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Quand le changement de Constitution devient un pari risqué pour les régimes Africains

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En Afrique, modifier la Constitution pour prolonger un mandat présidentiel reste une entreprise périlleuse, souvent assortie de conséquences déstabilisatrices. Alors que certains dirigeants parviennent à allonger leur règne, d’autres subissent l’opposition populaire ou sont renversés par l’armée. En République démocratique du Congo (RDC), le président Félix Tshisekedi envisage également une révision de la Constitution, suscitant des inquiétudes dans un pays aux multiples tensions politiques et sécuritaires.

Le projet de réforme constitutionnelle de Tshisekedi, bien que non détaillé, provoque des réactions diverses au sein de la classe politique congolaise et de la société civile. Nombreux sont ceux qui redoutent une atteinte à la démocratie, craignant que cette initiative ne déclenche des troubles comparables à ceux observés dans d’autres pays africains. Voici un panorama des chefs d’État africains ayant tenté de modifier la Constitution pour prolonger leur pouvoir.

Alpha Condé en Guinée – 10 ans

Après une longue lutte politique contre le régime de Lansana Conté, Alpha Condé devient président de la Guinée en 2010 et est réélu en 2015. En 2020, il modifie la Constitution pour briguer un troisième mandat, mais cette initiative suscite une opposition populaire grandissante. En 2021, un coup d’État militaire met fin à ses dix années de pouvoir.

Blaise Compaoré au Burkina Faso – 27 ans

Président du Burkina Faso depuis 1987, Blaise Compaoré tente en 2014 de réviser la Constitution pour se représenter, suscitant une contestation populaire sans précédent. Contraint de fuir, il s’exile en Côte d’Ivoire, laissant derrière lui un pays profondément ébranlé par ses 27 ans de règne.

Robert Mugabe au Zimbabwe – 29 ans

En 2013, une nouvelle Constitution permet à Robert Mugabe de briguer un autre mandat présidentiel, mais les difficultés économiques et la contestation interne au sein de son propre parti affaiblissent son pouvoir. En 2017, il est contraint de démissionner, clôturant une période de 29 ans à la tête du Zimbabwe.

Ali Bongo au Gabon – 14 ans

Ali Bongo accède à la présidence en 2009, succédant à son père Omar Bongo après 41 ans de pouvoir. En août 2023, après une élection contestée, il est renversé par un coup d’État militaire, mettant fin à une présidence de 14 ans et une dynastie marquée par des tensions politiques et des accusations de fraude électorale.

Abdelaziz Bouteflika en Algérie – 20 ans

Président de l’Algérie depuis 1999, Abdelaziz Bouteflika lève la limitation des mandats en 2008. Malgré une santé déclinante, il reste au pouvoir jusqu’en 2019, année où des manifestations populaires massives le forcent à la démission, après deux décennies de gouvernance.

Félix Tshisekedi en RDC

Bien que récemment réélu, Félix Tshisekedi exprime en octobre 2024 son souhait de réviser la Constitution congolaise. Dans un contexte de forte insécurité, notamment dans l’est du pays, l’annonce de cette réforme suscite de vives inquiétudes. « Si cette question n’est pas bien traitée, elle peut déstabiliser le pays », avertit Mgr Donatien Nshole, de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).

Autres cas marquants de modifications constitutionnelles en Afrique

Ibrahim Boubacar Keïta au Mali – 7 ans

Président depuis 2013, Ibrahim Boubacar Keïta initie en 2017 une révision de la Constitution pour renforcer son pouvoir. En 2020, il est renversé par un coup d’État après une montée de la contestation populaire.

Mamadou Tandja au Niger – 10 ans

En 2009, après dix ans au pouvoir, Tandja organise un référendum pour prolonger son mandat, déclenchant une opposition forte. En 2010, un coup d’État met fin à son projet.

Omar el-Béchir au Soudan – 30 ans

Après de nombreuses modifications constitutionnelles, Omar el-Béchir est renversé en 2019 suite à des manifestations massives. Son régime, marqué par 30 ans d’autoritarisme, s’effondre sous la pression de la rue et de l’armée.

Gnassingbé Eyadéma au Togo – 38 ans

Après avoir éliminé la limite des mandats en 2002, Eyadéma reste au pouvoir jusqu’à sa mort en 2005, laissant sa place à son fils Faure, qui poursuit la dynastie familiale au sommet de l’État togolais.

