Les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), soutenus par Kigali, poursuivent leur avancée dans les territoires du Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Face à cette persistance de l’insécurité, le Président de la République, Félix Tshisekedi, a appelé à une collaboration régionale. Cependant, les approches divergent quant aux solutions.
La crise sécuritaire s’intensifie dans la province du Nord-Kivu, où les rebelles du M23 ont repris les combats depuis plus d’une dizaine de jours. Après avoir pénétré une partie du territoire de Walikale, ce mouvement rebelle vise désormais le contrôle de la cité de Pinga. Face à cette avancée, Félix Tshisekedi a plaidé pour une coopération renforcée afin de parvenir à la paix et à la sécurité. « Nous aspirons à une collaboration régionale renforcée pour éradiquer les sources d’instabilité et promouvoir un climat favorable aux affaires et au développement dans toute la région », a-t-il déclaré lors d’un sommet du COMESA, le 31 octobre à Bujumbura, au Burundi.
Le 30 octobre, lors d’une entrevue à Entebbe avec le président ougandais Yoweri Museveni, la sécurité régionale a occupé une place importante dans les discussions. Cependant, Museveni est connu pour sa position en faveur du dialogue avec le M23, estimant qu’il n’existe pas de solution militaire à cette crise.
Résultats mitigés du processus de paix de Luanda
En Angola, le gouvernement congolais s’est engagé depuis novembre 2022 dans des pourparlers avec le Rwanda, principal soutien du M23. Cependant, le processus de paix de Luanda n’a jusqu’ici produit que des résultats limités. Malgré un cessez-le-feu fragile instauré le 4 août, puis rompu unilatéralement par le M23 en octobre, les avancées sont restées insuffisantes. Un plan commun de neutralisation des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) a été signé entre Kinshasa et Kigali, avec pour objectif le retrait des forces rwandaises du territoire congolais, une condition que le Rwanda tarde à accepter formellement malgré la signature de ce plan.
Le dialogue avec le M23 : une option controversée
Comme l’Ouganda, le Rwanda estime que la solution à la crise du M23 devrait être politique. Kigali justifie sa position en invoquant la menace que représentent les FDLR pour sa sécurité, une milice constituée d’anciens responsables hutus impliqués dans le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, aujourd’hui réfugiés en RDC. Le Rwanda préconise un dialogue direct entre le M23 et le gouvernement congolais, ce que Kinshasa refuse catégoriquement, qualifiant le M23 de mouvement « terroriste ». Le professeur Adolphe Agenonga, spécialiste des conflits armés, considère que cette divergence est le principal obstacle au processus de paix de Luanda.
Transformation en parti politique : un précédent manqué
En 2013, après la défaite militaire du M23, un accord signé à Munyonyo près de Kampala prévoyait la transformation du mouvement en parti politique. À l’issue des négociations, le gouvernement congolais avait annoncé la dissolution du M23 comme groupe armé. Lambert Mende, alors porte-parole du gouvernement, avait affirmé : « Il y a une déclaration signée par le M23 qui marque la fin de la rébellion et sa transformation en parti politique ». En contrepartie, Kinshasa s’était engagé à faciliter la démobilisation, le désarmement et la réinsertion des combattants, avec une amnistie partielle pour les faits de guerre et d’insurrection.
Le communiqué de Nairobi soulignait que ces engagements devaient permettre le retour des réfugiés et des déplacés, promouvoir la réconciliation nationale et enclencher des réformes en matière de sécurité et d’économie. Cependant, ces résolutions n’ont jamais été appliquées, et les ex-rebelles ont resurgi depuis fin 2021.
Ressources naturelles en jeu
Le gouvernement congolais voit dans le soutien de Kigali au M23 une stratégie pour maintenir le pillage des ressources naturelles de l’Est de la RDC. Pour Kinshasa, les arguments de Kigali concernant les M23 et FDLR ne sont que des prétextes. Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, explique : « Depuis le début de cette crise, nous avons pris des mesures pour dissiper les faux prétextes du Rwanda, qu’il s’agisse de la question des réfugiés, abordée dans un accord avec le HCR, ou de la menace supposée des FDLR, qui ne posent pas un véritable problème de sécurité pour le Rwanda, mais servent d’argument pour continuer l’exploitation de nos ressources. »
Heshima