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Nord-Kivu et Ituri: faut-il lever l’état de siège un an après ?

En avril 2022, Jean-Michel Sama Lukonde a, dans l’Est de la RDC, fait le point sur l’état de siège avec les deux Lieutenant-généraux Johnny Luboya Nkashama et Constant Ndima, respectivement gouverneur militaire de l’Ituri et gouverneur militaire du Nord-Kivu. Il est évident que la décision de lever ou de garder l’état de siège découle des observations des deux gouverneurs – question de ne pas annihiler tous les efforts consentis.

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Mi-avril, le Parlement a prorogé pour la 22ème fois l’état de siège en Ituri et au Nord-Kivu, en l’absence des élus de ces deux provinces qui ont pris la décision de ne plus participer aux plénières traitant de cette question. Pendant la même période, le Premier ministre Sama Lukonde était en mission dans les deux provinces, question de voir comment dresser le plan de sortie de ce régime spécial mis en œuvre le 6 mai 2021. 

En scrutant la situation sécuritaire de l’Ituri et du Nord-Kivu à la lueur des explications de deux gouverneurs militaires, il y a lieu de noter des avancées significatives. Cependant, la crise ayant duré longtemps et compte tenu des enjeux économico-financiers de ces deux provinces placées sous état de siège, il va falloir une alternative capable de faire évoluer la situation. D’où, la sortie de l’état de siège est tributaire d’une autre stratégie à définir, à défaut de mener des opérations militaires de manière pérenne sur le terrain. 

C’est depuis plusieurs mois, en effet, que la question de la levée de l’état de siège, dont l’efficacité est toujours remise en cause, est sur les lèvres de plus d’un élu originaire de l’Est du pays. Le plan de sortie de la crise, dépendra à coup sûr du gouvernement qui doit considérer tous les paramètres, avant de proposer au chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, une solution. 

Décryptage de la situation en Ituri Sur les ondes de Top Congo FM, le gouverneur militaire de l’Ituri, Johnny Luboya Nkashama affirme avoir atteint 60- 70%, concernant ce qu’il a réalisé durant 11 mois sous état de siège. Il explique qu’après avoir pris d’assaut les grandes agglomérations et les localités, ce qui constitue la première phase de sa mission, il est à la deuxième phase laquelle consiste à poursuivre l’ennemi en profondeur c’est-à-dire jusque dans son dernier retranchement. La deuxième phase, précise-t-il, marche avec le développement notamment des infrastructures.

A la troisième phase, affirme le Général Johnny Luboya, la province devra être sous contrôle total, sécurisée. Concernant la persistance des massacres, il indique que c’est l’ennemi qui est chassé des centres d’intérêt qu’il occupait qui, dans sa fuite, procède au chantage, un peu comme pour faire croire qu’il n’est pas encore vaincu. Lorsqu’on chasse l’ennemi, renchérit le gouverneur militaire, il devient généralement faible et cherche à faire des chantages. « Ils ne sont plus dans les mines, sur les grands axes, voilà pourquoi ils font des chantages », a-t-il argué. D’après lui, cela était déjà arrivé en Irak et en Afghanistan.

« Nous en tant que militaires, nous devons faire comprendre à la population les opérations parce que c’est difficile de comprendre ce que nous sommes en train de faire », explique-t-il. En Ituri pour combattre les ADF dont il dit qu’ils sont en train de défaire, le Lieutenant-Général Luboya regrette toutefois le fait que ce soient les groupes armés congolais, notamment les miliciens de la CODECO, qui font plus de mal. « Ce sont plus les Congolais qui sont en train de s’entretuer.. », fustige-t-il. Effectivement, en Ituri, les Hema et les Lendu se déchirent depuis plusieurs décennies.

Cela explique le fait qu’outre l’option militaire, le dialogue soit privilégié : d’un côté les FARDC pacifient la province, de l’autre le gouvernement préconise le dialogue et la réconciliation. Malheureusement, en février 2022, les miliciens de la CODECO ont pris en otage les négociateurs venus de Kinshasa, parmi lesquels Thomas Lubanga, avant de les libérer deux mois après. Malgré tout, le Lieutenant-Général Johnny Luboya croit que la paix est possible en Ituri, grâce aussi au dialogue, question juste d’éviter la manipulation.

