, contre 405 millions en 2005 et une moyenne annuelle de seulement 5 millions entre 1990 et 2000. Les investisseurs étrangers, plus particulièrement les Chinois et les Sud-Africains, ont diversifié leurs placements dans le secteur minier mais également dans celui de l’énergie et le secteur bancaire39. Avec le retour de la paix et le succès des élections, les montants d’IDE devraient encore augmenter. Déjà, il y a décrispation au niveau des investisseurs. Ils viennent de plus en plus nombreux et divers.

Par ailleurs, l’aide publique au développement a repris progressivement depuis 1999, et le soutien financier de la communauté internationale est l’une des clés du redressement économique. Le FMI a accordé un prêt de 750 millions de dollars dans le cadre de la FRPC (Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance) sur la période 2002-2005, et la Banque mondiale un prêt de 450 millions de dollars dans le cadre de son ERC (Crédit pour la reprise économique), 214 millions ayant été approuvés en septembre 2003 et 200 millions en février 2004. En 2004, l’aide extérieure dépassait un milliard de dollars, dont près des deux tiers provenaient des institutions multilatérales.

Rôle de l’État

En 1966, les puissantes industries minières du Kasaï et du Katanga ont été nationalisées. C’est alors l’âge d’or du Congo, maintenant indépendant : en 1967, 1 franc congolais vaut alors 2 dollars américains, les écoles publiques se développent et l’exode rural s’accélère. À partir de 1973, le pays est touché par une crise économique aiguë, due à l’effondrement des cours de cuivre et au crash pétrolier. La corruption se généralise et l’inflation devient galopante, tandis que Mobutu privatise de nombreuses entreprises à son nom ou aux noms de ses proches.

 Etant donné l’insuffisance de préparation de nouveaux propriétaires de biens économiques et financiers, on assiste à une véritable hécatombe : les entreprises connaissent le lock-out les unes après les autres (zaïrianisation et radicalisation). Ce sombre tableau se verra complété par des grèves régulières et un climat d’insécurité généralisé qui ne va commencer à s’estomper qu’au début du nouveau millénaire. Ces multiples et diverses causes vont pousser les nouvelles institutions (Gouvernement de transition) à penser à de nouvelles formes d’intervention d’État pour renverser la vapeur. Parmi les structures enfantées par celles-ci, avec l’appui de leurs partenaires, on retrouve COPIREP, BCECO et autres.

Le Comité de Pilotage de la Réforme des Entreprises Publiques (COPIREP), structure mise en place aux termes des Décrets no 136/2002 du 30 octobre 2002 et 04/047 du 20 mai 2004, est le conseil du Gouvernement, chargé de conduire la politique de la réforme des entreprises publiques (surtout dans les secteurs considérés rentables pour l’État : mines, énergie, transports, télécommunications et finances).

L’offensif du gouvernement se traduit par une recherche permanente des ressources et de partenariat pour ainsi combler, mieux répondre efficacement aux besoins de son économie. De ce fait, après la Chine, le pays se rapproche des autres pays dits émergents, notamment le Brésil et l’Inde.

Politique économique

En dépit de la succession des programmes de stabilisation, force est de constater que le recul de la production et l’aggravation des déséquilibres interne et externe ont persisté. Ce qui soulève, bien entendu, la question pertinente tant de l’opportunité que de l’efficacité de ces programmes. Sur ce dernier point, certains analystes ont soutenu que le peu de succès rencontré par les programmes de stabilisation dans les années 1970 et 1980 tiendrait au caractère fragile et irréaliste de leurs objectifs, car ils étaient « axés essentiellement sur le rétablissement des équilibres financiers et accessoirement sur la relance de l’appareil de production ».

