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Félix Tshisekedi : entre espoirs et incertitudes…

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La République démocratique du Congo (RDC), au cœur de l’Afrique, se trouve dans une phase politique déterminante. Chargée d’attentes populaires de renouveau démocratique et confrontée à des défis institutionnels et socio-économiques complexes, elle scrute les actions de son président, Félix Tshisekedi. Élu en 2018 et héritier politique de son père Étienne Tshisekedi, figure emblématique de l’opposition, il représente une transition qui, bien qu’historique, suscite désormais des interrogations sur son attachement aux principes démocratiques. Les trajectoires de gouvernance qu’il trace rappellent parfois des dynamiques observées ailleurs sur le continent.

L’accession de Félix Tshisekedi à la magistrature suprême avait initialement ravivé l’espoir d’une rupture nette avec des décennies de gouvernance souvent décriée pour sa corruption et sa centralisation autoritaire. Dès son investiture, l’actuel chef de l’État promettait de renforcer l’État de droit, l’amélioration des conditions des vies de sa population, de garantir la transparence et de promouvoir les libertés fondamentales. Pourtant, près de six ans après son arrivée au pouvoir, le bilan de son mandat est quelque peu mitigé, mêlant avancées ponctuelles et critiques récurrentes.

Des engagements et un bilan nuancé

Félix Tshisekedi revendique des progrès notables, notamment dans le domaine des réformes judiciaires et la lutte contre la corruption. Il met également en avant des efforts pour stabiliser des régions en proie à des conflits persistants. Cependant, ces réussites proclamées sont souvent éclipsées par des accusations d’autoritarisme croissant, de concentration excessive du pouvoir et de tensions exacerbées avec l’opposition.

Les critiques les plus vives concernent sa gestion des institutions et des contre-pouvoirs. La centralisation des leviers de l’État, présentée par ses partisans comme une nécessité pour rompre avec l’influence résiduelle de l’ancien président Joseph Kabila, a également été perçue par certains observateurs comme une tentative de monopolisation politique.

La centralisation du pouvoir : rupture ou continuité ?

L’un des moments charnières du mandat de Félix Tshisekedi a été la rupture avec l’alliance politique Front Commun pour le Congo (FCC), dirigée par Joseph Kabila. Initialement conçue comme une plateforme de transition pacifique, cette coalition (CACH-FCC) n’a pas résisté à des divergences stratégiques. En s’en émancipant, Tshisekedi a restructuré le paysage politique, donnant naissance à l’Union sacrée de la nation, une coalition hétéroclite regroupant divers courants politiques.

Ce réalignement, bien qu’utile pour affermir son contrôle sur l’appareil d’État, a suscité des inquiétudes. Plusieurs nominations dans des postes stratégiques, en particulier dans le secteur judiciaire, ont été interprétées comme des mesures visant à consolider un pouvoir personnel. La gestion des institutions clés alimente ainsi les débats sur la frontière ténue entre renforcement des institutions et instrumentalisation politique.

Un climat politique sous haute tension

Les relations entre le président Tshisekedi et l’opposition se sont progressivement détériorées, créant un climat politique tendu. Des arrestations de certains acteurs politiques, des restrictions imposées à certaines manifestations publiques, ainsi que des accusations d’intimidation à l’encontre de journalistes ou d’activistes illustrent une situation préoccupante. Si le gouvernement justifie ces mesures comme nécessaires pour maintenir l’ordre, garantir la sécurité nationale et faire respecter les lois du pays, elles rappellent des tendances autoritaires observées dans d’autres régimes africains.

La société civile et l’église catholique, appellent à des mesures plus inclusives et à un dialogue apaisé pour désamorcer les tensions. Par ailleurs, les accusations d’intimidation contre des médias critiques, souvent orchestrées par des mouvements se réclamant proches du pouvoir, posent la question de l’indépendance et de la liberté de la presse en RDC.

Changement de la constitution : ambition ou péril ?