Idriss Déby au Tchad – 30 ans

En 2005, Idriss Déby supprime la limite des mandats pour rester en poste. Il meurt en 2021 à la suite d’une blessure par balle, après 30 ans à la tête du Tchad.

Une arme à double tranchant

Les tentatives de modification constitutionnelle en Afrique se révèlent souvent être des manœuvres complexes et périlleuses. Si elles permettent de prolonger certains régimes, elles précipitent aussi des déstabilisations politiques, des coups d’État, et des mouvements populaires de contestation sans précèdent. En RDC, le projet de Félix Tshisekedi de réformer la Constitution pourrait être un pari risqué, avec des répercussions potentiellement déstabilisatrices pour le pays. La prudence et le dialogue avec les forces vives de la nation s’avèrent essentiels pour éviter de nouvelles crises de gouvernance.

Heshima

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RDC : pourquoi Tshisekedi conserve son partenariat avec l’Ouganda

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En conflit ouvert avec le Rwanda malgré la désescalade en cours à Washington, la République démocratique du Congo (RDC) a fait l’étrange choix de conserver à tout prix ses relations avec l’Ouganda pourtant accusé de soutenir tacitement les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23). Ce choix opéré par Félix Tshisekedi paraît stratégique et lui a permis notamment de limiter la zone d’occupation du M23 dans l’est du pays.

Le 21 juin 2025, le président congolais Félix Tshisekedi a reçu à la Cité de l’Union africaine, à Kinshasa, le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Yoweri Kaguta Museveni et commandant des forces terrestres de l’armée ougandaise (Uganda People’s Defence Force, UPDF). La veille de cette rencontre, le 20 juin, les chefs des armées des deux pays ont signé un accord pour poursuivre leur opération militaire conjointe contre les rebelles Forces démocratiques alliées (FDA).

L’opération, baptisée « Shujaa », vise officiellement les FDA dans le nord de la province du Nord-Kivu ainsi que dans certains territoires de la province de l’Ituri. Cette présence ougandaise à Lubero, Beni et Butembo n’a pas permis la progression du M23 dans cette zone. Il en est de même en Ituri où les armées congolaise et ougandaise mènent des opérations conjointes. « En dehors du Rwanda, les responsables du M23 ont une allégeance sans faille vis-à-vis du président Yoweri Museveni. La rébellion ne pouvait en aucun cas conquérir une zone où l’armée ougandaise est présente, c’est impossible. Félix Tshisekedi a sûrement exploité cet aspect pour limiter la progression du M23 », analyse Etienne Kasereka, spécialiste dans la dynamique des conflits dans la région des Grands Lacs. En conservant cette collaboration militaire, Félix Tshisekedi lie en quelque sorte les mains de Kampala pour l’empêcher de prendre ouvertement parti au conflit en s’alignant officiellement aux côtés de Kigali.

Sécuriser les infrastructures routières

Au-delà de la question du M23, la RDC et l’Ouganda font face à des menaces communes, notamment de la part de groupes armés comme les FDA ou la Armée de résistance du Seigneur (ARS) du seigneur de guerre ougandais Joseph Kony. Cette coopération sécuritaire permet des opérations militaires conjointes pour stabiliser les zones frontalières. L’armée ougandaise combat par moments des rebelles de CODECO (Coopérative pour le développement du Congo). En travaillant ensemble, les deux pays peuvent mieux contrôler leurs frontières, réduire les incursions armées et les trafics illégaux (armes, minerais, etc.). Mais la RDC et l’Ouganda ont également un précieux projet à préserver ensemble : les routes transfrontalières.

En 2021, Félix Tshisekedi et Yoweri Kaguta Museveni avaient signé un protocole d’accord pour la construction et la modernisation de la route transafricaine de Mpondwe-Kasindi en passant par Beni, puis Bunagana jusqu’à Goma, dans la cité frontalière de Lubiriha Kasindi. L’Ouganda a investi dans la construction de routes dans l’est de la RDC pour faciliter le commerce bilatéral, ce qui va désenclaver ces régions congolaises tout en boostant le commerce local. Ces routes permettent surtout à l’Ouganda d’avoir un meilleur accès aux ressources congolaises (bois, minerais, produits agricoles), et à la RDC de mieux exporter via les ports ougandais.