La situation au Nord-Kivu depuis un an

De son côté, le Lieutenant-Général Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu, rassure que l’armée contrôle la situation en ce qui concerne les opérations militaires. Pour lui, l’ennemi est déstabilisé. «Nous sommes devant une situation un peu particulière », reconnait-il en affirmant que dans le grand Nord, ils font face aux forces négatives FDLR et les ADF. «Ce n’est pas une guerre conventionnelle où l’ennemi se trouve en face et vous allez conquérir le terrain. C’est-à-dire l’ennemi s’est éparpillé sur le territoire…, constituant des bastions », explique-til avant de rassurer qu’aujourd’hui tous les bastions sont passés sous contrôle des forces armées.

 Néanmoins, le gouverneur militaire relève le fait que l’ennemi, en errance en petits groupes, continue à faire des incursions dans des villages où il s’attaque à la population qui va dans des champs ou vivant dans des villages assez reculés. Le Lieutenant-Général Ndima s’étonne du retour à la vie du Mouvement du 23 mars (M23), au moment où ils sont en train de pacifier la province, premièrement face aux groupes armés locaux, ensuite face aux forces négatives étrangères. « Le M23 resurgi avec des armes collectives et des armes d’appui, c’est impensable ! », s’indigne-t-il.

Les moyens pour la défense

«Nous travaillons avec les moyens que le gouvernement met à notre disposition », fait-savoir le gouverneur militaire du Nord-Kivu. D’après le Général Luboya Nkashama, les FARDC et les UPDF (Force de défense du peuple ougandais) collaborent sur le plan opérationnel (au front) et sur le plan des renseignements. Les opérations militaires conjointes se font notamment avec les matériels des UPDF (drones…). «La guerre dure depuis longtemps… Même avec peu nous allons faire beaucoup », souligne-t-il. Dans le cadre des fonds spéciaux alloués à l’état de siège, le gouvernement a décaissé 33 millions de dollars.

Gouverneur militaire égale à bon gestionnaire

 En Ituri tout comme au Nord-Kivu, les gouverneurs militaires ont, au bout d’une année, malgré l’état de siège, fait preuve de bonne gestion. Au Nord-Kivu, les recettes provinciales ont connu une sensible hausse. Le Lieutenant-Général Ndima explique ce renflouement des recettes par la discipline et la sensibilisation de la population sur le civisme fiscal, particulièrement par des conférences et le suivi. 

À Bunia, la population constate que le gouvernorat de province a changé de forme, voire même la mairie. « Avec le peu que nous avons, nous essayons de beaucoup faire », indique le Lieutenant-Général Luboya Nkashama. Avec le peu de moyens qu’il a, d’après ses propres termes, il essaie de refaire, de réhabiliter, de reconstruire, voire de construire. Sa province a signé une convention avec les pétroliers. Avec les fonds provenant notamment de ces derniers, il a réussi à réhabiliter plus de 500 km de routes en 11 mois. 

Aujourd’hui, pour aller à Mahagi on fait 3 heures, et de Bunia à Kasenyi, on met juste 70 minutes. Après la réhabilitation de la route menant à Kasenyi, la population a beaucoup félicité M. Luboya Nkashama, car c’est depuis plusieurs décennies que cette route n’était plus réhabilitée. « Avant il y avait des attributaires fictifs, on payait de l’argent aux sociétés qui n’existaient pas », déplore-til en précisant qu’il a pris des engagements avec des sociétés ayant pignon sur rue et les résultats sont plausibles. 

De son côté, le Lieutenant-Général Ndima affirme aussi avoir réhabilité des infrastructures routières et autres. Après l’éruption volcanique du 22 mai 2021, la ville de Goma était secouée et les routes étaient entamées. Grâce aux moyens venus du gouvernement central et du gouvernement provincial, il a pu colmater… Par ailleurs, il a rouvert certaines routes, relié d’autres, et fait faire des canalisations pour le drainage des eaux stagnantes vers le lac. D’après lui, la ville de Goma n’est pas militarisée, mais les lignes de front ne sont pas loin. « Nous faisons tout pour pacifier les environs de Goma », a-t-il expliqué.