Un débat majeur sous le mandat de Félix Tshisekedi porte sur la possibilité d’une révision ou carrément d’un changement de la constitution en vigueur. Bien que cette réforme soit justifiée par certains comme une nécessité pour moderniser les institutions, d’autres y voient une manœuvre tendant à prolonger le mandat du président ou renforcer son contrôle sur l’appareil étatique.

L’histoire africaine regorge d’exemples de révisions constitutionnelles controversées, souvent présentées comme des réformes techniques mais utilisées pour consolider le pouvoir du président en exercice. En Guinée, Alpha Condé a modifié la Constitution en 2020 pour briguer un troisième mandat, déclenchant une instabilité politique majeure. A ce jour, son pays est dirigé par une junte militaire. Au Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso a suivi un schéma similaire en 2015, abolissant les limites d’âge et de mandat. En Ouganda, Yoweri Museveni s’est engagé sur la même voie, affaiblissant les institutions démocratiques du pays.

Ces exemples soulignent les risques liés à de telles réformes : elles peuvent se transformer en instruments de pérennisation autoritaire, au détriment des principes démocratiques fondamentaux.

Parallèles avec d’autres figures africaines

La trajectoire politique de Félix Tshisekedi n’est pas sans rappeler celle de plusieurs dirigeants africains ayant émergé de l’opposition pour adopter, une fois au pouvoir, des pratiques contraires à leurs engagements initiaux.

Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire

Devenu président en 2000 après des années d’opposition, son mandat a été marqué par des contestations croissantes. Son refus de céder le pouvoir en 2010 avait plongé le pays dans une crise majeure.

Alpha Condé en Guinée

Symbole de la démocratie à son élection en 2010, il a modifié la Constitution pour se maintenir au pouvoir en 2020, provoquant des manifestations massives réprimées violemment avant son renversement.

Robert Mugabe au Zimbabwe

Opposant et héros de l’indépendance devenu président en 1980, il a transformé son mandat en une longue gouvernance autoritaire, utilisant les amendements constitutionnels pour prolonger son règne jusqu’en 2017.

Ces trajectoires illustrent un schéma récurrent : une fois le pouvoir acquis, l’autoritarisme devient souvent un mécanisme de défense face aux critiques et aux pressions.

Entre espoirs et incertitudes

Avec des défis socio-économiques persistants, notamment une pauvreté endémique, un chômage élevé et des conflits armés dans l’est du pays, Félix Tshisekedi se trouve à un carrefour décisif. S’il souhaite inscrire son mandat dans l’histoire, il devra concilier stabilité politique, réformes structurelles et respect des libertés fondamentales. Le chef de l’État est donc à la croisée des chemins, surtout avec son projet de changement de la Constitution. Il devra bien manager afin de choisir la voie idéale qui garantirait la stabilité du pays.  

La RDC, riche de ses ressources naturelles et dotée d’un poids géopolitique stratégique, peut devenir un modèle de démocratie et de développement pour toute l’Afrique. Mais cela nécessitera une gouvernance véritablement inclusive, transparente et ancrée dans des institutions fortes.

La tentation de prolonger le mandat

L’histoire politique de l’Afrique enseigne que la démocratisation est un processus fragile. Si des figures comme Nelson Mandela ont incarné une gouvernance exemplaire, d’autres ont cédé à la tentation de prolonger leur pouvoir. Les choix de Félix Tshisekedi au cours des prochaines années définiront non seulement l’avenir de son mandat, mais aussi l’héritage démocratique qu’il pourrait léguer à la RDC.

Heshima

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Dialogue et réorganisation militaire : Tshisekedi tient deux fers au feu

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La grave crise sécuritaire qui sévit en République démocratique du Congo (RDC) pousse le chef de l’État, Félix Tshisekedi, à opérer de multiples changements, notamment sur le plan sécuritaire. Alors qu’un dialogue se profile à l’horizon avec les rebelles du Mouvement du 23 Mars (M23/AFC), Tshisekedi réorganise son appareil sécuritaire en nommant un nouveau conseiller spécial en matière de sécurité. À ce poste, le professeur Désiré Cashmir Eberande Kolongele succède à un autre universitaire, Jean-Louis Esambo.