Depuis déjà des années, le gouvernement a pris de nouvelles orientations à travers une gamme de mesures d’ajustement économique portée successivement par le Programme Intérimaire Renforcé (PIR) et le Programme Économique du Gouvernement (PEG) mises en œuvre respectivement en 2001 et 2002. Ses différentes politiques macroéconomiques augurent des perspectives prometteuses. Le changement de la contre-performance économique de la décennie 90 en performance économique, le retour sur le sentier de la croissance économique, la relative stabilité des prix et du taux de change sont autant d’éléments à enregistrer dans le compte de ces politiques. Et « progressivement, on y assiste à la reprise de la coopération structurelle avec ses principaux partenaires au développement ; en même temps qu’arrivent de plus en plus d’investisseurs potentiels désireux de s’installer dans le pays ». Pour certains économistes congolais, cette situation positive est à la fois le résultat de la stabilité macroéconomique, conjuguée avec les effets des réformes structurelles ainsi que les dividendes de la paix retrouvée.

En revanche, la situation économique de la RDC demeure encore précaire, comme peuvent en témoigner des déficits budgétaires du dernier trimestre de l’année passée. Et le pays occupe, en 2008 selon la Banque mondiale, la 178e position, c’est-à-dire la dernière place, sur la liste des pays du monde considérés d’après leurs capacités à offrir de réelles facilités de faire des affaires.

 Raymond Befonda 

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En RDC, l’embellie économique contraste avec une famine aiguë

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Malgré des chiffres économiques encourageants, la situation de la famine en République démocratique du Congo (RDC) devient de plus en plus préoccupante. Selon les dernières données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), environ 25,6 millions de Congolais, soit environ 22 % de la population, sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë. Une situation aggravée en 2025 par la crise sécuritaire dans l’Est du pays.

Sur le papier, le pays vit une période de prospérité économique sans précédent depuis plusieurs années. Le budget national continue d’augmenter depuis 6 ans, passant de 4 milliards à 18 milliards de dollars. En 2024, les réserves de change internationales de la RDC étaient estimées à 6 milliards de dollars américains, en hausse par rapport aux 1,7 milliard enregistrés en 2021 au début du programme entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI). Cependant, cette embellie économique contraste avec la situation de famine que traverse le pays.

Une situation explosive depuis 2024

Selon une analyse du Cadre de classification intégrée sur la sécurité alimentaire (IPC) publiée en octobre 2024 par la FAO, environ un quart de la population continue d’être confrontée à une faim aiguë. Ces chiffres ont augmenté en 2025, selon le dernier rapport du Programme alimentaire mondial (PAM). L’intensification des conflits armés dans l’Est du pays a provoqué des déplacements massifs de populations, exacerbant ainsi l’insécurité alimentaire à des niveaux critiques depuis le début de l’année 2025, note le PAM. Cette insécurité alimentaire est évaluée aux phases 3 et 4 de l’IPC.

Selon Radio Okapi qui cite un rapport consulté le 24 mai 2025, plus de 90 % des ménages des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont touchés par cette crise alimentaire. Cette situation s’explique notamment par la hausse des prix des denrées locales, conséquence directe de l’insécurité qui entrave les routes commerciales et limite l’accès aux marchés. « Nous nous réveillerons le matin sans savoir quoi manger et quoi faire d’autre. Mon mari ne sait plus aller au travail avec la situation d’occupation de la ville de Goma. Nous peinons pour trouver à manger », témoigne Gloria Mbuyi contactée par Heshima Magazine. Elle explique que sa famille avait été mutée à Goma par l’entreprise de son mari, mais qui n’est plus opérationnelle pour l’instant suite à la paralysie économique observée dans la ville volcanique, après la fermeture des institutions bancaires.

La malnutrition aiguë touche particulièrement les enfants de moins de 5 ans, avec environ 4,5 millions d’enfants affectés, dont 25 % souffrent d’un retard de croissance. Face à cette situation, des initiatives humanitaires sont en cours. Par exemple, la campagne « ASSEZ » lancée par World Vision vise à fournir une aide alimentaire d’urgence, soutenir l’agriculture durable et offrir des soins de santé et un soutien nutritionnel aux populations vulnérables dans plusieurs zones touchées en RDC.