 HESHIMA

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Joseph Kabila acculé : levée d’immunité, accusations et énigme du silence

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Depuis son départ du pouvoir en janvier 2019, Joseph Kabila s’était réfugié dans une discrétion quasi totale. Mais en 2025, cette réserve est brutalement rompue par des ennuis judiciaires sans précédent. Accusé de soutenir des groupes rebelles, notamment l’AFC incluant le M23, le sénateur à vie a vu son immunité levée par le Sénat le 22 mai 2025. L’ancien président reste étrangement silencieux. Pourtant, plusieurs sources annoncent une prise de parole attendue dans la soirée du 23 mai. Heshima Magazine retrace les contours de ses démêlés judiciaires et s’interroge sur la portée d’un silence devenu central.

Les ennuis judiciaires de l’ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) Joseph Kabila trouvent leurs racines dans la période trouble qui a suivi son départ du pouvoir en 2019, après 18 ans à la tête de la RDC. Bien que son influence ait perduré à travers le Front Commun pour le Congo (FCC), sa coalition politique majoritaire au Parlement jusqu’en 2020, les soupçons sur ses activités se sont intensifiés avec la dégradation de la situation sécuritaire dans l’Est du pays. Dès 2020, des rumeurs circulaient sur son rôle présumé dans le financement de groupes armés, mais c’est en août 2024 que les accusations prennent une tournure publique et officielle. Lors d’un séjour en Belgique, le 6 août, au cours d’une interview accordée à la radio congolaise Top Congo FM et au média Congo Indépendant, le président Félix Tshisekedi a désigné Joseph Kabila comme le cerveau derrière l’Alliance Fleuve Congo (AFC) et le Mouvement du 23 mars (M23), groupes responsables d’atrocités dans l’Est du pays. Cette déclaration, relayée par plusieurs médias tant nationaux qu’internationaux, marque le début d’une offensive politique et judiciaire contre l’ancien président. « Nous disposons d’une multitude d’informations et de faits », a déclaré le Vice-premier ministre de l’Intérieur Jacquemain Shabani devant les médias. Ces accusations, bien que dépourvues de détails publics à l’époque, jettent les bases d’une confrontation qui allait bientôt dépasser le cadre des discours.

De la présidence à l’accusation

Le véritable tournant intervient en avril 2025, lorsque le ministre de la Justice, Constant Mutamba, annonce une demande officielle au Sénat pour lever l’immunité de Kabila, en sa qualité de sénateur à vie. Cette démarche, rapportée par de nombreux médias dont Heshima Magazine, repose sur des chefs d’accusation graves : participation à un mouvement insurrectionnel, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et haute trahison. Parallèlement, le gouvernement a ordonné la saisie des actifs de Kabila, y compris des propriétés à Kinshasa et à Lubumbashi. Quant au Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), bastion politique de Joseph Kabila, celui-ci est suspendu depuis le 20 avril 2025, une décision inédite. Le ministre de l’Intérieur a également saisi la Cour constitutionnelle afin d’obtenir la dissolution du PPRD et de trois autres partis d’opposition, accusés de collusion avec des groupes armés. Une mesure que l’analyste politique Marie-Claire Ndaya interprète comme une « sévère mise en garde afin de décourager à l’avenir définitivement toute autre personne ou personnalité de prendre les armes contre la République ». »