Ancien directeur de cabinet intérimaire du chef de l’État et ex-ministre du Numérique, Désiré Cashmir Eberande occupera désormais le poste de conseiller spécial du président en matière de sécurité. L’ordonnance présidentielle le nommant a été lue mercredi 5 février 2025 à la télévision nationale (RTNC). Élu député national dans la circonscription de Bulungu, dans la province du Kwilu, il pilotera le puissant Conseil national de sécurité (CNS), une structure stratégique auparavant dirigée par l’ancien sécurocrate François Beya.

Depuis l’ère de Joseph Kabila, ce poste a vu défiler plusieurs personnalités, telles que Pierre Lumbi, Jean Mbuyu, François Beya, Jean-Louis Esambo, et désormais Désiré Cashmir Eberande. Ce dernier aura la lourde tâche de diriger le Conseil national de sécurité dans un contexte particulièrement critique. Le pays traverse l’une des crises les plus graves de son histoire. Après avoir pris Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, le 27 janvier, les rebelles du M23, soutenus par les troupes rwandaises, ont lancé une nouvelle offensive dans l’Est du pays mercredi 5 février, reprenant leur progression vers Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu. La cité minière de Nyabibwe, située à environ 100 kilomètres de Bukavu, est déjà tombée aux mains des insurgés. Ces derniers visent désormais l’aéroport de Kavumu, avant de tenter d’atteindre Bukavu.

Tshisekedi tient deux fers au feu

Félix Tshisekedi poursuit la réorganisation de l’armée et des autres secteurs de la sécurité, malgré les revers militaires dans l’Est du pays. Parallèlement, le chef de l’État garde deux options ouvertes : l’option militaire et celle du dialogue. Si la première a montré ses limites pour l’instant, la seconde semble être la moins coûteuse en termes de pertes humaines et de préservation des maigres acquis engrangés jusqu’ici. Bien qu’il ait initialement refusé de dialoguer avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, Tshisekedi a finalement accepté les pourparlers proposés par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC). Ces discussions, qui s’inscrivent dans le cadre d’un pacte social pour la paix, incluront Corneille Nangaa et d’autres représentants du M23.

Une donne vient compliquer l’équation, c’est que Corneille Nangaa est désormais sous mandat d’arrêt international lancé par la justice militaire.  Comment va-t-il apprécier cette situation ? Comment l’ECC et la CENCO vont-elles prendre langue avec un homme recherché ? C’est là où les romains s’empoigneèrent.

Sur le plan régional, Félix Tshisekedi et son homologue rwandais, Paul Kagame, sont attendus samedi 8 février à un sommet conjoint de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), prévu à Dar es Salam, en Tanzanie. Le président du Conseil européen, António Costa, a annoncé avoir eu des échanges avec les deux chefs d’État directement concernés par cette crise. « Il faut trouver une solution durable à long terme pour la stabilité de la région », a-t-il déclaré, exprimant son espoir de voir des « discussions constructives » s’engager à Dar es Salam.

De son côté, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a salué la tenue de ce sommet conjoint SADC-CAE, prévu les 7 et 8 février. Cette organisation régionale qualifie ces assises d’« occasion cruciale » pour s’attaquer à la crise sécuritaire et humanitaire qui affecte des millions de civils dans la région des Grands Lacs.

Heshima

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RDC : la CENCO confirme l’intention de négocier avec l’AFC/M23

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La Conférence nationale épiscopale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) ont entamé des consultations avec la classe politique et la société civile. Après avoir rencontré le président de la République, Félix Tshisekedi, l’opposant Martin Fayulu et le président de l’Assemblée nationale, les prélats n’excluent pas de rencontrer l’AFC/M23 dirigée par Corneille Nangaa. Ce dialogue envisagé portera sur quoi ? C’est la grande question.