Sur le plan alimentaire, la production dans le grand nord du Nord-Kivu, un important centre agricole, a été gravement perturbée suite à l’insécurité créée ou aggravée par les rebelles de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). Cette situation de famine est d’autant plus explosive que certaines ONG qui travaillent dans l’humanitaire ont vu leurs budgets être supprimés suite au démantèlement de l’agence américaine USAID décidé par l’administration Trump. USAID était à la pointe dans le secteur de l’aide humanitaire et du développement en RDC, notamment via des projets multisectoriels et en partenariat avec des ONG locales et internationales. Cette agence était la plus grande donatrice bilatérale dans le secteur de la santé en RDC, fournissant des traitements contre plusieurs maladies et améliorant l’accès à l’eau potable.

Une embellie économique difficile à palper

Si le gouvernement vante les efforts économiques entrepris ces dernières années, cela reste difficile à palper par les Congolais de toutes les zones du pays. À Kinshasa comme dans les provinces, la situation socio-économique est quasi similaire. L’embellie économique du pays – marquée par une croissance économique soutenue ces dernières années tournant autour de 6 à 7 % du PIB – n’est que très partiellement profitable au citoyen lambda. Cette croissance, en grande partie créée grâce à l’exportation de cuivre et de cobalt, influence très peu le quotidien des Congolais, y compris ceux qui sont dans des zones stables. « Il y a plusieurs facteurs qui jouent face à ce tableau, notamment le mauvais choix dans les investissements de ces fonds et l’absence de projets structurants qui peuvent réellement impacter les vies des communautés », estime Jacques Okito, un économiste. Selon lui, face à la crise humanitaire actuelle, les fonds du gouvernement seuls ne sauraient couvrir les besoins immenses de plus en plus croissants créés par cette crise multiforme.

Pour l’instant, une part significative du budget est allouée aux investissements, visant à financer des projets d’infrastructures et de développement à travers le pays. Une bonne part du budget est destinée aux rémunérations des fonctionnaires et des agents de l’État, représentant une part importante des dépenses de fonctionnement. Le fonctionnement des institutions politiques prend également une part importante du budget.

Un besoin humanitaire chiffré à 2,54 milliards de dollars

Après la chute des villes de Goma et Bukavu dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, le gouvernement congolais et la communauté humanitaire ont lancé un Plan de réponse aux besoins humanitaires 2025, afin de mobiliser 2,54 milliards de dollars. « La situation de la sécurité alimentaire reste critique pour des millions de personnes en RDC », note Rein Paulsen, directeur du Bureau des urgences et de la résilience de la FAO.

Une fois mobilisée, cette enveloppe pourrait fournir une aide vitale à 11 millions de personnes – dont 7,8 millions de déplacés internes, l’un des niveaux les plus élevés au monde – parmi les 21,2 millions de Congolais affectés par des crises multiples : conflits armés, catastrophes naturelles et épidémies mais aussi la famine. Mais la situation ne concerne pas que les Kivu, les provinces voisines qui accueillent des déplacés internes ressentent aussi le coup. C’est le cas notamment du Maniema et Tanganyika.

« Tous les signaux d’alerte sont au rouge. Mais même face à ces défis énormes, l’action humanitaire démontre chaque jour son efficacité pour sauver des vies. Notre seule mission est de porter assistance aux populations les plus vulnérables, où qu’elles se trouvent. Nous devons nous adapter pour continuer à fournir cette aide vitale, sans jamais compromettre les principes fondamentaux qui guident l’action humanitaire : neutralité, impartialité, indépendance et humanité », avait déclaré Bruno Lemarquis, coordonnateur humanitaire de l’ONU en RDC.