Une procédure sous haute tension

Le 22 mai 2025, le Sénat de la RDC, sous la présidence de Jean-Michel Sama Lukonde, a voté la levée de l’immunité parlementaire de Joseph Kabila, ouvrant ainsi la voie à des poursuites judiciaires contre l’ancien président. Cette décision, prise à bulletins secrets par 88 voix pour, 5 contre et 3 abstentions fait suite à la demande du ministre de la Justice, Constant Mutamba, qui accuse Kabila de « participation directe » au groupe armé M23. La commission spéciale du Sénat, composée de 40 membres, s’était prononcée unanimement en faveur de cette mesure, estimant que les faits reprochés ne relèvent pas de sa fonction d’ancien président mais de celle de sénateur à vie. Cette levée d’immunité marque une étape décisive dans la procédure judiciaire engagée contre Kabila, qui pourrait désormais être poursuivi pour des chefs d’accusation incluant la trahison, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

Kabila face au gouffre judiciaire

Avec la levée de son immunité, Joseph Kabila se trouve désormais exposé à des poursuites judiciaires qui pourraient avoir des conséquences monumentales. Sur le plan juridique, les accusations de haute trahison et de crimes de guerre sont parmi les plus graves prévues par le Code pénal congolais. La haute trahison, définie comme une atteinte à la sûreté de l’État, peut entraîner la réclusion à perpétuité, compte tenu du moratoire sur la peine de mort en vigueur depuis 2003 mais suspendu depuis plus d’une année par Félix Tshisekedi. Les chefs d’accusation liés aux crimes de guerre et contre l’humanité pourraient également attirer l’attention de la Cour pénale internationale (CPI), surtout si des preuves documentent des massacres ou des financements de groupes armés. « Un procès national serait un précédent historique, mais il pourrait aussi exposer la RDC à un examen international », note l’experte en droit international Sophie Laurent, dans une analyse publiée par The Africa Report. Une condamnation priverait Kabila de sa liberté et de ses droits politiques, le reléguant à un statut de paria avec un mandat d’arrêt international à son encontre.

Sur le plan politique, une condamnation marquerait la fin de l’influence de Kabila, qui reste une figure polarisante. Le PPRD, déjà fragilisé par sa suspension, risque la dissolution, ce qui priverait Kabila de son principal parti. « Une telle issue consoliderait le pouvoir de Tshisekedi, mais à quel prix ? », s’interroge le sociologue Gérardin Biamba.

Le mystère du silence de Kabila

Face à cette tempête judiciaire, le silence de Joseph Kabila est assourdissant. Depuis l’annonce de la demande de levée de son immunité en avril 2025, et même après la décision du Sénat le 22 mai 2025, il n’a fait aucune déclaration publique, ni dans les médias, ni officiellement via son parti. Ce mutisme, alors que ses biens sont en passe d’être saisis, que le PPRD est menacé de dissolution, que son immunité est levée et que son avenir est en jeu, intrigue les observateurs et divise les Congolais. « Pourquoi ne se défend-il pas ? » s’interroge Jean-Pierre Mbuyi, chauffeur de taxi à Kinshasa. « S’il était innocent, il parlerait, non ? » Ce silence, dans un contexte aussi explosif, suscite de multiples interprétations, chacune offrant un éclairage sur les intentions possibles de l’ancien président.

Une première hypothèse voit dans ce silence une stratégie calculée. Kabila, connu pour son pragmatisme politique, pourrait éviter de s’exprimer publiquement pour ne pas aggraver sa situation. « Il sait que chaque mot peut être utilisé contre lui », explique l’analyste politique Raoul Ntumba. Ce silence pourrait également masquer des négociations en coulisses avec le gouvernement de Tshisekedi, visant à obtenir un accord pour abandonner les poursuites en échange d’un retrait définitif de la scène politique. Une telle pratique permettrait à Joseph Kabila de préserver une partie de ses intérêts tout en évitant un procès humiliant. « Il joue la montre », estime Marie-Claire Ndaya, politologue. « Kabila a toujours préféré l’ombre à la lumière. »

Une autre lecture, plus accusatrice, interprète ce silence comme un aveu implicite de culpabilité. « Qui ne dit mot consent », murmure-t-on dans certains milieux de Kinshasa. Certains, comme l’activiste des droits humains Marianne Makoloba, y voient une incapacité à contrer des accusations étayées par des preuves solides. « S’il avait des arguments pour se défendre, il les aurait déjà avancés », affirme-t-elle. Pourtant, cette interprétation est contestée par les proches de Kabila. Sous couvert d’anonymat, un haut cadre du PPRD déclare : « Ce silence est un refus de légitimer une chasse aux sorcières. Le président Kabila reste digne face à des accusations fabriquées. »