Après avoir rencontré le chef de l’État, le président de la CENCO, Monseigneur Fulgence Muteba, a échangé, le 3 février, avec le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Ce prélat a présenté à son hôte le plan de sortie de crise intitulé « Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble », préparé par son organisation. Les prélats catholiques et protestants envisagent de faire le tour de la classe politique et de la société civile pour créer une adhésion à ce projet de paix. Ils ont également rencontré, le 4 février, l’opposant Martin Fayulu, président du parti Engagement pour la citoyenneté et le développement (ECIDé). D’après le révérend Eric Nsenga de l’ECC, ces rencontres préparent un « grand forum » à venir, sans donner plus de détails sur le format de ce forum.

De son côté, le secrétaire général de la CENCO, Mgr Donatien Nshole, n’a pas fait mystère de la démarche de ces deux églises : dialoguer avec les rebelles du M23-AFC. « Nous voulons la paix. Nous voulons une solution alternative à la guerre. La guerre est menée par ceux qui ont pris les armes. Ça n’aurait pas de sens de les mettre à côté et d’espérer trouver la paix sans eux. », a déclaré Donatien Nshole, assurant que l’AFC/M23 sera aussi consultée dans le cadre des consultations menées par l’Église catholique et l’ECC.

Sur quoi portera le dialogue ?

Initier une démarche de paix et de cohésion nationale est une chose, trouver les points de divergence et les résoudre en est une autre. Le dialogue initié par les églises va porter sur quel sujet ? La remise en cause de la légitimité de Félix Tshisekedi ? L’application des accords du 23 mars pour le M23 ? L’amnistie après le massacre de près de 3000 Congolais à Goma ? L’entrée des belligérants dans les institutions, y compris l’armée et la police ? Voilà autant de questions complexes qui risquent de compliquer la démarche des prélats. Corneille Nangaa ainsi que ses partenaires du M23 voudront trouver l’absolution des crimes commis tout au long de leur croisade militaire qui les a conduits jusqu’à Goma. Kinshasa, qui risque d’aller à cette table de discussion en position de faiblesse, n’aura pas assez de marge de manœuvre pour imposer de nouvelles lignes rouges après l’occupation de Goma.

Assemblée nationale obligée de se dédire

L’Assemblée nationale, qui a convoqué une session extraordinaire le 4 février, est obligée de se dédire après avoir interdit au gouvernement, en 2022, de négocier avec le M23. L’Assemblée nationale avait déclaré, à son tour, le M23 comme étant un groupe « terroriste » et que le gouvernement ne devrait pas négocier avec eux. Cette décision est contenue dans une note de recommandation prise en novembre 2022 à l’intention du gouvernement. Avant le début des discussions avec l’AFC/M23, la chambre basse du parlement devrait alors délier les mains du gouvernement pour lui permettre de prendre langue avec ce groupe rebelle. Déjà à l’époque, Moïse Nyarugabo, alors député national, prévenait l’Assemblée nationale du risque d’une telle mesure. « Nous sommes un pays en guerre. On ne peut pas fermer toutes les portes de négociation. Ça ne serait pas sage de fermer les portes qui peuvent servir d’issue à un moment donné », avait-il déclaré après le vote d’adoption de cette recommandation. Aujourd’hui, l’évolution de la crise sécuritaire semble lui donner raison. L’enjeu majeur dans ce volet de discussion, c’est de savoir jusqu’où le gouvernement pourrait fléchir pour satisfaire les revendications de l’AFC/M23.

Heshima

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Crise sécuritaire en RDC : la CENCO peut-elle recréer l’unité autour de Tshisekedi ?

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La prise de la ville de Goma par les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et l’armée rwandaise rend quasi inévitables des discussions politiques entre Kinshasa, Kigali et même avec les rebelles. Une délégation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) pourrait rencontrer le président Félix Tshisekedi, ce lundi 3 février 2025, pour échanger probablement autour de la grave crise sécuritaire qui frappe la République démocratique du Congo (RDC). Est-ce un début de discussion avec l’opposition politique ? Décryptage.