Tshisekedi ne devrait pas opposer Kigali et Kampala

Selon le député national Eliezer Ntambwe, la RDC et l’Ouganda seraient en train de créer une nouvelle opération qui consiste à traquer les rebelles du M23 de Bunagana à Goma. « En d’autres termes, l’Ouganda veut affronter le M23 aux côtés des FARDC », explique ce député élu de Kinshasa. Mais plusieurs analyses démentent cette option. Kinshasa ne devrait pas opposer Kampala à Kigali, c’est quasiment impossible. « Kinshasa commettrait une erreur majeure en tentant de s’immiscer directement dans la relation organique, émotionnelle et opaque qui lie Kampala à Kigali », pense The Mwami, analyste politique sur X. Ce dernier, sur son compte X, explique que ce lien entre Kigali et Kampala ne repose ni sur les traités, ni sur des échanges économiques, ni sur les institutions officielles ; mais sur des alliances supposées de sang, de loyauté clanique, de perception raciale partagée, de désir hégémonique commun aux deux potentats de part et d’autre de la petite chaîne. Ces éléments sont, selon lui, extra-institutionnels, très affectifs, mais opérants. Pour cet internaute, la RDC ne doit ni séduire ni affronter l’axe Kigali-Kampala sur leur terrain affectif. Elle doit systématiquement déplacer l’échange vers le terrain procédural, diplomatique, celui des codes, des normes, des obligations mutuelles et des dispositifs multilatéraux.

Kampala ne peut s’attaquer au M23

Même s’il est arrivé par le passé que Kampala et Kigali s’affrontent en RDC, notamment lors de la guerre de 6 jours à Kisangani, il est cependant clair que les deux pouvoirs – ayant une origine quasi commune – ne se détestent pas. D’ailleurs, la meilleure illustration de ces relations reste le tweet qui a suivi la visite du controversé général Muhoozi Kainerugaba en RDC, encensant le président rwandais Paul Kagame qu’il qualifie souvent de son « oncle ». Un jour après son départ de Kinshasa, le général Muhoozi a affirmé que les forces ougandaises et congolaises s’attaqueraient aux Wazalendo partout où elles les trouveraient, les qualifiant de “force négative”, au lendemain de son entretien avec le président Félix Tshisekedi. Cette présumée position de Kampala sur les Wazalendo pourrait susciter des tensions, alors que ces milices sont des alliées des FARDC contre la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda.

Le général Muhoozi a aussi menacé le gouverneur militaire de l’Ituri, le lieutenant-général Johnny Luboya. Si certains considèrent les propos tenus par ce général sur les réseaux sociaux comme ne représentant pas la position officielle de l’Ouganda, sa proximité avec le Rwanda et le combat que mène le M23 ne permettent cependant pas à Kampala de combattre ce groupe armé d’obédience ethnique. D’ailleurs, depuis la résurgence de cette crise du M23, le président Yoweri Museveni a toujours appelé son homologue congolais à dialoguer avec les rebelles du M23. Après avoir ouvert les discussions à Doha, au Qatar, il est difficile de revoir une option militaire contre ces rebelles. Sauf si le groupe de Sultani Makenga exigeait l’impossible au gouvernement congolais dans ses revendications à Doha.

Contrairement au Rwanda, l’Ouganda a choisi la voie d’une coopération formelle. Cette collaboration est stratégique pour renforcer la sécurité régionale, développer les infrastructures transfrontalières, dynamiser l’économie locale, et favoriser une stabilité politique durable entre deux pays historiquement liés mais souvent conflictuels. Kigali a souvent été gêné de constater un tel niveau de coopération sécuritaire et économique avec l’Ouganda alors que Félix Tshisekedi lui a refusé le droit de poursuivre sur le sol congolais les rebelles des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Même si l’accord de paix négocié entre Kinshasa et Kigali à Washington prévoit un renforcement du mécanisme régional de commerce, l’Ouganda, point de sortie majeur de l’or ou du café congolais, souvent issus de la contrebande, pourra toujours jouer sa partition.

Heshima

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Diplomatie RDC vs Rwanda : l’autre grande guerre

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Alors que les combats font rage dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), Kinshasa mène une guerre silencieuse mais décisive : celle des couloirs diplomatiques. Entre 2021 et 2024, face à un Rwanda soutenant le mouvement rebelle M23, la RDC a déployé une stratégie diplomatique audacieuse, transformant sa vulnérabilité en arme stratégique. Sanctions internationales, condamnations multilatérales, rapports accablants de l’ONU, pressions institutionnelles et une ascension remarquée au Conseil de sécurité : Kinshasa a multiplié les victoires, isolant progressivement Kigali sur la scène mondiale. Mais ces succès, aussi retentissants soient-ils, suffisent-ils à apaiser une crise humanitaire qui s’aggrave ?