Une troisième hypothèse suggère que ce silence reflète une crainte ou une perte de contrôle total des événements. Kabila, habitué à manipuler les leviers du pouvoir, pourrait avoir été pris de court par l’ampleur et la rapidité des mesures contre lui. La saisie annoncée de ses biens, la suspension du PPRD, et la levée de son immunité ont pu le désarçonner. « Il n’avait peut-être pas anticipé une offensive aussi agressive », avance l’analyste en sécurité Didier Kalato. Ce silence pourrait alors traduire une difficulté à formuler une réponse cohérente face à un gouvernement déterminé à l’isoler. « Il est possible qu’il se sente acculé », ajoute Kalato, « et qu’il attende un moment opportun pour contre-attaquer. »

Enfin, certains observateurs spéculent que ce silence pourrait être le prélude d’une reddition. Kabila, conscient des risques judiciaires et de la fragilité de sa position, pourrait préparer une sortie discrète, peut-être se retirant définitivement de la vie politique et en s’exilant où il le souhaite. « Il pourrait chercher à protéger sa famille et ses avoirs restants », suggère l’experte en relations internationales Sophie Laurent. Ce scénario, bien que plausible, semble toutefois improbable pour un homme connu pour son obstination et son habileté politique.

Un mutisme qui divise et interroge

Quelle que soit son origine, le silence de Kabila a des répercussions profondes. Pour ses partisans, il incarne une forme de résistance passive, un refus de se plier à ce qu’ils perçoivent comme une persécution politique. « Il ne parle pas parce qu’il sait que la vérité finira par éclater », affirme Dodi Bope, membre du PPRD. Pour ses détracteurs, ce mutisme renforce les soupçons, donnant l’impression d’un homme à court d’arguments. « Son silence est un aveux », lance un haut responsable de l’Union sacrée, sous couvert d’anonymat.

Sur le plan politique, ce silence laisse un vide que ses adversaires exploitent. Le gouvernement de Tshisekedi, selon plusieurs analystes politiques, présente les démarches judiciaires comme une quête de justice pour les victimes des conflits dans l’Est. « Personne n’est au-dessus de la loi », déclare l’opérateur économique Babone Marc au micro de Heshima Magazine. Pourtant, ce narratif est contesté par ceux qui craignent une instrumentalisation de la justice. « Si les preuves ne sont pas solides, cela pourrait se retourner contre Tshisekedi », avertit l’avocate Louise Mboyi.

Sur le plan social, le silence de Kabila alimente les divisions. Pour ses partisans, des voix comme celle de Joseph Katshuvi expriment leur frustration : « On accuse Joseph Kabila sans que nous, ses soutiens, n’ayons vu une seule preuve claire. Son silence est une réponse à cette injustice. » D’autres citoyens comme Esther Ngoy, enseignante, y voient une faiblesse : « Il devrait se battre s’il est innocent. Ce silence nous fait douter et ne fait que renforcer les soupçons. »

Le dernier mot du silence

Le silence de Joseph Kabila face à ses ennuis judiciaires est un puzzle complexe, mêlant stratégie, prudence, et peut-être une touche de désarroi. Est-il en train de tisser une toile en coulisses, attendant le moment idéal pour riposter ? Ou ce mutisme cache-t-il une résignation face à un étau qui se resserre inexorablement ? Les démarches judiciaires, de leur genèse en 2024 à leur intensité actuelle en mai 2025, placent Kabila à un tournant crucial. Avec la levée de son immunité le 22 mai 2025, il risque non seulement la prison, mais aussi la perte définitive de son influence. Dans ce climat d’incertitude, son silence reste son arme la plus ambiguë : un défi, une esquive, ou un aveu. Alors que la RDC retient son souffle, l’avenir de Kabila et, avec lui, celui du pays, dépendra de la manière dont ce silence sera brisé, ou s’il perdurera jusqu’à l’oubli.