La CENCO pourrait être reçue, ce lundi 3 février, par le président de la République, Félix Tshisekedi. Si la Présidence ne confirme pas la nouvelle, elle ne dément pas non plus l’existence d’une telle rencontre. Monseigneur Fulgence Muteba, évêque du diocèse de Lubumbashi et président de la CENCO, serait déjà à Kinshasa pour ce rendez-vous. Entre Félix Tshisekedi et les évêques catholiques, un seul sujet pourrait dominer la rencontre : la crise sécuritaire qui sévit dans les provinces du Nord-Kivu, Sud-Kivu et de l’Ituri. Après la prise de Goma par les rebelles du M23 avec l’armée rwandaise, des discussions politiques semblent devenues inévitables. Pour le secrétaire général de cette organisation, Mgr Donatien Nshole, la CENCO est prête à répondre à l’appel au dialogue, mais il est nécessaire de commencer par une rencontre avec le chef de l’État avant d’entamer les consultations avec le reste de la classe politique et sociale. « À la demande de Félix Tshisekedi de réunir tout le monde pour un dialogue, nous commencerons par le rencontrer afin de lui exposer la quintessence de notre démarche. Ensuite, nous rencontrerons les autres parties prenantes. C’est une réponse à son appel », a déclaré Mgr Nshole. À cette occasion, la CENCO pourrait exprimer son point de vue par rapport à la crise sécuritaire et évoquer d’éventuelles pistes de solution.

Dialoguer avec qui ?

Le gouvernement congolais avait tracé une ligne rouge à ne pas franchir : celle de dialoguer avec les rebelles du M23. Le président Félix Tshisekedi l’a même répété devant les diplomates, en janvier dernier, lors de la cérémonie d’échange des vœux. Devant sa famille politique de l’Union Sacrée de la Nation, il soutenait que même si les rebelles arrivaient devant sa résidence de la Cité de l’Union africaine, il ne négocierait pas avec eux. Mais face à une percée des rebelles dans le Nord-Kivu, notamment avec la prise de Goma et la menace qui pèse sur Bukavu, la donne pourrait bien changer. Les évêques risquent de se voir revêtus d’une mission plus large, celle de consulter toutes les parties : opposition politique, société civile, y compris les belligérants.

L’autre difficulté, c’est celle de voir le M23 accepter cette offre de dialogue. Alors qu’il réclamait des discussions directes avec Kinshasa, ce mouvement rebelle a, depuis un certain temps, changé de cap. Les rebelles affichent pour objectif de continuer leur offensive militaire dans l’Est de la RDC. Ce qui signifie que l’ouverture d’une négociation directe avec le gouvernement congolais, qui était jusqu’ici une exigence phare des rebelles et de leur protecteur rwandais, n’est apparemment plus considérée comme d’actualité. Corneille Nangaa affiche son désir de marcher sur Kinshasa.

Dialogue après un lourd bilan humain à Goma

Les consultations de la CENCO veulent s’ouvrir après que le pays a perdu des centaines de ses fils et filles, tombés essentiellement entre le 28 et le 30 janvier lors des affrontements entre l’armée rwandaise en appui au M23 et les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) pour le contrôle de Goma. Le bilan de ce carnage s’élève jusque-là à 773 morts et 2 880 blessés recensés dans des structures sanitaires, selon le porte-parole du gouvernement. Ces chiffres ont été rendus publics au cours d’un briefing presse co-animé avec le ministre de la Santé, Samuel Roger Kamba. Selon Patrick Muyaya, les corps sont entassés dans les tiroirs des morgues des hôpitaux.

Le ministre de la Communication et des Médias a martelé le fait que ces chiffres représentent le minimum de ce qui s’est passé. « On a enregistré des attaques contre des enfants, des nouveau-nés, la maternité. Les capacités de chirurgie sont réduites et ils reçoivent un nombre plus élevé de malades, sans oublier la coupure d’eau et d’électricité. À côté de cela, la fatigue et le stress dans lequel le personnel médical travaille. Et dans un élan de solidarité, il a été demandé à la population de donner de son sang. Cette campagne de collecte de sang a pour but d’aider ces militaires, des Wazalendo », a-t-il déclaré.