Malgré ces efforts, la situation reste critique et nécessite une mobilisation internationale accrue pour répondre aux besoins humanitaires urgents et soutenir la résilience des communautés affectées, estime l’ONU. En dépit des sacrifices consentis pour renverser la tendance sur le plan humanitaire, les projections pour 2025 laissent encore entrevoir des perspectives similaires à celles de 2024, à moins qu’une aide efficace ne soit apportée aux victimes.

Heshima

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« Compact de résilience » en RDC : Une initiative ambitieuse face aux défis socio-économiques

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Sous la houlette de la Première ministre Judith Suminwa, la République démocratique du Congo (RDC) amorce une nouvelle phase de son développement avec le lancement du Compact de Résilience, un programme multisectoriel d’envergure. Cette initiative, héritière du Programme de développement local des 145 territoires, répond aux urgences économiques, sociales, sécuritaires et de mobilité urbaine dans le pays, tout en affirmant une volonté claire de rapprocher l’action publique des besoins concrets de la population.

Le plan, coordonné par le vice-premier ministre Daniel Mukoko, ambitionne de transformer les équilibres macroéconomiques récents en améliorations tangibles du quotidien. Il embrasse des domaines variés tels que la mobilité urbaine, l’assainissement, la relance agricole et l’ouverture des territoires ruraux. L’idée centrale est d’éviter une dispersion inefficace des ressources en favorisant une logique de convergence entre les initiatives nationales et les partenaires techniques, à l’image de la coopération renouvelée avec les Nations unies. « Nous allons donc produire [cette semaine] ce compact de résilience qui va permettre d’allier la bonne santé économique avec l’amélioration progressive des conditions de vie de nos concitoyens », a déclaré Daniel Mukoko.

Développement rural, agriculture et inclusion territoriale

À Kinshasa, les chantiers visent à désengorger la capitale et à améliorer les conditions sanitaires, tandis qu’en zones rurales, l’enjeu est d’assurer un meilleur accès des producteurs aux marchés. L’accent mis sur l’agriculture stratégique, conforme au Plan national stratégique de développement, reflète une volonté de renforcer l’autosuffisance alimentaire et de réduire la dépendance aux importations, tout en stimulant la résilience économique des territoires marginalisés.

Des modèles internationaux comme sources d’inspiration

Le « Compact de résilience » s’inscrit dans une dynamique globale où plusieurs pays ont déjà testé des approches similaires. Le Maroc a misé sur le développement humain par une gouvernance locale participative ; le Brésil a su intégrer les transferts sociaux à des objectifs éducatifs et sanitaires durables, et l’Éthiopie a combiné filets sociaux et travaux publics dans une logique d’autonomisation. Des projets soutenus par la Banque mondiale en Afrique de l’Est, ou encore au Bangladesh et au Mexique, montrent que ces politiques, lorsqu’elles sont cohérentes et bien ancrées localement, peuvent produire des effets transformateurs.

Une synergie croissante avec les partenaires internationaux

En RDC, cette volonté de résilience s’accompagne d’une mobilisation accrue des bailleurs de fonds. Des initiatives majeures comme le Programme d’accès aux services d’eau et d’assainissement ou le Projet de développement multisectoriel à Kinshasa, financés par la Banque mondiale, viennent compléter le Compact. Cette convergence est perçue comme une occasion stratégique d’accélérer l’impact des investissements, pourvu que la coordination soit effective et la transparence garantie.

Une mise en œuvre sous haute tension sécuritaire et institutionnelle

Malgré son ambition, le programme se heurte à une réalité instable. À l’Est, les violences alimentées par le M23 et d’autres groupes armés compromettent l’accès à de larges portions du territoire. L’économie, bien que croissante, reste vulnérable aux chocs et à une forte dépendance aux matières premières, tandis que l’accès aux services de base demeure très limité pour une majorité de Congolais. La corruption, l’inefficacité administrative et les lenteurs dans la mobilisation budgétaire sont autant de freins à la réalisation des objectifs fixés.