Si le M23 est un poignard dans le flanc de la RDC, les sanctions internationales sont une tenaille serrant le Rwanda. Depuis 2021, Kinshasa a su mobiliser ses partenaires pour faire reconnaître le rôle déstabilisateur de Kigali. En août 2023, les États-Unis ont frappé fort en sanctionnant le ministre rwandais de l’Intégration régionale, James Kabarebe, le Brigadier Général Andrew Nyamvumba et d’autres responsables militaires rwandais pour leur implication aux côtés du M23. Selon un article de RFI de mars 2024, ces mesures ont gelé 50 millions de dollars d’actifs rwandais liés au conflit, un coup dur pour l’économie de Kigali. L’Union européenne, bien que plus prudente, a emboîté le pas avec des déclarations cinglantes. En décembre 2022, Bruxelles exhortait le Rwanda à cesser tout soutien au M23, menaçant de suspendre des aides cruciales. Ces pressions ont culminé en 2025 avec des sanctions formelles de l’Union européenne, mais c’est l’offensive diplomatique congolaise de 2021 à 2024 qui a préparé le terrain.

Pour Pascal Kalaba, activiste d’une ONG basée à Goma, ces sanctions sont un symbole : « Elles sont un baume pour notre dignité, mais les armes continuent de traverser la frontière. » Les chancelleries occidentales, historiquement proches du Rwanda, commencent à vaciller face aux preuves accumulées. Kinshasa, jadis perçue comme un géant désordonné, a su transformer ces sanctions en levier, obligeant Kigali à justifier ses actions sur la scène internationale.

La CEEAC, champ de bataille institutionnel

La Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) est devenue un théâtre inattendu de cette guerre diplomatique. Lors de sa présidence de la CEEAC, de février 2023 à février 2024, la RDC a manœuvré avec habileté pour marginaliser le Rwanda. Kinshasa a dénoncé sans relâche l’instrumentalisation de l’organisation par Kigali, accusé de bloquer les initiatives régionales pour la paix. Ces tensions, documentées dans les communiqués officiels de la CEEAC, ont atteint leur paroxysme en juin 2025, lorsque le Rwanda a annoncé son retrait de l’organisation. Selon Jeune Afrique, ce départ est une « capitulation face à l’offensive diplomatique congolaise », un revers majeur pour Kigali, qui perd ainsi une plateforme d’influence régionale.

Dr. Simone Tenda, chercheuse au Centre d’études stratégiques de Kinshasa, analyse : « La RDC a transformé sa présidence en une arme, montrant que Kigali ne peut plus agir impunément dans les institutions africaines. » Ce succès, fruit d’une diplomatie patiente, illustre la capacité de Kinshasa à rallier ses voisins autour d’une cause commune : la dénonciation du rôle du Rwanda dans l’instabilité régionale.

New York, nouvelle forteresse congolaise

L’élection de la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU en juin 2025 en qualité de membre non-permanent, marque un sommet dans cette bataille diplomatique. Obtenue avec 183 voix sur 188, cette victoire reflète les efforts soutenus de Kinshasa pour amplifier la voix des Congolais sur la scène mondiale. Entre 2021 et 2024, la RDC a obtenu le soutien de trois résolutions onusiennes condamnant les violences dans l’Est du pays, un record qui a consolidé sa crédibilité. Ces textes pointent invariablement vers le M23 et, par ricochet, vers son soutien rwandais.

Cette ascension au Conseil de sécurité n’est pas un hasard. Elle découle d’une campagne diplomatique méthodique, où Kinshasa a su mobiliser le Groupe des États africains et ses alliés bilatéraux. Pour la RDC, New York est désormais une tribune pour maintenir la pression constante sur Kigali, un atout qui pourrait influencer les futures décisions internationales.

Condamnations multilatérales : l’Afrique s’élève

Au-delà des Nations unies, la RDC a remporté des victoires significatives auprès des organisations africaines. L’Union Africaine (UA), via son Conseil de paix et de sécurité, a adopté en février 2023 un communiqué cinglant, condamnant les abus des groupes armés dans l’Est de la RDC et exigeant leur retrait immédiat. Bien que le Rwanda ne soit pas nommé directement, le message est clair : les soutiens externes, comme ceux dont bénéficie le M23, sont dans la ligne de mire. La SADC, quant à elle, a multiplié les sommets extraordinaires, notamment en novembre 2024, pour condamner les violations du cessez-le-feu par le M23. Ces positions, soutenues par des leaders régionaux, ont renforcé l’isolation de Kigali.