Heshima Magazine

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RDC : quelle solution face à la spoliation des espaces publics ?

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En République démocratique du Congo (RDC), les espaces publics font souvent l’objet de spoliation. Des sites publics, ronds-points, terrains de football, camps militaires, rien n’est épargné. À Kinshasa, dans la commune de la Gombe, un carrefour serait vendu à un sujet libanais. Ces pratiques ont la peau dure malgré le changement des dirigeants au pays. Ce qui suscite des questions quant à la protection des espaces publics en RDC.

Au croisement des avenues Sénégalaises, Kabasele Tshiamala (ex-Flambeau) et Tabu Ley (ex-Tombalbaye), un carrefour public serait vendu à un sujet libanais. Des bureaux de police, des véhicules abandonnés, quelques kiosques commerciaux, des cabines téléphoniques ont été expulsés. « Nous sommes surpris de voir quelqu’un acheter ce rond-point. On ne sait même pas ce qu’il compte en faire. Nous demandons aux autorités de s’impliquer dans cette situation », a réagi une tenancière de kiosque, sous anonymat. Cette spoliation se fait à l’insu des autorités locales. « J’ai été surprise d’apprendre que cette parcelle a été vendue. Quand quelqu’un achète une parcelle, il doit d’abord commencer par le quartier […] J’ai appris que c’est un sujet libanais qui est l’acquéreur. Je ne sais pas ce qu’il veut en faire », a déclaré Rachel Banyamo, chef du quartier Commerce, dans la commune de la Gombe. Ces cas de spoliation sont légion en République Démocratique du Congo.

Toujours à Kinshasa, un autre espace public a été vendu à un sujet indien. Pourtant, ce site a été longtemps déclaré non aedificandi suite aux collecteurs d’eau et autres tuyaux qui passent en dessous de ce site. Mais ce lieu a été vendu. Il a fallu l’intervention du président de la République en conseil des ministres pour que les spoliateurs arrêtent leurs travaux. Personne n’a été sanctionné pour cet acte de spoliation.

En 2020, plus de 3 500 personnes victimes de démolitions des maisons et spoliations de terres à Mbobero, Mbiza et marrée de Murhundu dans le territoire de Kabare, dans la province du Sud-Kivu, avaient déposé une plainte à la Cour de cassation à Kinshasa et une autre copie réservée au parquet près le tribunal de Grande instance de Kavumu contre le président honoraire Joseph Kabila pour spoliation « destruction méchante, pillage, tortures et crime contre l’humanité ».

Cette plainte a été déposée à la cour de cassation de Kinshasa/Gombe et une autre copie au parquet près le tribunal de grande instance de Kavumu au Sud-Kivu. Selon Jean Chrysostome Kijana, président national de la Nouvelle dynamique de la société civile et vice-président du collectif « Tournons la page », Joseph Kabila s’est illégalement approprié les parcelles de plus de 3 500 personnes, qui étaient devenus sans abris après une « destruction méchante » de leurs habitations.

Lits des rivières et la Baie de Ngaliema spoliés

En dehors des autorités politiques, des citoyens profitent également de la faiblesse de l’État pour s’octroyer des terres parfois dans des zones non aedificandi. C’est le cas des occupants des servitudes ferroviaires le long de la voie ferrée entre la Gare centrale et Kintambo-Magasin, à Kinshasa. D’autres occupent les rives des rivières Makelele, Mapenza, Kalamu, N’djili et Lukuya. Certaines parcelles de constructions sur ces terrains sont en cours de démolition. Mais l’opinion publique dénonce la politique de deux poids deux mesures. Sur la Baie de Ngaliema, située entre le complexe Utex Africa et le chantier naval de Chanimétal, des constructions illégales poussent également dans cette zone non aedificandi. « Sur ce site, il n’y a que des puissants du régime présent et passé qui construisent. Ils se protègent entre eux, personne ne va démolir leurs constructions anarchiques », pointe un riverain qui dit détenir les noms des ministres et autres responsables politiques qui spolient ce site.