Espoirs et doutes au sein de la population

Dans les quartiers populaires de Kinshasa comme dans les provinces isolées, les Congolais accueillent le programme avec un mélange d’espoir et de prudence. Si certains saluent les premières rénovations d’écoles ou les débuts d’infrastructures rurales, beaucoup expriment leur méfiance face à l’absence de résultats durables par le passé. Le besoin de soutien à l’entrepreneuriat local, notamment via le microcrédit et des politiques agricoles mieux structurées, est régulièrement mis en avant par les populations.

Refonder le contrat social congolais

Au-delà de ses aspects techniques, le Compact de résilience vise à rétablir un lien de confiance entre l’État et les citoyens. Restaurer la dignité, renforcer le sentiment d’appartenance et offrir des perspectives concrètes constituent les conditions d’un développement durable. Dans un pays fracturé par les conflits, miné par l’injustice et riche en potentialités, cette ambition représente un pari audacieux mais nécessaire. En plaçant l’humain au cœur de la reconstruction nationale, la RDC pourrait enfin ouvrir une nouvelle page de son histoire sociale et politique.

Heshima Magazine

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L’économie congolaise déjà impactée par la guerre

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La République démocratique du Congo (RDC) est touchée par une guerre d’agression menée par le Rwanda sur son territoire en appui aux rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Cette situation a déjà une incidence sur l’économie du pays, qui repose essentiellement sur l’exportation des minerais.

La guerre, qui a repris dans l’Est du pays, dissuade les investissements étrangers et la création de nouvelles entreprises. Même si la RDC dispose de ressources naturelles abondantes, l’instabilité dans les zones minières et le manque de sécurité empêchent les investissements à long terme. Les multinationales et les entreprises locales hésitent à investir dans un environnement où les risques liés à la guerre et à la violence sont trop élevés. Le regain de violence armée depuis plus de 3 ans fait perdre énormément de recettes au pays.

Depuis juin 2022, Kinshasa perd ses recettes douanières du poste frontalier de Bunagana, au Nord-Kivu. Cette première cité occupée par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) pouvait réaliser jusqu’à 750 000 dollars de recettes mensuelles. Avec la progression des rebelles dans les deux Kivu, le pays a perdu des revenus qui sont désormais contrôlés par les insurgés. Bunagana est le troisième poste frontalier le plus important du Nord-Kivu après celui de la grande barrière à Goma et celui de Kasindi.

Depuis la prise totale de deux capitales des Kivu, des produits vivriers tels que des pommes de terre, du fromage, du lait frais ou de la viande de bœuf ne sont plus expédiés vers Kinshasa ou dans d’autres villes du pays. Toutes les chaînes d’approvisionnement sont bloquées, affirme Lesly Said, gérante du supermarché du Kivu au complexe Utexafrica, à Kinshasa. « Même avant que Goma ne soit prise, nous avions déjà été impactés par la prise de Minova. Le coût avait augmenté et nous avons eu beaucoup de plaintes de clients, mais nous n’avions pas de choix », a-t-elle déclaré.

Depuis la chute de la ville de Goma, les banques restent toujours fermées. La circulation du dollar américain dans la région devient de plus en plus difficile. Si une telle situation perdure, cela présente le risque d’un basculement de l’économie vers le franc rwandais. Le marché monétaire congolais étant asphyxié par l’absence prolongée des banques et des microfinances, la ville rwandaise voisine, Gisenyi, risque de devenir un débouché pour échapper à cette asphyxie économique de Goma. Cela risque d’être perçu comme une balkanisation économique.

Effort de guerre

Des entreprises publiques fournissent des efforts supplémentaires pour contribuer à l’effort de guerre lancé par le président de la République, Félix Tshisekedi. Pour répondre à cet appel à la solidarité, l’Office de gestion du fret multimodal (OGFREM) a apporté une contribution à hauteur d’un million de dollars. Cette cagnotte a été annoncée au Vice-Premier ministre, ministre des Transports et Voies de communication, Jean-Pierre Bemba, par l’équipe dirigeante de cette entreprise. D’autres entreprises publiques, qui avaient déjà du mal à fonctionner, pourraient fournir des efforts supplémentaires en cette période de guerre.