Le pays et sa tradition de dialogue

L’histoire des dialogues politiques en RDC face à la crise sécuritaire ou politique est marquée par une série d’initiatives et de négociations visant à résoudre des conflits internes et à rétablir la paix dans un contexte de violences armées récurrentes. La RDC, avec ses nombreuses régions affectées par des groupes armés, a été le théâtre de multiples dialogues au fil des décennies.

Le dialogue inter-congolais (2002-2003)

Ce dialogue est l’un des plus importants de l’histoire politique récente du pays. Il a été initié après la guerre du Congo (1998-2003) qui a opposé plusieurs factions, soutenues par des puissances étrangères, principalement le Rwanda, l’Ouganda et certaines multinationales. Le dialogue inter-congolais, facilité par l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’autres partenaires internationaux, a abouti à un accord de partage du pouvoir avec la formule d’un président de la République et de quatre vice-présidents (1+4), qui a formé un gouvernement de transition dirigé par le président Joseph Kabila, de 2003 à 2006.

Les Accords de Lusaka (1999)

Bien que précédant le dialogue inter-congolais, ces accords ont été un autre moment clé de l’histoire de la RDC. En réponse à l’intensification des conflits internes, la RDC a signé les Accords de Lusaka avec plusieurs groupes rebelles, dont le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) dirigé par Azarias Ruberwa, le RCD/KML (Kisangani Mouvement de Libération) d’Antipas Mbusa Nyamwisi et des puissances étrangères impliquées dans le conflit. Ces accords ont cherché à instaurer un cessez-le-feu et ont ouvert la voie à des négociations pour résoudre la crise sécuritaire.

Accords de Nairobi 2013-2014

Face à l’expansion territoriale du groupe rebelle M23 dans l’Est du pays, un nouveau dialogue a été lancé, soutenu par la communauté internationale. Le gouvernement congolais et les rebelles ont négocié à Nairobi, ce qui a permis de mettre fin à la rébellion en 2013, bien que les tensions sécuritaires dans la région soient restées persistantes, marquées par la présence de divers groupes armés. Mais huit ans plus tard, le mouvement a resurgi avec les mêmes parrains.

Le dialogue politique national (2016)

La crise sécuritaire, couplée aux tensions politiques internes concernant la fin du mandat de l’ancien président Joseph Kabila, a conduit à un autre dialogue en 2016. Ce dernier, surnommé « dialogue de la Cité de l’Union africaine » et facilité par l’ancien Premier ministre togolais, Edem Kodjo, visait à résoudre la crise électorale et à trouver un consensus sur la gestion de la transition. Mais l’accord n’avait pas permis de fédérer toute l’opposition. Un autre round a été ouvert, en décembre 2016, sous la médiation de la CENCO. Un accord de transition a été trouvé, permettant de prolonger le mandat de Joseph Kabila jusqu’à l’élection de 2018. La crise sécuritaire, quant à elle, a continué de se renforcer avec les rebelles ADF au Nord-Kivu et en Ituri, mais aussi avec la CODECO. Toutefois, le dialogue a permis de stabiliser la situation politique à court terme.

Les initiatives récentes et le rôle de la MONUSCO

Avec l’intensification des violences dans l’Est de la RDC, des dialogues se poursuivent, mais sont de plus en plus complexes. L’ONU, à travers la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en RDC (MONUSCO), intervient militairement et diplomatiquement pour essayer d’apaiser les tensions. Le gouvernement congolais et les groupes rebelles continuent de participer à des pourparlers de paix, bien que les résultats restent fragiles. Comme c’est le cas avec le processus de Nairobi, qui avait réuni plusieurs groupes armés, notamment le M23. Mais ce dernier avait quitté la table de discussion pour reprendre les armes jusqu’à ce jour.

Heshima

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