Ces condamnations multilatérales sont le fruit d’une diplomatie congolaise active, capable de transformer une crise locale en enjeu continental. « Le Rwanda se retrouve dos au mur : ses alliés lui tournent le dos », note une analyse du Congo Intelligence Group. Kinshasa a su exploiter ces forums pour construire un consensus africain, un exploit qui, il y a quelques années, semblait hors de portée.

Les rapports de l’ONU : une vérité irréfutable

Rien n’a été plus déterminant que les rapports du Groupe d’experts de l’ONU. En août 2022, un premier document révélait des « preuves solides » du soutien militaire rwandais au M23, confirmant les accusations portées par Kinshasa. Le rapport de décembre 2023 enfonce le clou, présentant des « preuves irréfutables » d’un soutien logistique et financier de Kigali au groupe rebelle. Ces conclusions, basées sur des témoignages, des images satellites et des documents saisis, ont donné à la RDC un atout maître : une validation internationale incontestable.

Ces rapports ont servi de socle à toutes les actions diplomatiques de Kinshasa, des sanctions aux condamnations multilatérales. Ils ont transformé les accusations en faits, obligeant Kigali à se retrancher dans une position défensive. « Ces documents sont notre bouclier, mais aussi notre lance », confie une source diplomatique congolaise restée anonyme. Grâce à eux, la RDC a pu construire un narratif solide, crédibilisant ses revendications sur la scène mondiale.

Une victoire à quel prix ?

Les victoires diplomatiques de la RDC sont indéniables. Le 18 juin, les deux Etats ont paraphé un accord de paix, prélude à la signature prochaine de ce document qui prévoit le retrait des troupes rwandaises du sol congolais. En trois ans, Kinshasa a réussi à transformer sa position de victime en celle d’un acteur géopolitique redoutable, capable d’isoler un Rwanda autrefois intouchable. Les sanctions, le retrait de la CEEAC, l’élection au Conseil de sécurité, les condamnations multilatérales et les rapports de l’ONU forment un arsenal diplomatique impressionnant. Pourtant, une question lancinante demeure : à quoi servent ces succès lorsque des millions de Congolais restent déplacés, pris en étau dans une crise humanitaire sans fin ?

Le paradoxe est cruel. Si les sanctions sont une tenaille et les résolutions un bouclier, elles n’ont pas encore désarmé le M23. Les combats persistent et la souffrance des populations s’aggrave. « Nous savons que Kinshasa gagne des batailles diplomatiques, mais  la dignité ne se mange pas. C’est tout de même un pas vers la paix .», soupire le Dr Simone Tenda. La RDC devra transformer ces victoires en paix concrète, une tâche qui exigera bien plus que des mots et des votes. La guerre silencieuse est un pas, mais le chemin vers la victoire finale reste semé d’embûches.

Heshima Magazine

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Accord de paix RDC-Rwanda : le point sur l’intégration des rebelles fait grincer des dents

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Un accord de paix entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda a été paraphé, le 18 juin 2025, à Washington, aux Etats-Unis d’Amérique. Sa signature au niveau ministériel est prévue pour le 27 juin. Le texte, qui vise à mettre fin au conflit entre les deux pays, prévoit notamment le désengagement des groupes armés et le respect de l’intégrité territoriale. Mais parmi les cinq points retenus dans cet accord sous la médiation américaine, il y a aussi l’intégration des rebelles. Un point qui fait réagir en RDC.

Après près de trois mois de négociation, la RDC et le Rwanda ont enfin paraphé le texte d’un accord de paix, sous la médiation des États-Unis et en présence d’un représentant du Qatar. Ce document sera soumis à l’appréciation des ministres des Affaires étrangères de ces deux pays, avant sa signature, le 27 juin, en présence du secrétaire d’État américain Marco Rubio. Ce même document sera ensuite signé par les deux chefs d’Etat, le Congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame à Washington, D.C. en présence du président américain Donald Trump.