Cette situation sécuritaire grave a aussi perturbé les prévisions budgétaires projetées pour cette année (18 milliards de dollars). Des coupes budgétaires ont été opérées dans les enveloppes prévues pour certaines institutions comme la Présidence, la Primature, le Gouvernement et le Parlement. La mécanisation des nouveaux agents et fonctionnaires de l’État a été gelée pour une période de 12 mois. Autre effet ressenti, c’est l’inflation. Elle a été particulièrement forte ces dernières années, ce qui a réduit le pouvoir d’achat des Congolais. Les prix des produits de base, en particulier ceux importés, ont augmenté, aggravant ainsi la pauvreté et la précarité pour une grande partie de la population. La tentative du gouvernement de rabaisser les prix des biens de consommation courante s’est révélée vaine.

Chute des prix du cobalt

Pillée dans les Kivu par le Rwanda et les rebelles du M23-AFC, plombée dans l’espace Katanga par la chute de l’une des prix d’une des matières premières les plus en vogue, le cobalt, la RDC essaie tant bien que mal de tenir son économie. Mais les prix mondiaux du cobalt ont sensiblement chuté. Depuis mai 2022, le prix du cobalt a perdu les trois-quarts de sa valeur, passant de 82.000 à près de 22.000 dollars la tonne. Une chute vertigineuse qui s’explique aussi par une surproduction mondiale de ce produit. La Chine, une plus grande consommatrice de ce minerai, s’est émancipée de ce métal blanc. Pékin a commencé à produire des cellules de batteries pour véhicules électriques sans utiliser le cobalt, ce qui occasionne une telle chute des prix. Or, la RDC représente environ 70% de la production mondiale de cobalt, dont les deux tiers sont raffinés en Chine.

Pourtant, la redevance minière des substances minérales stratégiques, notamment le cobalt, reste la plus élevée en RDC. « On aura une situation de baisse des recettes et cela peut affecter les efforts que le gouvernement mène pour restaurer la paix dans l’est du pays », analyse Jean-Pierre Okenda, directeur exécutif de l’ONG « La sentinelle des ressources naturelles ».

Difficile canalisation des recettes du coltan

La RDC est l’un des plus grands producteurs mondiaux de coltan, un minerai essentiel qui est principalement composé de tantalite et de niobium. Le coltan est utilisé dans la fabrication de composants électroniques, tels que les condensateurs pour téléphones mobiles, ordinateurs, voitures électriques et autres appareils high-tech. Ce minerai est principalement extrait dans les régions orientales de la RDC, notamment dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, ainsi qu’en Ituri. Ces zones sont souvent marquées par des conflits armés et des tensions politiques, et l’exploitation minière y est souvent artisanale. Cela signifie que de nombreux mineurs locaux utilisent des méthodes manuelles et rudimentaires pour extraire le coltan, ce qui peut rendre l’activité extrêmement dangereuse. Au-delà de cet aspect, le pillage de ces minerais par des pays voisins fait perdre des recettes énormes à la RDC.

Résurgence du M23 et boom économique au Rwanda

Depuis la résurgence du M23, fin 2021, dans les Kivu, le Rwanda a fait des bonds importants dans l’exportation des minerais, notamment le coltan. En 2023, Kigali a enregistré une augmentation spectaculaire de 43 % de ses exportations, qui sont passées de 772 millions de dollars en 2022 à plus de 1,1 milliard. En 2010, ces revenus dépassaient à peine les 70 millions de dollars par an. Une manne minière bénéficiée par un pays qui n’a pas grand-chose sous son sol. Ce qui met souvent Kinshasa en colère, estimant que les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) que Kigali cherche souvent au Congo sont essentiellement des minerais.

Heshima

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