Une spoliation qui cause des inondations

Ces constructions anarchiques sont également la cause des inondations qui endeuillent la ville de Kinshasa. Beaucoup de quartiers se sont développés sans respect des normes urbanistiques, souvent dans les lits des rivières ou les zones marécageuses. Les obstructions des exutoires naturels tels que les rivières et leurs lits provoquent ces inondations. Dans la quête de solution à ces problèmes, le Gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba, a reçu, le 21 mai 2025, les conclusions d’une étude conduite par le bureau d’études URBAPLAN, mobilisant ingénieurs, urbanistes, architectes et géographes. Cette mission avait pour objectif d’analyser en profondeur les causes des inondations qui ont récemment frappé la capitale, causant de lourdes pertes humaines et matérielles. D’après ces experts, plusieurs facteurs aggravants sont à la base de ces catastrophes, notamment l’insuffisance du système de drainage, l’accumulation des déchets notamment dans la rivière N’djili et l’occupation anarchique des zones à risque. En réponse, ils proposent un ensemble de mesures correctives structurées autour de trois axes : la réhabilitation des infrastructures de drainage, le renforcement de la collecte des déchets, et la déclaration de certaines zones comme non constructibles.

Autre responsabilité à pointer, c’est la faiblesse de l’État congolais. Des agents de l’État délivrent des titres de propriété à des occupants illégaux. Une faiblesse à corriger si l’on veut mettre un terme à l’anarchie dans ce secteur.

Heshima

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RDC : Kabila, Mutamba, Matata, ces grands noms dans le collimateur de la justice

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C’est un séisme judiciaire qui secoue la République démocratique du Congo (RDC). Le ministre de la Justice, Constant Mutamba – réputé pour ses injonctions de poursuites – est lui-même au cœur d’une action judiciaire initiée par le procureur général près de la Cour de cassation. Dans un autre tableau, l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo a été condamné, le 20 mai 2025, à 10 ans de travaux forcés dans le cadre du dossier du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Enfin, ce jeudi 22 mai, le Sénat va se prononcer sur la levée ou non des immunités de Joseph Kabila poursuivi pour crime de guerre. Ces dossiers mêlant des grands noms de ce pays constituent un tournant judiciaire majeur en RDC.

Constant Mutamba : le ministre de la Justice sous enquête

Le procureur général près de la Cour de cassation a demandé le 21 mai 2025 à l’Assemblée nationale l’autorisation de poursuivre le ministre d’État en charge de la Justice, Constant Mutamba, pour présumé détournement des fonds publics estimés à 39 millions de dollars, alloués à la construction d’un complexe pénitentiaire à Kisangani, dans la province de la Tshopo. Pour statuer sur ce cas, la chambre basse du Parlement a mis en place une commission pour auditionner Constant Mutamba avant d’autoriser l’ouverture de l’information judiciaire à son encontre. Ces faits, qui avaient commencé comme des rumeurs, ont pris une tournure sérieuse après le réquisitoire du procureur général Firmin Mvonde adressé à l’Assemblée nationale. Chaque groupe parlementaire envoie un de ses membres pour composer cette commission.

Depuis le 14 mai dernier, Constant Mutamba avait fait l’objet de deux questions orales avec débat à l’Assemblée nationale au sujet du dossier lié à la construction d’une nouvelle prison à Kisangani. Les députés Fontaine Mangala, élu de Kisangani, et Willy Mishiki, élu à Walikale, voulaient obtenir des éclaircissements sur le décaissement présumé de 39 millions de dollars sans passation régulière des marchés publics. Ces élus ont décelé des irrégularités administratives et réclament des comptes au ministre Mutamba.

Par ailleurs, Mutamba avait déjà été interpellé à l’Assemblée nationale le 14 mai 2025 concernant des irrégularités dans la gestion des fonds alloués à la construction de prisons, notamment à Kinshasa, où un détournement de 5 millions de dollars avait été signalé. Des arrestations ont été effectuées dans ce dossier, incluant celle de l’ancien vice-ministre de la Justice, Bernard Takayishe.