Le texte paraphé par les équipes techniques de ces deux pays s’appuie sur la « Déclaration de principes » signée le 25 avril 2025 toujours à Washington. Cet accord, rédigé en cinq points majeurs, porte sur les enjeux politiques, sécuritaires et économiques. Il comprend notamment des dispositions sur « le désengagement, le désarmement et l’intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques » mais aussi la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du pays, ainsi que l’accès humanitaire, d’après le communiqué conjoint publié par le Département d’Etat américain. Il y figure aussi la création d’un cadre d’intégration économique régional mais également un mécanisme conjoint de coordination pour la sécurité. Ce mécanisme va incorporer le CONOPs (Concept des opérations) décidé autrefois à Luanda. En clair, c’est un cadre d’échange de renseignements entre les deux pays pour restaurer la confiance entre les deux parties.

Si l’accord paraphé peut être salué par des Congolais, un point dans ce document suscite l’inquiétude : c’est l’intégration conditionnelle des groupes armés. « L’évocation d’une « intégration conditionnelle » sans les détails nécessaires risque fort de générer une vive indignation. Pour cette raison, il est crucial de fournir des explications exhaustives », a réagi Jonathan David Mbombo à la publication de l’annonce de cet accord par Tina Salama, porte-parole du chef de l’Etat. Celle-ci est revenue pour expliquer qu’une « intégration conditionnelle » sera faite « uniquement sur la base du Programme de Désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation (P-DDRCS) qui, en réalité, reflète notre position sur le respect du processus de Nairobi ». Ce processus, faut-il le rappeler, prévoyait l’intégration des groupes armés « au cas par cas ».

Une intégration qui rappelle les démons du passé

Les Congolais se souviennent des épisodes douloureux liés à l’intégration des rebelles au sein des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Au terme de la deuxième guerre du Congo, le dialogue intercongolais avait conduit à l’Accord global et inclusif de Pretoria signé en 2002. Cet accord visait, entre autres, l’unification des différentes factions armées dans une armée nationale réformée : les FARDC. Ce brassage avait donc mis ensemble les combattants issus de différents groupes armés (gouvernementaux, rebelles, milices). Ils ont été formés ensemble dans des centres militaires afin de créer une armée républicaine unifiée, disciplinée, apolitique et professionnelle. Ce premier cycle de brassage n’avait pas épargné le pays d’une nouvelle rébellion. En 2007, certains anciens rebelles brassés ont créé avec Laurent Nkunda une nouvelle rébellion : le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). Ce mouvement rebelle dirigé par Laurent Nkunda sera de nouveau intégré dans les FARDC suite à des négociations avec le gouvernement. C’est le fameux accord du 23 mars 2009. Ce processus a donné lieu à une intégration sans brassage effectif, souvent appelée « mixage », qui sera fortement critiquée.

Failles et fragilité du mixage de 2009

Beaucoup d’anciens rebelles intégrés au sein de l’armée nationale avaient conservé leurs chaînes de commandement parallèles. La discipline et la loyauté à l’État étaient devenues problématiques. Le cas du général Bosco Ntaganda, ex-CNDP devenu officier FARDC, illustre bien ces défaillances. Des officiers mixés comme le colonel Jules Mutebusi, nommé commandant adjoint de la 12ème région militaire, refusaient d’obéir aux ordres de son titulaire. Ce qui avait provoqué des affrontements à Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu mais aussi dans les localités environnantes. L’échec de ce brassage avait contribué à la naissance du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe issu de l’ancien groupe rebelle le CNDP. Les éléments du M23 se mutinent et affrontent les FARDC en 2012, au point de faire chuter la ville de Goma pendant environ une semaine. Ils s’étaient retirés sans affrontement après des appels de la communauté internationale mais aussi de l’Ouganda voisin.

La crainte d’un cercle vicieux…

Après avoir vécu une telle expérience sur l’intégration des éléments rebelles, plusieurs Congolais perçoivent l’annonce d’une nouvelle intégration quoique « conditionnelle » comme étant une mauvaise répétition de l’histoire. « C’est un cercle vicieux », commente un internaute à l’annonce de ce point dans le nouvel accord de paix paraphé à Washington.

Dans la marche de la RDC post-AFDL, le processus de brassage dans les FARDC a été une tentative importante de reconstruction nationale, mais ses résultats ont été mitigés. Il a permis d’éviter un éclatement total du pays après la guerre, mais n’a pas réussi à forger une armée réellement unifiée, professionnelle et disciplinée. Les FARDC qui commencent une nouvelle réforme avec la loi sur la programmation militaire risque de prendre un nouveau coup d’arrêt si ce volet du nouvel accord n’est pas bien pris en charge afin d’éviter une mauvaise répétition de l’histoire.

Heshima

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