Mutamba, une bête noire de la magistrature ?

En poste depuis juin 2024, Constant Mutamba a mené une lutte contre des réseaux mafieux au sein de la magistrature. Il a bancarisé des frais de justice en vue non seulement de renforcer la transparence et l’efficacité financière mais aussi garantir une meilleure traçabilité des transactions financières liées aux procédures judiciaires. Plusieurs réformes initiées par lui ont provoqué des tensions avec le Conseil supérieur de la magistrature, notamment lors des états généraux de la justice.

Au sein de l’opinion, ce dossier suscite des réactions contrastées. Le président de l’Association africaine de défense des droits de l’homme (ASADHO), Jean-Claude Katende recommande la prudence dans cette affaire, percevant une forme de règlement des comptes contre Constant Mutamba à cause de sa lutte contre les réseaux mafieux au sein de la justice et dans tout le pays. Mais si les faits qui lui sont reprochés sont avérés, cet activiste n’exclut une démarche judiciaire.

Matata Ponyo : une condamnation historique

L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné à 10 ans de travaux forcés dans le dossier lié au projet de parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, un programme agricole lancé en 2014, mais largement critiqué pour son échec et ses irrégularités financières. Si certains ont salué la condamnation d’un grand nom parmi des puissants impliqués dans des faits de détournement, d’autres évoquent une sélectivité des personnes à viser. « La justice doit toucher tout le monde », a insisté Jean-Claude Katende, appelant à une justice équitable et impartiale. Cet activiste regrette que malgré de nombreux scandales financiers ayant émaillé d’autres projets, certains responsables aient été acquittés, nourrissant ainsi un sentiment d’injustice dans la société.

Au niveau de l’Assemblée nationale, la condamnation de Matata jette un sentiment d’insécurité, d’après certains parlementaires. Ils évoquent « l’insécurité juridique » des députés nationaux et demandent la surséance de la décision de la Cour constitutionnelle. « Notre Cour constitutionnelle a pris une tendance dangereuse à s’octroyer un pouvoir d’interprétation plus large », fait remarquer le député national et constitutionnaliste Paul Gaspard Ngondankoy.

Pour Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), cette condamnation constitue un avertissement lancé à tous les prédateurs des finances publiques.

L’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo déplore les multiples manœuvres de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation visant à « condamner un homme politique qui n’a volé aucun dollar du Trésor public », a-t-il déclaré. Il précise : « Le dossier Bukanga Lonzo est né parce que j’ai refusé d’intégrer l’Union sacrée ».

Joseph Kabila : un avenir politique en suspense

Un autre dossier judiciaire et non de moindre, c’est celui de la levée de l’immunité de l’ancien président et sénateur à vie Joseph Kabila. Le Sénat a prévu de se prononcer, ce jeudi 22 mai 2025, sur la levée ou non de l’immunité de cet ancien chef de l’Etat. Ce dernier est poursuivi pour crime de guerre et complicité avec la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23). C’est un enjeu crucial pour la suite de ce dossier de Joseph Kabila. Une commission spéciale du Sénat, composée de quarante membres, a examiné le réquisitoire de l’auditeur général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), le lieutenant-général Lucien René Likulia. Elle a rendu son rapport, et la plénière du Sénat va se prononcer. Les sénateurs vont procéder au vote à bulletin fermé, après débat général sur le rapport de cette commission spéciale.

Cette commission dirigée par l’ancien chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula, avait eu 72 heures à compter de lundi 19 mai pour soumettre son rapport à l’Assemblée plénière. Le Sénat prévoyait aussi d’auditionner Joseph Kabila. Une invitation formelle lui a été adressée par le président du Sénat, Jean-Michel Sama Lukonde. Mais c’était une formalité car le sénateur à vie séjourne depuis plus d’un an en dehors du pays et n’a pas été auditionné même à distance. Le sort de Joseph Kabila sera donc connu cette semaine, celui de Constant Mutamba est aussi suspendu à la décision de la commission spéciale mise en place à l’Assemblée nationale.

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